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par Pierre Duval.
La première réunion de la Communauté politique européenne, composée de 27 membres de l’UE et de 17 pays invités, qui s’est tenue à Prague, a été le théâtre d’une furieuse joute entre les dirigeants de la Türkiye et de la Grèce. Elle a éclipsé même la question cruciale concernant l’Ukraine poussant les observateurs à se demander si le monde connaît une guerre à part entière au sein de l’OTAN entre ces deux États.
On s’attendait à ce qu’un contact conciliant ait lieu à Prague entre les dirigeants des deux pays, Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, qui se sont récemment disputés. Lors d’un meeting dans la région de la mer Noire, le président turc avait lancé à la Grèce : « Votre occupation des îles (de la mer Égée proches de la Turquie, NDLR) ne nous lie en rien. Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit ».
Euractiv signale que la Grèce et la Türkiye n’ont pas réussi à respecter la ligne de communication convenue pour montrer leur unité durant la première réunion de la Communauté politique européenne, « leurs dirigeants s’étant disputés au cours du dîner ».
Le porte-parole présidentiel de la Türkiye, İbrahim Kalın, a, juste avant la rencontre d’Astana du 12 octobre, fait savoir que « la question grecque a été inquiétante récemment » car « la Grèce mène un exercice militaire sous le nom d’exercice d’« extinction des incendies » avec le soutien qu’elle reçoit des États-Unis ». Le média turc, tout en rapportant qu’İbrahim Kalın a déclaré que la Grèce menait depuis un certain temps un projet anti-Türkiye, mais qu’il n’avait pas abouti, se demande si la Grèce est en passe de devenir l’Ukraine ?
Un jour avant, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, a fait des déclarations concernant les actions provocatrices de la Grèce : « La Grèce est très troublée de savoir que la Türkiye n’est pas seulement un acteur régional, mais aussi mondial ». Il a rajouté que les États-Unis et l’UE ne seront pas derrière la Grèce pour la soutenir dans des actions provocatrices contre la Türkiye. Il a martelé que la Grèce viole le droit international, en particulier en ce qui concerne l’espace aérien et rappelé que dans l’histoire de la Türkiye, l’armée turque a jeté les Grecs à la mer plus d’une fois.
Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, à Prague, avait lancé au président turc, Recep Tayyip Erdogan, en quittant la pièce : « Cesse enfin de douter de la souveraineté des îles grecques, au lieu de provoquer, il faut dialoguer, sans rhétorique belliqueuse et menaçante, comme le font les dirigeants responsables ». Sa tactique consistait à présenter le président turc comme un paria qui s’opposait à l’ensemble de la communauté occidentale et à présenter la Grèce comme bénéficiant du plein soutien des États-Unis et d’autres grands pays occidentaux.
De nombreux observateurs occidentaux estiment que la perspective d’un affrontement armé ouvert entre la Türkiye et la Grèce devient de plus en plus probable. Les principales pierres d’achoppement pour Ankara sont le traité de Lausanne de 1923, et pour Athènes, le mémorandum turco-libyen de 2019 qui délimite les zones de juridiction maritime des deux pays en Méditerranée, entravant l’activité économique dans la partie orientale de la Grèce et de Chypre.
En vertu du traité de Lausanne de 1923, puis du traité de paix de Paris de 1947, presque toutes les îles de la mer Égée, jusqu’à la côte continentale de la Türkiye, sont passées à la Grèce. En même temps, selon l’accord, elles devaient rester démilitarisées.
Profitant de leur grand nombre, Athènes a finalement proclamé toute la zone maritime de la mer Égée comme sa zone économique exclusive (ZEE). Ces dernières années, craignant les demandes d’Ankara de revoir une situation aussi « injuste », ils ont, contrairement à la lettre des traités de paix, commencé à déployer leurs contingents militaires sur ces îles.
À son tour, la Türkiye a adopté la doctrine navale officielle de la « Patrie bleue », rédigée par l’amiral turc à la retraite Cem Gürdeniz. Selon lui, « la Grèce et l’administration chypriote grecque pensaient pouvoir prendre 150 000 kilomètres carrés de mer à la Türkiye. Ils pensaient que les Turcs étaient des gens de la terre, pas des gens qui voyageaient par mer, et que l’UE et les États-Unis forceraient la Türkiye à l’accepter ».
La situation est devenue particulièrement tendue après la découverte d’importants gisements de gaz naturel dans l’est de la Méditerranée. La Türkiye est devenue de plus en plus exigeante en matière de révision des limites de la ZEE et d’accès à la production de gaz.
La montée des tensions entre les deux pays est également facilitée par la « provocation » constante des Grecs de Washington qui détestent de plus en plus l’indépendance et le zèle « excessifs » d’Ankara. Selon les Turcs, les États-Unis ont établi au moins dix bases militaires, y compris conjointes, en Grèce ces dernières années.
source : Observateur Continental
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