Perspectives otaniennes

Perspectives otaniennes

Perspectives otaniennes

• L’OTAN est évidemment au centre de la crise ukrainienne, et la crise ukrainienne tient paraît-il la sécurité de l’Europe, et notre-président lui-même, le touriste de Moscou et de Kiev, assure l’essentialité de la crise ukrainienne. • Voilà qui concerne l’électeur de la prochaine élection présidentielle. • Par conséquent, l’OTAN devrait être un des centres de la campagne présidentielle. • Par conséquent, il serait bon de débattre de ce que devrait être l’avenir de la position de la France par rapport à l’OTAN. • Cela sera-t-il le cas ? Rêvons un peu

On vaticine beaucoup autour de la visite de Macron à Moscou, notamment sur certaines conditions et à-côtés de cette rencontre. Selon Mélenchon, certainement l’homme politique qui nous a donnés la meilleure interprétation de la rencontre, « Macron a été piégé [par les Allemands] » ; il parlait de la rencontre exactement parallèle à celle de Moscou, entre Biden et le chancelier allemand à Washington. Cette situation a été très fortement dommageable à Macron devant Poutine, – on le comprend aussitôt.

En effet, il y a l’affaire allemande, à des milliers de kilomètres de Moscou et qui n’en est pas moins la vedette cachée de la rencontre de Moscou. Tout le monde, ou dans tous les cas beaucoup de monde, s’est exclamé devant l’intervention extraordinaire d’un Biden toujours désordonné et chaotique, affirmant que “nous [Américains] arrêterons le NordStream-II si les Russes font quelque chose en Ukraine”. Cela se passait devant un silencieux (à cet égard) chancelier Sholz, alors que NordStream-II dépend purement et simplement des Allemands. Il nous avait été suggéré par de discrètes allusions qu’au départ le voyage Macron devait se faire à deux, avec le chancelier Sholz, et qu’au dernier moment le second a fait faux-bond devant une invitation inattendue et péremptoire à venir ce même jour à Washington D.C. Les Russes ont eu, depuis, des mots très sévères à propos des Allemands, de la part de la très-fine et bien-informée Maria Zakharova, porte-parole du ministère des affaires étrangères.

« …Commentant les propos du président américain Joe Biden qui a parlé de “fermer” le gazoduc Nord Stream 2 lors de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz à Washington lundi, Zakharova a souligné que Berlin reste sous la coupe de Washington bien après la fin de la guerre froide.

» “L’Allemagne, selon un certain nombre de caractéristiques pertinentes, – ce n’est ni mon opinion, ni celle de la Russie, c’est selon des termes et des métriques politiques, – reste, d’une manière ou d'une autre, un État occupé : 30 000 [soldats] américains y sont stationnés”, a-t-elle déclaré à RT.

» Zakharova a ajouté que “les ambassadeurs américains en Allemagne, qui sont censés y travailler pour améliorer les relations bilatérales, donnent des ordres aux fonctionnaires allemands”. Richard Grenell, qui était l'ambassadeur américain à Berlin pendant la présidence Trump, “leur donnait des ordres littéralement tous les jours sur ce qu'il fallait faire sur des questions telles que Nord Stream 2”.

» L’Allemagne est traitée comme “simplement un protectorat” par les États-Unis, a déclaré Zakharova, ajoutant que cela ne prend pas seulement la forme d'un levier financier de menaces, mais est “soutenu par 30 000 bottes américaines sur le terrain”. »

Pourquoi Berlin se laisse-t-il traiter de la sorte ? C’est une question à poser à l’Allemagne, mais “le fait est qu'il ne s'agit pas d'une relation d’égal à égal”, a déclaré Mme Zakharova.

Sans  repousser ni condamner l’initiative de Macron allant parler à Poutine, car il faut selon lui absolument parler avec Poutine, Mélenchon (excellent commentaire sur la visite de Moscou), avec d’autres, remarque la position en complet porte-à-faux du président français. A la sortie de son entretient avec Poutine, Macron affirmait avoir obtenu des Russes un engagement de non-escalade en Ukraine ; il fut, quelques heures après, complètement et fort logiquement démenti par le porte-parole de Poutine, Sergei Pechkov. Ce que Mélenchon expliquait indirectement ainsi :

« Selon le New York Times, à peine Macron arrivé à Kiev, le Kremlin a démenti les avancées vers la désescalade avec l’Ukraine que le président français Macron disait avoir obtenu de Poutine. L’article dit aussi : “des déclarations de responsables de la diplomatie russe viennent saper l’autorité, si ce n’est pas la crédibilité, de la diplomatie française”. Le titre : “la Russie sort Macron de l’équation”. Ces lignes éditées aux États-Unis montrent dans quel traquenard le président français s’est laissé enfermer. »

