Rush de Julien Ruzé paru il y a quelques semaines évoque sans fards les tribunes, la hiérarchie au sein de celles-ci et l’ensemble de la sous-culture que représente le stade, un genre oublié (ou presque) de la littérature française. La littérature britannique, elle, regorge d’ouvrages de qualité sur les sous culture, on peut penser à la musique, la culture graffiti, les sneakers ou encore celle qui concerne le hooliganisme.
Indéniablement, la France regorge de bonnes plumes, on peine toutefois encore à trouver un Irvine Welsh ou un John King dans ces dernières. Certains argueront que Virginie Despentes a su dépeindre dans ses romans une atmosphère punk fabriquée en France, c’est certainement vrai, on reste pourtant sur sa faim, tout cela est assez sexualisé et dans le fond assez politiquement correct, dans l’ère du temps même. Les fauteurs de troubles du football sont bien plus nombreux de l’autre côté de la Manche. Ils n’occupent pas en France des dizaines de rayons de libraires. En Angleterre, il n’est en effet pas rare que d’anciens meneurs / bagarreurs se mettent à l’écriture quelques années après avoir fait parler les poings dans la rue. Certains journalistes ont même su expliquer les tribunes violentes de façon crue, mais juste, comme Bill Buford dans Parmi les hooligans.
Philippe Broussard a longtemps été le seul journaliste français à s’intéresser au monde des tribunes avec le livre culte (dans de nombreuses tribunes) Génération Supporter sorti en 1990. La littérature francophone autour du football et du monde des tribunes dispose toutefois de plus d’ouvrages que par le passé, c’est souvent le fruit de portrait de footballeurs, d’autobiographies ou de coup de journalistes qui puent souvent le football business.
La parution de Rush chez Auda Isarn ne s’inscrit pas dans cette lignée. Rush est le nouveau roman de Julien Ruzé qui avait déjà écrit Rock’n’ball chez Lazarte il y a quelques années. L’auteur vous est sans doute inconnu. Il faut dire que les figures du supportérisme viril ne se battent pas pour occuper l’espace médiatique. À rebours de certaines figures des tribunes marseillaises, par exemple, la célébrité n’est pas le souci de cet ancien meneur de la Tribune Boulogne. Je ne trahirais pas de secrets, on le comprend à le lire, si je dis qu’il a été biberonné à la pop britannique, même s’il ne rechigne apparemment pas sur quelques morceaux de rock plus vindicatif.
Rush est un roman qui plonge le lecteur dans l’univers des tribunes et la hiérarchie inhérente à ces dernières, il y est question de bagarre certes, mais aussi de loyauté et de règles internes. Dans le fond, l’auteur a su retranscrire honnêtement la vie d’une tribune. La mort d’un meneur et le désir de vengeance de ses amis est (malheureusement) crédible. Le livre ne propose pas un romantisme exacerbé, certaines déviances du hooliganisme (drogues, escalade de la violence…) sont assumées, il ne s’agit pas d’en faire des étendards, mais simplement de conter les choses avec vérité.
Le pari est réussi pour Rush qui propose donc un divertissement agréable et assez inédit sur le stade. Pour certains, cette lecture sera l’occasion de se remémorer quelques souvenirs, parfois émouvant, tantôt drôle. Pour d’autres, qui n’ont jamais connu les tribunes, mais qui fantasment ou au contraire conspuent cette passion, ce sera l’occasion de mieux comprendre et d’appréhender certains évènements actuels (l’histoire du chant des ultras niçois sur Sala par exemple).
On a hâte de lire la suite ou le prochain opus de Julien Ruzé dont l’écriture semble plus assurée que dans son premier livre.
Jean Ernice
Rush de Julien Ruzé chez Auda Isarn, 20 euros
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