Crise économique, manifestations, remaniements ministériels… Ça chauffe au Sri Lanka et, fait plutôt étonnant, les soubresauts de l’île asiatique défraient la chronique de nos médias occidentaux. Tous les pays du Sud ne sont pas logés à la même enseigne. Mais il faut souligner que dans la région de l’Océan indien, le Sri Lanka occupe une position stratégique. Un élément qui manque souvent dans les analyses et que la Dr Darini Rajasingham-Senanayake a le mérite de mettre en lumière .
C’est dans un contexte de guerres énergétiques et de lents déplacements tectoniques du pouvoir et des richesses vers l’Asie et la région de l’Océan indien que le « printemps arabe » de l’Asie du Sud a déboulé. Les choses se sont précipitées avec la nouvelle guerre froide qui se déroule par procuration en Ukraine, les sanctions imposées par les États-Unis à une Russie riche en énergie ainsi que la crise des réfugiés en Europe.
En l’espace d’un mois, deux opérations de changement de régime se sont déroulées au Pakistan et au Sri Lanka, au milieu de manifestations mises en scène. Le Premier ministre pakistanais Imran Khan, connu pour son courage sur et en dehors des terrains de cricket, a été renversé le 9 avril. Il a accusé Washington d’avoir orchestré son éviction juste après sa visite à Moscou.
Exactement un mois plus tard, le lundi 9 mai, au Sri Lanka, alors que la Banque centrale entamait des pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue d’un « renflouement », une opération de changement de régime était lancée dans cette île stratégique de l’océan Indien, une île qui reste perpétuellement dans le collimateur des grandes puissances. Le décor avait été planté par six semaines de manifestations pacifiques à Galle Face. Mais le 9 mai, ces manifestations ont basculé dans une violence coordonnée.
Alors que les pourparlers avec le FMI débutaient, des manifestants jusque-là pacifiques, dont certains portaient même des pancartes « pro-FMI », ont été inexplicablement attaqués. La violence s’est alors déchaînée contre les politiciens du parti au pouvoir, entraînant la démission massive du conseil des ministres. Ces violences ont été suivies par la mise en place d’un couvre-feu, de confinements et l’installation rapide d’un Premier ministre pro-Washington, Ranil Wickremesinghe. La chronologie des événements est remarquable.
L’ambassadrice étasunienne, Julie Chung, a donné son approbation immédiate en déclarant : « La nomination de Ranil Wickremesinghe et la formation rapide d’un gouvernement inclusif sont les premières étapes pour résoudre la crise et promouvoir la stabilité. Nous encourageons des progrès significatifs au FMI et des solutions à long terme qui répondent aux besoins de tout le Sri Lanka. » Un nouveau régime avec lequel le FMI pourrait « vibrer » est en train d’être mis en place, comme l’a soulevé le journaliste expérimenté Saeed Naqvi.
Le Sri Lanka est l’un des pays les plus riches d’Asie du Sud. Mais le voilà pris, comme la Grèce et le Liban, dans le piège de la dette des obligations souveraines internationales (OSI). L’île est confrontée au cycle habituel de dépréciation de la monnaie par rapport au dollar, avec des perturbations clairement coordonnées du commerce et des chaînes d’approvisionnement dans tous les secteurs, entraînant des pénuries de carburant et de nourriture. Les cyberpirates et les manifestations agrémentent le tout.
Dans le même temps, la roupie sri-lankaise se dépréciant fortement par rapport au dollar, des voix se sont élevées pour réclamer la dédollarisation et la fin du règne du pétrodollar qui avait été jusqu’ici privilégié de manière exorbitante. L’alternative ? S’approvisionner en essence, en gazole, en kérosène et autres produits énergétiques à prix réduit en Russie. C’est ce que l’Inde fait déjà.
De telles alternatives en matière de politique énergétique seraient toutefois contrecarrées par les plans du FMI. L’institution propose en effet de privatiser en vendant au rabais des actifs et des infrastructures énergétiques (tels que la centrale électrique de Yugadanavi). Or, cela compromettrait davantage la sécurité énergétique du Sri Lanka à l’heure des guerres énergétiques mondiales.
