Par The Saker – Le 29 mars 2022 – Source The Saker’s Blog
Chers amis,
On constate une véritable panique qui traverse la société russe. Elle est due aux discussions qui ont lieu en Turquie entre les Russes et les Ukronazis. C’est un point sensible pour la plupart des Russes, car dans l’histoire russe, il y a eu de nombreux exemples de diplomates russes qui ont littéralement gaspillé ce qui avait été acquis par le sang des soldats russes. Et pour ne rien arranger, les Russes se souviennent des tristement célèbres accords de Khasaviurt et des deux accords de Minsk. L’idée d’un « Minsk 3.0 » horrifie absolument de nombreux Russes, dont moi-même. D’où la question suivante : ces craintes sont-elles fondées, oui ou non ?
Je pense qu’elles sont à la fois fondées et non fondées, laissez-moi vous expliquer. Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles ces négociations suscitent la peur, l’incertitude et les doutes :
- Premièrement, si vous voulez dénazifier l’Ukraine, pourquoi négocier avec des nazis ? Le concept de « dénazification » n’implique-t-il pas un changement de régime à Kiev ?
- Deuxièmement, pourquoi réduire de façon spectaculaire les activités de combat autour de Kiev et de Tchernigov ? Cela signifie-t-il que la Russie a renoncé à l’idée de libérer ces villes ?
- Certains des délégués envoyés par la Russie ont une apparence plutôt pathétique, comme le chef de la délégation, Vladimir Medinsky.
- Que diable fait Abramovitch dans ces négociations ?
Je peux essayer d’apporter quelques réponses :
- N’oubliez jamais que les Russes parlent toujours à tout le monde, y compris à leurs ennemis, même en cas de guerre. Donc, en soi, le fait qu’ils soient assis et discutent n’est ni bon ni mauvais, du moins dans la mentalité russe. En outre, si le fait de négocier avec des nazis peut apporter un résultat souhaitable à un prix moindre en termes de vies humaines et de destruction de l’infrastructure civile, alors parler à ces nazis a du sens.
- L’aspect qui fait le plus peur aux gens est cette « réduction des activités militaires autour de Kiev et de Tchernigov » et cette crainte n’a pas de fondement. La réalité sur le terrain est simple : les Russes sont suffisamment proches des deux villes pour les garder sous contrôle et personne du côté russe n’a jamais prétendu que les Russes avaient l’intention d’occuper ces villes. En fait, l’abaissement des niveaux de forces autour de Kiev et de Tchernigov permettrait de libérer des forces très nécessaires pour enfin achever le chaudron opérationnel du Donbass. Enfin, comme pour tout geste unilatéral de bonne volonté, la partie qui a dit « oui » ne peut pas dire « non » 30 secondes plus tard, c’est la caractéristique clé d’un « signe de bonne volonté » unilatéral et tout négociateur bien entraîné reconnaîtra immédiatement ce type de « gestes de bonne volonté » comme une technique de négociation visant à créer une dynamique mentale spécifique dans laquelle les deux parties sont poussées vers un résultat spécifique.
- Si vous pensez que Medinsky est peu inspirant, il y a encore pire. Un membre de la délégation russe en particulier est un imbécile total et une grande gueule qui aime proférer des inepties d’une voix très forte. Il s’agit de Leonid Slutsky, membre de la commission des affaires étrangères de la Douma d’État russe. Pour vous montrer à quel point ce type est stupide (et probablement corrompu), lisez cet article où il qualifie les Houthis de « terroristes » ! Il y a aussi des types très pointus dans cette délégation, je pense à Boris Gryzlov par exemple. Quant à savoir ce qu’Abramovitch fait en Turquie, je suis aussi perplexe que tout le monde, surtout depuis qu’on a affirmé qu’il avait été empoisonné il y a environ un mois, et que cela devait être par les Russes, puisqu’Abramovitch a survécu, comme toutes les autres victimes présumées des tentatives d’empoisonnement russes (et, étant donné qu’Abramovitch a survécu, il devait s’agir de « Novichok », non ? !).
Alors ? Est-il temps de paniquer ?
Non, mais il est temps de s’assurer de faire comprendre au Kremlin que nous sommes tous tendus et que l’opinion publique russe serait massivement opposée à tout type de Minsk 3.0, Abramovitch ou pas.
Personnellement, je n’aime aucun de ces pourparlers, j’ai tendance à me méfier des diplomates russes et je suis tout à fait conscient qu’il y a beaucoup d’intégrationnistes atlantiques au sein du ministère russe des Affaires étrangères, de la Douma et de l’administration présidentielle. Et, comme je l’ai mentionné, l’histoire de la Russie est pleine d’exemples de diplomates civils qui gaspillent ce qui a été conquis au prix du sang.
Ceci étant dit,
Il est beaucoup, beaucoup trop tôt pour commencer à paniquer. Premièrement, si vous avez écouté, comme je l’ai fait, la brève déclaration des négociateurs russes, vous remarquerez que les Russes n’ont fait que répéter la position ukrainienne, ils n’ont pas dit un mot sur ce que la Russie ferait ou ne ferait pas. Ils ont présenté la « réduction de l’activité militaire » comme un « signe de bonne volonté », mais ce sont des mots vides de sens, l’activité militaire qui compte vraiment aujourd’hui est celle à Marioupol et dans le Donbass, et à ce sujet les Russes n’ont pas dit un mot.
