Il s’appelle Pierre-André Taguieff (PAT), il est fasciné par les juifs, mais ses parents sont russe et polonaise. Alors il écrit plein de livres judéophiles, passant son temps (rémunéré par l’État) à dénoncer l’antisémitisme, par exemple dans son ouvrage où il révèle au monde entier que les Protocoles des Sages de Sion sont un faux (de la police tsariste). Un sacré découvreur, comme le CNRS en produit par wagons entiers.
Le CNRS, pour ce qui concerne les sciences humaines ou sociales, est ce machin qui se dit scientifique, qui empile les recherches dans les domaines autorisés et qui pond des milliers d’études au contenu identique dont tout le monde ou presque se fout. De ce point de vue, Pierre-André est dans la norme. Il aurait aimé être juif, on le sent bien, mais mauvais sang ne saurait mentir. Du coup il se fait plus royaliste que le roi, ce qui conduit à des dérapages et des énormités.
Comme il est loin d’être con, on imagine qu’il n’en pense pas une ligne. Mais voyez-vous, pour être bien en cour, nos chercheurs arrivent à ne pas voir la vache dans le couloir. Et en l’occurrence, la vache, c’est l’apartheid israélien envers les Palestiniens, si gros, si décomplexé, si violent, que les collaborateurs du sionisme français le réfutent, abandonnant là toute crédibilité. Mais la thèse est audible pour Le Figaro, qui lui ouvre ses colonnes sans trop le bousculer. Il est vrai que le garçon a déjà 76 ans, il les a fêtés le 4 août, anniversaire de la fameuse nuit où les aristocrates ont subi la terreur, il y a 250 ans ou presque.
« À nos ennemis, et particulièrement aux responsables du Hamas et du Djihad islamique palestinien, je voudrais insister : votre temps est compté. La menace sera éliminée d’une façon ou d’une autre », a répliqué le ministre israélien de la Défense Benny Gantz. (rts.ch)
L’inversion accusatoire au secours du déni
Tout l’aveuglement de PAT est parti de la résolution de la NUPES condamnant « l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien », le fait surtout de députés communistes et LFI, les socialistes ayant depuis longtemps courbé l’échine sur ce sujet. L’intro du Figaro donne le ton :
Pour l’historien des idées, la proposition de résolution de certains députés Nupes sur la reconnaissance d’un régime d’apartheid en Israël est symptomatique d’une propagande anti-israélienne qui séduit l’extrême gauche depuis cinquante ans.
Comment peut-on être « historien des idées », et soutenir une telle absurdité ? Historien des idées fausses, alors… D’accord pour la « propagande d’extrême gauche », qui n’est d’ailleurs qu’une conviction, fondée sur des faits, des faits que le monde entier peut voir depuis 75 ans. Voyons comment PAT se justifie :
C’est une affaire qui n’a rien d’étonnant : une nouvelle action de propagande anti-israélienne, tragiquement banale. Il s’agit là simplement de la reprise par des députés néogauchistes d’un thème fondamental de la propagande palestinienne depuis plus d’un demi-siècle. Il s’agit de « raciser » l’État juif, pour le priver de toute légitimité. L’antiracisme est ainsi, une fois de plus, instrumentalisé dans le cadre d’une opération de criminalisation d’un ennemi politique fantasmé. L’antisionisme radical a en effet pour objectif d’éliminer l’État d’Israël, pour crime d’apartheid. Mais l’apartheid dénoncé est imaginaire. L’État d’Israël n’a rien à voir avec le régime raciste qui fut celui de la République sud-africaine de 1948 à 1990.
Parce que les Palestiniens ne sont pas noirs ? Soudain, dans la bouche de l’historien des idées, l’État éminemment raciste d’Israël devient par magie victime de racisme, ce qui est la meilleure des protections. On n’est pas loin de la Shoah.
Mais qui est donc le « groupe racial » accusé de mettre en œuvre à son profit ce « régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématique » ? Ce ne peut être la « race israélienne », qui n’existe pour personne. C’est donc bien la « race juive ». Les antisionistes d’extrême gauche pensent leur ennemi en termes racialistes. Le racisme qu’ils dénoncent ici, c’est celui qu’ils attribuent à ce « groupe racial » maudit qu’on appelle ordinairement « les Juifs », et qu’ils accusent indirectement de racisme. Explicitons : ce qui est dénoncé, c’est ce que les antisémites à l’ancienne appelaient le « racisme juif ». Mais, argumenter de la sorte, c’est jouer avec des représentations antijuives, les réveiller, les réactiver. Sans le savoir pour certains, avec des arrière-pensées inavouables pour d’autres.
D’ailleurs, on y arrive logiquement, grâce au principe du fourmi-lion.
Forgé par la propagande soviétique relayée par celle des pays arabes, l’amalgame polémique « sionisme = racisme » est devenu un lieu commun, et la mise en équivalence de l’« antiracisme » et de l’« antisionisme » a égaré nombre de militants antiracistes sincères. Les partisans de l’antisionisme absolu, qui n’a rien à voir avec une libre critique de la politique d’Israël, cherchent à réaliser, par tous les moyens, leur objectif final : la destruction de l’État d’Israël. Tel est le paradoxe tragique de l’histoire du peuple juif dans la deuxième moitié du XXe siècle et au début du XXIe, après la Shoah et la création de l’État d’Israël : la réactivation des passions antijuives dans un contexte où elles auraient dû avoir disparu et se réduire à de marginales résurgences.
Comprendre que les juifs seraient incapables de racisme, ce qui fera rigoler – jaune – les millions de Palestiniens persécutés, sans oublier les 700 000 déportés lors de la Nakba. Le reste de la thèse est sans intérêt, puisque Taguieff reprend la théorie de BHL sur l’islamo-gauchisme, le vote des banlieues, l’islamisation de la gauche, avec le glissement tout trouvé vers l’islamisme, le djihadisme et le terrorisme. Il est pratique, l’amalgamisme !
La « lutte contre l’islamophobie », aujourd’hui placée au cœur des luttes antiracistes en France, s’est transformée progressivement en légitimation de l’islamisme chez certains militants et intellectuels néogauchistes. C’est au nom de la lutte contre le racisme que les islamistes les plus intellectualisés, suivis par leurs compagnons de route d’extrême gauche, légitiment l’antisionisme exterminateur. Ce message idéologique s’est répandu sur les réseaux sociaux, mais il est aussi repris dans les discours d’universitaires de gauche ou de militants des droits de l’homme. Il y a une frappante convergence, sur le conflit israélo-palestinien, entre les courants d’extrême gauche et les mouvements islamistes. Le discours de propagande islamo-gauchiste érige la cause palestinienne en cause emblématique des opprimés et des « racisés ». La conclusion logique et pratique de cette élection du « Palestinien » en martyr suprême est la démonisation d’Israël. À travers la haine d’Israël, la haine des Juifs s’est frayé un nouveau chemin à l’extrême gauche.
Le jeu politique français se résume à c’est à qui sera le moins antisémite, donc le plus sioniste. L’antisémitisme ne sert qu’à diviser la nation. Les Français jetteront-ils un jour cette arme à terre qui leur fait si mal ? Seront-ils capables de se réconcilier en brisant cet infernal conflit triangulé ?
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