Mais d’une façon, plus profonde, plus générale, quelle est la logique des Russes à cet égard, qu’ils auraient eu beaucoup moins tendance à déployer si le chancelier allemand avait été avec Macron, les deux établissant alors de facto une dimension européenne qu’on aurait pu juger dans cet instant hors de la mainmise américaniste ? Cette logique, c’est que tout se passe comme si les Russes avaient dit à Macron, sans circonvolutions inutiles (et nous mettons ce passage entre guillemets parce qu’il est au fond quasiment la quintessence d’une interprétation, que nous a donnée une source fort peu convenable, faisant comme si elle était le Russe-Lambda du ministère des affaires étrangères) :

« Notre bataille principale à propos de l’Ukraine est avec l’OTAN. Que représentez vous, vous président français, dans l’OTAN ? Rien, comme tous vos partenaires sauf les USA, lesquels sont les patrons incontestés de cette organisation et y décident de tout. Dans ce cas, un accord avec vous sur une non-escalade qui dépend uniquement de votre côté de l’OTAN est tout simplement impossible. »

Ces remarques peu amènes mais néanmoins logiques nous (r)amènent au problème, que nous avons déjà évoqué, des rapports de la France avec l’OTAN ; et avec l’idée entêtée que ces rapports gagneraient beaucoup à devenir un des débats de la future élection présidentielle, alors qu’un certain nombre de candidats (Asselineau, Dupont-Aignan, Le Pen, Mélenchon, Philippot, Zemmour, etc.) ont déjà annoncé des initiatives vis-à-vis de l’OTAN, retrait partiel ou retrait complet…

Dans la référence déjà signalée, nous citions l’analyste Xavier Moreau par rapport à l’annonce de Zemmour qu’il retirerait la France du commandement intégré de l’OTAN s’il est élu, tout en lui conservant sa place dans la dimension politique du Traité (Conseil de l’Atlantique Nord). Moreau critiquait cette position, lui préférant un retrait total de l’OTAN

Depuis, Zemmour a précisé sa position : s’il entend conserver à la France son siège au Conseil de l’Atlantique Nord, c’est pour opposer son véto à toute tentative de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN. Moreau est  revenu sur le sujet de son opposition à la  formule zemmourienne, d’une façon beaucoup plus modérée, en y intégrant la plus récente position (vidéo du 9 février, à 8’05”) :

« Deuxième déclaration d’Éric Zemmour : il a expliqué qu’en fait, il voulait rester [au sein de l’organisation politique du Traité] pour mettre son veto à l’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’OTAN. Ce petit côté provocateur m’a bien plu, cependant je pense que cette position ne tient pas, parce que de toutes les manières, encore une fois, ni l’Ukraine ni la Géorgie ne rentreront dans l’OTAN tant qu’il y aura des bases russes sur des territoires contestés, c’est-à-dire l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et la Crimée. Donc, il est impossible pour ces pays de rentrer dans l’OTAN, sauf à renoncer à ces territoires qu’ils contestent à la Russie, sinon ce serait la Troisième Guerre Mondiale, donc le risque de l’entrée de ces pays [dans l’OTAN] n’existe pas… En revanche, le but politico-stratégique doit être la fin de l’OTAN et si les grandes puissance européennes, c’est-à-dire la France, l’Allemagne et, dans une moindre mesure, l’Italie, qui est le porte-avions américain en Europe sortent de l’OTAN, c’est la fin de l’OTAN… »

Une fois encore pourtant, nous divergerons avec le point de vue de Moreau, effectivement conforté en ce sens par la déclaration de Zemmour (“Je reste dans l’OTAN-politique uniquement pour bloquer l’OTAN”).

On peut très fortement contester l’affirmation que l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN avec la question de la Crimée en l’état est impossible. Il y a nombre de pays chargés de lourds conflits potentiels  qui sont entrés dans l’OTAN, y compris l’Allemagne Fédérale (RFA) qui ne reconnaissait pas la RDA de l’Est truffée de bases russes, et avait comme but essentiel et constitutionnel la réunification,.. De toutes les façons, on sait bien qu’à notre triste époque, c’est le “droit” qui prime, c’est-à-dire le droit proclamé triomphalement par les conceptions US, – par les porte-avions, les avions de combat, la corruption et les relais d’influence, les coups de force type-Kiev2014, le dollar, enfin la brutalité hystérique extraordinaire qui forment le fond de la politiqueSystème pratiquée par les USA.

