« Je suis favorable à un nouveau train de sanctions », piaffait le 4 avril notre chef de gare tricolore, « en particulier sur le charbon et le pétrole, dont on sait qu’ils sont particulièrement douloureux. » En effet nous ne produisons ni l’un ni l’autre, donc personne ne peut savoir mieux que nous combien il va être douloureux de s’en priver.
Mais la douleur n’est-elle pas le fondement même de la démocratie ? Quoi de plus solidaire, et de plus conforme à l’essence de ce que nous sommes, que de boycotter les ressources dont nous avons le plus désespérément besoin ?
Du feu de l’action à la douche froide
Les pays libres se distinguent d’ordinaire par leur aptitude à plonger les autres dans la ruine et la désolation, alors que les régimes autocratiques (Cuba, Venezuela, Syrie etc.) n’imposent de sanction à personne, ce qui permet de les repérer plus facilement. Aux sempiternels détracteurs des valeurs que nous défendons, il convient de rappeler que de tous les systèmes répressifs, la démocratie est le seul qui ait réellement fait ses preuves.
Le fait d’être basé sur l’ingérence, le saccage et l’extorsion n’est sans doute pas pour rien dans ce succès. Mais préserver notre capacité de nuisance suppose quelquefois des sacrifices.
Dès le 1er mars, Bruno Le Maire nous annonçait un avenir radieux : « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe », claironnait-il la bave aux lèvres.
Malheureusement pour nous tous, il semble que son appel n’ait guère été entendu au-delà des murs du studio de France Info, et qu’une écrasante majorité de la population mondiale (soit la quasi totalité de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique Latine) ne manifeste aucun intérêt pour ce challenge pourtant inédit et mobilisateur, consistant à plonger tous ensemble l’État le plus vaste de la planète dans le chaos et la famine.
Outre la perdition morale qu’elle révèle, cette fin de non recevoir est d’autant plus préoccupante que jusqu’à présent, on n’avait encore jamais vu 85% de l’humanité s’isoler du monde [1].
« À la surprise générale, on retrouve parmi ces récalcitrants deux alliés traditionnels de Washington dans le Golfe persique : l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis », observe Slate le 5 avril. « La situation illustre leur convergence d’intérêts avec la Russie et leur volonté de diversifier leurs partenariats afin de renforcer leur autonomie stratégique. »
Si même des Etats aussi investis dans la dignité humaine que les monarchies du Golfe se mettent à rêver d’autonomie stratégique, nos valeurs ont du souci à se faire. Aucun chantage, aucune menace ne semblent en mesure de les ramener à la raison. A croire que la terreur, ciment du Monde Libre, a tout d’un coup cessé de fonctionner [2].
Reste que se faire lâcher en rase campagne est toujours une expérience difficile à vivre, surtout quand on planifie une mise à mort. Mais dès le 7 mars Bruno Le Maire entre en résilience, et infléchit son discours d’environ 180 degrés : « Guerre en Ukraine : Bruno Le Maire appelle tous les Français à « faire un effort » sur leur consommation d’énergie », titre La Dépêche. « Nous devons tous faire un effort », serine avec détermination l’aigle de Bercy, reconduit dans la foulée au Ministère de l’Inflation et de la Mendicité (c’était la moindre des choses).
Il faut dire que les sanctions antirusses ont ceci de nouveau qu’elles font le bonheur de leurs destinataires dont la monnaie, supposée dévisser selon nos meilleurs alpinistes, est devenue cette année la devise la plus performante du monde, alors que dans le même temps, chez nous, le prix de l’énergie explose et l’euro s’effondre à vue d’œil.
S’il va de soi que la responsabilité de ce fiasco incombe au restant de la planète, nous demeurons, en ce qui nous concerne, fidèles à ce que nous sommes. Quelle que soit notre sensibilité ou notre couleur politique, nous nous tenons tous ensemble aux côtés du peuple ukrainien en train de sombrer.
En nous étranglant nous-mêmes de nos propres mains, nous donnons à voir la spontanéité de notre mobilisation dans toute l’étendue de sa profondeur. C’est l’union sacrée dans le désastre, une vieille tradition française.
