par Amira Hass.
Peu après trois heures du matin, le téléphone sonne dans la salle de crise du bureau de liaison et de coordination de la sécurité palestinienne. L’officier de service endormi entend la voix de son homologue, un soldat endormi de l’administration civile israélienne, qui lui annonce que l’armée est sur le point d’effectuer un raid dans telle ou telle localité palestinienne. Cela signifie que tous les policiers palestiniens doivent se rendre immédiatement dans leurs bureaux. Dans l’argot interne de l’administration civile, cette tâche est appelée « replier les SHOPIM », SHOPIM étant l’acronyme hébreu de « policiers palestiniens ». L’avertissement téléphonique et le « repli » sont une routine que les deux parties s’assurent de respecter, car « personne ne veut qu’un côté tire sur l’autre », comme l’a dit un ancien soldat de l’unité à Haaretz.
Il se souvient que le délai donné aux Palestiniens pour « se replier » était d’environ une demi-heure. Une ancienne soldate de l’unité se souvient de 45 minutes. Un autre vétéran masculin se souvient que les Palestiniens ont obtempéré immédiatement ; elle, en revanche, se souvient qu’ils ont tergiversé. Ils se souviennent tous de l’interdiction de révéler la cible et l’objectif (arrestation, recensement, recherche d’armes, confiscation de fonds, démonstration de « gouvernabilité ») du raid.
Ce sont trois des dizaines d’anciens soldats qui ont servi dans l’administration civile et qui ont témoigné sur l’unité pour l’ONG Briser le silence [Shovrim Shtika/Kasr as-Samtt/Breaking the Silence] dans sa nouvelle brochure, « Military Rule« , publiée lundi. Cette organisation combative continue de déconstruire la domination militaire sur les Palestiniens, en exposant le mensonge de la « sécurité » et la fausseté de la « moralité ».
Les soldats en service ne disaient pas à leurs collègues palestiniens qu’il y avait des « policiers qui se replient », mais plutôt qu’il y avait une « activité » en cours. Dans le jargon des forces de sécurité palestiniennes, la disparition de policiers palestiniens dans les rues en raison d’un raid israélien imminent est appelée « zéro-zéro ». Une source de sécurité palestinienne n’était pas familière avec le terme « repli des SHOPIM » et a déclaré qu’il était humiliant. Mais la réalité – dans laquelle les policiers palestiniens se précipitent pour se cacher dans leurs bastions peu avant que les soldats israéliens ne fassent irruption dans une maison familiale, pointant leurs fusils sur les femmes et les enfants fraîchement réveillés – est encore plus humiliante. Il est mortellement humiliant d’interdire aux forces de sécurité palestiniennes de défendre leur peuple non seulement contre les soldats, mais aussi contre les civils israéliens qui les attaquent dans leurs champs et leurs vergers, à la maison et lorsqu’ils font paître leurs troupeaux. Le respect de cette interdiction par l’Autorité palestinienne est humiliant.
Et le contraire du repli est également humiliant : lorsque la partie palestinienne doit demander l’accord d’Israël pour que ses policiers aillent d’une ville donnée à un village voisin qui se trouve dans la zone B, ou parce que la route qui les relie traverse la zone C. « Ils ne font pas un pet sans notre feu vert. … Même s’il n’y a pas de colons sur leur chemin, [même si] ils partent sans uniforme, sans arme, pour enquêter sur un accident de voiture, ils doivent quand même coordonner leur action avec la brigade », explique l’un des témoignages de la brochure.
Le facteur d’humiliation – un autre moyen d’expression du règne hostile d’une junte militaire – se lit aussi bien à l’intérieur qu’entre les lignes du livret : dans l’arabe approximatif parlé par les soldats aux guichets d’accueil des Palestiniens, dans le traitement méprisant même de ceux qui ont l’âge de leurs grands-pères et grands-mères, dans l’attribution de l’eau aux colons au détriment d’une communauté palestinienne, dans la révocation en bloc des permis de circulation. L’humiliation de l’autre est une partie inséparable de la violence bureaucratique – tueuse d’âme, de temps et d’espoir – que nous, Israéliens juifs, qui sommes les dépossesseurs d’un peuple de sa terre, avons transformée en une forme d’art. Nous utilisons le pouvoir des édits que nous avons composés, des lois, des procédures et des décisions rendues par des juges honorables pour abuser continuellement de l’autre peuple. L’administration civile n’a pas inventé le système, mais elle est le fer de lance et la lance de cette violence bureaucratique.
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
illustration: Les bureaux de l’administration civile, à El-Bireh, en Cisjordanie, en mars. L’organisation était censée avoir été démantelée, selon les accords d’Oslo. Photo : Amira Hass
source : Tlaxcala
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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