Tout d’abord, abordons les chiffres de l’abstention : Comme d’habitude les cinq départements bretons ont mieux voté que la France avec un écart de 5,5%. France : 26,2% – Bretagne : 20,53% d’abstention avec très peu d’écart entre les départements.
Là où la Bretagne se singularise également, c’est dans le score du président-candidat. Emmanuel Macron y est, en effet, plus de 3 points au-dessus de la moyenne française, avec une pointe à 32,8% en Ille-et-Vilaine. Marine Le Pen y est, quant à elle, plus basse que dans l’Hexagone : 22,63% en moyenne contre 23,40% au niveau français, avec un score sous les 20% en Loire-Atlantique et Finistère et une pointe à presque 25% en Morbihan. Jean-Luc Mélenchon ne fait pas recette en Bretagne avec un score inférieur de 1,5% par rapport à la moyenne française (21,7%). Sans surprise, son score le plus bas se situe dans le conservateur Morbihan alors que son score le plus élevé est dans le Finistère où il est même légèrement supérieur à la moyenne française avec 21,91%. Yannick Jadot, pour sa part, fait, dans notre pays, un score honorable de 5,47% (contre 4,7% pour la France) atteignant même les 6,85 en Loire-Atlantique. Morne plaine pour Eric Zemmour, en revanche, avec un poussif 4,748% en moyenne alors que celui-ci atteint les 7% en moyenne hexagonale. Meilleur score en Morbihan (5,43%), plus mauvais score en Côtes d’Armor : 4,26%. Le ruraliste Jean Lassalle n’aura pas déchaîné les foules en Bretagne, même si celui-ci réalise un honorable 4,2% en Côtes d’Armor, à 1,2 points au-dessus de sa moyenne française.
Comment ont voté les trois principales villes bretonnes ?
Nantes : 1/ Mélenchon : 32,90% / 2/ Emmanuel Macron : 29,65% 3 / Yannick Jadot : 9,95% 4/ Marine Le Pen : 8,29% 5/ Eric Zemmour : 6,21%
Rennes : 1/ Mélenchon : 36,31% 2/ Emmanuel Macron : 29,47% 3/ Yannick Jadot : 9,96% 4/ Marine Le Pen : 7,29% 5/ Eric Zemmour : 4,48%
Brest : 1/ Macron : 28,76% 2/ Mélenchon : 28,17% 3/ Marine Le Pen : 15,98% 4/ Yannick Jadot : 7,1% 5/ Eric Zemmour : 5,88%
Nantes, dont la mairesse était l’une des porte-paroles d’Anne Hidalgo fait fonctionner le vote utile à gauche à fond en plaçant Jean-Luc Mélenchon en tête des suffrages et réaffirme son boboïsme quinoa en surmultipliant le vote Jadot. La cité des Ducs de Bretagne se gentrifiant à vitesse grand V, on demeure coi devant tant d’appétence pour le bolchevisme ! La sociologie du vote Mélenchon risque cependant plus de ressembler au public de « Nuit Debout » qu’à celui des grandes grèves de 68. Rennes, la grande cité universitaire, donne exactement le même quarté gagnant. D’ailleurs dès hier soir, 500 étudiants (de Rennes 2 ?) défilaient dans les rues pour protester contre le résultat du premier tour.
Et ce vote urbain entre en complète contradiction avec le vote rural car dans nombres de communes rurales, Marine Le Pen arrive en tête. En 2017, l’habituée de la Trinité-sur-Mer était déjà arrivée en tête dans une centaines de communes (et non dans « quatre » comme indiqué précédemment, problème d’appréciation entre premier et second tour) mais leur nombre était resté limité, alors qu’en 2022, cette dernière fait le carton plein dans un périmètre s’étalant très largement sur toute la Bretagne intérieure. Ainsi à Ercée-en-Lamée (35), la leader du RN est à 27,03% contre 25,97% pour Emmanuel Macron, à Plémet (22), la fille de Jean-Marie Le Pen atteint 34,95%, presque 10 points devant le président sortant (25,1%) et à Fégréac (44), Marine Le Pen est à 27,12, devançant de quelques miettes Emmanuel Macron (26,16%).
A Bovel dans l’Ille-et-Vilaine rurale, le traumatisme de l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle 2002 avait donné lieu à une épique séance d’autocritique communale car la champêtre cité avait voté majoritairement Le Pen. Tout ce que Bovel et les environs comptaient de gauchistes avait fait alors une réunion d’expiation pour « comprendre » d’où venait ce vote « fasciste » et tenté à coup de « plus jamais ça » d’exorciser le diable qui s’était emparé de Bovel. 20 ans après, Bélzebuth doit toujours rôder dans les parages car Marine Le Pen y arrive toujours en tête avec 28,07%, loin devant Emmanuel Macron et un pénible 20,98%. On voit que ces séances de rééducation gauchistes ont porté leurs fruits ! D’ailleurs, la moitié des plus zélés flagelleurs de 2002 doit bien voter Le Pen l’âge aidant et les illusions passées.
