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De même que Alexandre N., dans son entretien de ce matin, nous obligeait à regarder au-delà du récit habituel de la guerre sur le terrain, Jean Goychman nous montre, ce soir, le dessous des cartes géopolitiques.
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par Jean Goychman.
Depuis plusieurs mois, une bonne partie de l’actualité au quotidien est consacrée à la guerre en Ukraine. Beaucoup de débats, de tables rondes, d’interviews d’experts (sur quels critères ces derniers sont-ils recrutés ?) sont entièrement consacrés aux actions sur le terrain, avec leur inévitable communication de guerre, jadis appelée « propagande ».
Le manque d’une vision élargie du champ de bataille
Les opérations militaires, pour spectaculaires qu’elles soient, ne sont que l’un des aspects de ce conflit. De profonds bouleversements de la planète et de son équilibre géopolitique sont en train de se produire, mais ne semblent pas être sujets au même traitement médiatique. Bien sûr, certains événements sont mentionnés dans cette actualité, comme la réunion des pays de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) qui s’est tenue il y a quelques jours en Ouzbékistan, mais sont présentés d’une façon isolée par rapport au contexte général.
Or, cette guerre est probablement la partie visible de ces profonds bouleversements.
Seuls ceux qui, pour beaucoup de raisons, ne se tiennent pas informés de la marche du monde, peuvent croire qu’un matin de février 2022, la Russie, sur un coup de tête de ses dirigeants, dont la santé mentale est remise en question par certains commentateurs, a décidé d’envahir l’Ukraine.
Pour les autres, plus au fait de la géopolitique des trente dernières années,et qui ont suivi l’extension de la zone OTAN en Europe de l’Est, la tension entre la Russie et l’OTAN était montée progressivement. Les événements de 2014 à Kiev avaient encore aggravé ce désaccord. Mais d’autre événements se sont produits plus récemment qui on joué un rôle important, sinon prépondérant.
La perte d’influence progressive de l’Occident et des États-Unis
Durant la guerre froide de l’après-guerre, le monde était divisé en deux blocs et le côté « Occidental » paraissait être le plus puissant. Cependant, cette supériorité reposait sur la présence d’alliés aux côtés des États-Unis. C’était le rôle de l’OTAN de maintenir cette cohésion occidentale.
La disparition de l’Union soviétique laissait les États-Unis seuls maître du jeu, ouvrant la voie à un monde monopolaire sous l’hégémonie de ces derniers. Le trio États-Unis, OTAN et dollar leur a permis cette domination quasiment sans partage. Comme le disait de Gaulle :
« La situation de monopole est la meilleure, surtout pour celui qui le détient… »
Ces dernières années furent marquées par une politique étrangère américaine de plus en plus belliqueuse et de moins en moins diplomatique. Mais, dans la même période, le reste du monde ne restait pas figé. En 1970, la population occidentale représentait 25% de la population mondiale pour un PIB de 90% du total. Aujourd’hui, les chiffres sont tombés à 12% (Japon compris) et 40% pour le PIB. Cette évolution de la démographie et de l’activité économique est incontournable et influence la géopolitique mondiale.
On ne peut, avec de tels chiffres, imposer un monde monopolaire qui serait dirigé par un pays dont la population ne représente que 4% de la population totale. De plus, peut-on encore parler d’un bloc occidental alors qu’on assiste à une main-mise des États-Unis sur l’Union européenne via l’OTAN, ramenant les membres de cette dernière à l’état de vassaux ?
Tout ceci semble avoir été pris en compte par la Russie. Vladimir Poutine apparaît aujourd’hui comme le seul adversaire réellement offensif de cet Occident, mais est-ce vraiment le cas ?
Vladimir Poutine est-il vraiment si isolé ?
Depuis la fin de non-recevoir manifestée par l’Union européenne à l’encontre de la Russie durant les années 2000, celle-ci s’est tournée vers l’Asie. Après le traité de Shanghai signé en 1996, suivi en 2001 de la création de l’OCS, la Russie devint un partenaire important de l’Asie, d’autant plus qu’elle était « à cheval » sur les deux continents. De son coté, la Chine se montre de plus en plus critique vis à vis de l’hégémonie américaine et cherche à étendre son influence sur toute la zone Pacifique. Le Japon demeure en apparence un indéfectible allié des États-Unis, mais les milieux financiers japonais ont gardé en mémoire l’éclatement de la bulle immobilière de Tokyo provoquée en 1988 par les excédents en dollars nourris par le déficit américain. Pour le moment, le Japon regarde avec crainte l’influence montante de la Chine, ce qui le rapproche des États-Unis, mais pour combien de temps ?
