par Sarah Roubato.
Le plus vieux désert du monde meurt pour les batteries de nos voitures « vertes ».
Quand on parle des espaces en danger, on imagine volontiers les forêts et les espaces humides.
Mais les déserts sont tout aussi essentiels. Dans le nord du Chili, le désert de sel Atacama est un trésor naturel, national et mondial. C’est le plus vieux désert de notre planète. Il est aussi le réservoir de la plus ancienne collection de météorites, certaines âgées de plus de 2 millions d’années.
Or ce désert détient 40% des réserves mondiales de lithium, l’ingrédient principal utilisé pour… les technologies vertes ! Notamment les batteries pour recharger les voitures électriques et hybrides, qui ont donné un immense boom au secteur déjà bien sollicité par les demandes pour fabriquer les batteries des téléphones portables et des ordinateurs. C’est une véritable ruée vers l’or qui s’est déclenchée dans le « triangle du lithium », dans les déserts de sel de l’Argentine du Chili et de la Bolivie. Mais c’est bien le Chili qui reste leader avec des prix très attractifs dus à des conditions d’extraction optimales.
Pour extraire le lithium, le processus consiste à évaporer l’eau où il est contenu. Les mines assèchent donc le désert. Ce sont déjà 430 milliards de litres d’eau qui ont été perdus sur le seul plateau d’Atacama. Et comme le dit le sous-secrétaire de l’extraction minière Ricardo Irarrazabal Sanchez :
« L’extraction minière du lithium ne fait que commencer ». Il assure que le dialogue avec les communautés locales est essentiel, et que le gouvernement mène actuellement des études pour évaluer d’autres déserts de sels où étendre l’exploitation du lithium « pour préserver les lagons de Atacama ».
Nous voilà rassurés.
Les mines d’exploitation de lithium sont gérées par des entreprises privées qui payent un loyer au gouvernement pour l’exploitation des mines. Une partie des profits est reversée sous forme de taxes qui doivent être réinvesties dans des infrastructures à Santiago. Pas de souci à se faire donc quant au partage des profits de cette gigantesque industrie ni de conflits d’intérêts.
Pour les animaux comme pour les peuples qui y vivent, cela signifie la condamnation à disparaître ou à migrer. Des militants ont organisé des marches de 350km, espérant éveiller l’attention des autorités. Ils sont une poignée à marcher le long de la route, le visage au vent, fouettés par les camions qui passent à toute vitesse, transportant le lithium. Ce que ces habitants du désert dénoncent, ce n’est pas seulement la destruction d’un territoire. C’est aussi la confiscation de leur droit à participer à l’avenir de leurs enfants, sous le prétexte d’un grand projet national mené par « ceux qui savent » ce qui est bon pour eux. Ils disent :
« Nous voulons aussi développer. Mais nous voulons en faire partie ». Ils ont fini par obtenir un arrêt de la cour environnementale à Antofagasta obligeant la principale entreprise d’exploitation et leader mondiale, SQM Sociedad Química y Minera de Chile de freiner ses ambitions d’expansion.
Mais le combat est loin, très loin d’être gagné, et à ce rythme, le désert de sel disparaîtra, entraînant dans sa destruction des effets aussi graves que ceux de la destruction de la forêt amazonienne.
Depuis notre écran, nous pouvons nous alarmer de cette situation et la condamner. Il reste que nous utilisons des ordinateurs, des téléphones portables, et que, devant les dégâts causés par l’extraction d’énergies fossiles, nous songeons peut-être à acheter des voitures électriques. La frontière entre les bons et les méchants, entre les exploitants destructeurs de l’environnement et ses défenseurs, n’est pas aussi claire que ce qu’on voudrait bien croire. À nous d’exiger de nos gouvernements et des entreprises à qui nous achetons des produits, d’avoir une éthique de production. Et pourtant… avec 2 milliards d’individus de plus en 2050, qui seront nés dans le monde des nouvelles technologies, comment imaginer que nous arriverons à limiter la production de lithium ?
Devons-nous en tirer la conclusion que les technologies vertes sont à jeter ? Une arnaque de plus ? Non. Simplement que si la seule solution que nous trouvons est de remplacer des technologies fossiles par d’autres, sans changer la manière dont nous les utilisons, la quantité de ce que nous produisons et consommons, nous ne ferons que déplacer le problème, avec le danger de nous asseoir sur notre bonne conscience.
source : La Plume du Citoyen
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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