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Le pari américain d’un enlisement russe en Ukraine est largement perdu. Pourtant Washington et ses alliés ont tendance à redoubler la stratégie du chaos…. en répétant qu’ils soutiendront l’Ukraine jusqu’à la victoire finale. Comme si les Occidentaux ne savaient pas faire autre chose que ce qui a échoué en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie ou au Kosovo. En réalité, sur le terrain, les capacités de l’armée ukrainienne s’amenuisent tous les jours. Il n’y aura bientôt plus assez de soldats pour soutenir une guerre, quelles que soient les livraisons d’armes de l’OTAN. Et si ces livraisons ne finissent pas en cibles de tirs balistiques elles viendront renforcer les stocks de l’armée russe. Il n’y aurait qu’une seule position française raisonnable : forcer les Ukrainiens à négocier pour limiter la portée d’une défaite inéluctable. Sans quoi, la Russie, après avoir retiré ses troupes des régions de l’ouest de l’Ukraine où elles pouvaient éventuellement devenir la cible d’une guérilla, va décider sur le terrain des frontières d’une nouvelle Ukraine – neutralisée, privée d’accès à la mer et amputée des territoires à l’est d’une ligne allant de Kharkov à Odessa – où la population est de plus en plus demandeuse de la protection de Moscou.
La bataille d’Ukraine
• « Le 16 avril, une opération spéciale a été menée dans le district de Primorsky [à Marioupol, près de l’usine d’Azovstal], pour libérer des otages détenus par des nationalistes ukrainiens dans une mosquée turque. Le ministère russe de la Défense a confirmé que l’opération a été menée à la demande du président de la République de Turquie Erdogan. En conséquence, la mosquée est passée sous contrôle russe, 29 militants, dont des mercenaires étrangers, ont été tués. Les otages (…) ont été libérés ».
• L’armée russe avait proposé aux combattants de l’usine d’Azovstal de se rendre… Or le gouvernement ukrainien leur a interdit de le faire. Un observateur russe se demande dans quelle mesure Vladimir Zelenski serait satisfait que les Russes les débarrassent des éléments les plus radicaux.
En réalité, le parti kiévien est désormais dépassé par son refus de négocier avec la Russie quand il était encore temps. L’ultimatum de 6 heures du matin le 17 avril a passé sans que l’offre soit saisie. Donc l’offre de cessez-le-feu pour une reddition est tombée. L’assaut a repris, appuyé par l’aviation.
• Dans tous les cas, l’assaut final a commencé. Il comporte aussi des frappes aériennes. Le ministère russe de la Défense estime qu’il reste un peu plus de 2000 combattants enfermés sur (ou sous) le territoire de l’usine, dont 400 combattants étrangers.
• Des combattants ukrainiens ont tenté de contre-attaquer au sud d’Izioum mais l’opération s’est soldée par un échec.
• L’armée russe attend-elle la fin de la bataille de Marioupol pour démarrer l’offensive contre les 40 à 60 000 soldats ukrainiens encerclés dans le Donbass ? Sans doute. Mais aussi que le gros de la raspoutitsa (dégel et fonte des neiges qui rend les routes non asphaltées impraticables) dans cette partie de l’Ukraine orientale soit passée.
• L’origine de l’accident qui a conduit au naufrage du Moskva ne sera pas éclaircie de sitôt. Le Saker ne croit pas à la capacité ukrainienne d’effectuer un tir sur le croiseur ; ni à un soutien logistique occidental. Il reprend l’hypothèse des mines placées par les Ukrainiens au large d’Odessa et à la dérive en mer Noire.
• Des Ukrainiens ont détruit le monument à la mémoire de Joukov à Kharkov.
• Il se confirme qu’un référendum devrait se tenir d’ici quelques semaines dans la région de Kherson pour poser la question de la création d’une « république populaire de Kherson » sur le modèle de celles de Donetsk et de Lougansk.
• Le ministère des Finances ukrainien lui-même estime que le PIB de l’Ukraine diminuera de 30 à 50% en 2022. (Ajoutons que la perte de Marioupol prive l’Ukraine de 20% de son PIB dans tous les cas).
