1ère partie : Expansion de l’OTAN : Les origines de la grave crise actuelle
2ème partie : Expansion de l’OTAN : Les origines de la grave crise actuelle
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par Olivier Berruyer
VIII. 2008-2010 : L’agression de la Russie par la Géorgie tout juste adoubée par l’OTAN
Alors que la Russie venait l’année précédente de plaider pour un renouveau du partenariat avec l’Occident, l’OTAN fit un pas de plus vers le désastre, en promettant le 3 avril 2008 à l’Ukraine et à la Géorgie qu’elles rejoindraient l’organisation.
Mais face au désaccord entre George Bush d’une part, favorable à une adhésion, et d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, très réticents, aucune date n’a été avancée. Cela a été défini comme la politique de « la porte ouverte »,.
La légèreté de ceci transparait bien dans ce bref résumé du sommet :
« C’était un compromis de dernière minute, arraché pour éviter l’embarras d’un sommet de l’OTAN qui se serait sinon conclu sans annonce forte. En ce mois d’avril 2008, dans la capitale roumaine de Bucarest, les lignes sont clairement tracées : le président américain George W. Bush veut offrir à la Géorgie ainsi qu’à l’Ukraine un « plan d’action pour l’adhésion », ou MAP, c’est-à-dire une feuille de route qui déboucherait sur l’adhésion de ces deux pays frontaliers de la Russie à l’alliance militaire nord-atlantique.
Face à lui, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont unis dans leur opposition, craignant qu’une telle annonce ne soit vue comme une provocation. Ils ne sont, certes, pas les seuls. En amont du sommet, l’ambassadeur américain à Moscou, William J. Burns, avait câblé à Washington son inquiétude : « L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est la plus rouge des lignes rouges pour l’élite russe », écrit-il, ajoutant entre parenthèses « pas seulement Poutine ».
C’est avec la médiation du Royaume-Uni que le compromis est finalement trouvé, et ancré dans un communiqué de presse : « Nous sommes d’accord pour dire que (l’Ukraine et la Géorgie) deviendront membres de l’OTAN. » Le MAP, processus très concret qui aurait eu valeur de pré-adhésion, laisse place à une vague promesse dépourvue de calendrier. »
Ted Charpentier conclut :
« En privé, cependant, quelques responsables plus perspicaces ont reconnu que les relations avec la Russie n’avaient pas été bien gérées. Dans ses mémoires, Devoir, Robert M. Gates, qui a été secrétaire à la Défense dans les administrations de George W. Bush et de Barack Obama, a fait des aveux intéressants. « Quand j’ai rapporté au président mon point de vue sur la conférence de Munich, j’ai partagé ma conviction qu’à partir de 1993, l’Occident, et en particulier les États-Unis, avaient gravement sous-estimé l’ampleur de l’humiliation russe en perdant la guerre froide » Pourtant, même cette évaluation brutale donnée à Bush n’a pas pleinement saisi les vues de Gates sur la question. « Ce que je n’ai pas dit au président, c’est que je pensais que les relations avec la Russie avaient été mal gérées après que [George HW] Bush a quitté ses fonctions en 1993. » Entre autres faux pas, « les accords américains avec les gouvernements roumain et bulgare pour faire tourner les troupes dans les bases de ces pays étaient une provocation inutile ». Dans une réprimande implicite au jeune Bush, Gates a affirmé que « tenter de faire entrer la Géorgie et l’Ukraine dans l’OTAN était vraiment exagéré ». Cette décision, a-t-il soutenu, était un cas « d’ignorance imprudente de ce que les Russes considéraient comme leurs propres intérêts nationaux vitaux ». »
En 2007, Poutine avait bien indiqué que qu’elle s’opposait à l’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’OTAN au vu des menaces pour sa sécurité.
Ses craintes ne sont hélas pas restées vaines puisque, enhardie par ce soutein de l’OTAN, dans la nuit du 7 au 8 août 2008, après plusieurs jours d’accrochages frontaliers entre la milice des séparatistes sud-ossètes, soutenue et formée par la Russie, et l’armée géorgienne, les hostilités commencent par un assaut des troupes géorgiennes qui fait 12 morts dans les forces de maintien de la paix de la Communauté des États indépendants (CEI, à prépondérance russe) et 162 victimes sud-ossètes selon le bilan officiel de la Justice russe donné en fin d’année 2008. S’en suivent cinq jours de combats acharnés,,.