Masque de la démocratie et domination à spectre complet
Des questions se posent actuellement sur la légitimité de la coqueluche de Washington pour le poste de Premier ministre au Sri Lanka. Le Parti national uni (UNP) de Wickremesinghe, l’équivalent du Parti républicain aux EU, a été décimé lors des dernières élections et il n’a pas remporté un seul siège. Wickremesinghe a prêté serment en mai alors que les militaires patrouillaient dans les rues et que les citoyens étaient soumis à un couvre-feu.
Dans quelle mesure peut-on considérer que la démocratie, la société et l’économie sont manipulées et contrôlées par des acteurs extérieurs lorsqu’un parlement national est convoqué par Zoom tandis que les citoyens sont enfermés avec l’armée dans les rues ? D’autant plus qu’à notre époque, les fake news, l’intelligence artificielle, l’effacement de données et la cyberguerre se multiplient à l’échelle locale et mondiale.
Les manifestants sans leader de « Gota Go Gama » ont également été organisés de manière anonyme via des plateformes et des réseaux sociaux comme Facebook (META) et WhatsApp fonctionnant au moyen de serveurs distants avec des bots invisibles sur l’Internet anglophone. Qui ou quelles agences et agents de renseignements ont soutenu et fourni les renseignements numériques ? Après tout, Frances Haugen, la lanceuse d’alerte de Facebook, a notamment révélé il n’y a pas si longtemps comment les réseaux sociaux avaient été utilisés pour déstabiliser des pays comme le Myanmar et l’Éthiopie en diffusant de la désinformation et des messages de haine et en alimentant des « protestations » qui ont aussi influencé les élections et d’autres enjeux. Sur le terrain, les activités de Galle Face Green ont été coordonnées par des ONG locales qui sont financées par l’étranger et qui ont mobilisé d’authentiques griefs.
Alors que les protestations se poursuivaient, une opération de propagande a été mise en scène le jour de la fête de Vesak Poya. L’opération visait à poursuivre les blocages et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement qui affaiblissent l’économie. Plusieurs chaînes d’information indiennes ont soudainement ressuscité les Tigres de libération (LTTE) et ont affirmé qu’ils planifiaient des attentats, tout comme les mystérieux attentats du dimanche de Pâques de 2019 revendiqués par l’État islamique. Simultanément, la chaîne NDTV a parlé d’une « crise des réfugiés » mise en scène pour détourner l’attention de l’intrigue principale.
« Pour une telle soumission abjecte à Washington, il ne peut y avoir de meilleur candidat que quelqu’un d’aussi politiquement faible que RW », a commenté le journaliste basé à Dehli, Saeed Naqvi. Wickremesinghe a toujours été favorable à une présence étasunienne au Sri Lanka ; il promouvait le contrat de la Millennium Challenge Corporation (MCC)[1] et l’accord sur le statut des forces (SOFA) [2] lorsqu’il a été renvoyé par l’ancien président Srisena.
Mais le masque de la démocratie peut-il être maintenu et pour combien de temps ? Ne s’agit-il pas d’une façade de démocratie promue par des acteurs extérieurs – un nouveau Premier ministre pro-occidental qui n’a aucune légitimité morale et qui a juré de livrer dans les bras du FMI et de Washington un Sri Lanka piégé par la dette ?
Ces masques de la démocratie au Sri Lanka et au Pakistan sont-ils durables ? Le FMI propose de « vendre au rabais » des actifs dans le foncier, les transports, l’énergie et les télécommunications du Sri Lanka. Mais les résultats de ces négociations ont été cachés aux citoyens de cette île stratégique de l’Océan indien, tout distraits qu’ils étaient par les pénuries de nourriture, de carburant et d’énergie.