• Cela n’empêche pas Zelinski de tenir désormais des discours jusqu’au boutistes, expliquant que son pays ne doit pas céder un pouce de terrain dans le Donbass et d’affirmer que la Russie s’apprêterait à utiliser des armes nucléaires tactiques. On notera qu’une vidéo de Zelenski visiblement éméché avait été téléchargée dans la journée avant d’être retirée. Mais des internautes l’ont sauvegardée.
Les États-Unis déchaînent une lutte d’influence tous azimuts pour briser le front des pays neutres
• Les États-Unis sont lancés dans des tentatives d’intimidation tous azimuts pour tenter de briser le front des pays neutres.
– La rumeur court d’une influence des États-Unis dans le renversement du Premier ministre pakistanais Imran Khan. On ne prête qu’aux riches ; en tout cas, les États-Unis essaient d’obtenir du nouveau gouvernement dirigé par Shebaz Sharif qu’il se joigne aux sanctions occidentales contre la Russie. À suivre de près.
– Les États-Unis continuent à faire jouer leurs réseaux d’influence en Inde pour intimider le Premier ministre Modi et le faire renoncer aux achats d’hydrocarbures à la Russie.
– Après avoir voulu jouer un rôle de médiateur dans le conflit, le gouvernement israélien a finalement voté l’expulsion de la Russie de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU. Les États-Unis mettent sous pression Israël du fait des tensions avec les Palestiniens à Jérusalemen mais aussi d’un accord avec l’Iran sur le nucléaire civil.
– Quatre sénateurs et représentant, tous démocrates entament une tournée de neuf jours qui les mènera, entre autres destinations, en Inde, au népal et aux Émirats arabes unis pour tâcher de persuader ces pays de rejoindre les sanctions antirusses.
Mario Draghi et le principe de Peter
• Dans le Corriere Della Sera, Mario Draghi confirme à ses dépens qu’il fut certainement un banquier central compétent mais qu’il atteint comme président du Conseil italien son niveau d’incompétence : il reprend à son compte l’argumentation de Zelenski, justifie les envois d’armes à l’Ukraine, reproche à la Russie de ne pas pas vouloir négocier et lui attribue sans preuve les crimes de Boutcha.
• Par contraste, le chancelier autrichien Nehammer a l’air profondément mal à l’aise lorsque Chuck Todd, sur NBC, essaie, par tous les moyens, de l’amener à critiquer Vladimir Poutine.
• Le conflit en Ukraine pose, en général, la question du principe de Peter – le niveau d’incompétence – pour la plupart des dirigeants occidentaux. Même si l’on fait abstraction du fait que Joe Biden n’a plus les capacités physiques pour exercer sa fonction, le fait d’avoir annoncé, en amont de la guerre, que les États-Unis n’interviendraient pas militairement mais se contenteraient de sanctionner économiquement la Russie était, du point de vue occidental, une grossière erreur. En cas d’incertitude sur les intentions américaines, la guerre aurait sans doute pu être évitée. Si l’on se tourne ensuite vers Boris Johnson, Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen, Josep Borrel, leur comportement erratique, depuis le début de la crise montre qu’aucun d’entre eux n’a le niveau pour exercer la fonction qu’ils occupent. Qui en douterait doit se poser la question de savoir s’il est possible, quand on a l’étoffe d’un grand dirigeant de prendre Zelenski pour autre chose que pour un histrion qui prolonge scandaleusement les souffrances de son peuple au lieu de faire la seule chose raisonnable : négocier avec la Russie dont la victoire militaire est inéluctable.
La stratégie du chaos en est-elle une ?
• Le vice-premier ministre ukrainien Irina Verechtchouk déclare dans un entretien à Wirtualna Polska : « La myopie de l’Allemagne est choquante. Jaroslaw Kaczynski a dit à Viktor Orban que s’il ne peut pas voir le génocide à Bucsa, il devrait consulter un ophtalmologue. Je pourrais dire la même chose : l’Allemagne devrait s’acheter des lunettes pour pouvoir voir ce dont elle répondra à l’avenir. Le gouvernement de Kiev vient de refuser la visite du président de la République Steinmeier parce qu’ils veulent le Chancelier Scholz ». Une démesure qui ne se cache même plus !
