Effondrement
19 juillet 2022 (14H40) – Aujourd’hui, le monde dans la communication, les indépendants-résistants comme je les appelle nouvellement (ne trouvez-vous pas que cela sonne comme les fameux “indépendants-paysans”, les proches de Pinay je crois, dans les années 1950), ou bien les antiSystème et les “dissidents” plus classiquement, tout comme ceux d’en face, les “Soumis”, les “Système”, les élites-zombies, – tout le monde dans la communication parle d’effondrement, de fin de civilisation, de Fin des Temps, toutes ces sortes de choses. Moi-même, je ne m‘en prive pas, et cela est pour dire que j’en ai toujours parlé, que je n’ai parlé que de ça, convaincu dès l’époque du début de ce site en 1999-2000 (et d’ailleurs avant, dans la lettre d’Analyse dd&e, dès 1992 et les émeutes de Los Angeles), de l’inéluctabilité de ce destin dans notre temps courant.
Je garde bien à l’esprit d’avoir écrit un texte, en date du 11 septembre 2001, où il n’est fait mention qu’in-extremis de l’événement que-vous-savez, de cette façon qui prétend remettre en place les véritables priorités du destin :
« Post-scriptum post-9/11
» En post-scriptum pour faire une conclusion, nous nous contentons de citer les premiers paragraphes de ce discours. Ils sont à méditer à l'ombre du lendemain, — du 11 septembre et de tout ce qui a suivi. »
En effet, pour ce 11 septembre, le texte cité ici portait comme titre : « Le courage de Rumsfeld et un discours historique [du 10 septembre 2001] » ; et tout cela consacré à ce que j’estime finalement avoir été le le grand événement prophétique de cette séquence 10-11 septembre 2001, 9/10 de préférence à 9/11, le discours de Rumsfeld de préférence à l’attaque des 2-3 tours, l’effondrement d’une civilisation que je lisais dans son discours plutôt que l’effondrement des 2-3 tours qui nous bouleversa de fond en comble…
(Discours 9/10 si souvent repris depuis dans nos colonnes, complètement ignorée par ailleurs, inexistant pour l’histoire, même pas “cancellé” puisqu’à jamais non-ayant-été, noyé par le pathos larmoyant et affectiviste type-9/11, – mais repris par moi pour le remettre précieusement à la métahistoire comme l’annonce des nuées terribles de l’effondrement qui vient… Non que je dénie la moindre importance à l’attaque du 11-septembre, bien au contraire : mais importance symbolique d’une puissance inouïe, illustration tonitruante d’une crise dont cette attaque n’était nullement la cause, sorte de trompe-l’œil et d’énorme simulacre de l’histoire.)
Et donc notre texte de ce 11 septembre 2001 commençait de cette façon, où l’on pouvait distinguer le goût irrésistible du capitaine du USS ‘dedefensa.org’ pour la perception de cet effondrement que les USA nous préparaient pour nous tous, que je réclamais déjà, que je prévoyais, que j’attendais ; que j’étais déjà prêt à subir comme un irrésistible fardeau qui vous accable, un calvaire imposé presque jusqu’à la mort par les monstruosités de nos déviances métahistoriques, – mais, au bout, mis et repris hors du tombeau, fardeau et calvaire qui vous élèvent…
« C’est assez rare pour être souligné : voilà un discours officiel qui mérite d'être lu et relu tant il a de significations profondes. Il s'agit du discours de Donald Rumsfeld, le 10 septembre 2001 au Pentagone. Un tel discours pourrait avoir été prononcé par Mao à la veille de la révolution culturelle, ou par Gorbatchev sur le point de lancer sa glasnost. Les références à la guerre froide ne manquent d'ailleurs pas dans le discours de Rumsfeld : la bureaucratie monstrueuse du Pentagone est une sorte de dinosaure rescapé de la guerre froide, et une structure aussi archaïque et paralysante que la bureaucratie de l'Union Soviétique à la veille de la chute de l'empire soviétique.