Vivre d’espoir
Parallèlement, nous travaillons à une issue diplomatique du conflit : éthiquement parlant, il est bien sûr impensable que nous achetions un gaz qui a du sang sur les mains. Si Poutine acceptait de nous le fournir gratuitement, nous serions éventuellement prêts à revoir notre position, et à lui laisser une porte de sortie (histoire de ne pas l’humilier). Mais s’il refuse, nous n’excluons pas de nous infliger à nous-mêmes de nouvelles sanctions.
Face à un dictateur, il faut employer un langage ferme : par exemple, nous pourrions l’avertir une bonne fois que s’il continue à n’en faire qu’à sa tête, nous risquons de ne plus pouvoir nous chauffer cet hiver ! Mais a-t-il encore assez de lucidité pour le comprendre ?
Heureusement il nous reste l’espoir, qui certes nous a toujours déçus, mais ne nous a jamais quittés. S’il s’avère que les pays sanctionneurs se retrouvent sanctionnés par leurs propres sanctions, nous avons la consolation de voir que ceux qui ne sanctionnent pas sont sanctionnés eux aussi : ainsi, Ursula von der Leyen n’a manifestement pas apprécié qu’au soir de sa réélection le 3 avril, Viktor Orbán ait qualifié d’adversaire Volodymyr Zelensky, l’Obersturmprésident ukrainien.
Comme n’importe qui le ferait à sa place, elle envisage donc de priver la Hongrie de 40 milliards d’euros de fonds européens car au royaume de la Mère Übü et de ses valeurs, le crime de lèse-national-socialisme ne saurait être toléré. Il est vrai qu’Orbán n’en est pas à sa première incartade, loin s’en faut : « Sa position plus qu’ambiguë depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et sa tiédeur à accepter les sanctions européennes contre Vladimir Poutine a poussé la Commission européenne à accélérer le tempo face à ce leader qui se joue des valeurs européennes », se réjouit Les Echos [3].
Serons-nous un jour délivrés de ces illibéraux qui à force de proximités douteuses, finissent par saper notre unité dans la soumission ? Rien n’est moins sûr, c’est pourquoi soulevés par l’énergie de l’espoir, nous renouons avec les fondamentaux de l’engagement citoyen comme la rage impuissante, la diffamation et le marasme.
« Eliminer Poutine, la seule solution ? » s’interroge LCI le 8 mars, avant d’annoncer (le 1er avril) que « Poutine sera écarté ou tué d’ici 6 mois ». Même si cela part d’un bon sentiment, et que sur LCI l’information procède systématiquement d’un examen scrupuleux et objectif des faits, nous ne nous rappelons que trop les paroles pleines d’espoir de Laurent Fabius en 2012, assurant que « Bachar Al-Assad ne méritait pas d’être sur la Terre », et que « le régime syrien devait être abattu et rapidement » : dix ans plus tard, le Boucher de Damas trône toujours derrière le comptoir, et continue à se jouer de nos valeurs.
Est-ce cela que nous voulions ? Est-ce pour cela que nous nous sommes mobilisés jusqu’à perdre haleine sur Facebook, TikTok et Pinterest ? En un mot, est-il normal que malgré leur refus de s’autodétruire, certains s’en sortent quand même ?
Dans le combat pour ce que nous sommes, et qui a toujours été le nôtre, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Et chacun peut voir que malgré les avanies que nous subissons au quotidien, notre résilience est intacte, tout comme notre détermination à faire barrage aux forces obscures.
Dans le fond et comme chantait le poète,
On a tous quelque chose en nous de Zelensky
Cette volonté de prolonger l’conflit
Ce désir fou de détruir’ d’autres vies
Ainsi vivait Zelensky…
D’amuseur public à comique troupier
De même qu’Emmanuel Macron est un personnage de roman-photo, Volodymyr Zelensky est un acteur de sitcom, reconverti dans l’ethnocide et l’optimisation fiscale. C’est dire si sa créativité a des cordes à son arc ! En 2021, il reçoit même une mention spéciale dans les Pandora Papers pour l’ensemble de son œuvre, et en 2022 il rafle plusieurs canons Caesar dont celui du meilleur second rôle et du meilleur T-shirt.