Au contraire, l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, si Washington le désire, se ferait sans aucune complication en laissant les commentaires sur la pertinence de la chose au seul silence de la presseSystème. Elle impliquerait une pression extraordinaire sur la Russie, dont nul, à Washington, ne doute un seul instant, une seule nanoseconde, qu’elle (la Russie) finirait par capituler. La France hors de l’OTAN, l’Ukraine entrerait dans l’OTAN et nous irions vers la catastrophe, effectivement le risque de la Troisième mondiale d’anéantissement nucléaire que les USA exceptionnalistes sont prêts à courir et à assumer parce qu’ils sont assurés en eux-mêmes qu’elle n’aura pas lieu, parce que l’adversaire finira pas se liquéfier, par s’américaniser et rendre les armes devenues inutiles, parce qu’il est écrit qu’on ne résiste pas aux sirènes de l’américanisation. Au royaume des psychopathes fous, nul ne peut dénier l’hégémonie américaniste

Il faut alors, pour retrouver un peu de bon sens, se tourner vers Poutine et rappeler sa sortie de lundi dernier lors de sa conférence de presse tenue avec Macron, lorsqu’il décrit avec la brutalité d’une superbe et implacable logique ce qui surviendrait si l’Ukraine entrait dans l’OTAN :

 « Pourquoi l’adhésion de l’Ukraine est dangereuse ? Parce qu’il y a un problème. Les pays européens, y compris la France, estiment que la Crimée est une partie de l’Ukraine. Et nous croyons que c’est une partie de la Fédération de Russie. Et si l’on entreprend des tentatives pour changer cette situation par des moyens militaires, alors que dans les textes doctrinaux de l’Ukraine il est écrit que, d’abord, la Russie est une ennemie, et ensuite, que la reprise de la Crimée par des moyens militaires est possible ? Imaginez que l’Ukraine soit membre de l’Otan. L’Article 5 n’est pas supprimé ; au contraire Mr. Biden a dit récemment qu’il était absolument impératif et qu’il serait appliqué. Donc il y aura une guerre entre la Russie et l’Otan. J’ai déjà posé cette question la dernière fois : “Est-ce que la Russie doit entrer en guerre contre l’Otan ?” Mais il y a une autre question : “Et vous, voulez-vous entrer en guerre contre la Russie ?” Demandez à vos lecteurs, vos spectateurs et vos internautes : “Voulez-vous que la France entre en guerre contre la Russie ?” Ce sera le cas.” »

Si l’on suit Zemmour, cela signifie que la France retrouverait sa complète indépendance militaire et resterait au Conseil de l’Atlantique Nord en proclamant : “Je reste là pour mettre un veto à toute idée d’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN”. (Après tout l’OTAN, comme l’UE, fonctionne à l’unanimité.) Il pourrait, il devrait même aller plus loin encore et proclamant : je suis et reste là comme un “Monsieur Veto”, comme l’équivalent du “Monsieur Niet” que fut l’ambassadeur de l’URSS Molotov à l’ONU, empêchant toute résolution occidentale qui ne correspondrait au millimètre aux intérêts soviétiques. La présence de “Monsieur Veto” voudrait dire finalement :“Vous ne ferez plus rien des aventures otaniennes et américanistes car je veux la fin de l’OTAN”.

En effet, comme le dit justement Moreau, « le but politico-stratégique doit être la fin de l’OTAN ». Il doit l’être non seulement parce que l’OTAN soumet les Européens aux USA mais surtout parce que l’OTAN est l’outil de la catastrophe en Europe. Si la France quittait complètement l’OTAN, on peut être sûr que le choc produit rendrait l’Amérique folle de rage, qu’elle terroriserait encore plus les membres restant jusqu’à des aventures insensées qui concerneraient toute l’Europe, et auxquelles la France n ‘échapperaient pas parce que le terme, – cette fois nous parlons objectivement, – serait la guerre nucléaire d’anéantissement qui concernerait tout le monde.

« La fin de l’OTAN » ? Sans aucun doute, ce doit être le but, même au-delà du stratégique, un but qu’on pourrait qualifier d’ontologique de survie du continent européen. Si la France se retirait du commandement intégré, le choc serait bien aussi grand qu’un retrait complet pur et simple, mais la France resterait au Conseil de l’Atlantique Nord (tout en parlant amicalement avec les Russes !). Elle y serait comme un ferment affiché de désordre, de déséquilibre, de mutinerie, avec son droit de veto et sa puissance indépendante (et nucléaire), et plus encore avec sa présence pour rallier certains mécontents qui, sans elle, n’oseraient pas s’exprimer. Ce serait un ferment de désintégration de l’OTAN, et la fin de l’OTAN par implosion, par liquéfaction d’elle-même, sans conflit européen nécessaire.

Pour détruire un monstre tel que l’OTAN, rien ne vaut une vilaine bombe à retardement placée en son cœur… C’est là et bien là qu’elle est affreusement vulnérable.

 

Mis en ligne le 11 février 2022 à 10H40

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

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« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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