» L'intervention de Rumsfeld implique qu'hors des pressions politiques, des pesanteurs qu'il représente, des choix qu'il a faits, l'homme est capable de porter un regard lucide sur la réalité qu'il doit affronter. Le discours tranche avec les habituelles mélopées politically correct, entendues quotidiennement sur les conseils des conseillers en communication. Nous serions tentés, dans un premier mouvement, de lui accorder une importance similaire à celle du fameux discours du 16 janvier 1961 du président Eisenhower, sur le complexe militaro-industriel. Rumsfeld juge, et c'est une image assez audacieuse pour être soulignée, que le monstre bureaucratique du Pentagone est une menace aujourd'hui aussi grave pour les USA que l'était hier l'Union Soviétique (les trois premiers paragraphes du discours sont à cet égard dignes de la mémoire, tant pour décrire la bureaucratie que pour décrire son emprise sur les États-Unis autant que sur le reste du monde). »
L’évolution des événements qui suivirent conduisirent au constat, dans le chef de la puissance du système de l’américanisme qui a toujours mené le bal de l’effondrement dans cette séquence ultime de notre civilisation, du développement aveugle et irrésistible d’une hyperpuissance que je baptisais “surpuissance” pour montrer que c’était toujours plus, et “toujours plus” au-dessus et plus avant de la puissance produite comme la folie produit toujours plus. La chose étant si complètement, si absolument systématique, sans la moindre réflexion, le moindre but, le moindre sens que l’on en arrivait évidemment à l’effet de l’autodestruction.
De ce point de vue, il n’y avait rien à faire sinon à laisser faire. Le constat était donc que le système, plus tard devenu “Système”, ferait tout seul tout le travail, et toute l’action nécessaire serait simplement d’y pousser, de l’encourager sur cette voie de la surpuissance se transmutant en autodestruction. Ce fut la naissance de la formule “surpuissance = autodestruction”. (Et dans les cas extrême, recommandation d’une position de réserve avec l’“inconnaissance”.) On s’en est expliqué à plus d’une reprise, toujours dans les mêmes termes décrivant un processus finalement assez simple malgré la complexité de la description du phénomène. Par exemple, ce 1er juillet 2010 :
« Notre observation à ce point, – toujours en nous en tenant à l’aspect “technique”, – et que c’est justement son aspect radical presque jusqu’à la contradiction qui engendre l’autodestruction de ce système. Nous dirions que ce (notre !) système est “trop systématiquement un système” ; il développe jusqu’à l’hypertrophie les tendances d’un système à l’hyper-développement. Il se sur-développe dans le sens de l’hyper-spécialisation, comme toute tendance systémique mais poussée à l’extrême, sans la moindre précaution ni préoccupation d’être contrôlable et de se contrôler lui-même ; il finit par atteindre, – en fait atteint très rapidement aujourd’hui, – des pics de capacités et il bascule dans la non-efficacité et la non-productivité, et même la contre-efficacité et la contre-productivité jusqu’à des situations d’autodestruction, où l’hyper-mouvement de l’hyperpuissance débouche sur la paralysie de l’impuissance (cas du Pentagone, où l’amoncellement d’argent ajouté à un constant développement des technologies aboutissent à l’inefficacité, la paralysie et bientôt l’autodestruction). »
Cette idée n’a fait qu’enfler, se développer, devenant chaque jour plus irrésistible qu’irrésistible. Je pense que le Système, pour assurer son autodestruction par la surpuissance, a inventé ce drôle de concept de la “sur-irrésistibilité”, – encore plus irrésistible qu’irrésistible. Aujourd’hui, avec Ukrisis, on se trouve dans la phase ultime de « la lutte finale » du Système surpuissant avec lui-même autodestructeur, le moment où les actes formidables d’hyperpuissance produisent directement des actes cataclysmiques d’autodestruction (les sanctions antirusses retour à l’envoyeur par courrier-exprès, avec balle à tirer plutôt dans les poumons que dans le pied, selon Viktor Orban.)
Larry Johnson a écrit très récemment un texte sur cette super entreprise de surpuissance-autodestruction, à propos d’Ukrisis dans le chef des réactions antirusses du bloc-BAO : « Opération Z – Continuez comme ça ». Même si l’injonction, hérité d’un principe napoléonien (“on n’interrompt pas un ennemi qui développe une riposte erronée”) concerne les réactions ukrainiennes aux opérations militaires lancées par les Russes, elle concerne bien plus encore les réactions des gens du boc-BAO déversant jusqu’à l’ivresse des tonnes et des tonnes de sanctions. Quelques extraits de la litanie des encouragements de Johnson :
« Tout le monde mange de la nourriture et tout le monde a besoin d'énergie, leurs prix vont augmenter et entraîner tous les autres prix avec eux. En mai, l'inflation européenne était de 8,8 %. Mais elle n'a pas encore décollé : les prix de l'énergie au Royaume-Uni devraient augmenter de 65 % en octobre et de nouveau en janvier. La crise ne fait que commencer.
» Des problèmes dans les rues de toute l'Europe et deux des sept plus gros dirigeants [Johnson et Draghi] coulant corps et bien un mois plus tard.
» Continuez comme ça. […]
» Même ‘The Economist’ l'a remarqué : “Europe’s Winter of Discontent”. (L’Europe pense toujours que c'est Poutine qui a mis en place cet engrenage fatal. Mais ‘The Economist’ a fait sa part considérable pour nous mener à ce point).
