Les analystes militaires turcs ne se font aucune illusion quant au sort des armes en Ukraine. C’est un Game Over que l’Otan refuse d’admettre en mobilisant de plus en plus de ressources financières et de matériel tout en menant une des plus bruyantes campagnes de propagande de tous les temps.
Le président Erdogan en le sait que trop bien et c’est pour cela qu’il a préfère garder trois canaux de communication ouverts en permanence avec Moscou et a refuse toute participation aux sanctions contre la Russie. “On ne crache pas sur l’avenir” est le maître mot à Ankara. Le pivot du monde s’est déplacé vers l’Asie-Pacifique et la Turquie devrait être prête au nouveau monde dont les contours se profilent à l’horizon 2030.
Pour les Turcs, la situation militaire importe très peu même si le conflit en cours en Ukraine offre une vitrine pour les performances du redoutable drone d’attaque de fabrication turque Bayraktar TB-2 équipant les forces armées ukrainiennes. L’enjeu réel dépasse de loin l’Ukraine et concerne l’ensemble de l’architecture du système financier international. La dominance du dollar touche à sa fin et la transition énergétique a misérablement échoué. Selon l’entourage du président turc, la Turquie devrait s’adapter très vite à une configuration inédite et devra saisir une opportunité unique pour s’affirmer en tant que puissance susceptible de maintenir l’ordre et la paix dans une Europe occidentale de plus en plus instable et en déclin. Pour les décideurs turcs, une intervention humanitaire turque dans la City de Londres ou en plein Paris visant au maintien de la paix et à protéger les approvisionnements et la sécurité des populations civiles n’est pas un scénario invraisemblable de politique-fiction. Pour eux, tôt ou tard la Turquie est condamnée à jouer ce rôle en tant que nouvelle frontière avec une zone d’instabilité et de pauvreté.
Pour le moment, les Turcs attendent. Les objectifs russes en Ukraine n’ont pas changé d’un iota. Ils estiment que le plan russe accuse un délai mais atteindra ses objectifs. La stratégie russe est dérivée de art opérationnel soviétique et semble tolérer des pertes qu’aucune armée occidentale ne pourrait accepter sans un risque politique certain. C’est la période d’après guerre qui sera cruciale. La Turquie s’est rapprochée des pays du Golfe, d’Israël et de la Chine, tout en prenant de plus de plus haut ses alliés de l’Otan, qu’elle juge non fiables et peu consistants. Pour Erdogan, c’est déjà le jour d’après.
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