Enfant, j’adorais l’horreur. Films, livres, décorations. Rien, ou presque, ne me faisait peur. Jamais de cauchemars, jamais d’insomnie, même après un film sanglant.
Ma fascination pour l’horreur a débuté après la séparation de mes parents. J’ai laissé tomber les princesses. Finie, la chambre rose. Fini, le papier peint de chevaliers. Je désirais maintenant une chambre peinte toute en noir, avec des squelettes et des poupées pendues. Mon père s’y est opposé, évidemment…
Je n’entretenais pas de pensées sombres. Je ne croyais pas non plus aux monstres. C’est même à se demander d’où venait ma fascination pour l’épouvante. Qu’est-ce que j’y trouvais, au juste?
Pourquoi l’horreur?
Si je me risque à une rapide autopsychanalyse, je vois deux sources à mon ancienne passion pour l’horreur.
D’abord, j’aimais sans doute l’idée de faire dominer ma raison sur mon imagination. Me revient en particulier en tête le jour où, à la demande d’une amie, je suis entrée dans le vestiaire des filles, dans un noir total, pour répéter à plusieurs reprises devant un miroir : « Rosemary, I killed your baby! ».
Je suis ressortie de cette épreuve toute fière. À mes yeux, je venais encore de prouver que le surnaturel n’existait pas. J’ai voulu rassurer mon amie : « Tu n’as pas à t’inquiéter. Il n’y a rien d’autre en ce monde que nous. »
En fait, j’étais athée, jusqu’à la moelle de mes os. Pas de Dieu. Ni non plus de démons, de monstres, de fantômes ou je ne sais quoi. What you see is what you get. N’existait pour moi que le monde matériel, sans plus.
Avec le recul, je me rends compte que l’horreur m’intéressait également pour une autre raison : pour stimuler en moi un certain courage. J’avais besoin de courage pour vaincre mes peurs. Non pas mes peurs de ce qui dépasserait l’humain, mais de ce qui est au contraire trop humain.
Car, à bien y penser, il n’y a pas que les monstres qui font peur aux enfants. Mon athéisme de jeunesse comportait lui-même ses terreurs. Il y a quelque chose d’angoissant à penser qu’on est poussière et qu’on retournera à la poussière. Il y a quelque chose de terrifiant à observer les couples se défaire autour de soi et à penser que le vrai amour n’existe pas.
La vie, quand on la croit absurde, est certainement terrifiante.
Un monstre intérieur et supérieur
Pourquoi je parle de tout ça? En fait, ces quelques dernières réflexions sur l’horreur me sont venues après l’écoute d’une série très populaire sur Netflix : Stranger Things.
La dernière saison, la quatrième, est absolument terrifiante. Et pas seulement en raison des effets spéciaux et des monstres qu’elle présente.
Le génie de cette nouvelle saison consiste en ceci : Vecna, le monstre, n’attaque pas physiquement ses victimes, mais entre dans leur tête, dans leur conscience. Ce monstre fait croitre une pensée qui se trouve déjà en germe chez ses victimes : celle qu’ils ne méritent pas de vivre.
Le cas de Maxine illustre le plus clairement cette idée. Elle a vu son demi-frère mourir devant ses yeux et n’a rien fait. Elle se souvient par ailleurs de toutes les nuits où elle l’a maudit, souhaitant même sa mort. Elle se sent coupable, monstrueuse et n’arrive pas à se pardonner. Le seul remède à ses yeux : la mort. C’est la punition qu’elle croit mériter, le seul sort dont elle se trouve digne. Maxine souhaite disparaitre.
Vecna profite de cette faiblesse, de ces doutes. Il conduit Maxine à se retirer de la réalité, à s’isoler de plus en plus. Il abaisse sa confiance en soi, son gout pour la vie. Le combat qu’il mène contre elle est avant tout psychologique.
Vecna veut implanter chez tous les hommes une idée dont il est convaincu : la vie est absurde et les hommes sont méchants. Dans un monologue fort, il raconte:
«Un monde cruel, oppressant, dicté par des règles inventées. Secondes, minutes, heures, jours, semaines, mois, années, décennies. Chaque vie n’est qu’une pâle copie de la précédente. Se réveiller, manger, travailler, dormir, se reproduire et mourir. Tout le monde ne fait qu’attendre que tout cela se termine. Tout en jouant jour après jour dans une pièce de théâtre stupide et terrible. (…) J’ai vu mes parents tels qu’ils étaient vraiment. Aux yeux du monde, ils se présentaient comme des gens bons et normaux. Mais comme tout le reste dans ce monde, ce n’était qu’un mensonge.»La scène qui illustre cette libération, par les images, par la musique, est réellement sublime et inspirante. Elle constitue selon moi la plus belle de toute la série.
Un des Pères du désert, Évagre le Pontique, a écrit que le combat le plus important de l’homme se trouve dans sa tête, au milieu même de ses pensées. Celui, explique-t-il, qui ne se prépare pas adéquatement pour répondre aux mauvaises pensées chute nécessairement.
Devant les pensées dévastatrices qui envahissent tout un chacun, Évagre nous somme de ne pas argumenter, de ne pas entrer en discussion inutilement. Comme Maxine dans Stranger Things, il faut plutôt affirmer haut et fort : you are not real!
Pour un chrétien en particulier, la Parole de Dieu devient pour ce combat une véritable armure. Car les Écritures l’assurent : la vie n’est pas absurde. Dieu aime, pardonne et veille sur toutes ses créatures. Toute pensée en contradiction avec cette vérité fondamentale doit être rejetée, sur le champ, même si cela exige parfois un véritable combat mental.
C’est par ce combat que l’horreur se trouve en définitive vaincue.
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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