Malgré la propagande récurrente, la responsabilité du déclenchement du conflit est établie :
Le 1er avril 2009, la Croatie et l’Albanie intègrent l’OTAN.
Le 17 août 2009, « l’alliance purement défensive de l’OTAN » lance l’Opération Ocean Shield (Bouclier océanique [sic.]) visant à détruire des navires de pirates le long de la côte est-africaine. Elle a duré 7 ans.
IX. 2011 : la trahison de la Russie par l’OTAN en Libye
Le 17 mars 2011, « l’alliance purement défensive de l’OTAN » lance l’Opération Unified Protector visant à bombarder la Libye – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. Il y a eu près de 7000 sorties aériennes en 7 mois.
Comme pour le Kosovo une dizaine d’année auparavant, l’opération est basée sur une opération de propagande de guerre mensongère grossière, faisant état de massacres à grande échelle par Kadhafi contre sa population, :
BHL joua un important rôle dans cette propagande de guerre :
On sait aujourd’hui que ceci était faux, et quand, il y avait des combats, c’était face à des djihadistes, comme le rappelle Patrick Haimzadeh (ancien diplomate français en Libye, qui est un de nos spécialistes de ce pays) :
Contrairement à son homologue français, le parlement britannique a clairement établi les mensonges et la responsabilité française dans cette guerre, :
Fabrice Arfi a également fait la lumière sur cette opération :
Cette guerre a au final miné la confiance de la Russie dans l’OTAN, celle-ci ayant violé l’accord obtenu avec elle au Conseil de sécurité de l’ONU.
X. 2012-2020 : En route vers le mur
Depuis décembre 2012, l’OTAN mène l’Opération Active Fence, qui vise à protéger la région de la frontière sud de la Turquie avec la Syrie dans le cadre de la guerre civile syrienne, par le déploiement de missiles Patriot.
Après la crise politique qui suit le coup d’État du Maïdan, l’Ukraine a abandonné son statut de « pays non-aligné » fin 2014.
En 2017, le Monténégro intègre l’OTAN.
En 2019, l’Ukraine a inscrit dans sa Constitution sa volonté d’adhérer à l’UE et à l’OTAN.
Le 27 mars 2020, la République de Macédoine du Nord est devenue le 30ème État membre.
En juin 2020, l’OTAN a accordé à l’Ukraine le statut de partenaire « nouvelles opportunités ».
En février 2021, le président ukrainien a indiqué que sa première question à Joe Biden concernerait l’adhésion de son pays à l’OTAN.
En juin 2021, le président ukrainien a demandé à Biden de lui répondre par « oui » ou « non » pour l’adhésion de l’Ukraine.
En septembre 2021, le président ukrainien a rencontré Biden, et lui a demandé… d’accélérer l’adhésion de l’Ukraine.
Le 21 octobre 2021, la Russie indique qu’elle estime que la taille de l’armement militaire de l’Ukraine opéré par l’OTAN menace sa sécurité, même si l’Ukraine n’est pas encore membre de l’OTAN.
En effet selon Lawrence Freedman, professeur émérite d’étude des conflits au King’s College de Londres :
« C’est pour cela que l’on a cette crise. Pas tant à cause de la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais parce que les Russes considèrent que la coopération actuelle entre l’OTAN et l’Ukraine équivaut à une adhésion de facto. Il est important de comprendre le point de vue de Poutine, mais il faut aussi voir que tout cela découle des actions qu’il a entreprises en Ukraine en 2014. C’était une énorme erreur de jugement de sa part et il n’est plus possible de revenir en arrière. »
Biden n’ayant pas refusé, la Russie a commencé à déplacer certains de ses soldats près de la frontière russo-ukrainienne. C’était un message clair, encore plus clairement exprimé le 18 novembre 2021 : pour Poutine, l’Occident prend les lignes rouges de la Russie bien trop à la légère.
