Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 13 juillet 2022, consacré à la visite de Biden au Moyen-Orient et au différend frontalier entre le Liban et Israël autour du gisement gazier maritime de Karish.
Source : almanar.com.lb
Traduction : lecridespeuples.fr
Transcription :
[…] J’en viens maintenant au propos essentiel de mon discours de ce soir. L’un des résultats de la guerre de juillet (2006) est l’établissement d’un équilibre de dissuasion dans la lutte face à l’ennemi israélien, entre le Liban et l’entité ennemie. Ces équations, cet équilibre… Bien sûr, je ne parle pas d’un équilibre des forces au niveau du nombre de nos soldats respectifs, de notre puissance navale respective ou de nos forces aériennes respectives. Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Je parle d’un équilibre de dissuasion, d’un équilibre de la peur, d’un équilibre de la terreur. Il s’agit d’une équation d’un genre différent (que celui d’un strict équilibre des forces en présence).
Depuis 16 ans, c’est-à-dire de 2006 à ce jour, le Liban jouit d’une situation sécuritaire excellente en ce qui concerne la lutte contre l’ennemi israélien, si on la compare à ce qui se passait auparavant. L’ennemi a été incapable d’inclure le Liban dans sa stratégie de « la bataille entre les guerres » (consistant à mener des frappes épisodiques sans déclencher de guerre, comme il le fait en Syrie), et Israël réfléchit à mille fois avant d’entreprendre la moindre action militaire contre le Liban, sachant qu’il y aurait des ripostes (de la part du Hezbollah). C’est pourquoi lorsque Israël essaie de faire quelque chose (au Liban), il essaie de mener des opérations sécuritaires (contre le Hezbollah) en s’efforçant au maximum de ne laisser aucune empreinte, aucune trace (de son implication). Cet accomplissement (de la Résistance) est encore valable.
A ce sujet, avant l’épisode des drones (envoyés par le Hezbollah au-dessus de la plateforme gazière israélienne à Karish), après mon (dernier) discours au sujet de l’exploitation par Israël du gisement de Karish (revendiqué par le Liban ; le Hezbollah a promis d’empêcher Israël d’en extraire le gaz, même par la force), le ministre de la guerre ennemi… Bien sûr, tous les responsables israéliens se sont exprimés pour menacer, promettre (des représailles), etc., mais en ces jours de commémoration de la guerre de 2006, je ne veux commenter qu’une phrase du ministre de la guerre [Benny] Gantz. Il a déclaré, et je vous cite son propos textuellement : « Nous sommes prêts à la guerre, et si besoin, nous marcherons à nouveau sur Beyrouth, Saïda et Tyr. » Je vais juste commenter cette phrase avant de poursuivre mon propos. En bref, Gantz sait très bien qu’il se moque du monde, et qu’il se ment à lui-même, à son peuple et à ses pairs. Tous les Israéliens savent bien que ce ne sont que de vaines paroles en l’air, qui n’ont absolument aucun poids. Oui, quiconque en Israël peut déclarer qu’il va bombarder, détruire le Liban, etc. Je ne dis pas qu’ils en sont incapables : bien au contraire, c’est TOUT ce dont ils sont capables. Dans toutes les guerres contre Gaza, tout ce qu’ils ont fait, c’est des frappes aériennes, des tirs de missiles, des frappes d’artillerie, rien d’autre. La seule fois où ils ont fait une incursion terrestre à Gaza, ils ont subi un désastre, et ont même eu des prisonniers (capturés par le Hamas) ! Et même dans les manœuvres militaires récentes qu’ils ont surnommées « Chariots de feu », toute l’opération en direction de Gaza reposait sur la puissance de feu et non sur une incursion terrestre.
Toi donc qui, face à Gaza assiégée depuis 15 ans, dont la géographie est plate, dont les conditions sont (si) difficiles, et dont les armes sont largement produites localement, tu n’oses même pas avancer de quelques pas, tu prétends envahir le Liban et parvenir à Tyr, à Saïda et à Beyrouth ? Tu te fourvoies complètement si tu fais les mêmes calculs qu’il y a 20, 30 ou 40 ans, comme si la situation (aujourd’hui) était la même (que lors de l’invasion israélienne du Liban en 1982). Quoi qu’il en soit, je conseille à Gantz de revoir sa copie, et de réviser en particulier les derniers jours de la guerre de 2006, lorsque les Israéliens ont pris la décision de pénétrer dans la ville de Bint Jbeil, qui est toute proche de la frontière internationale (entre le Liban et Israël). Qu’il revoie en particulier le nombre de troupes d’élite qui y ont participé, les généraux qui y ont participé, les bataillons de tanks qui y ont participé, l’importance des forces qui y ont participé, la puissance de feu d’artillerie et aérienne, les tirs de missiles, les avions, les hélicoptères, etc. Ils ont détruit la majeure partie de la ville, ils l’ont assiégée, et n’ont laissé qu’une voie de sortie pour permettre aux combattants de fuir. Mais les combattants n’ont pas fui, et c’est le contraire qui s’est produit : davantage de combattants (du Hezbollah) sont entrés à Bint Jbeil. La situation était tout à fait différente (de ce qu’imaginait Israël). Et le but d’Israël n’était peut-être même pas d’occuper toute la ville de Bint Jbeil, mais seulement de parvenir au stade où j’ai prononcé le discours de la toile d’araignée (le 25 mai 2000) pour y planter le drapeau israélien. Et même ça, vous en avez été incapables ! Et ce durant les derniers jours de la guerre, ceux où, à vos yeux, les combattants (du Hezbollah) étaient épuisés et affaiblis par les bombardements, avec un moral au plus bas, etc. Mais telle est l’expérience de Bint Jbeil, la ville la plus proche de la Palestine occupée (ce fut un échec retentissant pour Israël).