Quel sera le dénouement de ces manœuvres ? La domination à spectre complet (FSD) [3] de cette nation insulaire stratégique, carrefour de câbles de données sous-marins (UDC) qui assurent le fonctionnement de l’océan Indien et du système financier mondial ?
Pendant ce temps, l’Inde, partenaire et hégémon régional, semble observer et attendre la déstabilisation et l’appauvrissement de son voisinage, profitant apparemment de la « stratégie du chaos » de Washington en Asie du Sud pour contrer les investissements et les projets de développement chinois tels que les « Nouvelles Routes de la Soie ».
La même stratégie du chaos était visible lorsque l’OTAN a quitté l’Afghanistan tout en promettant un engagement Over the Horizon (OTH) via des serveurs à distance, des opérations cybernétiques et des interventions de drones dans ce pays.
Les gains à court terme de l’Inde sur la Chine déboucheront toutefois à long terme sur une perte collective pour toute la région. En effet, aucun pays ne peut se développer lorsque son voisinage est dans le chaos. Déjà à la traîne en matière de développement par rapport à l’Asie du Sud-Est et à l’Asie de l’Ouest, l’Asie du Sud va devoir à long terme essuyer un nouveau revers en raison de la nouvelle guerre froide de Washington.
Ne serait-il pas dans l’intérêt de l’Inde de mettre pour un temps ses différends de côté et de travailler avec le géant asiatique, la Chine, pour développer ensemble la région de l’Asie du Sud ?
Dynamiques de la guerre froide en Asie du Sud
Avant les opérations de changement de régime au Pakistan et au Sri Lanka, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, rencontra en avril le Premier ministre indien Narendra Modi à New Delhi. La pression occidentale s’est aussitôt intensifiée avec la visite quasi simultanée de plusieurs émissaires britanniques, européens et américains pour mettre en garde Dehli et remettre en question ses liens historiques et étroits avec Moscou.
Au même moment, le Premier ministre pakistanais Imran Khan, qui s’était rendu en Russie lors d’un voyage planifié quelques semaines auparavant, a fait l’objet d’une motion de censure. Khan a accusé les États-Unis d’être la puissance étrangère à l’origine des événements d’Islamabad. Il a dénoncé une opération de changement de régime à travers la corruption de politiciens et de partis politiques.
Le Premier ministre Khan a présenté des preuves matérielles de la « conspiration étrangère » et a dénoncé nommément le secrétaire d’État adjoint aux affaires d’Asie centrale et du Sud, Donald Lu. Une lettre de Washington datée d’un jour avant la motion de défiance indiquait : « Le Pakistan serait pardonné si Imran Khan échouait contre la motion de défiance ! » Washington avait une connaissance préalable des événements à Islamabad.
Durant la crise Covid, le Premier ministre Khan avait sauvé l’économie pakistanaise de la destruction causée au Sri Lanka par près de deux ans de confinement selon les recommandations de l’OMS. Khan avait protégé le peuple et l’économie pakistanais en refusant de confiner les Pakistanais, déclarant que la pauvreté qui en résulterait tuerait plus de gens que le virus. Ironiquement, Khan a été accusé de mauvaise gestion économique alors qu’il avait raison.
La Banque mondiale avait loué la façon dont le Premier ministre Khan avait géré la « pan-ique-démie » de Covid au Pakistan. Imran Khan a déclaré que son amitié avec la Chine et sa récente visite à Moscou auprès de Poutine avaient irrité Washington, raison pour laquelle le Pakistan était visé. Washington s’est toutefois montré plus indulgent envers l’amitié de l’Inde pour la Russie, l’Inde étant un partenaire du groupe QUAD [4]. Mais il se pourrait que l’on assiste à une nouvelle confluence asiatique, la Chine, l’Inde et le Pakistan refusant, après la débâcle en Afghanistan l’an dernier, de suivre l’OTAN dans sa condamnation de Moscou.