Je vous rappelle également que la Russie utilise assez souvent la technique suivante : sembler faire des concessions à son ennemi en sachant très bien que ses concessions ne seront jamais acceptables pour cet ennemi, et lorsque cet ennemi montre qu’il n’acceptera pas sa concession, prendre des mesures unilatérales et en rejeter la responsabilité sur son ennemi. C’est exactement ce que la Russie a fait, avec beaucoup de succès, avec les deux accords de Minsk.
C’est donc ce que les Français appelle une « tempête dans un verre d’eau », beaucoup de rumeurs et de stratèges de salon proclamant avec beaucoup de gravité que « Poutine est sur le point de trahir le Donbass », ce qui a été leur mantra pendant 7 ans et qu’ils continuent de chanter pendant que les Russes libèrent ville après ville en Ukraine. Franchement, je suis personnellement malade et fatigué de ces chroniqueurs de la 6eme colonne qui sont tellement sûrs que s’ils étaient au Kremlin, ils feraient tellement mieux que Poutine. J’aimerais qu’ils apprennent à se taire, à attendre que les faits sur le terrain soient analysés en nombre suffisant et avec soin, et qu’enfin ils en tirent des conclusions. Mais je sais que c’est un espoir vain, ceux qui disent que « tout est perdu » depuis 8 ans maintenant ne se tairont pas, peu importe ce qui se passe réellement.
Ce qui m’amène à la dernière nouvelle du jour : Marioupol.
Il existe des preuves assez solides que Marioupol est largement aux mains des Russes. Oui, il y a encore quelques nazis éparpillés dans la ville, mais ils se cachent pour la plupart dans des sous-sols et dans divers endroits bien protégés à l’intérieur du complexe industriel Azovstal. De même, la contre-offensive tant annoncée des Ukronazis depuis Nikolaev pour débloquer Marioupol a totalement échoué, les unités ont été immédiatement détectées par les services de renseignement russes, elles ont donc d’abord été frappées par des missiles, puis achevées par un appui aérien rapproché russe. Hier, un hélicoptère Mi-8 a été vu essayant probablement d’évacuer les commandants de la force nazie à Marioupol, mais il a été abattu.
Tout ceci ramène à la même réalité : Marioupol est tombé et les défenses de Nikolaev ont été sévèrement dégradées.
Un dernier commentaire : toute cette « tempête dans un verre d’eau » prouve une fois de plus à quel point l’information publique russe reste primitive et mal orientée. Je veux dire, sérieusement, à quel point les gens du Kremlin sont-ils stupides pour ne pas se rendre compte que des déclarations ambiguës de la part des négociateurs russes entraîneront immédiatement l’hystérie de la sixième colonne et un tsunami de rumeurs, dont certaines sont incroyablement stupides et d’autres très préjudiciables à la partie russe ?
Franchement, je donnerais un « F » aux responsables russes des RP/PSYOP/opérations d’information pour avoir totalement mal géré l’aspect CRUCIAL de la communication publique, surtout en temps de guerre.
Quant aux négociations avec les nazis, je les soutiens totalement, mais seulement si la Russie est représentée par un civil, disons Boris Gryzlov, et un militaire ou un ancien militaire, comme le général Vladimir Shamanov. Deuxièmement, j’exigerais un embargo total sur la progression des pourparlers jusqu’à ce que les Russes décident qu’un objectif majeur a été atteint ou jusqu’à ce que la partie russe en ait marre et parte (le général Shamanov a un caractère bien trempé et n’apprécie pas les escrocs ni leurs conneries).
En tant que blogueur, je passe beaucoup trop de temps sur cette frustrante séquence :
- Les Russes disent quelque chose de vraiment stupide
- La 6ème colonne panique et fait « AHA ! Je vous l’avais dit ! ».
- Je dois ensuite expliquer que si le commentaire est effectivement stupide, il n’a aucun poids tant que les Russes n’ont pas couché l’encre sur le papier au plus haut niveau. Jusque-là, toutes ces déclarations et affirmations ne sont que du vent.
Chaque fois qu’un blogueur doit faire cela, c’est la preuve que quelqu’un du côté russe s’est planté (encore !) et ne prend pas son travail au sérieux.
Dites-moi qu’au fil du temps, et avec la régularité de ce genre d’événements, quelqu’un à Moscou va enfin se réveiller, virer tous les clowns qui n’ont aucune idée de ce à quoi une campagne d’information efficace devrait ressembler, et les remplacer par des personnes qui comprennent réellement la nature et l’importance de leurs tâches.
Mais je ne retiens pas mon souffle : être effroyablement inepte en matière d’opérations d’information semble être une spécialité russe.
Mais si c’est vraiment le cas, les Russes doivent 1) l’admettre à eux-mêmes et au peuple russe et 2) reconstruire complètement la stratégie d’information publique et engager de vrais professionnels pour l’exécuter.
Mais c’est un vœu pieux : lorsque je regarde les visages de Medinsky ou d’Abramovitch, je ressens ce que beaucoup d’Américains ressentent lorsqu’ils regardent, par exemple, Blinken ou Musk, l’un est un perdant né, l’autre un escroc né. Une vision très peu inspirante et déprimante…
Bref, c’est tout ce que j’ai à dire pour aujourd’hui.
À bientôt
Andrei
PS : Si vous vous demandez ce que la folie nazie pousse à faire, en voici une bonne : ils veulent interdire la lettre « Z ». Cela indique que les Ukrainiens DOIVENT être en train de gagner, n’est-ce pas ? S’ils n’en sont plus qu’à se battre contre les lettres de l’alphabet, la guerre doit tellement bien se dérouler pour eux que je ne peux même pas l’exprimer par des mots, n’est-ce pas ? 🙂
Andrei
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Point de situation : http://thesaker.is/sitrep-operation-z/
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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