C’est pourquoi prétendre qu’Israël va parvenir à Saïda, Tyr et Beyrouth est un propos grotesque, et j’estime que tous les Libanais se sont moqués de cette déclaration et de ces menaces. Ce temps (où Israël pouvait occuper notre capitale) est bel et bien révolu. Et c’est pourquoi nous ne devons rien craindre de ce côté-là dans le différend frontalier en cours entre le Liban et Israël : Israël nous menace d’invasion, mais que pourrait-il bien envahir ? Lui qui, pendant les 33 jours de la guerre de 2006, est resté aux portes d’Ayt al-Chab et de nos autres villages frontaliers, sans pouvoir y entrer. Il a essayé de pénétrer dans Maroun al-Ras pendant 3 jours, malgré le fait qu’il n’y avait là qu’un faible nombre de combattants, (mais il a échoué).
Je veux seulement confirmer, au sujet des leçons et enseignements à tirer de la guerre de 2006 en prévision de l’avenir, surtout en ce qui concerne le Sud-Liban et la prétention israélienne d’y réaliser une incursion terrestre, qu’aujourd’hui, le soutien populaire (en faveur de la Résistance) est différent de celui de 1982 : en très grande majorité, les masses soutiennent et embrassent (totalement) la Résistance. L’organisation de la Résistance est très vaste, et n’a pas d’antécédent comparable, tant au niveau de ses effectifs que de ses capacités et de sa puissance militaire. De même, la volonté de combattre, l’esprit de résistance, et c’est ce qui compte le plus, sont plus forts et plus élevés que jamais auparavant. Sans même parler de la géographie (montagneuse) du Liban (propice à la guerre de guérilla). La géographie est avec la Résistance, le peuple est avec la Résistance, les capacités sont avec la Résistance, la Résistance est avec la Résistance, et en premier et dernier lieu, Dieu le Très-Haut et l’Exalté est avec la Résistance. C’est Lui qui lui a donné la victoire par le passé, et c’est Lui qui lui donnera la victoire à n’importe quel moment de l’avenir. Dieu ne manque jamais à Sa promesse, et Il donne la victoire à ceux qui combattent sur Sa voie [Coran, XXII, 40].
Le troisième point est la question du pétrole et du gaz. L’une des conséquences de la guerre de 2006 est d’avoir démontré la puissance de la Résistance, capable de protéger le Liban. Une nouvelle équation (de dissuasion) a été imposée, je viens d’en parler. La protection du Liban, de son territoire, de sa population, de la sécurité nationale —je ne parle pas de la sécurité de la société, en pleine crise— dans la lutte face à l’ennemi israélien, de ses ressources naturelles, etc. Tout cela —et je commence à être très pesé dans mes propos— constitue la seule puissance que possède le Liban pour obtenir ses droits sur les gisements de pétrole et de gaz, les extraire et les vendre. Il y a plusieurs points essentiels dans ce dossier.
Premièrement, aucun Libanais ne remet en cause le fait que l’occasion en or pour sauver le Liban est d’extraire son pétrole et son gaz. Lorsque je parle de sauver le Liban, je parle de sauver l’Etat, dont les services publics sont en majorité suspendus. Les salaires et les services sont insuffisants, mais l’Etat est incapable d’y remédier. Demain, si les réserves de la Banque centrale s’épuisent, il se peut que même les salaires des fonctionnaires ne puissent plus être payés. Il n’y aura plus de subventions pour les médicaments, la farine, etc. L’Etat est sur le point de s’effondrer, et le pays se dirige vers une situation extrêmement difficile et même critique. Quoi encore ? Même si des réformes sont menées, j’en ai déjà parlé mais je veux le répéter, les conditions imposées par le FMI pour l’octroi d’un prêt de 3 milliards de dollars (sont draconiennes), et une telle somme ne saurait répondre aux besoins (énormes) du Liban. Quelqu’un m’a dit que peu importe les 3 milliards de dollars du FMI, ce qui compte c’est que si ce prêt est accordé, cela donnera plus de confiance en le Liban, et on pourra alors organiser une Conférence internationale pour venir en aide au Liban. Très bien, mais que peut-on en attendre ? 10, 11, 12 milliards, comme la Conférence CEDRE, dont la majorité sera des prêts, et donc de nouvelles dettes pour le Liban, avec des conditions très strictes. Est-ce que cela règlera les problèmes du Liban ? Les problèmes du Liban sont bien plus importants que cela.
Il y a une deuxième option, qui n’apporte ni 3 milliards de dollars de dettes, ni 11 milliards de dollars de dettes, mais des centaines de milliards de dollars qui seront notre propriété, avec lesquels nous pourrons payer nos dettes, payer [et augmenter] les salaires des fonctionnaires, subventionner les médicaments, la farine, trouver des financements pour relancer l’économie, etc. Car dans les faits, la levée des subventions sur l’essence et le mazout n’a rien relancé [et les Libanais touchent le fond]. La seule voie de salut existante et digne pour les Libanais est celle de l’exploitation de nos hydrocarbures : aucune autre voie n’est apparue jusqu’à présent.
Le deuxième point est que l’occasion en or est maintenant. C’est maintenant, durant ces deux mois. Et maintenant, il reste moins de deux mois, à savoir ce qui reste de juillet et le mois d’août, jusqu’en septembre, début septembre, la première semaine de septembre —je vais préciser les choses en détail. Nous avons une occasion en or maintenant. Pourquoi est-ce que je parle d’occasion en or ? S’il n’y avait pas la guerre entre la Russie et l’Ukraine, il n’y aurait pas ce besoin (urgent) de l’Europe et des Etats-Unis pour le gaz et le pétrole. Je ne veux pas dire qu’ils vont importer le gaz et le pétrole du Liban, car pour installer des plateformes maritimes, extraire les hydrocarbures et les vendre, il faut des années. Mais la force du Liban est qu’il peut constituer un problème, un obstacle face à l’ennemi israélien, à l’entité israélienne, et créer un problème dans toute la région qui empêchera l’extraction du gaz et du pétrole (en Méditerranée), et empêchera la vente du gaz et du pétrole à l’Europe. Car ces gens-là sont pris à la gorge, ils n’ont pas le choix et ils n’ont plus le temps. Et j’ai bien expliqué que Biden est venu au Moyen-Orient en premier lieu pour cela (convaincre les pays du Golfe d’augmenter leur production de pétrole et de gaz). Il leur faut absolument du pétrole et du gaz maintenant.
