Par Dmitry Orlov – Le 24 mars 2022 – Source Club Orlov
L’usine à fake news « Les Russes tuent des civils ukrainiens » continue de tourner, mais tôt ou tard, cette histoire devra être abandonnée et une nouvelle obsession médiatique sera nécessaire pour distraire les masses désemparées de ce qui se passe réellement. Qu’est-ce que ce sera ? Les écureuils de Central Park atteints de la peste bubonique ? L’opération de changement de sexe de Hunter Biden ? Un bébé tombé dans un puits de pétrole ?
Joe Biden, chancelant sur ses petites jambes, s’est envolé pour l’Europe afin de prêcher l’unité face à l’agression russe en Ukraine ou quelque chose du genre. C’était le plan, mais Poutine l’a changé en annonçant que la Russie ne vendra du gaz naturel qu’en roubles. Au lendemain de l’annonce de l’Arabie saoudite de commencer à vendre du pétrole pour des yuans (un quart de ses exportations sont destinées à la Chine), cette annonce ne semblait pas être une bonne nouvelle du tout.
Vous trouverez probablement un expert pour vous dire que les États-Unis, avec 20 % de la production mondiale de pétrole, peuvent encore mener la barque et que ce n’est qu’une égratignure. Mais avec suffisamment de conditions préexistantes, même une égratignure peut être fatale. Tout d’abord, pour présenter une image plus réjouissante, aux États-Unis, pratiquement tous les liquides qui sortent d’un puits et qui ne sont pas de l’eau ont été redéfinis comme du « pétrole » – mais la plupart d’entre eux ne sont pas très utiles, en particulier pour fabriquer du kérosène ou du diesel ; pour cela, il faut importer du vrai pétrole de haute qualité du Venezuela, d’Arabie Saoudite ou de Russie. Deuxièmement, les États-Unis consomment énormément de pétrole simplement en circulant dans leurs banlieues sans fin et délabrées, qui sont plus ou moins tout ce qu’ils ont à l’heure actuelle, à l’exception de quelques petites enclaves de l’ancienne qualité urbaine. Compte tenu de l’expansion massive de l’étalement urbain sur plusieurs décennies, 20 % de la production mondiale de pétrole ne suffisent pas pour 5 % de la population mondiale – il en faut plus ! Troisièmement, les États-Unis ont pris l’habitude d’obtenir le pétrole supplémentaire dont ils ont besoin en imprimant des dollars et en les utilisant pour le payer, et cela ne va plus fonctionner.
En résumé, les États-Unis ont réussi à se couper du marché international du pétrole. Premièrement, ils ont refusé d’importer du pétrole russe en raison de l’opération militaire spéciale dans l'(ancienne) Ukraine. Ensuite, Biden a envoyé une délégation de haut niveau au Venezuela pour tenter d’amadouer Nicolas Maduro afin qu’il reprenne ses ventes de pétrole aux États-Unis. La délégation a reçu l’ordre d’aller parler à Juan Guaidó, qui qu’il soit et où qu’il se trouve. Troisièmement – et c’est la partie la plus douloureuse – Biden a essayé de téléphoner à Mohammed bin Salman d’Arabie saoudite et à Mohammed Bin Sayed des Émirats arabes unis, et tous deux ont refusé de prendre l’appel de Biden, ce qui est l’équivalent diplomatique d’une gifle.
Et maintenant, Biden débarque en Europe, prêt à annoncer encore plus de sanctions contre la Russie et à parler d’unité et de solidarité avec les dirigeants européens. Sauf que les dirigeants européens sont maintenant inconscients à cause du choc parce qu’hier Poutine a annoncé qu’à partir de maintenant les exportations russes ne seront disponibles qu’en roubles, à commencer par le gaz naturel. S’ils ne trouvent pas le moyen de commencer à payer le gaz en roubles, ils devront faire face à des arrêts de production, des coupures d’électricité et la prochaine saison de chauffage n’aura tout simplement pas lieu. Ce qui rend cette situation particulièrement douloureuse, c’est qu’ils n’ont pas le droit de se plaindre. Qui a confisqué les réserves russes détenues en dollars et en euros, prouvant ainsi à la Russie que ces monnaies ne sont pas fiables ? Certains ont faiblement tenté de faire valoir que le paiement en dollars est stipulé dans les contrats de gaz existants ; or, le gaz en question se trouve sur le territoire russe, où, selon la constitution russe, les ordres présidentiels et les lois russes priment.
Ainsi, l’ordre du jour en Europe a soudainement été révisé, passant de « Quelles sanctions allons-nous imposer ensuite ? » à « Comment allons-nous obtenir quelques roubles ? ». Et c’est une très bonne question. Supposons que vous vouliez acheter des roubles avec des dollars ou des euros. Cela pose un problème : les roubles ne peuvent être achetés qu’en Russie, et l’entrée de dollars ou d’euros en Russie est problématique en raison des sanctions contre les banques russes. Et il y a un autre problème : inonder le marché russe des devises étrangères fera grimper le taux de change en flèche et incitera les traders à accumuler des roubles. Alors, qu’y a-t-il d’autre ? Eh bien, vous pourriez aller à la banque centrale russe et contracter un prêt. Le taux d’intérêt sera de 20% et vous aurez besoin d’une garantie. L’argent liquide, qu’il s’agisse de dollars ou d’euros, est inutile comme garantie, car ces devises ne sont pas fiables ; voir ci-dessus. Vous pourriez acheter des actions, mais pas celles de Microsoft, IKEA ou Siemens, car ils se sont retirés de Russie, ni Facebook, car ils ont violé la loi russe et ont été interdits. Et vous ne voudriez probablement pas acheter des actions d’entreprises de défense occidentales, pour des raisons évidentes. Et puis, si vous ne remboursez pas l’un de ces prêts, vous vous retrouverez avec des responsables de la banque centrale russe dans les conseils d’administration des entreprises occidentales. Il serait peut-être préférable de mettre en gage des terres. L’UE pourrait offrir l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ; les États-Unis pourraient offrir l’Alaska et Hawaï.
Les dirigeants européens auront beaucoup de choses à discuter, mais la question est de savoir s’ils seront capables de sortir de leur torpeur et d’exprimer des idées qui ont un sens. La situation exige une pensée créative et de nouvelles initiatives courageuses, alors qu’ils ont passé toute leur vie à s’entraîner à réciter leur texte et à être politiquement corrects. La pure inertie mentale les obligera tous à continuer à être « durs avec la Russie », ignorant complètement que cela signifie en réalité qu’ils sont déraisonnables et durs avec leur propre peuple. Et c’est là la partie vraiment triste et une conséquence involontaire du point de vue russe. La Russie aimerait que les pays occidentaux restent intacts et qu’ils soient simplement raisonnables. Est-ce trop demander ?
Dmitry Orlov
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Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.
Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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