C’est peut-être un détail pour vous, mais avant de se transformer en président, il jouait du piano debout. Et pour nous, ça veut dire beaucoup : quoi de plus jupitérien, en un mot quoi de plus français, que cette rapidité fulgurante à baisser son pantalon, qui laissait déjà présager une trajectoire d’envergure au sein du Monde Libre ?
Depuis, son répertoire s’est considérablement élargi, et il s’est même laissé pousser la barbe. Que de chemin parcouru ! Sous le treillis du chef de guerre dont le torse éblouit les ménagères du monde entier, on oublierait presque le danseur en talons aiguilles qui hier encore, faisait la joie des téléspectateurs kyiviens.
Il va sans dire qu’un pays présidé par une drag queen et géré par des skinheads correspond en tous points aux standards européens : « Notre peuple est, en son for intérieur, déjà mentalement en Europe depuis longtemps », analyse notre idole.
Son message est simple :
J’ai construit tant de blockhaus qui se réduisaient en sable
Je me suis souvent perdu dans des mensonges qui tuaient
J’ai raté mon premier rôle, je jouerai mieux le deuxième…
Le problème c’est la corruption en Ukraine, qui est certes considérable. Mais a-t-elle atteint un niveau suffisant pour faire partie de l’UE ? « Ils sont l’un des nôtres », certifie Ursula von der Leyen, experte reconnue en la matière [4].
C’est que sous la pression du contexte le youtubeur de Kyiv a pris de l’épaisseur, à défaut de gagner en finesse. En tournée distancielle mondiale, ses jérémiades identitaires conquièrent les foules, même s’il peine davantage à s’imposer dans les pays qui pour une raison ou pour une autre, ont une image négative du nazisme : « L’appel à l’aide de Volodymyr Zelensky laisse un goût amer en Israël », selon Les Echos du 22 mars, qui parle de « propos qui ne passent pas ». « Banalisation de la Shoah et même négationnisme, Zelensky tente de réécrire l’histoire », résume RFI, citant un éditorialiste local.
« Grèce : tollé après la diffusion d’une vidéo d’un combattant d’Azov lors du discours de Zelensky au Parlement », titre Libération le 8 avril. Il faut dire que pour agrémenter son show, notre VRP du nettoyage ethnique avait eu l’idée disruptive de faire appel à un soudard néo-nazi, quitte à provoquer la nausée des parlementaires grecs. Quel farceur ce Volodymyr !
En rouge et noir, j’afficherai mon cœur
En échange d’une trêve de douceur…
Par contre, dans les pays ayant eu la présence d’esprit de collaborer avec le IIIe Reich, les choses se passent nettement mieux : « Pour la première fois de notre histoire parlementaire, nous accueillons le président d’un pays en guerre », frétille Gérard Larcher, en proie à une vive émotion. Il est vrai que ces derniers mois le parlement n’avait pas eu grand-chose à se mettre sous la dent, à part les crises de nerfs d’Olivier Véran et les prédications filandreuses de Jean Castex.
Bref, ce n’est pas tous les jours que nous accueillons en technicolor un héros homologué de la résilience. Pour retrouver un pareil moment d’émotion pure, il faut remonter à 2019 avec la dernière descente punitive de Greta Thunberg. Formidable remède contre l’envie de vivre, elle avait réussi à nous interpeller dans nos habitudes, tout en ébranlant nos certitudes. Comment oublier avec quelle radicalité revêche mais tonifiante, la vestale du crédit carbone nous avait traînés collectivement dans la boue ? Nous l’aurions bien suppliée à genoux de rester, mais elle avait un bateau à prendre (espérons qu’elle ne s’est pas perdue en mer, car nous ne l’avons pas revue depuis).
Zelensky n’y va pas non plus par quatre chemins. En nous posant les vraies questions, il nous confronte à ce que nous sommes : voudrions-nous ressembler à un pays comme l’Ukraine dont le président, non content de financer la machine de guerre des Russes en important leur gaz à tour de bras, se permet d’ordonner aux autres de ne pas le faire ? Non ! nous exclamons-nous tous en chœur, horrifiés.
N’aurions-nous pas honte d’avaler les bobards d’un pareil guignol, dont le culot n’a d’égal que l’hypocrisie et le ridicule ? Si, soupirons-nous d’une seule voix, en nous plongeant le visage dans les mains, avant de nous lever pour l’applaudir à tout rompre : il nous a ouvert les yeux.
