Par Andrew Korybko − Le 8 octobre 2022 − Source OneWorld Press
Pour les opposants de la Russie, même les dégâts causés au pont de Crimée par une probable attaque par camion suicide méritent d’être glorifiés, de manière machiavélique, « la fin justifiant les moyens ». Ce positionnement réfute totalement l’ensemble de l’« ordre basé sur des règles » revendiqué par les États-Unis.
La guerre de l’OTAN contre la Russie, menée par les États-Unis au travers de l’intermédiaire ukrainien est présentée par le Milliard Doré occidental comme un soutien à des soi-disant « valeurs occidentales », mais celles-ci intègrent désormais un ajout tout à fait particulier aux notions déjà subjectives de « démocratie » et de « droits de l’homme » : on célèbre désormais les attaques terroristes menées contre des infrastructures civiles. Le pont de Crimée vient de subir des dégâts, suite à ce qui est très probablement selon la vidéosurveillance une attaque suicide menée par un camion, mais des influenceurs clés, comme Mikhail Podolyak, conseiller en chef de Zelensky ou le sinistre théoricien du complot Adam Kinzinger ont glorifié cette provocation, suivis par leurs nombreux larbins et trolls associés dans les médias.
Ils affirment que cette infrastructure civile était utilisées de plusieurs manières, notablement avec les applications militaires en lien avec le soutien logistique de l’opération spéciale russe en Ukraine, ce qui en faisait une « cible légitime ». Ils font également mention de l’opposition par Kiev à la construction de ce pont sur un territoire encore revendiqué par Kiev — qui ne le contrôle pas, après que les habitants de la région se sont prononcés au printemps 2014 avec un score écrasant pour la réunification de leur région avec leur patrie russe historique. Comme « la fin justifie les moyens », selon leurs calculs machiavéliques, même les dégâts causés au pont de Crimée par une probable attaque terroriste suicide au camion piégé mérite d’être glorifiée. Ce positionnement discrédite totalement l’ensemble de l’« ordre basé sur des règles » revendiqué par les États-Unis.
Pour développer, ce concept n’a jamais constitué qu’une rhétorique de haut niveau visant à dissimuler la mise en œuvre arbitraire d’un système de deux poids, deux mesures destiné à faire progresser les intérêts étasuniens aux dépens de ceux du reste du monde, surtout des rivaux géostratégiques comme la Russie, la Chine ou l’Iran. Dans ce contexte, l’hypocrisie est mise en lumière par la condamnation des attaques terroristes comme celles d’État Islamique contre les infrastructures civiles à double emploi (qui techniquement fait plus ou moins référence à tous les ponts construits dans le monde) dès lors qu’elles se produisent au sein de la « sphère d’influence« tout en glorifiant — potentiellement en orchestrant ou même en menant directement — ce type d’attaques dès lors qu’elles provoquent des dégâts envers les intérêts de leurs rivaux.
En contraste, les pays de l’Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS, qui intègre les trois rivaux géostratégiques susmentionnés des États-Unis) sont unis au travers de la charte de leur groupe dans les principes partagés d’opposition au terrorisme, au séparatisme et à l’extrémisme. Même dans l’hypothèse où ils entreraient dans les hostilités face à un autre État, et auraient décidé de cibler les infrastructures civiles de cet État pour avancer vers leurs objectifs militaro-stratégiques, ils le feraient donc au travers de moyens non-terroristes comme des attaques ou des sabotages conventionnels sans s’abaisser au niveau manifesté par le Milliard Doré avec une attaque terroriste à la bombe comme fortement suggéré par les images de vidéo surveillance dans l’affaire du pont de Crimée.
En amplification de la division morale entre les deux parties, le Milliard Doré, dirigé par les États-Unis, et le Grand-Sud mené par les BRICS et l’OCS, les principaux influenceurs du bloc occidental et leurs soutiens n’essaient même pas d’arguer d’un « déni plausible » dans cette affaire d’attaque terroriste, mais la célèbrent fièrement sur les réseaux sociaux. On pouvait tout à fait s’attendre à voir cette partie recourir à ces moyens en désespoir de cause d’infliger des dégâts militaires, de type soft power ou stratégiques à la partie russe, mais pas à ce qu’ils célèbrent ouvertement les louanges de l’événement. Cette observation démontre qu’ils savent eux-mêmes que le concept d’« ordre basé sur des règles » est creux et constitue une rhétorique intéressée conçue pour duper un public crédule.
Ce point étant compris, il est clair que la Nouvelle Guerre Froide entre les « camps » unipolaire et multipolaire (faute d’une meilleure description) est d’une nature profondément géostratégique et n’est pas menée par des « valeurs » comme l’affirme trompeusement le Milliard Doré. Soyons clairs, le Grand-Sud continue de s’en tenir à ses valeurs auto-proclamées pour ce qui concerne la manière dont ses membres se conduisent au sein de cette compétition mondiale dans la trajectoire de la transition systémique vers la multipolarité, mais leur objectif « idéologique »/structurel envisagé d’un ordre mondial plus démocratique, plus égal et plus juste les motive bien plus que toute autre chose. En sacrifiant ses valeurs auparavant anti-terroristes, l’Occident a démontré qu’il ne dispose d’aucune « supériorité morale ».
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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