« On n’a pas besoin de vous » : la ministre LeBel attaque Ottawa sur la défense de la langue

« On n’a pas besoin de vous » : la ministre LeBel attaque Ottawa sur la défense de la langue

La réforme de la Loi sur les langues officielles permettra aux entreprises de compétence fédérale de se soustraire à la nouvelle Charte de la langue française, déplore le gouvernement Legault, qui somme Ottawa de laisser le Québec gérer la défense du français sur son territoire. 

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Après avoir étudié la nouvelle mouture du projet de loi déposée il y a deux semaines, la ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, s’inquiète d’y voir une ingérence du fédéral dans la défense de la langue française. 

« Ne vous mêlez pas de nos compétences. Sur le territoire du Québec, bas les pattes. On est capables de s’occuper de notre français et on va s’occuper de la minorité anglophone correctement, dans les règles et dans le respect de leurs droits. Alors, on n’a pas besoin de vous », lance Sonia LeBel à l’intention du gouvernement fédéral, lors d’une entrevue avec notre Bureau parlementaire.  

Moins protégés au fédéral

Selon la ministre, les entreprises de compétence fédérale au Québec (comme Air Canada) pourront choisir de se soumettre à la loi fédérale plutôt qu’à la Charte de la langue française, dont une version plus contraignante devrait être adoptée sous peu à Québec. 

« On semble donner le choix […], dit-elle. Je m’excuse, mais un francophone du Québec, qu’il travaille dans une entreprise fédérale ou provinciale, il devrait avoir la même protection sur la langue parlée au travail. » 

Mme LeBel se questionne d’ailleurs sur la pertinence d’offrir cette option aux entreprises : « La nature humaine étant ce qu’elle est, habituellement l’entreprise va prendre le choix qui est le moins contraignant ». 

Par exemple, la loi fédérale ne prévoit pas la création d’un programme de francisation et ne permet pas d’enquête à l’issue d’une plainte, contrairement à la Charte. 

« Recul » sur la réforme Joly

La nouvelle mouture présentée par la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor constitue d’ailleurs un « recul marqué » par rapport à la version présentée par sa prédécesseure Mélanie Joly en juin dernier, estime Mme LeBel. 

Le projet de loi présenté par Mme Joly, mort au feuilleton avec les élections, reconnaissait « l’asymétrie » entre les situations du français et de l’anglais au Canada, une notion disparue sous Mme Petitpas Taylor. 

Sonia Lebel affirme que les minorités anglophones ne font pas face au même déclin. « Il faut qu’on reconnaisse qu’on doit faire un effort supplémentaire non seulement pour protéger le français – parce que ça peut vouloir dire implicitement conserver le niveau – mais pour le promouvoir, pour être capable de l’amener à un niveau afin d’avoir un Canada qui est vraisemblablement bilingue », explique-t-elle.

En ce sens, le projet de loi nuit également aux communautés francophones hors Québec, estime Mme LeBel. 

Électoraliste ?

La volte-face du fédéral, à quelques mois d’intervalle, soulève des questions à Québec. « Je m’interroge si le projet de loi de Mélanie Joly n’était pas simplement électoraliste pour aller chercher l’appui des minorités francophones hors Québec. Ça ne fonctionne pas, c’est vraiment un recul flagrant », souligne Mme LeBel. 

La ministre se désole également que la notion de spécificité du Québec, reconnue dans le livre blanc du gouvernement fédéral, n’ait pas trouvé son chemin dans les deux moutures du projet de loi. Cette notion aurait permis de reconnaître une certaine autonomie, notamment dans la sélection des immigrants. 

Seule note positive, Québec salue l’obligation du bilinguisme pour les juges de la Cour suprême. 

Prochaines étapes

À n’en pas douter, la bataille de compétences autour de la protection du français alimentera la prochaine campagne électorale. « Si on regarde le calendrier actuel, je pense que ce n’est pas farfelu de le penser », convient Mme LeBel. 

D’ici là, Sonia LeBel entend écrire à la ministre Petitpas Taylor et demande à être consultée. Si la pièce législative est adoptée, Québec n’écarte pas des recours juridiques. 

Projet de loi Joly versus celui de Petitpas Taylor  

Version Mélanie Joly  

  • « Le gouvernement fédéral, reconnaissant que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais, s’engage à protéger et à promouvoir le français. »    

Version Ginette Petitpas Taylor  

  • « Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada […] ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. »   

 

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