• La Grande-Bretagne se met à faire n’importe quoi : le gouvernement serbe se plaint de la livraison d’armes au Kosovo (Javelin et missiles anti-tanks).
• Est-ce que les États-Unis se sont dit qu’ils allaient refaire la guerre d’Afghanistan de la fin des années 1970, en entraînant Moscou dans une guerre sans fin ? Ou bien se sont-ils imaginés que Poutine connaîtrait le même sort que Saddam Hussein, Milosevic ou Khadafi ?
• Le Général Mark Milley a déclaré au Congrès que l’Occident avait livré 60 000 armes antichars et 25 000 armes antiaériennes à Kiev. Mais il se demande si les pays de l’OTAN ne vont pas épuiser leurs stocks en vain au service d’une armée ukrainienne qui ne semble pas en profiter. En soi, ce souci est contradictoire avec la conviction, exprimée par Milley – mais aussi par Anthony Blinken, selon laquelle la guerre devrait durer au moins jusqu’à la fin 2022.
• Un autre journaliste occidental qui est sur le terrain et que vous pouvez considérer comme fiable concernant les reportages sur Marioupol ou la guerre en général : John Mark Dougan. (Vidéos sur Rumble).
• Signalons que plusieurs directions de journaux britanniques ont demandé à leurs envoyés sur le terrain de fournir à l’avenir plus d’éléments probants : les reportages sur Boutcha et Kramatorsk ne sont pas considérés comme des succès puisque la presse occidentale n’a plus grand chose à dire sur les deux sujets depuis une semaine.
Nous tiendrons jusqu’à la victoire finale…
• Au printemps 2018, la Russie avait fait passer en quelques semaines ses détentions de dette américaine de 96 à 15 milliards de dollars. Le décrue a continué ensuite, jusqu’à 4 milliards à la fin 2021.
• Un article qui montre comment la Belgique s’apprête à appliquer les sanctions de l’UE contre la Russie dans ses ports.
• L’Ukraine demande aux Occidentaux, pour six mois, un prêt de 50 milliards d’euros.
• Les Britanniques sont de moins en moins nombreux à soutenir les sanctions.
• Extraits d’un article d’Alastair Crooke : « Ne le répétez pas trop fort…. »
« Vendredi, la Banque centrale de Russie a réduit ses taux d’intérêt de 3% (de 20 à 17%). Et, bien que l’activité économique globale en Russie ait diminué, la production industrielle a augmenté de 4,5% en mars. Le Premier ministre russe a déclaré qu’il s’attendait à ce que les problèmes de lignes d’approvisionnement causés par les sanctions soient résolus dans les 6 à 12 prochains mois. L’inflation est de 14,7%, mais la Banque centrale a laissé entendre que le pire de cette poussée inflationniste était passé ; les dépôts bancaires augmentent et la stabilité financière revient.
Même le Financial Times de Londres note des signes indiquant que le « secteur financier russe retrouve ses marques après le barrage initial des sanctions ». Et les ventes de pétrole et de gaz de la Russie – plus d’un milliard de dollars par jour en mars – signifient qu’elle continue à accumuler des recettes étrangères qui contribueront à compenser les réserves saisies par l’Occident. En l’état actuel des choses (c’est-à-dire à moins d’une interdiction totale des importations d’énergie par l’UE), la Russie devrait être en mesure de remplacer ces réserves saisies, et ce dans les plus brefs délais.
Le secteur bancaire national semble également s’être stabilisé. Le besoin de liquidités de la banque centrale a fortement diminué et le secteur bancaire commercial dans son ensemble pourrait bientôt se retrouver avec des dépôts excédentaires auprès de la CBR, note le Financial Times, qui cite l’analyse de l’Institute of International Finance (…)
Comme la Russie, l’Europe connaît déjà – ou connaîtra bientôt – une inflation à deux chiffres. La grande différence est que l’inflation russe est en baisse, alors que celle de l’Europe s’envole à tel point (notamment en ce qui concerne les prix des denrées alimentaires et de l’énergie) que ces hausses de prix sont susceptibles de susciter l’indignation et la protestation de la population.