Son sermon s’achève sur des accents poutouistes (« les valeurs valent plus que les bénéfices »), qui ne peuvent que soulever notre enthousiasme moral. N’est-ce pas la voix, si familière, de notre for intérieur ? Si avec Greta nous étions face à la science, avec Zelensky nous sommes, comme dirait Jean-Luc Mélenchon, au pied du mur de notre conscience.
Il faut reconnaître qu’avec lui, nous en avons pour notre argent : de la pantalonnade au grand guignol et de la telenovela au film d’épouvante, il est scotchant dans tous les registres, et beaucoup se demandent s’il n’aurait pas pris lui aussi des cours d’expression corporelle avec Brigitte Macron.
Quand la résilience précède l’essence
Reste que grâce à lui nous l’avons échappée belle, car pour un peu nous partions du mauvais pied : « la France a décidé sciemment de recourir à l’énergie russe malgré l’invasion de l’Ukraine », accuse La Tribune du 13 Juin 2022, « pour devenir le plus gros acheteur de GNL russe dans le monde ». Comment avons-nous pu, à notre corps défendant, tomber aussi loin de nos valeurs ?
Heureusement que le surlendemain Poutine a fini par accepter de nous couper le gaz, de façon à ce que dès cet hiver nous puissions donner, tous ensemble, libre cours à notre résilience.
« Pas besoin de gaz russe », tranche avec détermination democrateattentifetvigilant, un lecteur participatif de Franceinfo dont les astuces pourraient bien s’avérer utiles (et si possible obligatoires) dans les mois qui viennent : « Avec la canicule actuelle on peut faire cuire les œufs sur le rebord de sa fenêtre, manger des salades fraiches. et prendre des douches froides ».
Il faut bien l’avouer, nous sommes rarement aussi satisfaits de nous-mêmes que lorsque nous avons l’opportunité de nous priver de quelque chose. Si rares sont les pays qui réussissent aussi bien que nous en matière de paupérisation massive, c’est tout simplement parce que nous avons su prendre de l’avance sur les autres. La décrépitude de nos services publics est en plein essor depuis déjà des années, grâce à la démobilisation solidaire de nos concitoyens. Dès 2016, TF1 nous le confirmait :« 37% des Français ont renoncé à des soins pour des raisons économiques au cours des deux dernières années ».
Depuis, nous progressons à pas de géant : « Plus de 6 français sur 10 ont déjà renoncé à se faire soigner par manque de moyens ou de médecins » , titre BFMTV le 18/11/2019.
En matière de loisirs, nous sommes parvenus à nous recentrer sur l’essentiel : « Près de la moitié des Français ne partent pas en vacances », constate l’Observatoire des inégalités le 06/07/2022 car « pour partir, il faut en avoir les moyens ». Et de toute façon, où irions-nous ?
Quant aux fêtes de fin d’année, nous avons découvert récemment que la meilleure façon de passer un Noël citoyen, c’est de ne pas le fêter : « Si on veut pouvoir fêter le prochain Noël avec bonheur, ne devrions nous pas sacrifier celui-ci ? », s’interroge Lili 66000 dans la section états d’âme de L’Indépendant. « On ne meurt pas d’avoir raté un Noël ou un Nouvel-An », confirme OmerD. Au contraire, quoi de plus vivifiant que le ratage, et quoi de plus tricolore que l’abdication ?
« Il faut préparer la France à vivre dans la pénurie », préconise Stanislas Guérini, tout nouveau ministre de la Transition vers le Dénuement. Cela tombe bien : nous ne demandons qu’à dépérir et pour peu que nous restions impitoyables envers nous-mêmes, les moyens innovants ne manquent pas pour sauver l’énergie que nous pouvons sauver, tout en réaffirmant notre résistance de toujours contre l’antinazisme. Cet hiver, les autocrates vont voir de quel bois nous ne nous chauffons pas.