Et c’est pour cela qu’Israël s’est précipité pour exploiter le gisement de Karish. Pourquoi est-ce que je dis que tout se joue durant ces deux mois ? Car c’est maintenant qu’il faut trouver du gaz et du pétrole alternatifs pour l’Europe [avant l’hiver], et par ailleurs c’est le temps requis par la compagnie unetelle [Energean] pour commencer à extraire le pétrole et le gaz de Karish. Telle est notre fenêtre de tir. Si ce délai de deux mois se passe et que le Liban n’a pas obtenu ses droits, la situation sera très difficile, et il sera infiniment plus dur d’obtenir nos droits. Si nous devons obtenir nos droits après que l’extraction de pétrole et de gaz a commencé à Karish, cela nous coûtera beaucoup plus cher. A vous de comprendre ce que je veux dire. Le prix à payer sera beaucoup plus cher. C’est pour cela que j’ai dit dans mon dernier discours que le temps presse, qu’il est crucial d’agir au plus vite (avant qu’il soit trop tard), sans préciser combien de temps exactement. Mais à présent, les Israéliens eux-mêmes, et le monde avec eux affirme que l’extraction de pétrole et de gaz à Karish commencera en septembre. Telle est la période critique que nous avons devant nous. Les responsables libanais, l’Etat libanais et tout le peuple libanais doivent tout faire pour tirer profit de cette période en or, de cette occasion en or.
Ne permettez pas aux Américains de vous duper, de tergiverser et de jouer la temporisation. J’ai été très affecté d’entendre les responsables (libanais) déclarer qu’avec la grâce de Dieu, l’accord (frontalier maritime entre Israël et le Liban) sera conclu en septembre. Les carottes seront cuites ! En septembre, les carottes seront cuites (il sera trop tard). Si vous n’obtenez pas votre droit avant septembre, et si vous ne fixez pas la frontière maritime avant septembre, et que les Etats-Unis et l’ONU n’ont pas reconnu les droits du Liban, après cette période de deux mois, les choses seront beaucoup plus dures et le prix à payer beaucoup plus élevé. Naturellement, nous n’abandonnerions pas la question, mais ce sera très dur et très coûteux. C’est ainsi que vous devez faire vos calculs. Peut-être que si vous laissez passer ces deux mois, vous (responsables libanais) n’obtiendrez rien, sauf en payant un prix très élevé (la guerre). Ne laissez pas les Etats-Unis vous mener en bateau. N’accordez aucun crédit aux paroles mielleuses des Américains. La preuve en est que cela va bientôt faire un an que j’ai annoncé, le dixième jour de Muharram, l’arrivée d’un cargo de mazout d’Iran, et l’ambassadrice américaine a promis au peuple libanais du gaz d’Egypte et d’électricité de Jordanie, ainsi que d’une dérogation aux sanctions (américaines) César, de même que d’un prêt de la Banque mondiale au Liban. Cela fera un an le mois prochain. Qu’avons-nous vu de tout cela ? Rien de rien. Des délégations sont allées et venues, des ministres se sont rencontrés, des signatures libanaises, égyptiennes, syriennes et jordaniennes ont été apposées sur des documents, merci à eux, mais cela n’a rien donné. Il y a quelques jours, le ministre libanais de l’énergie est revenu d’Egypte et a déclaré que les Egyptiens sont enfin prêts (à exporter leur gaz vers le Liban), Dieu merci tout cela s’est terminé, mais on attend encore la dérogation américaine aux sanctions César et le prêt de la Banque mondiale. Rien n’a avancé à ce niveau, après une année entière ! L’Egypte n’avait aucun problème (à nous vendre son gaz), et ce depuis le début, depuis des années, de même que la Jordanie n’a aucun problème à nous vendre son électricité : le problème est le veto américain. On voit bien quelle est la valeur du peuple libanais, noyé sous la crise et la pénurie, aux yeux des Américains : ils refusent toute dérogation aux sanctions César qui permettrait que le gaz égyptien soit exporté vers le Liban via la Syrie, de même que l’électricité jordanienne. Ils ont pourtant fait une dérogation pour l’Irak, qui importe du gaz d’Iran alors que le pétrole et le gaz iraniens sont sujets aux sanctions américaines. L’Irak a la permission d’importer du gaz iranien pour son électricité. Lorsque les Etats-Unis occupaient l’Afghanistan, ils avaient accordé une dérogation au gouvernement afghan qui leur était soumis, lui permettant d’acheter pétrole, gaz et dérivés du pétrole à l’Iran. Mais rien de tel pour le Liban, après une année entière, alors que le Liban a plus besoin que jamais ne serait-ce que d’une heure (supplémentaire) d’électricité, durant cet été, cet été même. Et l’hiver approche.
Voir Crise du carburant au Liban : comment le Hezbollah a brisé le blocus américain
Ces Etats-Unis qui sont incapables de faire une dérogation à leurs sanctions César pour le Liban, pourquoi vous accorderaient-ils vos droits maritimes, vos frontières, le gisement de Qana, et permettraient-ils à l’entreprise Total et autres compagnies (occidentales) de commencer à extraire le pétrole et le gaz du Liban ? Pour les beaux yeux de qui le feraient-ils ? Faudrait-il compter sur leur éthique et leurs bonnes manières ? Cet individu que vous appelez un intermédiaire américain [Amos Hochstein], mais que nous appelons pour notre part juge et partie, car il œuvre dans l’intérêt d’Israël et fait pression sur le Liban. Les Américains sont venus il y a longtemps, et même lorsque [Hochstein] est venu dernièrement, à mes yeux, son attitude était déplacée, à la fois sur le fond et la forme : sur la forme, durant son entretien (avec les responsables libanais), il rigolait, plaisantait et se moquait, et sur le fond, il n’a reconnu aucun droit au Liban. Il estimait qu’il ne s’agissait pas d’une question de droit, car il n’y a (selon lui) aucun moyen de faire valoir ce droit, mais que ce n’est qu’une question de négociations, d’un accord qui doit être conclu selon ce que les deux parties accepteront. Il ne s’est comporté de façon sérieuse et prometteuse ni sur le fond, ni sur la forme.
