Les loi 21 et 96 relancent bel et bien la guerre contre Ottawa
Depuis que François Legault a quitté le Parti québécois (PQ) et qu’il a fondé la Coalition avenir Québec (CAQ), bien des souverainistes ont entretenu l’espoir qu’il n’avait pas renoncé à ses convictions et qu’il attendait simplement que les circonstances redeviennent favorables pour abattre ses cartes. Bon nombre de fédéralistes le craignaient aussi.
On savait bien que jamais Ottawa ne répondrait favorablement aux demandes contenues dans son « Nouveau projet pour les nationalistes du Québec ». N’était-ce pas là une astuce visant à provoquer une nouvelle crise constitutionnelle ?
En toute justice, il faut reconnaître que M. Legault n’a jamais rien dit ni fait pour accréditer cette hypothèse, sinon recruter d’anciens péquistes prêts à tous les reniements pour retrouver la griserie du pouvoir.
Le chef de la CAQ manifestait toutefois si peu d’enthousiasme en parlant du Canada qu’il semblait le considérer comme un pis-aller. Soit, il ne ferait rien pour encourager une sécession, mais il ne se transformerait pas non plus en croisé de l’unité canadienne. On pouvait même l’imaginer prendre la tête du mouvement souverainiste si l’« acceptabilité sociale » était au rendez-vous.
Il a abandonné cette posture ni chair ni poisson lors du débat télévisé de la semaine dernière, en prétendant arracher au Parti libéral du Québec l’étendard de la lutte contre l’indépendance qu’il brandissait depuis plus de cinquante ans.
Après qu’il eut soigneusement entretenu une ambiguïté qui l’a bien servi au cours des dernières années, cette métamorphose en bouclier canadien en a étonné plus d’un. Jusqu’à présent, fédéralistes et souverainistes avaient cohabité sans grande difficulté au sein d’un parti qui se voulait précisément une coalition.
Diviser l’opposition est généralement une bonne stratégie pour un gouvernement, mais M. Legault ne peut quand même pas considérer sérieusement Québec solidaire (QS) comme une menace si grande qu’il sente le besoin de redonner de l’air au PQ.
Paul St-Pierre Plamondon, qui tente désespérément de ramener les souverainistes au bercail, a reçu cette déclaration comme un véritable cadeau du ciel. Il y est allé un peu fort en déclarant que M. Legault est « plus fédéraliste et plus opposé à l’indépendance que les libéraux de Jean Charest, de Philippe Couillard et de Dominique Anglade », mais il sera bien difficile de croire encore que le chef de la CAQ caresse secrètement des rêves d’indépendance.
On attend toujours que le PQ présente la version actualisée de l’étude sur les finances d’un Québec indépendant que M. Legault avait lui-même publiée en 2004. Il avait conclu à l’époque non seulement que le nouvel État serait viable, mais que les gains résultant de la souveraineté s’élèveraient à 17 milliards en cinq ans.
M. Legault n’avait pas mâché ses mots pour dénoncer la « stratégie d’étranglement fiscal » d’Ottawa, qui se traduisait par une diminution des transferts financiers et des investissements massifs dans les champs de compétence des provinces.
Le PQ hésite peut-être à relancer un débat qui pourrait constituer une distraction dans une campagne qui va bien, mais il serait intéressant d’entendre M. Legault expliquer que tout cela n’était finalement pas si dramatique ou encore que le gouvernement fédéral pratique aujourd’hui un fédéralisme trop équitable et respectueux des compétences provinciales pour être remis en question. Encore un peu et il va ressortir la théorie des deux gouvernements qui valent mieux qu’un seul.
Il commence d’ailleurs à en rabattre sur ses exigences. Alors qu’il présentait le rapatriement des pleins pouvoirs en matière d’immigration commune comme une question de survie pour la nation, il semble maintenant prêt à se satisfaire de ceux dont le Québec dispose déjà, pourvu qu’Ottawa fasse un petit effort pour accueillir plus de francophones.
Cela fait belle lurette qu’on n’entend plus parler de la déclaration de revenus unique administrée par Québec ou du transfert de points d’impôt. À l’occasion du décès de la reine, l’abolition de la fonction de lieutenant-gouverneur a prestement été renvoyée aux calendes grecques.
Comme les libéraux avant lui, M. Legault semble avoir compris qu’il vaut mieux ne pas demander ce qu’Ottawa n’est pas disposé à accorder. En réalité, le « Nouveau projet pour les nationalistes québécois » n’a jamais été destiné à être réalisé, mais simplement à combler un vide dans le discours qui nuisait aux chances électorales de la CAQ. Maintenant qu’elle est au pouvoir, c’est ce même projet qui est devenu une source d’embarras.
Le premier mandat a été largement monopolisé par la crise sanitaire. M. Legault préfère certainement consacrer le deuxième, qui sera peut-être son dernier, à son domaine de prédilection, l’économie, plutôt qu’à une guérilla contre Ottawa. Justin Trudeau sera bien d’accord.
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