par Gilbert Guingant.
Avec même une formation complète afin de réussir son exclusion ? Le tout fait avec brio. Par un guide rêvé qui ne laisse rien dans l’ombre et nous offre tous les tuyaux. Plus d’autres. Vraiment il y a des humains serviables partout. Qu’ils en soient remerciés ! C’est ainsi qu’est introduit « Web’xclusion », le guide du clochard anonyme en onze volets et quatorze pages pour le tout premier… « Sans domicile fixe, prison, asile de nuit, foyer d’hébergement, soupe populaire, petits boulots, solitude, aide médicale gratuite, éducateur spécialisé, fin de droit, revenu minimum d’insertion… tous ces mots qui te font rêver feront bientôt partie de ton quotidien et n’auront plus de secret pour toi. »
Et tout reste véridique de cette annonce. Le texte est bien mieux que son résumé sommaire. Oui, s’il y a 2 grandes catégories de super exclus : les miséreux et les génies. Il se trouve qu’un exclu de misère nous apprend, avec doigté, « comment devenir exclu ». Soit jeté injustement de partout. Puisque pour lui, l’exclusion, c’est un métier d’avenir. Et que – ceci reste implicite – il n’y a aucune formation de prévue à ce métier par cette société si étourdie. Incapable de reconnaître ses manques et ses carences. Qui commencent, tout de même, à peser très lourdement. Afin de relayer ces infos bien vues et dans le but (toujours omis habituellement) d’engueuler fortement cette société… pour tout ce qu’elle ne fait pas et le devrait. Ici, l’exclusion, métier du futur ?
« Un monde défini par la nomenklatura comme « marginal » [alors que ce sont ces autoproclamées élites les vrais marginaux, complètement étrangères au monde !] et semblant évoluer à mille lieues de nos petites préoccupations matérielles, pourtant nous côtoyons cet univers parallèle dès que nous mettons le nez dehors puisqu’il palpite inlassablement à chaque coin de rue, sous chaque pont et derrière chaque carton. Inconsciemment nous nous efforçons d’éviter son regard [comme quoi !…], par lâcheté, ou tout simplement par peur, car nous savons pertinemment qu’il nous talonne sans cesse, guettant le moment propice pour nous happer dans son infernale spirale … »
C’est-à dire ? L’exclusion c’est dans le regard complètement faussé. Et ce regard est illégal de bout en bout : qu’est-ce qui nous donnerait le droit véridique d’écraser celui dont nous sommes la cause d’exclusion ? Mettre fin à toutes les exclusions coûte trois fois rien, il est donc impardonnable que nous ne le fassions pas… C’est bien nous qui devrions recevoir tous les reproches : répares tous tes dégâts avant que de regarder de haut les effets de tes comportements inexcusables ! Redresse DONC ton regard avant de regarder « de travers ».
De solides extraits de ce guide extraordinairement complet.
Préavis : (…) Pendant quelques heures. Parce qu’ensuite c’est de moins en moins drôle. L’état de grâce tiendra le temps que tu dépenses l’argent dont tu disposes encore, quelques jours dans le meilleur des cas. Puis très vite c’est le retour de bâton d’autant plus violent qu’il aura été retardé.
La tentation de te retirer de la partie peut alors devenir forte. Tu peux te suicider, réponse qui présente l’inconvénient d’être irréversible. Tu peux te finir plus lentement à coup d’alcool, de médocs et/ou de molécules plus ou moins hallucinogènes. Ça dure ce que ça dure, quand ça lâche il ne reste plus grand chose à récupérer. Tu peux enfin enfourner deux bricoles au fond d’un sac et suivre tes pieds. Bienvenue au club !
SDF en trois jours : Un pro de la chose (l’abbé Pierre) prétend qu’il suffit de trois jours pour devenir SDF convaincant. Quel que soit ton point de départ : cadre sup overbooké, smicard surexploité ou chômeur avéré, marié/deux enfants ou célibataire notoire. Trois jours seulement pour faire de toi un honnête SDF. Pourquoi hésiter plus longtemps ?
Trois jours sans manger autre chose que des sandwichs +/- SNCF.
Trois jours à craindre le sommeil et à t’éveiller la peur au ventre au moindre bruit.
Trois jours pour découvrir que les petits matins sont frais, même en plein été.
Trois jours sans te laver ni changer de linge.
Trois jours à marcher pendant des heures.
Trois jours à subir ton incapacité à aligner deux idées cohérentes.
Trois jours pour que les autres détournent le regard en te croisant.
Trois jours pour que toute ton éducation vole en éclat.
Trois jours pour briser ton appartenance au genre humain.
Trois jours. Et tu découvres que t’en as rien à foutre de puer le fauve, de pisser dans les encoignures de portes, de chier entre deux bagnoles en stationnement. Aveugle et sourd à tout ce qui t’entoure, alors les bonnes manières, hein, c’est pas l’jour…
Avec une obsession : manger et dormir.
Manger et dormir. Manger, dormir. Manger dormir.
Moins que les préoccupations probables d’un chien ou d’un chat.
Tu ne peux que constater la disparition brutale de tout ce qui faisait de toi un homme. Et tu ne peux t’en apercevoir que les premiers jours car ça va vite. Très vite. Après, c’est trop tard, les comportements de survie auront pris le dessus.