La géopolitique et le FMI comme Deus ex Machina
C’est à souligner, le gouvernement, l’opposition et même certains manifestants considèrent le FMI comme une sorte de solution « Deus ex machina » à la crise déclenchée par une apparente pénurie de dollars après que les agences de notation ont de concert abaissé la note de l’île l’an dernier. Cette dégradation avait rendu difficile pour le gouvernement le refinancement des 7 milliards de dettes à payer cette année, dettes dues principalement aux négociants d’obligations souveraines.
« Les créanciers du Sri Lanka sont pour la plupart basés aux États-Unis », a relevé Dr Dushni Weerakoon, l’économiste principal de l’Institut d’études politiques. Le ratio dette/PIB de l’île est d’environ 110 %, ce qui s’explique en partie par la mauvaise gestion économique – notamment la perte de recettes fiscales – ainsi que par la débâcle des confinements covid et de la politique coûteuse politique vaccinale. Mais le ratio dette/PIB du Japon est de plus de 200 % ! Et comparée aux 20 000 milliards de la dette étasunienne, la dette du Sri Lanka est d’environ 67 milliards.
Annonçant les négociations avec le FMI en mars, la brutale dépréciation de la monnaie sri-lankaise en raison d’une apparente pénurie de dollars a-t-elle été orchestrée pour écouler marchandises et carburants dans le port tant convoité ? L’île insolente avait osé refuser le contrat EU de la Millennium Challenge Corporation (MCC) ainsi que l’accord sur le statut des forces en 2019. La crise économique a dégénéré en défaut de paiement, et un renflouement par le FMI semble désormais inévitable.
L’île a été déclassée à plusieurs reprises par les agences de notation et n’a pas pu reconduire sa dette. Le système financier euro-étasunien comprend les agences de notation, les négociants en obligations souveraines et, bien sûr, le consensus de Washington et l’OCDE ou le Club de Paris.
Pour être honnête, le FMI n’a jamais prétendu se soucier des pauvres ou des inégalités. Il préfère imposer aux gens ordinaires des mesures d’austérité qui devraient plutôt être imposées aux politiciens et aux élites économiques vivant dans le luxe, toutes ces personnes avec, pour et par lesquelles le FMI travaille. Le FMI est-il la fausse solution proposée par TOUS ceux qui sont achetés pour former un gouvernement d’unité nationale ?
Contrairement au Premier ministre pakistanais Imran Khan, connu pour son courage et son intégrité sur et en dehors des terrains de cricket, le régime hybride américano-sri-lankais de Rajapaksa ne pointera pas du doigt les facteurs externes à l’origine des attentats de Pâques 2019 au Sri Lanka. Il ne dénoncera pas le coup porté par les confinements et les restrictions de voyages à l’économie très dépendante du tourisme. Il ne reviendra pas sur la débâcle économique aggravée de ces trois dernières années.
Des confinements pour dévaster une économie ?
Pour affronter l’imprévu, il semble que la réponse préférée du président Gotabaya Rajapaksa et de ses conseillers étrangers est de maintenir les citoyens infortunés dans des couvre-feux et des confinements économiquement débilitants.
Le pays fut frappé par les mystérieux attentats du dimanche de Pâques en 2019. Les attaques avaient été revendiquées par l’État islamique. Mais le FBI avait ensuite conclu, de manière grotesque, qu’elles avaient été orchestrées à partir d’un bot Internet nommé « Sonic Sonic » en Malaisie. Depuis au Sri Lanka, les mois de mars, avril et mai, saison des fêtes religieuses annuelles dans ce pays multireligieux, ont été marqués par des confinements dévastateurs sur le plan économique.
Les couvre-feux de Pâques ont été suivis en 2020 et 2021 par des confinements militarisés de type Covid, sur recommandation de l’OMS. Ces mesures ont dévasté l’économie, la société et la démocratie. Il y a également eu de mystérieux piratages de données sur les serveurs du gouvernement. Ou encore des perturbations du commerce maritime et de la chaîne d’approvisionnement, notamment à la suite de l’incendie et du naufrage des navires MV Pearl et MT Diamond.
Cette année, la même semaine où le Premier ministre pakistanais Imran Khan a fait l’objet d’une motion de défiance, le Sri Lanka a connu des manifestations de type « printemps arabe » contre l’ancien président Gotabaya, citoyen étasunien, et le régime des frères Rajapaksa. Les manifestations étaient motivées par l’augmentation du coût de la vie ainsi que par les pénuries de carburant et de nourriture provoquées par les très médiatisés manques de dollars et dégradation des notes des agences de notation.
Quelques semaines plus tôt, la roupie sri-lankaise s’était effondrée, ayant perdu 70 % de sa valeur en un an par rapport au dollar incroyablement privilégié. C’était un signe avant-coureur des négociations avec le FMI à Washington pour un renflouement. Ou devrions-nous parler de pillage ?
Bien que le Sri Lanka soit l’un des pays les plus riches d’Asie du Sud, avec des indicateurs de développement social et humain élevés en termes réels, une crise coordonnée de l’alimentation, du carburant et de l’électricité s’est matérialisée après l’effondrement de la roupie. Les files d’attente étaient longues dans les stations-service et les magasins d’essence.
Mais la crise qui traverse le Sri Lanka pourrait relever davantage de la géopolitique que de l’économie. Depuis les attentats du dimanche de Pâques 2019 contre les hôtels touristiques et l’économie – attentats utilisant la religion comme un écran de fumée – et depuis que le pays a refusé le MCC des États-Unis, cette île stratégiquement située au milieu des voies de communication maritimes de l’Océan Indien semble faire l’objet d’une forme de guerre économique et commerciale hybride impliquant des perturbations des chaînes d’approvisionnement et le piratage informatique de données.
Quatre années de guerre économique et commerciale hybride
Rétrospectivement, les mystérieux attentats du dimanche de Pâques revendiqués par l’État Islamique contre des hôtels côtiers et l’économie dépendante du tourisme en 2019, dix ans après la défaite des LTTE et l’aube de la paix au Sri Lanka, peuvent être considérés comme le coup d’envoi d’une guerre économique hybride au Sri Lanka. Les attaques ont utilisé la religion comme couverture pour frapper l’économie dépendante du tourisme et les investissements chinois, y compris l’hôtel Shangri-La. C’est là où le leader Zharan et un autre kamikaze ont péri, signe qu’il s’agissait de la cible la plus cruciale.
Le FBI a retiré les téléphones portables des auteurs des attentats de Pâques en prétendant « aider » l’enquête. Mais l’agence a ensuite tenté d’étouffer l’affaire et a affirmé que les attentats avaient été orchestrés à partir d’un robot Internet baptisé « Sonic-Sonic ».
Ces attaques de Pâques 2019 s’apparentaient à une guerre hybride. Elles ont été suivies par deux années de guerre biologique et de récits terrifiants sur le Covid-19, avec son lot de confinements économiquement destructeurs en 2020 et 2021. Il y a eu des dépenses massives dans le secteur de la santé (près de 38 % du budget) et 16 millions de doses de rappel Pfizer inutiles et coûteuses. Chef de la Task Force Covid, Basil Rajapaksa était à la manœuvre.
À l’heure actuelle, alors que l’on prétend qu’il n’y a pas de fonds pour acheter des médicaments essentiels et que le covid a disparu, la quatrième dose de rappel Pfizer est proposée ! Dans une forme de colonialisme numérique, toutes les institutions de santé ont par ailleurs été capturées par la grande industrie pharmaceutique et les acteurs externes qui font la promotion du récit Covid et des confinements.
La sécurité énergétique est compromise par le récit de la catastrophe climatique de l’ONU
Pendant les confinements Covid en 2021, la crise a été aggravée par des politiques agricoles et énergétiques qui semblaient suivre le récit de la « catastrophe climatique » de l’ONU. Les agriculteurs ont reçu l’ordre de passer du jour au lendemain aux engrais organiques sans plan de transition. Le résultat s’est traduit par une pénurie d’engrais, de mauvaises récoltes et des moyens de subsistance décimés pour les agriculteurs. Mais le président Rajapaksa a reçu un prix aux Nations unies pour sa politique de « fertilisation organique » !
De même, la sécurité énergétique de l’île a été compromise lors des confinements Covid à la suite de l’exposé de la catastrophe climatique des Nations unies. Au Sri Lanka, les émissions de carbone par habitant sont pourtant infimes par rapport à celles de la plupart des pays du monde.
On s’est empressé de convertir les centrales électriques au gaz naturel liquéfié et de se concentrer sur les énergies renouvelables, sans plan de transition progressif. Cela s’explique notamment par les hauts niveaux de corruption dans le secteur de l’énergie et dans les institutions de surveillance comme le Ceylon Electricity Board et la Public Utilities Commission (PUCSL). Pendant ce temps, la centrale électrique de Yugadhanvi à Kerawelapitiya a été vendue à une société étasunienne, ce qui compromet encore davantage la sécurité énergétique nationale en période de crise énergétique ! On a prétendu que la réponse à la corruption dans les entreprises publiques était la privatisation et la vente d’actifs à des sociétés étrangères. N’est-ce pas jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Au cours des quatre dernières années, un modèle est apparu : chaque période de mars-avril, un nouveau cycle de déstabilisation et de confinements économiquement, socialement et démocratiquement destructeur commence. Depuis 2019, les citoyens sri-lankais font ainsi régulièrement l’objet de confinements et de couvre-feux. Pendant ce temps, les marines étrangères organisent des exercices au large des côtes de cette île stratégique, comme ce fut le cas avec les manœuvres militaires de Malabar qui ont fait s’échouer et mourir des baleines pilotes tandis que les Sri-Lankais étaient confinés en 2020.
Après avoir refusé le contrat du MCC et le SOFA, l’île a-t-elle été systématiquement ciblée parce qu’elle se trouve sur les voies de communication maritimes de l’océan indien (SLOC), vital pour garantir l’« Indo-Pacifique libre et ouvert » des EU ? La géographie fait partie de l’histoire de cette île stratégique de l’océan Indien. Pour rappel, le Pakistan a lui aussi été la cible d’un changement de régime après la visite d’Imran Khan en Russie.
Alice G. Wells, ancienne secrétaire adjointe des États-Unis pour l’Asie du Sud et l’Asie centrale, a un jour qualifié le Sri Lanka de « bien immobilier précieux ». L’île semble bien être vitale pour le maintien de l’« Indo-Pacifique libre et ouvert » des États-Unis.
De même, la diaspora cinghalaise semble avoir été instrumentalisée : ministre du désastre économique au Sri Lanka, Basil Rajapaksa est le frère du président et du Premier ministre. C’est un citoyen des EU. Ces trois dernières années, la gouvernance sri-lankaise s’est résumée à une affaire de famille aux mains des Américano-Sri-Lankais Rajapaksa. Basil Rajapaksa devait s’envoler pour Washington afin de se rendre au FMI après un pseudo-débat parlementaire le 8 avril, mais il a ensuite été écarté en raison de son passif.
Guerre juridique (Lawfare) : des solutions quand les théories du complot deviennent réalité.
Nous vivons dans un monde post-Covid où les théories du complot semblent de plus en plus se réaliser. Dans une décision historique, la Cour suprême de l’Inde a statué la semaine dernière que « personne ne pouvait être forcé à se faire vacciner » et qu’il n’existait aucune donnée montrant un risque plus élevé pour les personnes non vaccinées que pour les personnes vaccinées. On peut donc se demander pourquoi des millions sont dépensés pour les injections et les rappels de vaccins Covid.
À l’heure actuelle, les protestations peuvent s’avérer inutiles si elles ne proposent pas d’alternatives créatives à la « solution » du FMI exigeant que des cabinets juridiques étrangers prennent en charge les négociations économiques du Sri Lanka.
Le Sri Lanka doit se tourner vers l’Est, au-delà de l’Inde, pour trouver de l’aide et du développement en cette période d’humiliation nationale. Il doit développer une stratégie de dédollarisation pour commercer à travers un panier de devises. Le Sri Lanka pourrait envisager une politique économique, commerciale, énergétique et étrangère indépendante et s’approvisionner à prix réduits en pétrole, gaz et autres besoins énergétiques auprès de la Russie, comme le fait l’Inde.
Se soumettre au FMI et à ses conditions d’aide signifie que le Sri Lanka renonce à son autonomie politique et à sa souveraineté et qu’il est incapable d’avoir une politique étrangère, économique, commerciale ou énergétique indépendante qui serve les intérêts de ses citoyens.
Le Sri Lanka semble également être soumis au phénomène du lawfare dans le cadre d’une opération de domination à spectre complet. Comme l’a montré l’opération de changement de régime menée par la CIA contre le président brésilien de gauche Lula, le lawfare a été identifié comme le processus par lequel le système juridique d’un pays est subverti et va à l’encontre de la justice.
Alors que le peuple est distrait par les pénuries de nourriture et de carburant ou par les confinements covid-19, les sujets portant sur les droits fondamentaux et contre les actions du gouvernement ont tendance à être rejetés. Ainsi, parmi les requêtes bloquées par la Cour suprême, on trouve la contestation de la vente de la centrale électrique de Kerawelapitiya Yugadhanavi. En pleine crise énergétique et dans le cadre d’un accord signé à la sauvette, le gouvernement a décidé de céder 40% de ses parts à la société américaine New Fortress Energy. Également bloquées, les requêtes contre les escroqueries sur les obligations de la Banque centrale. Ou encore celles portant sur les révélations d’injections massives de vaccin covid et le projet d’imposer des certificats de vaccination numériques qui discrimineraient ceux qui ne sont pas vaccinés dans les lieux publics. Ce projet permettrait en outre d’instaurer une surveillance massive, de stopper les protestations de masse, d’entraver la démocratie et de promouvoir à la fois le colonialisme numérique et le contrôle des citoyens.
La guerre froide fait son retour en Asie du Sud avec le pivotement inquiétant des États-Unis vers la région de l’Océan indien. Dans ce contexte, les citoyens du Sri Lanka, pays stratégique, doivent-ils être considérés comme la cible d’une opération à distance de domination à spectre complet ?
Diplômée de l’université de Princeton, la Dr. Darini Rajasingham-Senanayake est anthropologue et philosophe. Elle a notamment travaillé pour Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale. Elle avait aussi collaboré avec le célèbre Millenium Challenge avant d’en démissionner avec fracas.
Source originale : Colombo Telegraph
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action
Notes :
[1] Le Millennium Challenge Account est un fonds de développement bilatéral mis en place en 2004 par le gouvernement Bush. Il conditionne des prêts envers des pays tiers à diverses réformes de bonne gouvernance et d’environnement favorable aux initiatives privées. Selon Keith Krash, sous-secrétaire d’État américain à la Croissance économique, l’Énergie et l’Environnement, le Millennium Challenge Account fait partie de la stratégie d’encerclement de la Chine. Après de longues tractations, le gouvernement sri-lankais a finalement rejeté l’accord. [NDT]
[2] Accord à travers lequel un gouvernement autorise des forces armées étrangères à stationner dans son pays. [NDT]
[3] Selon le document Joint Vision 2020 publié en 2000 par le Département de la Défense des États-Unis, la domination à spectre complet est un objectif militaire visant le contrôle de toutes les dimensions du champ de bataille, que ce soit les espaces terrestre, aérien et maritime, mais aussi le cyberespace ou encore l’opinion publique à travers des opérations psychologiques. [NDT]
[4] Le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, le Quad, est un groupe formé par les États-Unis et ses alliés régionaux, le Japon, l’Australie et l’Inde, pour tenter de contenir la Chine. [NDT]
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir