La Glorieuse Révolution de 1688 : L’Angleterre déclare « la mort de toutes les autres révolutions »

La Glorieuse Révolution de 1688 : L’Angleterre déclare « la mort de toutes les autres révolutions »

Par Ramin Mazaheri – Le 23 avril 2022 – Le Saker Francophone

 Le conservatisme moderne a été largement inspiré par l’affirmation constante d’Edmund Burke selon laquelle il n’est pas permis de refaire la société en quelque chose de nouveau parce qu’il serait immoral d’effacer le contexte historique qui a façonné cette société. C’est l’essence même de sa thèse antirévolution.

(Ceci est le deuxième chapitre d’un nouveau livre, Les Gilets jaunes de France : La répression occidentale des meilleures valeurs de l’Occident. Veuillez cliquer ici pour l’article qui annonce ce livre et explique ses objectifs).

C’est la logique précise du réformisme moderne : c’est-à-dire, la lente réforme et l’amélioration du parlementarisme à l’anglaise, qui est l’épine dorsale politique de la démocratie libérale occidentale.

Mais l’erreur cardinale de cet ardent et trop dramatique conservateur, c’est de donner un coup de balai à toute révolution. Personne ne peut effacer totalement le contexte historique et culturel d’une nation ; ce qui est fait est fait et ne sera pas oublié, mais on peut l’envisager différemment. Il faut souvent laisser le passé derrière soi pour mettre en place une nouvelle base juridique plus humaine, objectif fondamental de toute révolution ; tout le reste n’étant, après tout, qu’un simple « coup d’État ».

Les conservateurs modernes et Burke, le fondateur philosophique reconnu du conservatisme occidental, veulent en fin de compte continuer à être l’élite qui arbitre les changements juridiques, économiques et culturels, alors que les démocraties socialistes insistent pour que la masse du peuple, soit le Tiers État, le prolétariat et la paysannerie, (99% de la population), etc. en deviennent activement les arbitres.

Burke a eu les opportunités et le statut qu’il avait parce qu’il était un aristocrate (la Maison de Burke était une dynastie noble vieille de plusieurs siècles), un impérialiste né en Irlande, mais aussi, ironiquement, à cause du contexte de la révolution. Le chapitre précédent résume le livre de Burke : Réflexions sur la Révolution de France, et c’est tout autant une défense de la Glorieuse Révolution anglaise de 1688, de ses méthodes et de ses résultats, qu’un assaut contre les idées nouvelles de la France de 1789. C’est vraiment un livre qui couvre deux révolutions, et marque distinctement le schisme politico-culturel non seulement entre les cultures anglophones et francophones mais aussi entre les cultures révolutionnaires et conservatrices.

Les méthodes : Un coup d’État royal en Angleterre qui a installé un roi étranger (Guillaume III d’Orange, des Pays-Bas). Ce sur quoi les Anglais aiment à se concentrer, ce n’est pas cet aspect antipatriotique, c’est à dire « la monarchie comme le 1 % mondialiste initial », mais le fait que cela s’est fait sans effusion de sang, et que cela a mis fin à une ère de quatre décennies de guerre civile et de changements politiques.

Les résultats : Le coup d’État a été réalisé par les Whigs, la nouvelle classe sociale qui s’était créée grâce aux nouveaux profits de l’impérialisme de l’hémisphère occidental et à l’explosion des échanges commerciaux.

J’ai mentionné ceci dans l’introduction : 1492 a créé une révolution économique lente mais certaine en rendant la guerre, l’impérialisme et les nouveaux échanges commerciaux hyper-profitables pour l’Europe. En 1688, les Whigs ont été en mesure d’utiliser ces profits pour imposer un roi étranger, adopter la Déclaration des droits de l’Angleterre et établir la proéminence du Parlement pour la première fois dans l’histoire de l’Angleterre.

Burke était un Whig et, en tout flagorneur qu’il était, il a écrit que toutes les révolutions jusqu’au statu quo post-Glorieuse Révolution devaient être dénoncées comme détestables. Ceci explique comment son livre Réflexions sur la Révolution de France marque la naissance de l’anti-révolutionarisme occidental. Burke écrit sur la France mais dit aussi, expressément, que le coup d’État intra-élite de 1688, qui a institué des droits à la classe noble, est la seule révolution digne d’être glorifiée, et que vive le règne des Whigs.

Il s’agissait donc d’un évident intérêt personnel et d’une guerre de classe bien avant Marx, favorisés par une alliance de riches prétendument nobles, soient propriétaires terriens, royaux et théocratiques, soient nouveaux riches impérialistes/commerçants, et d’ un réactionnaire absolutiste (défini comme : s’opposant aux réformes politiques ou sociales progressives). C’est cette unification éventuelle de tous les types de richesse : foncière, commerciale/impériale, puis financière/industrielle du 19e siècle, et par la suite, leur lutte unie contre les 99 % restant de la population, qui a rendu l’analyse marxiste de l’histoire européenne du 19e siècle si révolutionnaire et provocante. Marx a vidé la noblesse de ses prétentions « burkéennes » de grandeur méritée en soulignant : « tout ce qui vous intéresse, c’est l’argent ».

La Glorieuse Révolution s’est mondialisée, partiellement, comme le fait inévitablement toute révolution réussie. Elle est ainsi devenue inséparable de la démocratie libérale occidentale.

Tout en m’excusant de l’amplitude de ce livre sur les Gilets Jaunes, j’essaie simplement de revenir à la base du problème. En fin de compte, les Gilets Jaunes se rebellent contre le dernier échec de la démocratie libérale occidentale. 1688 est à la base de l’ère féodale de cette idéologie, qui n’est plus « moderne » depuis 1789.

Gilet Jaune « Il est clair que le gouvernement nous vend une démocratie qui est en fait une illusion totale. Quand on voit la violence qu’il y a eu envers les pacifiques Gilets Jaunes, il est clair que la démocratie française est un rêve et non une réalité. « 

(Note : ce livre contient plus de 100 citations de Gilets jaunes en marche, publiées à l’origine dans des reportages sur PressTV).

De manière cruciale, parce que la révolution de 1688 n’est ni fondée sur la prise de responsabilité du peuple, ni sur la démocratie, mais plutôt sur la protection des privilèges des élites, elle ne peut être considérée comme la révolution qui donne naissance à la politique moderne.

Il est beaucoup plus exact de dire que 1688 a été la dernière résistance organisée par l’élite européenne, visant à contenir la politique moderne. 1688 a érigé le rempart le plus vigoureux contre la politique moderne. L’accent religieux des guerres civiles anglaises rend également la Révolution de 1688 bien moins appropriée que celle de 1789 pour marquer le début de l’ère politique moderne, définie par la distinction et les mouvements des classes sociales et non plus par les guerres de religion comme antérieurement. L’aboutissement de la colonisation de l’Irlande à cette époque ne devrait pas non plus permettre à 1688 de servir de point de départ au projet néo-impérial de l’Union européenne, l’Angleterre ne faisant même pas partie de l’UE. La preuve en est également faite : de 1688 à aujourd’hui, les îles britanniques sont le siège de tous les efforts déployés pour lutter contre les idéaux de 1789 et la démocratie socialiste dans le monde.

Mais l’histoire est un processus lent, et nous devons accorder du crédit à la Glorieuse Révolution pour ne pas perdre le fil de l’histoire politique : l’abandon de l’autocratie. N’est-ce pas pour cela que le citoyen moyen se bat depuis 1789 ? L’un des principaux efforts de ce livre est de montrer comment les concepts monarchiques, tels que l’autocratie et le règne d’une petite élite, ne se sont pas arrêtés avec l’Iran de 1979 mais continuent de façonner radicalement la démocratie libérale occidentale aujourd’hui.

1688 était important, et pas seulement pour ses lacunes :

Tout d’abord, elle a produit la Déclaration des droits de 1688, qui doit être considérée comme bien plus importante que la Grande Charte d’Angleterre de 1215, en dépit du fait que cette dernière soit mieux connue. La Grande Charte n’a d’importance qu’au sein de l’Angleterre ; elle n’a d’ailleurs jamais été la plus représentative de la monarchie absolue de son époque. En Hongrie, au XIIIe siècle, l’aristocratie était beaucoup plus inclusive et égalitaire : la noblesse représentait 5 % du pays et le décret de la « Bulle d’or » de 1222 les rendait tous égaux, leur donnant même le droit de vote dans les affaires les plus importantes de l’État. (En effet, les parallèles et les héritages entre cette classe d’élite hongroise de longue date et ”l’école autrichienne » moderne d’économie politique sont trop nombreux pour être énumérés ici).

Deuxièmement, 1688 a effectivement mis fin au pire type de théocratie au monde mais aussi historiquement le plus répandu : le droit divin des rois. La révolution puritaine et Oliver Cromwell avaient fait leur œuvre , sans possible retour en arrière : “Jésus-Christ, et pas l’homme, est roi » est l’épitaphe sur la tombe de Cromwell. Même si, en tant que musulman, je pense qu’une meilleure épithète serait « Dieu, et pas l’homme, est roi », j’apprécie certainement le point de vue de Cromwell. Les déplorables amoureux de la monarchie, dont Burke faisait partie, qui s’opposaient à Cromwell et à sa république du Protectorat (1653-59) ont, par la suite, exhumé son cadavre en 1660, l’année de la restauration de la monarchie et planté son crâne sur une pique, exposée sur le toit de Westminster Hall pendant 30 ans.

Troisièmement et enfin, la Déclaration des droits peut être décrite comme « les droits de l’homme et du citoyen… mais seuls les aristocrates sont des hommes ou des citoyens ». Il a fallu 100 ans pour que s’impose l’idée que tous les humains, et pas seulement les nobles, ont des droits. J’ai noté dans l’introduction que ce concept égalitaire ne provenait pas de l’Angleterre mais des indigènes du Nouveau Monde. Quelle que soit sa provenance, il s’est répandu, et l’aristocrate Burke s’est opposé aux tentatives de 1789 de le répandre, comme l’avaient fait les rois d’avant 1688 qui eux, s’opposaient à l’idée que les nobles avaient des droits aussi.

Mais la Glorieuse Révolution a constitué un véritable progrès, et c’est à juste titre que l’Angleterre se considérait comme la nation la plus progressiste d’Europe à l’époque. Cependant, 1789 a changé cette perception, et le Royaume-Uni, prétendument postféodal, est devenu désormais en retard sur son temps. Il le reste encore aujourd’hui, malheureusement.

La Déclaration des droits de l’Angleterre compte 13 articles clés, et elle est presque identique aux 10 articles de la Déclaration des droits des États-Unis. En effet, une partie de la propagande intérieure américaine consiste à présenter la Déclaration des droits des États-Unis comme une sorte d’avancée spectaculaire, alors qu’elle était clairement calquée sur un modèle vieux d’un siècle. La Déclaration des droits américaine a été rédigée en 1789, la même année que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de la Révolution française. De manière absolument cruciale, les 27 articles de la déclaration française vont beaucoup, beaucoup plus loin que la déclaration américaine.

Il est tout à fait exact de dire que les Américains ne se sont pas ralliés à la conception française des droits de l’homme mais à celle de l’Angleterre : Les Révolutions Glorieuse et Américaine n’ont pas repensé l’ordre social, mais ont simplement établi une vision limitée des droits de l’homme. Cela explique pourquoi la démocratie libérale occidentale moderne embrasse facilement les monarchies constitutionnelles d’Europe (Espagne, Suède, etc.) ainsi que les républiques constitutionnelles des États-Unis (et de la France, de l’Italie, etc.) ; le Royaume-Uni faisant partie d’une poignée de pays qui n’ont toujours pas de constitution, avec l’Arabie saoudite et Israël.

Les États-Unis n’ont fait que codifier une oligarchie ; les oligarques américains étant désormais aux commandes sur la côte Est, et non plus les oligarques anglais. Cela nous permet ainsi de comprendre pourquoi la politique moderne ne commence pas non plus avec la révolution américaine de 1776.

Pour le commun des mortels, les Glorieuses révolutions anglaise et américaine sont davantage des « coups d’État internes » que des « révolutions ». Dans aucune des deux, il n’y a eu de tentative de remodeler fondamentalement la société ; une autocratie légèrement élargie à l’oligarchie n’est guère une révolution. 1688 et 1776 sont des dates importantes, sans aucun doute, mais c’est une incompréhension totale de la politique moderne que de croire qu’elles sont aussi importantes que 1789.

Il est aussi incroyablement révélateur que Burke ait à peine commenté l’expérience révolutionnaire des États-Unis. Ce n’est probablement pas parce qu’il ne savait pas quoi en faire, mais plutôt parce qu’il la trouvait tout à fait sensée, bien que menaçante pour l’empire anglais dont il était si proche.

Gilet jaune : « Macron est une marionnette. Il a un programme qui vise à ruiner le peuple français afin de profiter à quelques milliardaires. Regardez comment il refuse d’autoriser un référendum sur les privatisations proposées des aéroports de Paris. Il veut que tout le monde ferme sa gueule et accepte ce qu’il veut, mais ce n’est pas comme ça que la France devrait être.  »

Mais l’histoire est un processus lent, et nous devons reconnaître les mérites de la révolution américaine.

La Révolution américaine a également constitué un progrès indéniable car elle a marqué le début de la fin de 284 ans de domination européenne sur l’hémisphère occidental. Désormais, une partie des populations locales avait quelques droits et une certaine souveraineté, même si, bien entendu, les autochtones n’aient pas été inclus dans le nouveau système de droits aux États-Unis et que ceci soit révélateur du caractère élitiste et non progressiste de la démocratie libérale occidentale depuis ses origines.

Oui, la Révolution française a été renversée, mais cela n’est dû qu’aux machinations anti-1789 de ses ennemis. La Révolution française, bien que destituée en 1815 par la restauration de la monarchie, a constitué une véritable avancée dans un contexte européen de très faible niveau de conscience politique et l’a éloignée du despotisme monarchique.

La révolution russe amorcera une avancée encore plus grande en étendant finalement les droits de l’homme à tous, y compris au plus pauvre des paysans sans terre, et inaugurera ainsi une ère entièrement nouvelle de l’histoire politique. Toutes les révolutions après 1917 (Chine, Cuba, Iran, etc.) seront d’inspiration socialiste et leur principal obstacle sera le même que celui de la France de 1792 à 1815 : celui de toutes ces autres nations, menées par le Royaume-Uni et aspirant au retour à l’ancienne ère politique, celle des droits limités aux monarques, aux cheiks et aux aristocrates. C’est le schéma clair et simple de la politique occidentale et de l’histoire mondiale.

Cette analyse ne peut être considérée comme invalide que si l’on croit que la démocratie libérale occidentale est véritablement le sommet de la pensée politique. La demande de longue date de nombreux gauchistes français, et pas seulement des Gilets jaunes, de fonder une nouvelle république sape cette affirmation, tout comme l’incroyable répression des Gilets jaunes.

Je ne suis pas le seul à avoir soutenu que 1688 n’était pas une révolution majeure : c’est aussi une théorie clé du livre de Burke !

La gloire de la Glorieuse Révolution anglaise réside dans le fait que le changement s’est produit sans guerre civile, sans absence de gouvernement et sans domination des révolutionnaires. Nous voyons donc comment le conservatisme d’aujourd’hui a absolument porté cette bannière « Whig », qui exige que le changement ne vienne que par un réformisme pacifique.

Cependant, le grand non-dit du parlementarisme anglais, puis de la démocratie libérale occidentale, est que ce réformisme pacifique doit être entièrement guidé par l’élite oligarchique au pouvoir. L’analyse de classe, et une comptabilité objective de l’histoire moderne, nous dit que cette oligarchie craindra toujours de perdre son pouvoir et ses privilèges au profit du peuple. Ainsi, la démocratie libérale occidentale est aristocratique jusqu’à la moelle.