Le 30 novembre 2021, il a confirmé que cela concernait bien l’expansion vers l’Est de l’OTAN.
Le 7 décembre 2021, il a demandé à Biden des garanties sur le non-élargissement de l’OTAN.
Le 9 décembre 2021, la réponse de Biden est de dire à l’Ukraine que son adhésion à l’OTAN repose entre ses mains.
Le 10 décembre 2021, l’OTAN refuse de donner à la Russie les garanties qu’elle demande.
Le 16 décembre 2021, le président ukrainien est reçu à l’OTAN.
et dans la foulée de ce sommet, l’OTAN et l’UE menacent la Russie.
La Russie a alors demandé par écrit aux États-Unis un engagement à ne plus étendre l’OTAN, ainsi que des garanties de sécurité. Des négociations se sont alors engagées début 2022, mais elles n’ont pas débouché sur un accord.
C’est un cas classique d’escalade dans l’incompréhension. L’Ukraine se sent menacée, veut adhérer à l’OTAN, donc la Russie réagit, ce qui renforce la menace perçue par l’Ukraine, qui s’arme, etc. À ce stade, l’important n’est clairement plus de chercher un coupable, mais de chercher – et trouver – des solutions.
Espérons donc que la sagesse et la diplomatie l’emporteront, et que notre gouvernement défendra nos intérêts propres, et non pas ceux (d’une partie) de l’Ukraine ou ceux des marchands d’armes , comme le souligne l’américaine Tulsi Gabbard.
Biden can very easily prevent a war with Russia by guaranteeing that Ukraine will not become a member of NATO. It is not in our national security interests for Ukraine to become a member of NATO anyway, so why not give Russia that assurance? Is it because … pic.twitter.com/ZSlZYBrtP4
— Tulsi Gabbard (@TulsiGabbard) February 13, 2022
XI. 2022 : Et maintenant ?
Au regard des éléments que nous venons de présenter, nous comprenons mieux la rage de Stephen Wait, professeur de relations internationales à Harvard, lorsqu’il écrit que « la grande tragédie est de voir à quel point il aurait été simple d’éviter cette crise ».
Mais, étrangement, cela ne semble pas aussi simple pour tout le monde :
Cette crise montre l’incompétence de la diplomatie occidentale, empêtrée dans une promesse à l’Ukraine faite à la légère il y a 15 ans. Les pays membres, en particulier la France et l’Allemagne, comprennent bien qu’ils ne peuvent la concrétiser, car cela déclenchera une gigantesque crise avec la Russie, mais ils ne veulent pas perdre la face et revenir sur leur promesse : comme avec la Crimée, ils se sont mis dans une situation apparemment inextricable.
Mais, en réalité, il y a différentes solutions. Par exemple, une d’elle pourrai être décidée seul par le président Macron : indiquer que la France met son véto à toute extension de l’OTAN, à commencer par l’Ukraine et la Géorgie et mettre en place pour ces pays un statut d’État neutre, garantissant leur sécurité, leur permettant de coopérer avec tous leurs voisins, ce qui les protégera finalement bien mieux. D’autant qu’on imagine très mal les États-Unis mettre en péril leur existence pour des problèmes frontaliers de l’autre côté de la Planète. II est d’ailleurs possible l’Ukraine, comprenant qu’en réalité elle ne rentrera probablement jamais formellement dans l’OTAN décide de se retirer du processus d’intégration et choisisse de rester neutre pour assurer sa sécurité.
Rappelons enfin que, non seulement l’extension de l’OTAN n’a rien d’obligatoire, mais qu’en 1990, certains percevaient très bien le danger de laisser persister un bloc unique, qui se chercherait forcément un ennemi pour justifier son existence.
Pour conclure, il est important de comprendre que la crise actuelle n’a rien de soudain ni d’imprévisible. Elle a été longuement construite et elle avait donc pu être annoncée il y a 25 ans par les plus grands spécialistes (très rarement invités dans les médias). Terminons donc en donnant, de nouveau, la parole à George Kennan :
source : Les Crises
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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