Se retrouver à la rue sans un sou est une agression d’une violence extrême [or, en général, nous ne pouvons nous « agresser » nous-mêmes. Et donc ? Ce sont d’autres qui nous agressent et sans… humanité du tout !!]. De quoi basculer dans la folie ou se tourner vers la violence, donc vers la page « prison ». En ce qui te concerne ? Disons que tu es solide.
• La rue Sans Domicile Fixe.pdf (14 pages)
Supposons que tu survives plus de trois jours : Tous les bons tortionnaires le savent : sous-alimentation, manque de sommeil et isolement sont les bases de toute torture et de tout lavage de cerveau de bonne facture. C’est rapide, efficace, et ça ne salit pas trop les mains. Tout cela fait qu’en quelques jours ton corps et ton esprit hurlent le manque. Tu as eu une vie avant, tu en auras une autre après. Peut-être. Tout le reste est poésie.
La solitude des premiers jours est effrayante. Nombreux sont ceux qui en garderont à jamais l’habitude de parler tout seul.
Il y a de grandes chances que tu finisses rapidement par traîner autour de la gare SNCF. Vaine tentative pour passer inaperçu ou saine tentation de changer de ville ? Quelle importance ?
Dans les gares, les sans-abri sont censés être nombreux. Ceux que tu vois au premier coup d’œil ne sont guère valorisants, mais tu finiras bien par remarquer que tu n’es pas seul à attendre un train qui n’existe pas.
Mais voilà : la nuit toutes les gares ferment leurs portes (depuis Obama en France). Te voilà dehors, sans la moindre idée de la direction à prendre. Alors tu marches, au hasard. Pendant des heures. De plus en plus engourdi par le froid, la faim, la fatigue, la lassitude, l’angoisse, en te demandant comment font les autres pour survivre. Attention, danger ! Tu risques de te faire trouer la peau pour ce que tu pourrais avoir dans ton sac (un SDF, même apprenti, a toujours un sac). Ou d’enjamber un parapet de pont sans réfléchir, pour faire taire la souffrance. Ou d’agresser un passant en croyant te défendre.
Pour l’intérêt de ces pages, supposons que tu réussisses à survivre plus de trois jours, peu importe comment. Des deux préoccupations qui t’obsèdent, manger et dormir, la question de la nourriture est la plus facile à résoudre.
Les premiers temps, il suffit de faire la tournée des places de marché. Après le remballage, les commerçants laissent quantités de déchets sur place. Il n’y a qu’à se servir. La société de consommation étant ce qu’elle est, il y a d’excellents déchets. Pas d’hésitation à avoir, tu ne seras pas seul à fouiller les détritus. N’oublie pas les pommes. Aucune allusion politique, mais contrainte physiologique : il faut manger des aliments riches en fibres si tu ne veux pas chopper la courante. Parce que, la diarrhée, quand on est à la rue c’est un sacré problème…
Les fruits et légumes ça cale l’estomac mais cela ne protège pas du froid. Il te faut des protéines et des lipides. Pour t’en procurer il va falloir mettre tes beaux principes sous le boisseau. Dirige-toi vers les quartiers où se concentrent les restaurants. Il suffit alors d’attendre l’heure de fermeture pour faire les poubelles et le tour est joué.
Si ça te dégoûte trop il y a une autre possibilité mais c’est ta conscience d’honnête homme qui va morfler sur ce coup.
Certes, il existe tout un réseau de distribution de casse-croûte aux indigents, mais pour y avoir accès il faut au préalable admettre que tu es indigent (…) Presque toutes les villes ont des polices municipales qui n’aiment pas du tout qu’on indispose les passants.
Supposons (encore) que tu parviennes enfin à connaître les adresses où on te filera des casse-croûte gratos. Tu auras alors accompli le premier rite de passage. La nourriture cesse aussitôt d’être un problème, même si le sandwich te semble parfois amer. Reste le logement… La suite en… une partie 2 (plus dur le pavé…).
En conclusion – inattendue – ici :
• Comment les miracles du changement instantané ne sont exigés que des démunis
Comment les miracles du changement instantané ne sont… exigés que des démunis ?
Et jamais aux dirigeants qui ont, pourtant, cent mille fois plus de moyens de tout concrétiser. Prouesses, surpassements humains, et donc prodiges, ne sont réclamés et exigés que des dépourvus… Comment le savons-nous ? Toujours le réel miracle du feed-back (se nourrir, feed, en retour, back – les boucles de rétroactions qui « disent » tout sur l’action)…
Voyez, choisissant toujours les thèmes les plus difficiles et avec un angle de présentation très « dissensus » – comment nous recevons, grâce à cela, les « commentaires » les plus irréfléchis et inconscients – les cris de l’égoïsme brut, en somme – qui renseignent si bien sur « l’actualité » vraie. Rappelons que la présentation faisandée des faits, ayant subis un « montage » préalable (donc un complet trucage !), avec, en interlignes, tous les marchandages des…lobbies, etc… « ne peut pas » être de l’actualité. Jamais.
… Ni de l’information. Encore moins.
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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