Siriac Vachon sait depuis longtemps qu’il veut devenir diacre. Si l’accident de son fils l’a encouragé à prendre ce chemin, cet appel lui est d’abord venu des ainés. Actuellement en formation vers le diaconat, il a partagé son histoire avec Le Verbe.
Né à Pessamit, une réserve innue à 45 minutes au sud de Baie-Comeau, Siriac Vachon grandit dans une famille catholique pratiquante. Ancien joueur professionnel de billard, il pense, à l’âge adolescent, en faire une carrière et représenter la Côte-Nord à RDS.
Vers l’âge de 17 ans, alors qu’il s’entraine à la table de la salle paroissiale, un frère lui adresse la parole. «Je t’observe depuis longtemps. Tu es bon au billard, mais c’est surtout ici que tu dois être bon», lance-t-il en pointant sa tête. Siriac ne comprend pas, mais sent au plus profond de lui-même que cet homme le prépare à quelque chose.
Constamment à l’église et entouré d’ainés, le jeune homme parle beaucoup de Dieu avec ces derniers. Un jour, l’un d’entre eux lui confie qu’il va être important à Pessamit, ce que, encore une fois, Siriac ne saisit pas.
«J’aimais la politique, donc je me suis demandé si c’était de ça qu’il parlait. Je me suis présenté une première fois pour devenir conseiller dans la communauté, mais ça n’a pas fonctionné. Je me suis représenté deux fois et la troisième fois, j’ai failli entrer, mais ça n’a encore pas marché», me raconte Siriac.
Ce dernier comprend alors que ce n’est pas en politique que Dieu le veut, mais à l’église. «J’ai su que c’était là, car ce sont les ainés qui sont venus vers moi et ils se tiennent tous à l’église», m’explique l’homme de 65 ans qui, après cette prise de conscience, à l’époque, souhaite s’impliquer davantage dans sa paroisse. C’est alors que le père Lorenzo apparait à Pessamit.
«Il m’a appris beaucoup de choses, notamment la théologie. Il partait faire des prières un peu partout sur la Côte-Nord et moi, je l’accompagnais pour les traduire. Un jour, il me dit “Si t’as pas le titre de diacre, tu l’es déjà en toi”». Les ainés lui répétaient la même chose, et Siriac sent que sa vocation se trouve là. C’est un évènement malheureux qui le poussera finalement à prendre une décision.
Attente étouffante
Marié depuis ses 23 ans, Siriac est père de deux filles et un garçon. Un soir, ce dernier s’endort au volant de sa voiture et fait un accident. Alexandre, diagnostiqué d’un traumatisme crânien sévère, est amené à l’hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec, où il reste trois mois dans le coma.
«Le médecin m’a dit qu’on ne pouvait rien pour mon fils, qu’aucun traitement n’existait. C’était sa décision de revenir ou non», me partage Siriac avant de prendre une pause. «Crois-moi, en trois mois, tu te fais toutes sortes de scénarios, tu dors pas.»
Le père de famille passe cette longue et éprouvante période entre la chambre d’Alexandre et la chapelle de l’hôpital. Ne voulant pas montrer son désespoir à sa famille, il quitte, un soir, la chambre d’hôpital; il prétend aller à la caisse.
Alors qu’il se promène dehors, Siriac entend une voix l’appeler. Il ne connait personne à Québec et ne sait donc pas qui cela peut être. Il se retourne et fige. De l’autre côté de la rue se tient une fille qu’il reconnait et qui, comme son fils, a déjà été dans le coma.
Elle s’avance vers lui et lui dit : «Siriac, Alexandre, il écoute. Quand vous parlez, ne parlez pas de choses extraordinaires, de miracles. Parlez-lui, simplement, doucement. Il vous écoute et il va sortir du coma.»
Une semaine plus tard, le 9 décembre, Alexandre sort du coma.
Siriac me regarde, les yeux humides. «Je sais que c’est le Seigneur qui m’a envoyé cette personne pour que je garde espoir», me dit-il sur un ton reconnaissant.
S’il doit sa foi à ses parents et aux ainés de sa communauté, cette tragédie a grandement renforcé sa croyance. Depuis, Siriac chemine vers le diaconat et s’est donné pour mission de soutenir les gens qui traversent un deuil.
Prier pour les endeuillés
La maison est bondée de gens. Bébés, enfants, adultes, ainés, toutes les générations sont présentes. Au centre du salon, le corps du défunt est exposé dans un cercueil encerclé de pots de fleurs.
Entièrement dite en innu-aimun, la cérémonie débute avec un chant à Marie, suivi d’une prière. Ce n’est pas Siriac qui la dit cette fois-ci — bien qu’il soit présent —, mais son collègue Jean-Marie Bacon, également impliqué dans l’organisation des funérailles à Pessamit. Je parviens à reconnaitre le Credo, puis le chapelet à Marie. Après une dizaine, la cérémonie prend fin sur un chant d’adieu.
Nous quittons la maison pour laisser aux proches un dernier moment d’intimité avec le défunt. Pendant que nous nous dirigeons vers l’église pour les funérailles, Siriac m’explique comment il soutient les gens dans le deuil.
«Lorsqu’une personne meurt, je prie pour elle et sa famille la veille des funérailles jusqu’au soir suivant», me dit-il. Il préciser : «Je prie surtout pour la famille, car c’est elle qui reste ici et vit le deuil, pas le mort.»
Si les funérailles chrétiennes innues s’apparentent à celle des allochtones, leur particularité se trouve dans le déroulement de l’enterrement. En effet, corde à la main, fils, petits-fils et gendres font descendre le lourd cercueil dans le trou. Chaque membre y jette, ensuite, une poignée de sable ou une fleur avant qu’à nouveau, les hommes se mettent au travail et remplissent le trou… à la pelle! Pendant ce temps, Siriac prononce haut et fort une dernière prière.
Une fois la tâche accomplie, un grand repas est servi à tous les invités. Musique, diaporama de photos du défunt, présentation des condoléances à la famille, le repas se déroule davantage dans la gaité que dans la tristesse.
Siriac ne se présente pas à ce banquet. Sa mission presque achevée, il rentre chez lui pour faire une dernière prière pour le défunt et ses proches.
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