Et de base, pourquoi Hochstein est-il venu ? Lorsque, il y a quelques années, les Américains sont venus et ont établi la ligne Hof [ligne H de la carte ci-dessus], puis nous ont tourné le dos durant des années, le Liban est resté les bras croisés à attendre (un accord sur les frontières maritimes), tandis qu’Israël prospectait (les gisements maritimes), etc. Des (Libanais) nous disent encore qu’Israël est en train de prospecter à Karish : mais mon cher, les prospections à Karish sont terminées depuis longtemps ! Ils s’apprêtent maintenant à extraire le gaz de Karish. Ils prospectent, creusent et s’apprêtent (à l’extraction), tandis que nous restons assis à attendre des négociations. Puis Hochstein est arrivé, et il a proposé une ligne de démarcation. Je ne sais pas comment il l’a appelée, appelons-la la ligne Hochstein. Il l’a imposée comme quelque chose de non négociable, puis a tourné les talons et a filé dare-dare, disant aux responsables libanais que dès qu’ils ont une réponse, ils doivent la lui envoyer par écrit. Qu’est-ce qui a amené Hochstein à revenir pour sa visite récente ? Deux choses. Soyons précis. Il n’est pas revenu par égard pour qui que ce soit au Liban, ni pour l’Etat libanais, ni pour les beaux yeux de qui que ce soit. Il est venu pour deux raisons. Premièrement, le besoin de pétrole et de gaz des Etats-Unis pour l’Europe, comme je viens de l’expliquer. Car la situation est très difficile et même critique du fait de la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui les prend à la gorge depuis quelques mois. Voilà le premier point nouveau : le besoin urgent d’obtenir un remplacement (aux hydrocarbures russes), et c’est là le point sur lequel on peut faire pression sur les Etats-Unis. Je ne veux pas le décrire comme un point faible, mais comme un besoin américano-israélo-occidental pressant. Et la deuxième raison est le vrai point de force du Liban : Hochstein est revenu car il a vu les menaces du Hezbollah. Ecoutez-moi bien : sans les menaces de la Résistance (de frapper Karish), s’il n’y avait pas de Résistance, s’il ne savait pas que la Résistance a des drones, des missiles de précision, et des capacités (militaires) aériennes, maritimes et terrestres, s’il ne savait pas que la Résistance avait le courage et l’audace de menacer, d’agir et de faire (ce qu’elle promet), Hochstein ne serait pas venu : il aurait dit qu’il nous avait déjà indiqué une ligne de démarcation, et qu’il attendait une réponse (du Liban) qui n’est jamais venue. Hochstein est venu car le pétrole et le gaz de Karish se sont retrouvés menacés, et bien plus que ça, comme je vais l’expliquer.
En somme, le Liban est aujourd’hui face à un adversaire, ou plutôt face à un ennemi qui a un point faible, à savoir le besoin pressant et urgent de gaz et de pétrole qu’il veut importer depuis l’entité (ennemie). Car il ne peut pas importer de pétrole et de gaz du Liban pour le moment, mais nous pouvons empêcher Israël d’extraire et d’exporter le gaz, ce qui est notre point de force. Le point fort du Liban est qu’il a une Résistance, capable d’empêcher et d’interdire toute extraction de gaz et de pétrole (en Méditerranée). Nous sommes capables de faire tout cela. Lorsqu’il va mener les négociations, comme tout pays qui se rend à des négociations, le Liban doit avoir des points de force (pour faire valoir ses droits). Quelles sont les cartes maîtresses que le Liban peut jouer ? Quels points forts peut-il mettre en avant ? Peut-il se prévaloir de la présence à nos côtés de la Ligue Arabe ou de l’Organisation de la coopération islamique [rires] ? De l’ONU ? Du Conseil de Sécurité ? De l’Europe ? Du soutien de qui le Liban peut-il se prévaloir ? Le Liban, tout comme les peuples syrien, palestinien, yéménite, est abandonné à lui-même. C’est le sort de tous les opprimés. Le Liban doit donc rechercher sa force intrinsèque (et non d’illusoires soutiens extérieurs). Le seul point fort du Liban, par lequel j’ai commencé mon propos, c’est le Hezbollah. C’est le seul. Si quelqu’un prétend qu’il y en a un autre, qu’il nous le présente : nous ne sommes pas obstinés et somme désireux de nous instruire. Le seul point fort existant au Liban est la Résistance et les actions de la Résistance. Même les Etats-Unis ne sont pas un intermédiaire neutre, ils sont juge et partie : tout ce qu’ils veulent, c’est un accord qui attribuera le maximum de gains à Israël aux dépens du Liban. Tel est leur véritable but. La personnalité de l’intermédiaire n’a aucune importance, c’est la politique fondamentale des Etats-Unis qu’est venu poursuivre Biden, comme il l’a annoncé dès son arrivée à l’aéroport (de Tel-Aviv). Tel est donc notre seul point de force, et c’est sur cette base qu’il faut avancer.