Eh bien… s’étant trompés (la crise politique était prévue pour la Russie, pas pour les protestations en Europe), les États de l’UE semblent décidés à redoubler d’efforts : « (…) Si la Russie ne s’est pas effondrée comme prévu, l’Europe doit tout lui retirer : aucun navire russe ne doit entrer dans les ports de l’UE, aucun camion ne doit traverser les frontières de l’UE, aucun charbon, aucun gaz et aucun pétrole. Pas un euro ne doit parvenir à la Russie », clame-t-on.
À première vue, ce serait « fou ». Croyez les experts sur parole : l’Europe n’a aucun moyen de remplacer l’énergie russe par d’autres sources au cours de l’année à venir – ni en Amérique, ni au Qatar, ni en Norvège. Mais les dirigeants européens, consumés par une frénésie d’indignation face à un flot d’images d’« atrocités » en provenance d’Ukraine, et par le sentiment que le « monde libéral » doit à tout prix éviter une perte dans le conflit ukrainien, semblent prêts à aller jusqu’au bout.
La hausse des coûts de l’énergie implicite dans l’exclusion de l’énergie russe va tout simplement éviscérer ce qui reste de la compétitivité de l’UE – mais que diable ! Zelenski ! L’Ukraine ! »
Et les Britanniques semblent annuler le Brexit et rejoindre l’Union européenne dans son jusqu’au-boutisme :
« Charles Moore, (éditeur de longue date de journaux britanniques grand public et du Spectator) déclare : « [S]i la Russie gagne, cela signifie non seulement la destruction et l’asservissement de l’Ukraine, mais aussi le renversement de l’ordre mondial par quelque chose d’infiniment plus cruel – une alliance impie… Il s’ensuit que l’Ukraine doit gagner, non seulement pour garantir ses droits nationaux, mais pour notre bien à tous. Je sais que l’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN, mais l’attaque de la Russie contre ce seul pays équivaut définitivement à une attaque contre tous ». (…)
Mais, comme l’explique Alexey Gromov, directeur principal de l’énergie de l’Institut de l’énergie et des finances à Moscou : « La Russie [a] déjà modifié les chaînes d’approvisionnement logistiques vers l’Asie ». Et cela vaut aussi bien pour le gaz que pour le pétrole : « Vous pouvez imposer des sanctions s’il y a un excédent sur le marché. Aujourd’hui, il y a une pénurie d’au moins 1,5 million de barils de pétrole par jour. Nous allons envoyer nos approvisionnements en Asie – avec un rabais ».
Alors, pourquoi Bruxelles est-elle si convaincue qu’elle peut se passer de l’énergie russe et survivre sans émeutes dans les rues européennes en raison de l’hyperinflation des prix de la nourriture et du chauffage ? Ils pensent que l’UE peut tout juste survivre à une pénurie d’énergie pendant l’été, et qu’à l’automne, un nouveau « régime » prendra ses fonctions en Russie à la suite de la « débâcle ukrainienne » de Poutine (dont ils sont convaincus), qui ne sera que trop heureux de vendre de l’énergie à l’Europe à des prix réduits, pendant suffisamment longtemps pour permettre à l’UE de se sevrer de l’énergie russe – pour de bon. Fin de l’histoire (c’est ce qu’ils semblent croire).
Mais, dites-le tranquillement : Plus l’Occident exécute la Russie en Ukraine et plus il affiche son dégoût pour le président Poutine, plus les Russes sont déterminés à persévérer en Ukraine et à soutenir pleinement Poutine. Plus l’UE sanctionnera la Russie, plus le sentiment en Russie sera favorable à la privation de l’Europe de cette myriade de produits de base essentiels (pour la plupart inconnus de nous parce qu’ils sont fournis par la Russie) dont les Européens dépendent – sans le savoir.
source : Le Courrier des Stratèges
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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