Une partie de la réplique conservatrice à la révolution a toujours consisté à dire que même une absence temporaire de gouvernement est un « état de nature » rousseauiste effrayant, qui ne peut aboutir qu’à une prétendue anarchie du socialisme ou à une guerre civile, caractérisée par une hystérie pure et une idéologie nulle. L’ordre doit être maintenu… parce que l’oligarchie ne doit pas perdre le pouvoir, bien sûr. « Keep calm and carry on », l’expression anglaise, qui a balayé le monde anglophone lors de l’effondrement économique de 2008, incarne parfaitement cette vision de l’esclave (de dette), soumis à l’ordre édicté par son maître.

L’analyse selon laquelle la révolution anglaise de 1688 est le véritable fondement de la démocratie moderne est une chose à laquelle les anglophones s’obstinent, principalement parce qu’ils n’ont pas réellement lu Burke.

Plus précisément, ce qui a choqué Burke dans Réflexions, c’est la présomption : « que nous avons acquis un droit : 

  • de choisir nos propres gouverneurs
  • de les virer pour mauvaise conduite
  • d’établir un gouvernement pour nous-mêmes »

Non seulement Burke rejette ces droits démocratiques fondamentaux pour les Français en 1789, mais il affirme que la Glorieuse Révolution n’a pas non plus utilisé ces droits !

Indépendamment de mon opinion selon laquelle 1789 est le véritable début de la politique moderne, Burke lui-aussi affirme que 1789 ne peut prétendre suivre un quelconque précédent démocratique, supposément établi en 1688. Par ailleurs, il reconnait lui-même que le système anglophone rejette tout, sauf une autocratie qui n’a pas de comptes à rendre.

1789 est donc rejeté par les conservateurs anglais, tout comme ils rejettent évidemment aussi 1917, 1949, 1959, 1979, etc. Nous attendons tous des conservateurs anglais et modernes qu’ils rejettent tout à partir de 1917, mais ce qui est rarement admis, c’est le rejet total de 1789 par les conservateurs modernes. Ce rejet persiste au XXIe siècle, même si, dans les années 1970, les idéaux de 1789 étaient devenus courants dans tout l’Occident.

Burke poursuit ensuite sa liste en 3 parties :

« Cette nouvelle et jusqu’ici inouïe déclaration des droits, bien que faite au nom du peuple tout entier, n’appartient qu’à ces messieurs et à leur faction. Le corps du peuple d’Angleterre n’y a aucune part. Il la rejette catégoriquement. Il résistera à son affirmation pratique au prix de sa vie et de sa fortune. Ils sont tenus de le faire par les lois de leur pays faites à l’époque (1688) de cette même Révolution qui est invoquée en faveur des droits fictifs revendiqués par la Société qui abuse de son nom.  »

Les termes « leur faction » et « Société » font tous deux références à la « Revolution Society of England », un groupe qui a soutenu la révolution française. Burke note à juste titre qu’aucun de ces trois principes ne se trouve dans la Déclaration des droits, qui est l’incarnation pratique et juridique des principes de la Glorieuse Révolution de 1688.

Les révolutionnaires français, dont Napoléon Bonaparte, s’étaient initialement inspirés de l’Angleterre comme modèle. Ils se sont vite rendu compte qu’ils se trompaient lourdement. C’est ce qu’exprime Burke dans la phrase ci-dessus, « de cette même Révolution dont on fait appel en sa faveur« . Burke répète ce désenchantement français à l’égard de l’oligarchie anglaise avec plus de détails nécessaires :

« Vos chefs en France ont commencé par affecter d’admirer, presque d’adorer, la constitution britannique ; mais à mesure qu’ils avançaient, ils en venaient à la considérer avec un souverain mépris. Les amis de votre Assemblée nationale parmi nous ont une opinion tout aussi médiocre de ce qui était autrefois considéré comme la gloire de leur pays. La Société de la Révolution a découvert que la nation anglaise n’est pas libre. Elle est convaincue que l’inégalité de notre représentation est un ‘défaut dans notre constitution si grossier et si palpable qu’il la rend excellente principalement dans la forme et la théorie’.  »

Oui, les révolutionnaires français ont regardé de plus près et ont réalisé qu’ils s’étaient totalement trompés sur la relation de l’Angleterre avec la démocratie. Peut-être quelqu’un les avait-il mal informés que le cromwellisme avait prévalu ?

Les conservateurs qui, sciemment ou non, s’accrochent à 1688 ou 1776, réécrivent ou comprennent mal l’histoire, mais Burke était, lui, bien conscient que l’admiration du modèle britannique se transformait rapidement en mépris en France et qu’il suffisait de bien comprendre les droits limités que l’Angleterre offre à l’homme du peuple. La riposte de la France a été la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, un bond spectaculaire en avant par rapport à la Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Le récit de Burke sur la Glorieuse Révolution dans ses Réflexions allait finir par dominer la pensée anglaise sur deux sujets. Il est devenu l’explicateur de deux révolutions – l’une « préservatrice » et l’autre « destructrice ». Son défaut est de se tromper totalement sur le traitement à réserver à l’une et à l’autre.

Gilet Jaune : “Les Gilets Jaunes ne s’arrêteront pas tant que le gouvernement ne répondra pas à nos besoins et à nos demandes démocratiques. Tant que le gouvernement ne changera pas, notre insistance pour de vrais changements ne changera pas non plus. »

Le conservatisme occidental moderne qui contrecarre toutes les révolutions progressistes n’est pas intéressant, mais les énormes défauts, les égoïsmes et la soif d’implanter l’illogisme dans les affaires humaines, qui abondent dans la philosophie de Burke, doivent être exposés pour leurs sophismes.

Et pourtant, dans les chapitres à venir, je citerai encore Burke pour ses prédictions et ses critiques précises de ce qui sera connu sous le nom de démocratie libérale occidentale, qui prend racine dans la désastreuse IIe République de 1848-52 en France.

Par-dessus tout, Burke est essentiel pour nous rappeler ce que le conservatisme moderne doit exactement « conserver » : une vision antipatriotique de la société humaine, et le reniement de la lutte des classes au bénéfice des 1% de la population. Le seul nom pour cela était autrefois « monarchie », le premier système qui a placé la loyauté de la classe sociale au-dessus de la loyauté nationale :

 » Mais on ne peut donner une preuve plus décisive de la pleine conviction de la nation britannique que les principes de la (Glorieuse) Révolution ne l’autorisaient pas à élire des rois à son gré, et sans aucune attention aux anciens principes fondamentaux de notre gouvernement, que le fait qu’elle continue à adopter un plan de succession protestante héréditaire dans l’ancienne ligne, avec tous les dangers et tous les inconvénients de cette ligne étrangère sous ses yeux et dans son esprit.  »

Burke admet que le principe de la possession héréditaire, de la ségrégation religieuse et de la répression démocratique l’emporte sur toute préoccupation patriotique.

Burke reconnait également que l’invasion d’une armée étrangère hollandaise avait pour unique but de mettre fin à la menace d’un républicanisme cromwellien, s’épanouissant sur les idéaux de 1789, et de ce fait, inquiétant pour l’oligarchie whig.

« La Révolution de 1688 a été obtenue par une guerre juste, dans le seul cas où toute guerre, et à plus forte raison une guerre civile, peut être juste. Justa bella quibus necessaria. (Tite-Live : Les guerres sont justes lorsqu’elles sont nécessaires.) La question de détrôner ou, si ces messieurs préfèrent l’expression, de « casser les rois », sera toujours, comme elle l’a toujours été, une extraordinaire question d’État, et entièrement hors du droit – une question (comme toutes les autres questions d’État) de dispositions et de moyens et de conséquences probables plutôt que de droits positifs. »

Les caractères gras et soulignés sont les miens parce que c’est le prix que je paie pour avoir supporté le baratin conservateur, élitiste, flagorneur et nébuleux de Burke, mais aussi parce que cette tout à fait juste restitution le rend très clair :

Le conservatisme moderne signifie que personne n’a le droit de déposer un roi ou un président, aussi répressif ou médiocre soit-il, car il ne s’agit pas de droits mais de conséquences ; les conséquences étant la fin de la domination de l’oligarchie. Le leadership politique est une « question d’État« , c’est-à-dire une question que l’élite doit régler seule.

Les conservateurs modernes s’entendent, pour les raisons absurdes, énumérées dans le livre de Burke et résumées au chapitre précédent, pour maintenir cette domination imméritée. Le conservatisme moderne n’a pas changé depuis Burke et continue d’utiliser ses mêmes raisonnements défectueux et élitistes.

Le statu quo ne peut être détrôné ! La Révolution française n’était pas d’accord, et Napoléon Bonaparte, le sujet de notre prochain chapitre, n’a pas été intronisé mais élu sur le trône, ce qui aurait certainement fait s’évanouir Burke.

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Liste des chapitres à venir du tout nouveau contenu des Gilets jaunes de France : La répression occidentale des meilleures valeurs de l’Occident. Le livre comprendra également des écrits antérieurs de 2018 jusqu’à l’élection de 2022 afin de fournir le dossier historique le plus complet des Gilets jaunes qui soit. Quelle valeur ! Date de publication : 1er juin 2022.

Les précommandes du livre électronique en français peuvent être peuvent être effectuées ici.

Chapitres du nouveau contenu :

  • Les Gilets Jaunes : La répression occidentale des meilleures valeurs de l’Occident – 27 mars 2022
  • Introduction : Une histoire des Gilets Jaunes doit réécrire l’histoire récente et ancienne de la France – 3 avril 2022
  • La réaction sans fin du Royaume-Uni : 1789 et la fin du féodalisme créent le conservatisme moderne –
  • La Glorieuse Révolution de 1688 : L’Angleterre déclare « la mort de toutes les autres révolutions » –
  • L’histoire politique moderne n’a aucun sens si Napoléon n’est pas un révolutionnaire de gauche.
  • Les révolutions de 1848 : Parce que le libéralisme ne peut pas dire les ‘Contre-révolutions de 1848’.
  • Louis-Napoléon : Les différences révolutionnaires entre le bonapartisme et la démocratie libérale occidentale
  • La Commune de Paris : la véritable naissance du néolibéralisme et du néo-impérialisme de l’UE
  • Où l’Occident est coincé : Le fascisme des années 1930 et le « fascisme » des années 2020
  • Sur « Léon Trotsky sur la France » afin de récupérer Trotsky auprès des trotskistes.
  • L’enfance des Gilets Jaunes : Voir les élites françaises, seulement, influencées par le néolibéralisme.
  • Personne ici n’est réellement responsable : Comment l’empire européen a forcé les Gilets Jaunes
  • La radicalisation par la décennie perdue de l’Europe en cours : la Grande Récession change la France
  • Pour les Gilets jaunes, il est le radical : Macron et « Ni droite ni gauche, mais le bloc bourgeois ».
  • Gilets jaunes : Au pire, le plus important mouvement français depuis un siècle
  • Qui sont-ils, vraiment ? Demandez à un journaliste qui a vu un million de visages de Gilets Jaunes.
  • Gilet jaune gagnant : Mettre fin à la diffamation occidentale de tous les mouvements populaires comme étant des xénophobes d’extrême droite.
  • Victoire des gilets jaunes : la fin de l’anarcho-syndicalisme occidental et des syndicats comme rois héréditaires du gauchisme
  • Victoire des gilets jaunes : la fin du parlementarisme occidental comme gouvernement le plus progressiste
  • Victoire des Gilets Jaunes : Rappeler le lien entre la violence fasciste et la démocratie occidentale
  • Ce que les Gilets Jaunes peuvent être : un groupe qui peut protéger les droits du libéralisme, au moins.
  • Le vote de 2022 : L’approche nécessaire pour « l’avant » et « l’après » de la fermeture des bureaux de vote.

Ramin Mazaheri est le correspondant en chef à Paris pour PressTV et vit en France depuis 2009. Il a été journaliste dans un quotidien aux États-Unis et a effectué des reportages en Iran, à Cuba, en Égypte, en Tunisie, en Corée du Sud et ailleurs. Il est l’auteur de Socialism’s Ignored Success: Iranian Islamic Socialism’ ainsi que de ‘I’ll Ruin Everything You Are: Ending Western Propaganda on Red China qui est également disponible en chinois (caractères simplifiés ou traditionnels).

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