Je veux m’adresser aux responsables libanais sans commenter tout ce qui a été dit jusque-là. Je veux être constructif. Certains responsables libanais sont convaincus —qu’ils l’aient déclaré publiquement ou non, ils le disent durant les réunions internes— ils sont convaincus que le point de force du Liban est la Résistance et les menaces de la Résistance. Certains responsables n’en sont peut-être pas convaincus, ou du moins craignent-ils de l’affirmer clairement. Je ne veux pas entrer dans ces détails. Je veux seulement dire aux responsables libanais : cet unique point fort entre vos mains, utilisez-le ! Je vous dis moi-même, au nom de la Résistance, utilisez-nous ! Instrumentalisez-nous ! Profitez de nous ! Comme vous voulez ! Lorsque vous vous asseyez avec les Américains et les Européens, avec l’ONU et avec le monde entier, dites-leur ce que vous voulez ! Insultez-nous si vous voulez, mais ne vous dissociez pas totalement de nous bien sûr. Insultez-nous, aucun problème ! Dites-leur que ce groupe (le Hezbollah) n’écoute personne, échappe à tout contrôle, et peut mener toute la région à l’abîme ! Dites ce que vous voulez [pour obtenir les droits du Liban, même si vous nous dénigrez lorsque vous rappelez nos menaces] ! Je vous y invite publiquement ! Dites-le ! Et ce n’est pas de la guerre psychologique. Les Américains et les Israéliens savent bien que sur ce dossier, nous ne menons pas de guerre psychologique mais sommes on ne peut plus sérieux. Je vais donner quelques détails à ce sujet. Nous sommes très sérieux. Les négociateurs libanais ont une carte maîtresse à jouer, c’est le Hezbollah. Quand nous avons envoyé les drones au-dessus de Karish, vous auriez dû dire « Vous voyez ?! Ces gens échappent à tout contrôle et sont capables de tout ! Ils n’écoutent personne et peuvent mener la région entière au désastre [s’ils n’obtiennent pas satisfaction] ! Alors s’il vous plait, réglez ce problème et accordez au Liban ses droits légitimes ! » Voilà ce que je voulais confirmer ce soir.
Après l’épisode des drones (envoyés par le Hezbollah au-dessus du gisement de Karish), dont je vais parler un peu, j’ai entendu certains responsables dire que cette action violait l’accord (prétendument conclu entre le Hezbollah et le gouvernement). De quel accord parlez-vous ? Qui a conclu un accord avec qui ? Si quelqu’un conclut des accords sans qu’on en soit informés, c’est son problème. Mais nous, le Hezbollah, n’avons conclu aucun accord avec qui que ce soit, et n’avons pas promis à qui que ce soit que nous ne ferions rien et que nous attendrions l’issue des négociations. En aucun cas. Et quiconque déclare aux Américains ou à quiconque que le Hezbollah ne fera rien, qu’il ne mènera aucune action, ni par le passé, ni dans le présent ni à l’avenir, quiconque fait de telles promesses trompe ses interlocuteurs et se ment à lui-même, tout en dilapidant les intérêts du Liban. Au lieu de leur donner des garanties et d’essayer de les rassurer, il faut les effrayer ! Car c’est votre seul point fort ! C’est votre seule carte à jouer ! Si vous les rassurez, ils vont tourner les talons, perdre notre temps, temporiser pendant ces deux mois, comme ils se moquent de vous depuis un an avec le gaz égyptien et l’électricité jordanienne. Au contraire, il faut non seulement leur faire peur, mais même les faire trembler !
Deuxième point à ce sujet, certains ont demandé comment le Hezbollah peut-il prendre l’initiative d’envoyer des drones alors qu’il prétend se tenir derrière l’Etat ? Vous nous avez mal compris mes chers ! Nous sommes derrière l’Etat au niveau de la démarcation des frontières maritimes ! C’est un sujet dans lequel nous ne voulons pas nous ingérer. Cela ne signifie pas que si l’Etat accepte telle ou telle démarcation, nous signons nous aussi, non ! Nous n’intervenons en rien là-dedans. Nous ne somme ni pour ni contre. Nous ne voulons pas participer à la démarcation des frontières maritimes, comme je l’ai déjà expliqué par le passé, et je ne veux pas réexpliquer. Nous n’y participons pas pour des raisons de principe, idéologiques, culturelles, morales et tactiques. Quand on dit qu’on est derrière l’Etat au sujet de la démarcation des frontières maritimes, cela signifie qu’on ne veut pas s’ingérer dans cette question. Quand on dit qu’on est derrière l’Etat, ça veut dire que c’est l’Etat libanais qui négocie, pas nous. Beaucoup ont prétendu que le Hezbollah était intervenu dans les négociations, et avait ouvert des canaux de négociations, mais ce ne sont que des mensonges sans fondement. Nous n’y participons en rien. Mais nous n’avons jamais déclaré que nous nous tenons derrière l’Etat en ce qui concerne les pressions à exercer sur l’ennemi, les initiatives qui peuvent servir les négociations, etc. Nous n’avons jamais rien dit de tel, au contraire : nous avons affirmé le contraire ! J’ai dit clairement que nous ne resterions pas les bras croisés ! C’est ce que j’ai dit. Il ne faut pas comprendre de travers : nous n’avons pris aucun engagement avec quiconque et ne prendrons aucun engagement avec quiconque. Nous suivons ce qui se passe, et nous avons le droit de mener n’importe quelle action à tout moment que nous jugerons opportun, de l’ampleur opportune et de la manière opportune pour faire pression sur l’ennemi dans l’intérêt des négociations et des négociateurs libanais. Que cela soit bien clair, tant pour le passé que pour l’avenir.
C’est sur cette base que nous avons pris l’initiative d’envoyer les drones (au-dessus de la plateforme gazière israélienne de Karish). Le but est de gagner du temps ! Il y a eu une réponse (américano-israélienne), que les responsables libanais évaluent de différentes manières. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il y a une avancée positive, je le dis pour être honnête et factuel, mais cela ne suffit pas, car même ce que l’Etat libanais demande n’est pas accordé. Nous, au Hezbollah, ne demandons rien, car j’ai bien dit qu’on ne s’ingère pas dans cette question. Ils ont dit au Liban d’attendre la suite pour septembre. Mais les carottes seront cuites. Et là est la duplicité américaine. Là est la duplicité américaine. Et c’est à ce moment que les drones sont intervenus, le lendemain de la réponse dans laquelle la duplicité et la temporisation étaient manifestes : il était clair qu’ils se moquaient de nous. Et on ne veut pas se laisser duper. Nous avons donc lancé les drones, et je vais un peu m’étendre sur l’aspect militaire de la chose. Comme l’a déclaré le communiqué de la Résistance, nous avons envoyé 3 drones de tailles différentes, et non armés. Bien sûr, nous avons fait exprès de ne pas les armer. Même quand on discutait cette décision avec les frères, nous nous sommes mis d’accord sur le fait que notre but était qu’Israël abatte ces drones. Et malgré cela, Israël a eu du mal à les abattre, envoyant d’abord des avions puis faisant intervenir la marine et les missiles (mer-air) Barak, etc. Ce sont des détails, mais je vous explique quelle était notre intention, et cela bénéficiera aussi à Israël pour l’avenir. Nos frères nous ont dit qu’ils étaient capables d’envoyer un drone (au-dessus de Karish) qui collecterait des renseignements et reviendrait (intact). Mais nous avons dit unanimement que nous voulions que le drone aille collecter les renseignements puis se fasse abattre par Israël. Pourquoi ? Parce que nous voulons que les avions de guerre tirent des missiles. En toute franchise. Nous voulons que les navires de guerre tirent des missiles mer-air. Nous voulons des tirs et des explosions dans cette région, vers eux, afin que le navire, les ingénieurs, les employés (israéliens et étrangers sur la plateforme gazière grecque Energean) et tout le monde sachent bien qu’ils sont dans une zone dangereuse, face à une menace réelle et sérieuse (pour leur vie).
Si nous avions envoyé un drone qui aurait collecté les informations là-bas et serait revenu, nous aurions émis un communiqué en ce sens, affirmant qu’un drone s’est rendu au-dessus de Karish et est revenu intact avec les informations recherchées, mais peut-être que certains nous auraient cru, et d’autres non. Mais l’événement marquant et indéniable est que les drones se rendent sur place et y soient abattus, qu’Israël soit contraint de les frapper avec des missiles lui-même et s’exprime à ce sujet. C’est pour cela qu’Israël s’est exprimé avant nous, nous attendions de voir ce qu’il allait dire. Et nous avons fait exprès d’envoyer 3 drones pour que l’incident soit plus marquant, car un seul drone n’aurait pas fait autant de bruit. Soit dit en passant, c’était la première fois de l’histoire de l’entité israélienne que 3 drones étaient envoyés simultanément. Quant à l’envoi d’un seul drone, le Hezbollah l’a réalisé depuis longtemps (le premier drone connu, nommé « Ayoub », a été envoyé en 2012) et continue à le faire jusqu’à présent, Israël les interceptant parfois. Gaza a également envoyé des drones au-dessus de la Palestine occupée. L’Iran en a également envoyé une ou deux fois, et la Syrie aussi. Mais à chaque fois, les drones étaient envoyés un par un. C’est la première fois que 3 drones sont envoyés simultanément vers un même objectif. Voilà donc toute l’histoire. Je précise que nous sommes capables d’envoyer un très grand nombre de drones simultanément. Nous pouvons les envoyer armés ou non armés, avec différents types d’armes, de différentes tailles, etc. Nous sommes capables de tout cela, avec l’aide de Dieu. Nous n’avons aucun problème à ce niveau. Nous en avons envoyé 3 non parce que nous étions incapables d’en envoyer 5, mais parce que 3 étaient suffisants pour le message que nous voulions adresser. Et nous étions prêts à tout, en fonction de la réaction d’Israël, nous étions prêts à faire face à toute riposte.
En envoyant ces drones, notre but… Il y avait des objectifs militaires, sécuritaires, tactiques, dont je ne veux pas parler, mais nous voulions envoyer un message à l’ennemi et au monde entier. Si quelqu’un se figure (que nous bluffons)… Et je le dis aux Américains, car au Liban (et en particulier à l’ambassade américaine), certains conseillers stupides peuvent prétendre que nous bluffons. Certains peuvent (rassurer Israël et les Etats-Unis) en leur disant qu’il n’y a rien à craindre car la situation est très difficile au Liban, les gens sont pris à la gorge (du fait de la crise, de l’hyperinflation et des pénuries), et que le Hezbollah peut parler et menacer, mais que ce ne sont que des mots, et qu’il ne fera rien. Nous avons lu beaucoup de déclarations, de communiqués, de discussions et d’interventions dans cette veine. Cela se dit à la télévision, puis c’est répété à l’ambassade américaine, et peut-être que les responsables se laisseront tromper. Mais avec les 3 drones, le message était clair, et il a été bien reçu. Le message disait clairement que nous sommes sérieux, que c’est à nos yeux un dossier crucial, que nous ne menons pas de guerre psychologique, et que nous menons des actions de manière progressive (de plus en plus sérieuses), et nous ferons tout ce qui est nécessaire sans aucune hésitation. Ce message a été bien compris par Israël et par les Etats-Unis. Que certains commentateurs libanais l’aient compris ou pas est le dernier de nos soucis. Ce qui compte, c’est que l’ennemi comprenne ce message, car c’est à lui qu’il est adressé en premier lieu. En second lieu, ce message est adressé à nos amis, pour qu’ils sachent qu’ils sont en position forte, qu’ils n’ont pas à avoir peur ou à trembler. Ce message est bien parvenu, et la preuve en est qu’il n’y a eu aucune réaction d’Israël sur le terrain, malgré la violation (flagrante) de l’espace aérien de l’entité. Car la question du pétrole et du gaz est très sensible et pressante pour les Israéliens, les Américains et les Européens. Et la deuxième preuve est les contacts internes qui ont été établis, et les messages qui ont été transmis à l’Etat libanais et également à nous-mêmes (le Hezbollah) après l’opération des drones. Tout cela confirme que le message a été bien transmis et bien compris.
Que va-t-il se passer maintenant ? Je dois également dire deux mots clairement pour l’avenir. Au niveau de notre capacité (militaire), l’ennemi doit savoir, et il le sait bien, mais je le dis pour rassurer et aider les amis, que notre capacité est multiple. De l’aveu même des Israéliens, ils ont été intimidés par les drones, et ont eu du mal à les abattre. Mais nous avons des choix divers et variés (pour frapper Karish) : nous avons des options aériennes, des options maritimes et des options terrestres. Toutes ces capacités sont effectives et sont sur la table. Jouer la temporisation ne servira à rien (avec nous). Nous sommes capables de faire tout ce qui servira notre cause, et nous le ferons à chaque fois avec l’ampleur opportune, au moment opportun et de la manière opportune. Et je le répète, le Liban peut se targuer d’une véritable puissance dissuasive et capable d’empêcher (l’extraction du gaz de Karish), dont il doit profiter de l’existence et des menaces (qu’elle fait peser sur l’ennemi), ainsi que de ses actions si nécessaire.
Dans cette puissance, dans ces négociations, dans ce dossier, il y a deux questions (que je vais préciser) pour que les gens ne se trompent pas quant à la position à adopter à leur égard. La première question est celle des frontières maritimes du Liban, sur lesquelles l’Etat est en train de négocier. On s’attend à ce qu’ils parviennent à un résultat, qui sera reconnu par les Etats-Unis et l’ONU. C’est un premier dossier. Mais tout seul, il ne suffit pas. Je veux vous rappeler que pour les invasions israéliennes de 1978 et de 1982, les frontières du Liban ne faisaient pas l’objet de disputes : elles étaient reconnues internationalement, par l’ONU, tout ce que vous voulez (sans que ça empêche Israël d’envahir). Il ne suffit pas d’avoir une reconnaissance internationale pour notre frontière maritime et notre zone économique exclusive. Cela ne suffit pas. La deuxième question est la permission (américaine) qui doit être donnée aux compagnies étrangères comme TOTAL, qui se sont engagées à venir prospecter et extraire les hydrocarbures libanais. Sans cela, qu’aurons-nous gagné ? Si on nous dit que voilà nos frontières maritimes, mais que le veto américain continue à nous interdire de prospecter et d’extraire nos ressources pendant 10 ou 20 ans, nous n’aurons qu’un droit sur le papier, et le pétrole et le gaz maritimes seront pillés (par Israël). Les deux questions doivent donc être liées et résolues toutes les deux. Il ne suffit pas qu’on nous dise « Voici vos frontières » et que par ailleurs on interdise à TOTAL et à toute entreprise du monde de venir prospecter ou extraire les hydrocarbures libanais. Nous n’aurions rien gagné, et ce serait se moquer du monde et de soi-même que de prétendre le contraire. L’Etat n’aurait réalisé de succès que sur le papier, sans que ça se traduise dans les faits. Par conséquent, le choix dont dispose le Liban est de faire pression. Nous devons faire pression. Nous devons faire pression. C’est notre destin qui est en jeu. Je vais maintenant exprimer le cœur de mon propos et de notre position. C’est une question vitale à nos yeux.
Je veux dire à nos ennemis et à nos amis que nous ne menons pas de guerre psychologique sur ce sujet. Nous ne nous contenterons pas de parler, d’exprimer notre opinion et de prendre congé, certainement pas. Nous sommes très sérieux. A nos yeux, c’est là la seule voie de salut du Liban en tant que nation, en tant qu’Etat avec ses institutions qui est menacé d’effondrement, en tant que peuple, son présent et son avenir. Nous parlons d’une opération de salut. Peut-être que demain, quelqu’un réagira à mon propos en disant que je gâche toute la procédure de délimitation des frontières. Quelqu’un me demandera si je veux mener le pays à la guerre. Mais si on continue comme ça, le Liban se dirige vers une situation pire que la guerre ! Une situation bien pire que la guerre ! Pour une fois seulement, essayons, nous Libanais, d’être courageux, de nous dresser comme un seul homme et d’avoir une seule position forte et courageuse face aux Américains et aux Israéliens, sans dérobade, sans faux-semblant et sans lecture erronée. Quelqu’un prétendra que tout cela vise à influencer les négociations sur le dossier nucléaire iranien. Depuis 1982, on nous rabâche l’Iran, la Syrie, etc. (pour présenter le Hezbollah comme un simple satellite de Téhéran ou Damas), mais ce ne sont que des propos vides de sens. Cela n’a rien à voir avec le dossier nucléaire iranien, comme les Etats-Unis eux-mêmes l’ont reconnu. Visons donc à réaliser notre objectif (obtenir les droits maritimes du Liban et sauver le pays), que nous importe le dossier nucléaire iranien ? Si nous nous dressons comme un seul homme face aux Américains, tant au niveau de l’Etat (libanais), du peuple et la Résistance, et que nous leur disions « Si vous ne nous accordez pas les droits revendiqués par l’Etat, et non par le Hezbollah, et si vous ne permettez pas aux entreprises de venir extraire (nos hydrocarbures), nous allons tous causer (une guerre terrible) dans la région. Nous allons peut-être renverser la table sur le monde entier (qui en pâtira). »
Il y a des gens qui veulent que le peuple libanais meure de faim et s’entretue devant les boulangeries, les stations d’essence, qu’on s’entretue pour pouvoir manger une bouchée de pain, car la livre libanaise n’a plus aucune valeur, de même que les salaires. Il y a des gens qui veulent détruire ce pays. Mais non (nous ne les laisserons pas faire) ! Je le dis ce soir en toute franchise, si le choix est que le Liban ne soit pas aidé —et la voie naturelle pour l’aider est sa richesse en hydrocarbures—, et que le Liban soit poussé vers l’effondrement, la famine, le peuple qui s’entretue, non, non, non, non (jamais nous ne le permettrons). La guerre est plus digne, beaucoup plus digne. Que ce soit la menace de guerre, ou même la guerre réelle ! C’est beaucoup plus digne et beaucoup plus noble ! La première voie, qui consiste à laisser les choses continuer vers l’effondrement, l’anarchie et les gens qui s’entretuent à cause de la faim, n’a aucun horizon. Cela n’a aucune issue. Mais la guerre a un horizon. Si nous décidons d’aller vers la guerre, il y a une issue. Cela peut amener l’ennemi à se soumettre (à nos demandes). Peut-être qu’il se soumettra avant la guerre, peut-être qu’il se soumettre au début de la guerre, peut-être au milieu, peut-être à la fin ! Il se soumettra et on imposera nos conditions, et on gagnera des centaines de milliards de dollars (en vendant nos hydrocarbures), ce qui sauvera le pays ! Et quiconque meurt dans une telle guerre mourra en martyr. C’est mieux que de mourir à cause d’une bagarre à la boulangerie, à la station d’essence, dans un vol de mobylette ou autre. Parlons-en sérieusement. Je sais que ce soir beaucoup de voix vont s’élever (pour dénoncer mon discours), mais je vous parle en toute franchise.
Et l’expérience nous a appris… Nous espérons que la position nationale du Liban sera forte et unanime. Mais il est évident que nous ne nous attendons pas à faire l’unanimité. De 1982 à 2000, l’expérience de la Résistance, les partis de la Résistance et les factions de la Résistance libanaise déclarent tous que si nous avions attendu l’unanimité nationale (pour combattre l’envahisseur), le Liban serait encore occupé par Israël, et il y aurait des colonies dans le Sud, dans la Bekaa occidentale, à Rachayya et dans bien d’autres endroits. Le Liban aurait été avalé par Israël. Nous n’allons pas attendre d’unanimité, et nous n’abandonnerons pas l’Etat. Nous ne pouvons pas laisser l’Etat seul dans un dossier aussi difficile et sensible.
C’est pourquoi je déclare à l’ennemi ce soir : qu’il ne se trompe pas dans ses calculs. Que les Américains et Hochstein ne se moquent pas des Libanais et n’essaient pas de les duper. Les Libanais ne se laisseront pas duper. Le message des drones n’est qu’un début, un début modeste (qui ne donne qu’un petit aperçu) de tout ce que nous pouvons faire. Si les choses tournent mal, nous ne nous contenterons pas de cibler Karish. Nous sommes à l’anniversaire de la guerre de 2006, donc enregistrez la nouvelle équation : Karish, au-delà de Karish et bien au-delà de Karish [référence à l’équation de 2006 promettant de frapper « Haïfa, au-delà de Haïfa et bien au-delà de Haïfa »]. Aujourd’hui, j’ai demandé aux frères concernés au sein du Hezbollah de me présenter la liste de tout ce qui se trouve face aux côtes palestiniennes. Nous recensons et suivons de près (l’activité de) tous les champs (pétrolifères et gaziers), de tous les puits de pétrole, de toutes les plateformes maritimes, dont nous connaissons les noms, l’activité, l’état opérationnel ou non, lesquelles sont encore en phase de prospection, etc. Tous ces détails sont en notre possession. Si vous voulez continuer à étouffer le Liban, je ne parle plus seulement de l’équation de Karish : la question est beaucoup plus vaste pour nous. Si vous voulez continuer à imposer l’équation selon laquelle il est interdit au Liban de se sauver en exploitant ses ressources naturelles en gaz et en pétrole, personne ne pourra extraire de gaz ou de pétrole, et personne ne pourra vendre de gaz ou de pétrole. D’accord ? Vous avez compris ou je dois me répéter, comme on dit ? Et ce quelles que soient les conséquences.
O peuple libanais, nous sommes arrivés au bout de la piste. Nous sommes arrivés au bout de la piste. Quiconque vous promet quelque chose d’autre, qu’il explique ce qu’il promet (pour sauver le Liban). Qu’est-ce qu’il promet ? Qui va sauver le Liban ? Ils ne veulent même pas vous donner une heure (supplémentaire) d’électricité ! Alors qu’une simple signature des Américains suffirait, ils n’ont rien d’autre à faire et ne perdraient pas un sou. Mais ils veulent que ce pays s’effondre, qu’il soit en proie à la famine, qu’il cède et renonce à ses droits, qu’il soit leur esclave. Mais c’est impossible. Quiconque veut être un esclave, grand bien lui en fasse. Mais ce n’est pas à celui qui veut être libre de céder. Dans tout peuple, dans tout pays, dans toute nation, dans tout Etat, l’homme doit fondamentalement avoir de la souveraineté, de la liberté, de l’indépendance, il doit jouir de ses ressources naturelles qui vont sauver son peuple de l’ignorance, de l’analphabétisme, de la maladie, de la faim… Telle est la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui.
Durant les jours à venir, et alors que Biden est présent dans la région —il se dit qu’Hochstein est également présent à ses côtés—, et que (le ministre de la guerre israélien) Gantz a déclaré « Nous ne voulons pas la guerre, et nous sommes prêts à aller très loin dans la voie de la paix et pour conclure un accord au sujet de la frontière maritime entre nous et le Liban sur laquelle il faut se mettre rapidement d’accord. » Je vous en prie (ô responsables libanais), parlez avec eux, qu’ils ne temporisent pas et ne se moquent pas de vous et ne dupent pas les Libanais. Personne ne se moquera de nous, et nous ne permettrons à personne de nous avoir.
Je voulais aborder d’autres points, comme la situation économique et sociale, le pain, le gouvernement, mais j’ai déjà été trop long, et je le ferai dans un prochain discours.
Que la paix de Dieu soit sur vous, ainsi que Sa miséricorde et Ses bénédictions.
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