Revenons à nous
Dans ce nouveau combat dont nous sommes les héros, les petits gestes sont comme toujours notre meilleure arme pour redevenir essentiels, et échapper temporairement au dégoût de nous-mêmes. Et de nouveau, c’est Olivier Véran qui nous guide sur la route sinueuse de l’épanouissement intérieur, en s’adressant directement à notre subconscient écoresponsable :
Je t’en prie, n’attends pas la fin de la nuit
implore le garde-chiourme préféré des Français,
Coupe la lumière et coupe le son
Débranche
Débranche tout
En effet, est-il concevable qu’en plein XXIe siècle, il y ait encore des gens assez égoïstes pour se chauffer l’hiver et s’éclairer la nuit ?
En plus du gain inespéré en termes d’autoestime, « c’est bon pour nos réserves et évidemment pour la planète » : avec Véran, nous gagnons sur tous les tableaux.
Si des initiatives aussi pragmatiques que le baissage de la clim ne manqueront pas d’avoir un très fort impact (surtout en hiver), les forces de l’esprit peuvent s’avérer d’une efficacité tout aussi redoutable. Par exemple, nous pourrions mettre à profit nos derniers beaux jours pour prendre ouvertement position, en applaudissant l’armée ukrainienne depuis nos balcons tous les soirs à 20h – un geste aussi charitable que peu coûteux, bref dans nos cordes.
Longtemps, nous nous sommes remonté le moral en nous disant qu’économiquement, les Russes vivaient dans un état d’arriération encore plus effarant que le nôtre. C’était oublier que la Russie n’ayant pas la chance d’être une démocratie, elle n’a pas encore eu accès à la fin de l’abondance : « Le géant gazier russe Gazprom a vu ses bénéfices exploser durant les six premiers mois de 2022 », lisons-nous avec anxiété dans L’Écho du 31 août. Selon François Lenglet dans RTLMatin, la Russie est « littéralement noyée sous le cash » grâce aux sanctions occidentales. Pour la mettre à genoux autant que nous le sommes nous-mêmes, il va donc falloir redoubler d’efforts punitifs.
Heureusement, Emmanuel Macron n’est jamais à court de nouveaux paradigmes plus disruptifs les uns que les autres : « La meilleure énergie, c’est celle que l’on ne consomme pas », s’exclame notre Archimède de la pénitence collective, le front ruisselant. Si tout se passe bien, nous ne devrions pas tarder à prendre enfin conscience que la meilleure nourriture c’est celle qu’on ne mange pas, et que la meilleure vie c’est celle qu’on ne vit pas. Il était temps…
« L’été, le début de l’automne seront sans doute très durs, très durs », prophétisait en juillet notre Nostradamus de la douleur rédemptrice. Mais en même temps et quoi qu’il en coûte, « la France sera toujours capable d’aider l’Ukraine ». N’est-ce pas l’essentiel ? Car s’il y a une chose que nous pouvons encore moins nous permettre que toutes les autres, c’est de décevoir Volodymyr Zelensky, notre dernier rempart contre l’invasion des Untermenschen. C’est pourquoi nous lui expédions autant de canons que faire se peut, de façon à ce qu’il puisse continuer à faire avancer la paix en bombardant courageusement sa propre population, ou en l’utilisant astucieusement comme bouclier humain. Nation de sous-fifres, la France n’est jamais autant elle-même que lorsqu’elle prend part aux basses besognes d’un régime en perdition [5].
Grâce à Zelensky, notre pays redevient ce que dans le fond, il n’a jamais cessé d’être. Au fil de ses incroyables vidéos empreintes d’une authenticité hyper puissante (d’où un nombre de followers à faire pâlir Mcfly, Emmanuel Macron et Carlito), il est devenu clair qu’à défaut de gouverner son propre pays, notre frère fouettard est taillé pour gouverner celui des autres. En lui, nous avons trouvé plus qu’un repère moral : un guide spirituel.
Voter printemps
Parfois, nous nous prenons à rêver : avec à sa tête un président comme Zelensky, la France aurait pu remporter l’Eurovision les doigts dans le nez, et peut-être même Danse avec les stars. Mais en avril dernier, il a bien fallu voter pour ce qu’on nous imposait car chacun le sait, la démocratie c’est quand on n’a pas le choix. Et face à l’inacceptable, la moindre des choses était de nous contenter de ce que nous avions déjà.
De toute évidence, Marine Le Pen incarnait moins que jamais une alternative crédible car la tiédeur à peine dissimulée de sa xénophobie, notamment envers les Russes (alors que tout le monde voit bien que ce ne sont pas des gens comme nous), n’a fait que confirmer la menace qu’elle représente pour nos valeurs. Une élection, cela se joue souvent sur des détails : si par exemple elle avait fait campagne avec des croix gammées tatouées sur le corps, cela nous aurait au moins rassurés sur son attachement à l’Europe et à la démocratie. Mais comme toujours, elle a préféré jouer sur nos peurs.
Elu en 2017 pour vendre le pays à la découpe, Emmanuel Macron nous avait paru à l’époque le plus à même de sauver la Planète, en nous renvoyant une fois pour toutes à l’âge de pierre. Mais s’il a brigué un second mandat, c’est bien la preuve que cinq ans ne lui ont pas suffi pour nous achever complètement.
Comment expliquer un pareil échec ? Pourtant, il n’a pas ménagé sa peine pour saborder l’économie, démoraliser la population et devenir la risée des cinq continents, tout en piétinant les derniers vestiges de l’Etat de droit. C’est pourquoi malgré tout, nous lui avons renouvelé notre confiance.
Tout au long de sa bataille inexorable contre les microbes, ses prouesses nous avaient littéralement laissés sans voix. Mais cette guerre d’un genre nouveau, où il affronte pour la première fois un adversaire grandeur nature et où son incompétence brille déjà de mille feux, lui offre une deuxième chance d’en finir avec nous. Il ne faudrait pas qu’il la rate.
NOTES
[1] La fronde des égoïsmes est si massive que même Mediapart a fini par s’en apercevoir : « la guerre en Ukraine n’a pas complètement isolé Moscou », susurre du bout des lèvres Gwenaelle Lenoir dès le 13 juin. Et il n’a pas fallu plus de cinq mois à LCI pour soupçonner à son tour quelque chose : « Est-ce qu’on n’a pas sous-estimé l’ampleur de l’influence russe dans le monde ? »
[2] L’Arabie saoudite envisagerait même de rejoindre les BRICS, une organisation néofasciste de pays rétrogrades, unis par la haine de la civilisation. Le fait qu’il s’agisse de populations issues du Sud global et donc relativement peu conscientisées à la base, explique sans doute leur proximité avec la barbarie pré-européenne des Slaves. Mais cette difficulté somme toute naturelle à appréhender nos valeurs justifie-t-elle de céder aux sirènes du totalitarisme ? Le fait que Poutine soit soutenu par plus de 80% de ses concitoyens ne laisse pourtant aucun doute sur le caractère foncièrement répressif de son régime car dans le monde libre, un dirigeant qui n’est pas honni par au moins la moitié de la population (comme par exemple Joe Biden ou Emmanuel Macron) ne saurait prétendre à aucune légitimité démocratique.
[3] Autant dire que nous avions intérêt à bien voter à la présidentielle, si nous voulions conserver la bienveillance d’Ursula von der Leyen, et ne pas nous retrouver à la rue du jour au lendemain. Heureusement qu’en France, il y a deux sortes de gens : ceux qui votent, et ceux qui décident qui va gagner les élections.
[4] Certains n’en continuent pas moins à s’obnubiler sur des points de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale : « une Ukraine qui continue à glorifier et à donner comme modèles à sa jeunesse des nationalistes ukrainiens ayant collaboré avec les nazis et massacré des dizaines de milliers de familles juives n’a rien à faire dans l’Union europ. », tweete rageusement Arno Klarsfeld, qui n’a manifestement pas réalisé qu’au contraire, cela prouve à quel point nos frères ukrainiens sont tout comme nous, d’authentiques représentants de la race aryenne.
[5] Depuis sept ans, nous jouons par exemple un rôle non négligeable dans l’anéantissement de la population civile au Yémen : « Selon l’ONU, 21 millions de personnes ont un besoin d’aide humanitaire urgente, sept millions sont au bord de la famine et un enfant meurt toutes les dix minutes de maladie » (source Wikipedia). Grâce à nos canons Caesar, qui décidément font merveille sur les zones habitées, la France, pays de la rafle du Vél’d’Hiv et de la division SS Charlemagne, montre qu’elle est encore capable d’ajouter sa pierre à une catastrophe humanitaire majeure.
Olivier FOREAU
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir