par Laurent Brayard.
Hier nous étions en reportage dans la ville de Marioupol, à l’annonce de la réouverture d’une école. Sur place nous avons constaté que cette dernière avait été touchée par quelques obus, mais l’intégrité du bâtiment est encore pleine et entière. L’exercice ne sera pas facile pour tous ces enfants autrefois dans l’Ukraine du Maïdan. Beaucoup ont des examens qu’il faudra assurer et le ministère de l’Éducation de la République de Donetsk travaille d’arrache-pied pour remettre en marche l’administration. Tout est à reconstruire, Marioupol attend particulièrement de nouveaux manuels, du matériel et bien sûr les budgets et les salaires. C’est cependant dans la joie et le sourire que le personnel nous a accueilli pour quelques heures dans leurs murs. L’excitation est perceptible et également le soulagement de la libération de la ville, après 8 années infernales d’occupation.
Notre priorité c’est les enfants. C’est d’abord le directeur que nous rencontrons, un homme simple et accueillant, qui nous fait visiter l’école dans l’instant. Cette dernière paraît bien vide et les moyens vraiment dérisoires. Construite dans les années 60, l’Ukraine n’aura quasiment pas investi un centime dans cette dernière. Tout date de l’URSS, mis à part les fenêtres qui avaient été changées, chaises et tables et également un espace de récréation qui a pauvre mine : le petit jardin est en effet recouvert de ballast pour les chemins de fer, et peint aux couleurs de l’Ukraine… Dérisoire symbolique, sans parler du danger pour les plus petits lors des chutes très possibles des installations de jeux et sportifs, sur un revêtement totalement inadapté. Tout de suite l’idée qui vient à l’esprit c’est : « mais où sont passés les budgets et l’argent de l’Éducation nationale depuis 1991 ? ». Trente ans c’est très long, et l’on comprend immédiatement que pas à un liard n’a été investi dans la région, après toutes ses années de corruption depuis l’indépendance de l’Ukraine. Cependant la motivation de la reprise du travail est grande comme nous le raconte Vladislav, le directeur :
« Je suis de Marioupol, mes parents sont réfugiés depuis 2014 en Crimée et nous attendions la libération depuis longtemps. Vous comprenez je suis né durant l’Union soviétique, l’Ukraine ne veut pas dire grand-chose pour nous. Mon père est Ukrainien, c’est une réalité, mais pour moi ce pays c’est une partie de la Russie, du moins bien sûr tout l’Est du pays, au-delà c’est autre chose, l’Ouest est un cas à part, mais personnellement je ne me suis jamais mêlé de politique. J’attendais cette libération, mais je suis resté au service des enfants et des parents. Je travaillais jusque là dans une autre école. Elle a été détruite par les bombardements, alors j’ai été muté ici, ce sera mon premier jour… d’école ! Avant l’opération russe étaient accueillis ici environ 700 enfants, mais je ne peux vous dire combien seront présents. Nous nous sommes préparés du mieux possible. Les services d’entretien ont tout nettoyé, comme vous le voyez, nous avons rassemblé les débris, tout doit être bientôt enlevé. Nous n’aurons pas de cantine opérationnelle pour l’instant, nous n’avons pas d’eau ni d’électricité, mais nous avons deux grandes citernes à l’entrée, pour assurer au moins l’usage des toilettes et le minimum d’hygiène. Beaucoup de professeurs sont restés et seront présents, l’intendante vient d’un lycée lui aussi détruit. Nous recevrons bientôt les salaires de Donetsk et notre devoir maintenant c’est de travailler et d’accueillir tous les enfants du mieux que nous le pourrons, car l’enjeu est grand, ils sont l’avenir et nous avons des obligations envers eux et bien sûr leurs parents. Une des salles de classe est hors d’usage, elle a été touchée par un obus, nous l’avons condamné. Nous avons encore quelques travaux à faire pour sécuriser totalement l’établissement, notamment au niveau du gymnase, mais cela ne devrait pas tarder à être fait ».
Un meilleur avenir avec la Russie. Bien vite, une foule se masse dans la cour de l’école, qui se remplit des écoliers. En Ukraine, comme dans le monde russe, les enfants commencent les études à l’âge 6/7 ans et resteront dans la même école durant un parcours de 11 classes différentes (désormais 10 en Russie). Ils sont nombreux finalement à être venus, plus de 150 qui se pressent bientôt dans la cour. Il y a les plus petits, et ceux qui entreront bientôt après leurs examens à l’université. Ils sont également souriants, beaucoup portent des rubans de Saint-Georges en honneur de la libération et de la Victoire contre l’Allemagne nazie, d’autres mêmes des drapeaux russes ou de la République de Donetsk. De manière solennelle le directeur commence par installer les drapeaux qui orneront le fronton de l’école. Deux drapeaux sont bientôt accrochés, le premier est celui de la Russie, le second de la République de Donetsk. Toujours avec le sourire, les enfants rejoignent leur professeur qui brandissent des pancartes indiquant la classe dont ils ont la charge. Ces derniers sont plus graves, c’est finalement comme un jour de rentrée, ont sent déjà la concentration et les préoccupations, surtout de bien faire. C’est qu’ils n’auront que quelques semaines pour instaurer de nouveau un rythme de travail, et pour les dernières classes, préparer les élèves à leurs futurs examens. Une maman nous raconte :
« J’ai deux garçons qui ont 14 et 9 ans, que voici. Nous sommes contents de cette reprise, il fait très beau et nous sommes confiants dans l’avenir. Je suis née à Marioupol, je suis venue avec leur grand-père, lui aussi né dans cette ville. En 2014, nous étions tous allés voter pour le rattachement à la République de Donetsk. Nous étions confiants, c’était le printemps comme maintenant. Je n’ai pas cru que cela aurait pu mal se passer. Et puis ils ont commencé à tuer les gens dans la rue, moi-même je n’ai rien vu, car avec ma famille nous avons fui immédiatement en Crimée, où nous avions de la famille. Nous avons attendu quatre années, jusqu’à que nous pensions que c’était calme et que nous pouvions revenir sans danger. Cela a été effectivement le cas. Certes nous étions parfois menacés d’amendes pour l’usage de la langue russe… mais tout le monde ici parle russe et nous sommes Russes ! C’était absurde et les soldats de l’armée régulière ne faisaient pas vraiment attention à nous, c’était pas mal de gars qui cherchaient un bon salaire en fait, et les plus agressifs, ceux d’Azov, s’ils étaient les rois ici, et bien nous passions notre chemin, en évitant les ennuis le plus possible. J’avais un magasin avant le siège, il est totalement détruit, mais nous allons le reconstruire, et grâce à la Russie tout ira bien, j’en suis persuadée. Si je ne l’étais pas nous ne serions pas restés après la bataille, mes deux enfants, mon mari et moi nous sommes très heureux et reconnaissants de cette libération. Ce que nous avons perdu ce n’est rien, nous allons tous nous remettre au travail et bientôt tout cela sera derrière nous. Cela ne peut qu’être que mieux pour mes garçons, avec la Russie, ils auront un meilleur avenir ».
Lorsque nous partons, les enfants sont déjà dans leurs classes, à découvrir ou redécouvrir leurs professeurs et ce qu’ils étudieront dans les jours à venir. Sur l’angle d’un mur, trois plaques rappellent que trois anciens écoliers de l’école sont tombés durant la guerre d’Afghanistan, tous nés en 1964. Ils portent tous des noms russes. Il est presque certain, que d’autres noms hélas s’ajouteront à cette triste liste, ceux là tombés contre l’Ukraine, qui avait voulu décider pour eux, quoi penser, quelle langue parler et que l’Ukraine était la dernière barrière contre les hordes « d’orcs ». De manière taquine, nous avions demandé au directeur de nous confier trois anciens manuels d’histoire. Les trois volumes, pour les 5ème, 7ème et 11ème classes avaient été imprimés en 2001, 2010 et 2011. Une certaine évolution était visible, bien que la propagande ukrainienne n’avait pas encore touché cette école avant le siège. Dans le dernier, il était pourtant question de l’armée nationaliste de l’UPA (sans citer Bandera), ayant combattu « les occupants allemands et soviétiques », mais aussi de l’Holodomor, l’un des grands mensonges ukrainiens. Le livre indiquait que 5 millions d’Ukrainiens étaient morts pendant la grande famine du début des années 30… en omettant de dire que 5 autres millions avaient succombé sur tout le territoire de l’URSS. La victimisation de l’Ukraine ne date certainement pas d’hier, en Occident, elle a semble-t-il un très grand avenir…
Voir le reportage filmé sur place par Christelle Néant, et sous-titré en français :
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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