Il est donc bien fini le temps où la Bretagne « résistait au vote Front National ». La Bretagne est touchée de plein fouet par l’immigration et la mondialisation et fait comme tout le monde, elle s’inquiète de sa disparition et de sa dilution dans le melting-pot mondial. Par sûr que le vote pour la très jacobine et anti-autonomiste Marine Le Pen soit une solution à ses problèmes cependant…
Jean-Luc Mélenchon fait également localement de très beaux scores mais… en ville ! Ainsi à Douarnenez, cité ouvrière historique où un maire communiste fut élu pour la première fois, le leader de la France Insoumise fait 27,69%, loin devant Macron avec un faiblard 22,45%. Marine Le Pen ne recueillant que 13,81%.
Les basculements que l’on a vus ailleurs, notamment dans le Nord, où le RN est devenu le parti de la classe ouvrière, se constate dans certains secteurs. A Scrignac la rouge par exemple, où Yann-Vari Perrot fut assassiné par des résistants communistes en 1943, Marine Le Pen talonne Mélenchon de 5 voix (102 contre 107), Emmanuel Macron arrivant en tête avec 113 voix et 24,25% et que dire de Trignac, historique cité communiste voisine de Saint-Nazaire où Marine Le Pen est largement en tête avec 29;11%, devant Emmanuel Macron (25,51%) et Jean-Luc Mélenchon (22,54%), quelques voix séparant ensuite Fabien Roussel (179 voix) d’Eric Zemmour (161 voix). Même constat en Brière à Saint-Joachim où l’essentiel de la population a longtemps travaillé aux chantiers de l’Atlantique et votait communiste, un fusil dans une main, un canard plombé dans l’autre. Aujourd’hui, Marine Le Pen arrive en tête dans la commune avec 6 points d’avance sur Emmanuel Macron (29,47% / 23,54%).
A Lanester, bastion rouge s’il en est du bassin lorientais, Emmanuel Macron arrive en tête avec 27,21% alors que Jean-Luc Mélenchon n’arrive qu’en deuxième position (24,35%) mais Marine Le Pen n’est plus très loin derrière avec 21,81%. A Callac, bastion ultra communiste, si le président sortant est en tête, Marine Le Pen le talonne avec 24,79%, Jean-Luc Mélenchon n’arrivant qu’en troisième position (20,47%). A l’instar de la Basse Loire communiste, même dans le Trégor rouge, Mélenchon n’arrive pas à dépasser Macron et à distancer Le Pen. Le Trégor rouge est même quasiment en passe de basculer dans le « lepénisme populaire » à l’image du Nord jadis place-forte du stalinisme municipal.
Trémargat et son cortège de néo-ruraux sortis de Rennes 2 fait cependant mentir la tendance en élisant Mélenchon à 64,44% à la tête du soviet de la commune. Même performance à Mellionnec où le leader de la LFI frôle les 54% mais où la deuxième place revient à… Marine Le Pen (14,33%) devançant Emmanuel Macron d’une seule voix. Scénario quasiment identique à Saint-Nicodème, autre bastion du Trégor rouge de jadis. Mélenchon effectuant sa dernière tournée, que se passera-t-il dans cinq ans ?
Sur une carte, la Bretagne apparaît toujours comme un « îlot de résistance » au lepénisme. La France bascule toujours un peu plus vers le vote Le Pen tandis que l’Ouest et la Bretagne sont encore des tâches orange sur une carte hexagonale qui devient de plus en plus bleu marine. Mais cette « résistance » est en trompe l’oeil, la Bretagne est bel et bien en train de basculer tout doucement vers le vote protestataire. Pas par attirance particulière vers le jacobinisme troisième république de Marine Le Pen mais bien par dégoût de la politique migratoire et rejet de la classe politique traditionnelle, les deux mamelles du lepenisme.
Car en Bretagne comme ailleurs, la classe ouvrière et le monde rurale font face à la bourgeoisie des gagnants de la mondialisation et au monde urbain. Les scores de ces deux mondes apparaissent de plus en plus en miroir. Comme deux visions du monde qui s’affrontent. Comme deux mondes qui se regardent sans se comprendre. Les anciens bastions communistes, quant à eux, se « marinisent » de plus en plus alors même que les secteurs les plus ruraux du Kreiz Breizh et du Morbihan intérieur ont déjà largement basculé dans le vote Front National. Emmanuel Macron, synthèse chimiquement pure du libéralisme-libertaire et de la Droitche, arrive encore en tête dans une maximum de villes bretonnes mais pour combien de temps ? Crédit photo : DR
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