» Pourquoi Moscou voudrait-il que tout cela s'arrête bientôt ? Le temps travaille pour lui et l’ennemi fait tellement d'erreurs.
» Continuez comme ça. »
Dans cette immense partie, les Russes jouent leur jeu, sans aucun doute possible. Ils le jouent avec décision, endurance, résilience, ils le jouent avec une parfaite conscience de qu’ils défendent et de ce qu’ils veulent établir ou consolider pour leur compte et qui pourrait bien devenir un “modèle”, – tradition, structuration sociale, solidarité patriotique, élan constructif appuyé sur le passé. Mais ils jouent ce jeu surtout par rapport à l’enjeu véritable, dont il n’est pas assuré qu’ils le réalisent entièrement, sauf peut-être certain d’entre eux, et cet enjeu étant la destruction d’une civilisation, d’un Système dont ils font eux-mêmes partie malgré toutes leurs disposition hostiles à ce Système.
(A-t-on mesuré leur ardeur dans ce sens dans leur acte le plus défiant, le plus hostile, le plus dévastateur opposé à la barbarie postmoderniste qui hurle et rugit dans sa surpuissance-autodestruction ? Lorsque la Douma prépare, comme il fait présentement, un texte visant à rendre illégales les diverses associations LGTBQ+ occidentales ; mettre LGTBQ+ hors-la-loi, affreuse transgression de notre-civilisation, sacrilège pire que n’en connut jamais aucune religion.)
Je tiens bien à dire ici, dans ces lignes, que je ne tiens pas la Russie pour un “modèle”, non pas par hostilité à la Russie ou parce qu’elle ne serait pas capable de l’être, mais parce que pour l’instant l’essentiel, la seule chose qui ait toute l’importance de nos acte, donc la seule chose en train de se faire réellement, c’est l’achèvement du geste décisif d’achever de pousser le surpuissant-Système dans le Trou Noir de son autodestruction.
Qui peut douter une seule seconde que cela étant accompli, tout ne sera pas absolument différent, y compris les “modèles” que nous pouvons imaginer aujourd’hui ? Ce que font accessoirement les Russes aujourd’hui c’est protéger ce qui peut l’être, toutes ces choses qui comptent pour eux et dont nombre d’entre elles sont admirables, pour qu’elles soient à disposition dans l’époque d’après ; ils ont raison mais il ne faut pas conclure qu’ils disposent de la formule de l’avenir, puisqu’enfin nul, sauf les dieux bien entendu, n’en dispose. En attendant, leur tâche essentielle est bien de pousser de toutes leurs forces à ce processus d’autodestruction.
… Tiens, je vous fait même cette considération arrangeante, pour montrer mon intransigeante impartialité dans ma partialité. Je suis sûr, vous entendez, je suis sûr que l’on trouvera dans les décombres et les gravas de notre civilisation-Système complètement détruite du fait de sa pourriture intrinsèque et de l’hybris de grande surface marchande qui dévore sa psychologie, l’un ou l’autre élément utilisable pour la suite ; tant il est vrai que les dieux, dans leur désinvolture ironique et leur ironie désinvolte, et pour corser le festin et le destin, font que nul parmi les hommes n’est vraiment tout à fait « mauvais en soi », – et peut-être cela est-il dit, dans mon chef, en souvenir de Rumsfeld, une infâme crapule d’une sacrée dimension, qui dit pourtant ce discours ignoré absolument du 10 septembre 2001….
… C’est ainsi que le dit Plotin, aveugle et initié des dieux, qui m’honore de son amitié à travers les temps, qui faisait remarquer récemment à mon intention que l’on n’avait plus guère utilisé ces temps derniers la citation de lui qui m’est chère :
« Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses. Mais les autres, ceux qui participeraient de lui et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi. »
Note : Réflexions à ne pas mettre entre toutes les mains
On pourrait s’en tenir là, mais enfin… Comprenez bien que nous sommes le site de “la crisologie” selon notre compréhension du concept, que notre existence et notre justification sont donc liées à l’effondrement du Système, par notre observation critique, notre argumentation sélective et parfois paradoxale, notre entêtement à annoncer la chose. Puisque nous sommes le jour du “19 courant…” du mois en cours, faites en sorte que nous puissions poursuivre notre mission, comme nous vous le demandons à chaque moment de chaque mois.
Et prenez note de ceci, horrible détail pratique que je suis obligé de mettre en évidence : le compte bancaire dont vous devez faire usage s’il vous prenait l’envie folle et notablement saugrenue de nous aider, est celui-ci désormais :
dedefensa.org – Philippe Grasset
Banque Nagelmackers
Liège-Belgique
Compte BE29 1325 à120 1364
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