Les autres pays d’Asie semblent avoir franchi le pas, si on regarde la participation à la réunion de l’OCS, au cours de laquelle le dirigeant chinois Xi Jinping a souligné que les dirigeants doivent « travailler ensemble à la promotion d’un ordre international qui aille dans une direction plus juste et rationnelle ».
Mais l’Asie est loin d’être la seule à remettre en cause l’hégémonie américaine. L’Amérique du Sud, ayant trop subi la dictature du dollar et les ingérences américaines, des pays comme l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Bolivie et le Venezuela regardent avec intérêt ce qui est en train de se passer en Asie.
Côté africain également, où l’influence soviétique s’était partiellement exercée il y a quelques décennies, certains pays semblent de plus en plus réceptifs à ce discours. De plus en plus, le partage entre l’Occident et le reste d’un monde en train de se réunifier autour d’une conception multipolaire dont les nouveaux pôles pourraient être les continents. Cela risque d’être accéléré par un retour à l’isolationnisme américain consécutif à un éventuel retour aux affaires de Donald Trump. Cela peut également d’être très néfaste à une Union européenne qui peine à trouver sa place dans le monde actuel et qui suit tête baissée les directives américaines.
L’effet majeur des sanctions décidées par l’Occident
Il faut reconnaître que, depuis 2015 et la signature des accords de Minsk, ces derniers sont restés lettre morte. Noam Chomsky a lui même reconnu que les États-Unis avaient provoqué la Russie et que, s’ils avaient soutenu Volodymyr Zelensky afin qu’il applique les accords de Minsk, il n’y aurait pas eu de guerre. Ce qui est sûr, c’est que les deux camps avaient préparé cette guerre et que chacun avait déterminé sa stratégie. L’OTAN et L’Ukraine d’un côté, la Russie de l’autre, avait déroulé leurs plans. Vladimir Poutine est un joueur d’échecs, et sa stratégie s’en ressent. Il pressentait que les sanctions économiques, déjà en vigueur depuis 2014, allaient se renforcer et il a compris le parti qu’il pourrait en tirer en tant que principal fournisseur de pétrole et de gaz de l’Union européenne.
Mais il avait aussi joué sur le fait que bien d’autres pays seraient touchés par ces sanctions, bien que restant à priori neutres par rapport à ce conflit. Dés lors, le jeu de Vladimir Poutine consista à mettre ces pays de son côté. L’Occident et en particulier les européens, auraient dû tenir compte de ces abstentions massives à l’ONU lorsqu’il s’est agi de condamner la Russie. Emmanuel Macron lui-même, aurait dû tirer les enseignements d’un auditoire presque vide lors de son discours.
Au lieu de cela, rien. Aucune réaction. Les sanctions conduisent l’Union européenne vers une pénurie d’énergie, peu importe. Plus grave encore, en interdisant l’accès de la Russie aux paiements par SWIFT, on lui fournissait le prétexte parfait pour qu’elle exige des paiements en roubles.
Aujourd’hui, le dollar qui jouissait d’un quasi-monopole pour les échanges internationaux, n’est plus utilisé que pour 50% d’entre eux. Et cela n’est pas sans conséquence pour l’économie américaine. La FED, pour tenter d’enrayer l’inflation, augmente ses taux, ce qui affaiblit l’euro car la BCE, compte-tenu de l’endettement des pays de la zone euro, ne peut pas suivre ces augmentations. Les prix à l’importation de la zone euro augmentent considérablement, ce qui génère plus d’inflation et de perte du pouvoir d’achat. Pourtant, on continue comme si de rien n’était.
Le temps travaille pour la Russie et contre l’Occident
Tout cela, les dirigeants russes le savent. Donc ils n’ont aucune raison de négocier ou de passer à l’offensive. Le statu quo actuel semble leur convenir parfaitement. L’Ukraine n’est que le lieu d’un affrontement dont le cadre dépasse largement ses frontières. Le véritable enjeu est celui du maintien ou de la disparition à terme de l’hégémonie américaine. Dans ce combat de titans, personne ne semble se soucier du sort de l’Europe, dont les clignotants rouges s’allument les uns après les autres. Quelle responsabilité pour nos dirigeants qui auront beaucoup de mal à prétendre « qu’ils ne savaient pas ! »
source : Le Courrier des Stratèges
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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