par Hashtable.
L’inertie bureaucratique n’est pas un mythe : ainsi, ce n’est pas parce que la France s’agite ou que les peuples européens commencent à grogner face aux diktats plus ou moins subtils de Bruxelles que la production législative européenne s’en trouve amoindrie, au contraire. Et c’est donc sans surprise que l’Union européenne vient d’ajouter avec gourmandise un nouvel arsenal répressif et attentatoire aux libertés dans le domaine du numérique.
Et avant même d’aller plus loin, soyez assuré que ce nouveau Niagara d’articles de loi, de directives et de contraintes supplémentaires sera avant tout présenté comme bénéfique et bienveillant dans une presse par ailleurs assez peu pressée d’en parler.
Il est vrai que le sujet n’est pas tout à fait simple : utilisant la volonté affichée par certains gouvernements de pays membres de l’Union (toujours les mêmes, sans surprise) de vouloir absolument tomber à bras raccourcis sur certaines entreprises du monde numérique, la Commission et les députés européens ont subtilement introduit toute une panoplie d’articulets et d’alinéas bien pesés pour largement étendre la mainmise européenne sur Internet, pour la joie des petits et des grands étatistes.
Destiné essentiellement (pour le moment) aux très grosses entreprises du numérique, et avec le but affiché de trouver un moyen simple de faire cracher au bassinet fiscal ces sociétés un peu trop maline avec les lois en vigueur, le texte sur lequel Commission et Parlement se sont mis d’accord établit toute une série de principes et d’obligations que les plateformes numériques vont devoir suivre scrupuleusement.
On admirera la rapidité avec laquelle les parlementaires sont arrivés à un accord pour – médiatiquement – cibler les grosses firmes américaines et trouver des moyens de les réguler et de les taxer, et – nettement moins médiatiquement – pour verrouiller l’identité numérique sur les citoyens dans un très proche avenir. Le projet de loi débuté en décembre 2021 a ainsi rapidement trouvé preneur auprès d’une bonne majorité de députés qui n’y ont vu que des bons points : toujours sous prétexte de sécurisation des individus sur les intertubes du Far West, enfin va-t-on pouvoir corseter le citoyen européen, le traquer constamment et ne lui laisser à peu près aucune marge de liberté, à commencer par celle d’expression.
Difficile de résister à une telle proposition lorsqu’on tient compte de la tendance globale des institutions européennes sur les dernières années.
Et comment ce texte s’y prend-il pour enfin fermer le clapet des citoyens récalcitrants ? Comme il est d’habitude depuis quelques années : en le noyant dans la douceur étouffante des bonnes intentions et de sa sacro-sainte sécurité.
En réclamant par exemple une lutte de plus en plus ferme et rapide contre la méchante et vilaine désinformation, ce Digital Service Act (DSA) va permettre de faire fermer ou au moins de bannir toutes les plateformes dissidentes qui auraient le toupet de présenter des informations alternatives ou séditieusement farfelues par exemple. Qui jugera ce qui est farfelu, séditieux ou de la désinformation ? Mais les actuels pouvoirs en place, pardi, ce qui garantit une information de qualité comme on a pu le constater ces dernières années !
Ainsi, sous prétexte de transparence de la modération des contenus sur les plateformes, le DSA autorisera des acteurs reconnus (je vous laisse imaginer qui obtiendra l’onction publique) à intervenir sur la modération pour faire disparaître des contenus jugés dangereux, ou au contraire imposer la présence de certains contenus jugés conformes.
Si vous avez aimé les KYC avec les banques, vous allez en avoir une nouvelle ration avec les plateformes de commerce en ligne.
Pour rappel, ces KYC (Know Your Customer, ou « Connaissance du client ») imposent aux organismes financiers la collecte d’informations très poussées sur leurs clients afin de lutter contre la corruption, la fraude ou les trafics illégaux. Le fait que ces informations permettent de traquer chaque citoyen pour des raisons fiscales et permettent aux autorités de « débancariser » rapidement quelqu’un sans procès est bien sûr complètement fortuit. Le fait que ces KYC sont maintenant propulsés jusque sur les plateformes de commerce en ligne (Amazon, eBay, etc.) est, on vous l’assure, pour votre bien, votre sécurité et là encore, le fait que cela entraîne une nouvelle réduction des libertés de commerce pour tout un chacun est purement fortuit.
Et au-delà de ces petits bonbons législatifs dont on sait qu’ils passeront très bien au moins auprès des autorités qui y verront immédiatement des bénéfices en terme d’extension de leurs pouvoirs, ajoutons les vœux pieux de limitation de publicité ciblée, d’une lutte contre le « revenge porn » ou une protection renforcée des mineurs dans différents domaines, dont on se doute déjà que la réalité d’application sera nettement plus sujette à caution : outre l’évident défi technologique que ces bonnes intentions laissent présager, on attend déjà avec gourmandise tous les contournements qui seront rapidement mis en place tant du côté des entreprises que du côté des consommateurs à nouveau plongés dans une épaisse mélasse bureaucratique.
(À titre d’illustration, on se rappellera de l’idée européenne lumineuse d’imposer un clickodrome du consentement pour les cookies – le fameux RGPD – qui s’est transformé en automatisme idiot pour l’internaute lambda, empirant la situation puisqu’à présent, il n’y a plus de doute que le consentement sur la récolte des données personnelles a été obtenu là où la situation précédente laissait au moins entendre qu’il n’était pas donné par défaut.)
Bien évidemment, ces petits nuggets législatifs ne sont qu’un début.
On sait déjà, notamment parce que c’est le but clairement affiché de l’Union pour les années à venir, que l’identité numérique s’imposera bientôt à tous et que celle-ci s’incrustera sans souci dans le paysage légal déjà taillé par ce Digital Service Act (qui vient après le Digital Markets Act ayant permis de bien dégrossir le travail). Munis d’une identité en ligne unique, avec un anonymat à peu près impossible et une traque permanente de ses faits et gestes sur internet, le frétillant citoyen européen sera alors mûr pour un contrôle social complet, à l’instar du prototype actuellement mis en place à Bologne par exemple.
La tendance occidentale (difficile à cacher tant les articles – comme celui-ci – se multiplient pour annoncer les mêmes mesures sur le continent américain) est claire : le citoyen occidental libre a vécu. Place maintenant au contribuable vache-à-lait, à la liberté d’expression millimétrée et aux capacités de révolte à peu près nulles.
source : Hashtable
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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