Par The Saker – Le 8 février 2022 – Source The Saker’s blog
D’abord, le plus facile. La Russie a une 5e colonne typique : des « libéraux » pro-occidentaux, des agents d’influence, des nostalgiques des années 90 (quand ils pouvaient piller la Russie autant qu’ils le voulaient), des types du Consensus de Washington, des gens qui détestent la Russie (pour quelque raison que ce soit) et rêvent du jour où la Russie se disloquera, etc. etc. etc. Ils sont, objectivement, des agents d’influence pour les PSYOP occidentales. J’ai inventé le terme « intégrationnistes atlantiques » parce que, au mieux, ces gens veulent que la Russie soit acceptée par l’Occident comme un partenaire égal, puis qu’elle rejoigne toutes les institutions occidentales et devienne la prochaine Pologne. Bien sûr, ces gens sont tous russophobes, qu’ils l’admettent ou non. Ils se considèrent comme des « élites » (ils aiment se qualifier d’« intelligentsia ») et se sentent bien supérieurs aux « masses sombres et illettrées » qui votent pour des monstres comme Poutine. Je pense que tout cela est assez simple et je n’en parlerai pas davantage.
Maintenant, la question beaucoup plus complexe. La Russie a AUSSI une 6ème colonne. J’ai écrit une analyse complète de ces gens dans un billet intitulé » Y a-t-il une 6e colonne qui essaie de subvertir la Russie ? « que vous devez lire pour comprendre ce que je vais décrire ci-dessous. Je ne vais pas tout répéter ici.
Je vais cependant faire quelques rappels :
- Les PSYOP occidentaux ont compris que lorsque la plupart des Russes entendent l’Occident et la 5e colonne russe qualifier Poutine de « dictateur brutal », ils pensent « eh bien, s’ils le détestent à ce point, il doit défendre nos intérêts, ceux de la Russie, et non l’agenda impérial de l’Occident » (les Russes se souviennent aussi que l’Occident a absolument *aimé* Eltsine !). Sachant que les libéraux pro-occidentaux représentent environ 1 à 3 % de la population (au maximum !), les gens de la CIA ou du MI6 ont compris qu’ils gaspillaient leur énergie et ont dû trouver un autre plan.
- Et quelqu’un d’assez malin a eu l’idée de qualifier Poutine de pas assez patriote, vendu au Forum Economique Mondial et à Davos, d’agent d’Israël et traître aux véritables intérêts russes. Bien sûr, ce n’est PAS ce que les PSYOP occidentaux ont dit au public en Occident, mais en Russie, les gens de la CIA et du MI6 ont trouvé un terrain très fertile parmi les gens qui, pour une raison ou une autre, étaient désillusionnés par Poutine et qui étaient instantanément prêts à reprendre et à répéter le récit « Poutine n’est pas patriote, il est, en fait, au mieux, une faible figure de proue, et au pire, un traître ».
Encore une fois, j’ai écrit un article entier à ce sujet, alors je vous invite à le lire pour comprendre le « comment » et le « qui » de tout cela.
Mon article a été écrit le 30 avril 2020, et je pense avoir fait un travail décent en décrivant un phénomène que personne d’autre, du moins à ma connaissance, n’avait encore discerné ou décrit. Mais ce que je n’avais pas, c’était une « preuve bien chaude », une preuve que mon analyse n’était pas que le produit de conjectures ou de ma mauvaise lecture de la réalité de la politique intérieure russe.
Hier, j’ai trouvé cette preuve bien chaude. Et, bon sang, elle est bonne, vraiment bonne. Laissez-moi vous l’expliquer.
Il y a un colonel-général russe à la retraite nommé Leonid Ivashov. Voici sa page Wikipedia en anglais. Il se trouve que j’ai eu la chance de le rencontrer et d’avoir une longue conversation, en tête-à-tête, avec lui à Moscou en 1993, lorsqu’il était secrétaire du Conseil des ministres de la Défense des États de la CEI. C’était une sacrée réunion pendant qu’à l’extérieur, à proximité, des échanges de tirs avaient lieu entre les partisans d’Eltsine et ceux qui défendaient le Parlement russe, et j’ai dû passer deux rangées de forces spéciales lourdement armées et à l’air très sévère pour rencontrer Ivashov (nous nous sommes rencontrés dans le bâtiment où il avait ses bureaux et la garde était très stricte). Le fait qu’il ait accepté de me rencontrer, moi, un jeune émigré russe et un inconnu, dans des circonstances aussi folles, en dit long sur le type d’homme qu’est Ivashov : très gentil, parlant doucement, humble et très accueillant. Nous avons bu ensemble du café turc à la cardamone (qu’il appelait « café à la moldave ») et avons même partagé un verre d’eau-de-vie moldave (excellente). Si je me souviens bien, Ivashov a servi en Moldavie, d’où son amour pour tout ce qui est moldave. Il m’a fait une grande impression, il était très sobre d’esprit, superbement éduqué, étonnamment ouvert (surtout pour un général de l’ère soviétique) et je pense que nous nous sommes quittés en termes très amicaux. Je veux partager tout cela avec vous pour être aussi honnête que possible sur ce que j’écrirai ensuite sur Ivashov.
Politiquement, Ivashov est clairement un vrai patriote, sans aucun doute. Cependant, au fil des ans, ses critiques à l’égard des politiques du Kremlin et, finalement, de Poutine lui-même, sont devenues de plus en plus dures. Au fil des ans, il est devenu l’une des figures de proue de ce que j’appellerais le « mouvement patriotique anti-Poutine » en Russie. Voici quelques-uns des sujets de discussion que les membres de ce mouvement expriment souvent :
- Poutine est un pur produit de la « famille » Eltsine. Il a été profondément impliqué avec des gens comme Eltsine, Sobchak et le reste de la bande qui a pris le pouvoir en 1991.
- Les élections de Poutine sont toutes frauduleuses, le peuple russe le déteste.
- Loin de sauver la Russie du désastre, Poutine a poursuivi la politique d’Eltsine dans les années 90, mais en l’enveloppant d’un pseudo-patriotisme pieux.
- Poutine vend la Russie à l’Occident ET à la Chine.
- Poutine s’est également vendu aux Juifs russes, aux sionistes internationaux et aux Israéliens.
- Poutine a trahi et perdu la Russie lorsqu’il a reconnu le régime ukrainien de Kiev et empêché les forces de la LDNR de libérer une plus grande partie de l’Ukraine (certains diraient même « toute » l’Ukraine).
- Poutine est entouré d’oligarques dont il suit les ordres et dont il défend réellement les intérêts.
- Le régime de Poutine ne fait rien contre tous les agents d’influence occidentaux dans les médias et les structures gouvernementales russes, mais il réprime vicieusement les vrais patriotes russes.
- La Russie est pratiquement morte, nous avons perdu contre l’Occident, la Chine va nous dévorer, économiquement la Russie est morte aussi, la substitution des importations n’a même pas fonctionné, et la Russie est toujours totalement dépendante de l’Occident pour les produits de base allant de simples boulons en métal, aux puces électroniques et à des machines entières.
Je pourrais continuer encore longtemps, mais je tiens à souligner deux choses essentielles :
- Les libéraux russes et les patriotes russes anti-Poutine sont d’accord sur de nombreux points.
- Si ce qu’ils disent est correct, alors c’est fini, la Russie est finie, et tout est perdu.
Ce dernier concept, « tout est perdu », a même créé un mot spécial pour ceux qui pensent que c’est le cas : « allislosters » (всепропальщики).
J’ai toujours soutenu que les libéraux pro-américains et les allislosters partagent fondamentalement les mêmes idées et, qu’ils en soient conscients ou non, avancent objectivement le type de défaitisme que les PSYOP occidentales veulent injecter dans la psyché collective russe. Cette idée est ce que j’appelle « l’ultimatum Borg » (de la série Star Trek the Next Generation) : « la résistance est futile, vous serez de toutes façons incorporés ».
Lorsque des libéraux dégénérés comme Muratov ou des pseudo-démocrates comme Navalnii débitent ces conneries, ils n’obtiennent l’adhésion que d’une infime partie, quelques pourcentages maximum, de la population russe.
Mais quand les vrais patriotes disent ces choses, ils apportent le FUD (peur, incertitude et doute) dans un pourcentage BEAUCOUP plus grand de la population russe, probablement au moins 20% : pas une majorité, mais une minorité très importante.
Voici une version traduite automatiquement (et légèrement corrigée) du texte rédigé par le général Ivashov et ses partisans, qui a été publié hier et, de manière très caractéristique, immédiatement mentionné par l’ensemble des médias occidentaux, en quelques heures. Lisez-le par vous-même avant de continuer. J’ai mis en gras certaines phrases clés.
Le président de l’Assemblée panrusse des officiers, le colonel-général Leonid G. Ivashov, a écrit un appel au président et aux citoyens de la Fédération de Russie intitulé « La veille de la guerre » :
Discours de l’Assemblée panrusse des officiers
au Président et aux citoyens de la Fédération de Russie
Aujourd’hui, l’humanité vit dans l’attente de la guerre. Et la guerre, c’est l’inévitable sacrifice humain, la destruction, la souffrance de grandes masses de personnes, la destruction d’un mode de vie habituel, la perturbation des systèmes de vie des États et des peuples. Une grande guerre est une énorme tragédie, le crime grave de quelqu’un. Il se trouve que la Russie est au centre de cette catastrophe imminente. Et, peut-être, c’est la première fois dans son histoire.
Auparavant, la Russie (l’URSS) menait des guerres forcées (justes) et, en règle générale, lorsqu’il n’y avait pas d’autre issue, lorsque les intérêts vitaux de l’État et de la société étaient menacés.
Et qu’est-ce qui menace l’existence de la Russie elle-même aujourd’hui, et existe-t-il de telles menaces ? On peut affirmer qu’il y a effectivement des menaces – le pays est sur le point de mettre fin à son histoire. Tous les domaines vitaux, y compris la démographie, ne cessent de se détériorer, et le taux d’extinction de la population bat des records mondiaux. Et la dégradation est systémique, et dans tout système complexe, la destruction d’un des éléments peut conduire à l’effondrement de l’ensemble du système.
Et c’est, à notre avis, la principale menace qui pèse sur la Fédération de Russie. Mais il s’agit d’une menace interne émanant du modèle de l’État, de la qualité du pouvoir et de l’état de la société. Et les raisons de sa formation sont internes : la non-viabilité du modèle étatique, l’incapacité totale et le manque de professionnalisme du système de pouvoir et de gestion, la passivité et la désorganisation de la société. Un pays ne peut pas vivre longtemps dans un tel état.
Quant aux menaces extérieures, elles sont certainement présentes. Mais, selon notre évaluation d’experts, elles ne sont pas critiques pour le moment, menaçant directement l’existence de l’État russe et ses intérêts vitaux. La stabilité stratégique est maintenue en général, les armes nucléaires sont sous contrôle fiable, les forces de l’OTAN ne se renforcent pas et ne montrent pas d’activité menaçante.
Par conséquent, la situation qui s’envenime autour de l’Ukraine est, avant tout, artificielle, servant les intérêts de certaines forces internes, dont la Fédération de Russie. À la suite de l’effondrement de l’URSS, auquel la Russie (Eltsine) a pris une part décisive, l’Ukraine est devenue un État indépendant, membre de l’ONU, et conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies, elle a le droit de se défendre individuellement et collectivement.
Les dirigeants de la Fédération de Russie n’ont pas encore reconnu les résultats du référendum sur l’indépendance de la RPD et de la RPL, alors qu’au niveau officiel, plus d’une fois, y compris pendant le processus de négociation de Minsk, ils ont souligné l’appartenance de leurs territoires et de leur population à l’Ukraine.
Il a également été mentionné plus d’une fois, à un haut niveau, le désir de maintenir des relations normales avec Kiev, sans singulariser des relations spéciales avec la DPR et la LPR.
La question du génocide commis par Kiev dans les régions du sud-est n’a été soulevée ni à l’ONU ni à l’OSCE. Naturellement, pour que l’Ukraine reste un voisin amical pour la Russie, il était nécessaire qu’elle démontre l’attrait du modèle russe d’État et de système de pouvoir. Mais la Fédération de Russie n’est pas devenue telle, son modèle de développement et le mécanisme de politique étrangère de coopération internationale rebutent presque tous les voisins, et pas seulement.
L’acquisition de la Crimée et de Sébastopol par la Russie et leur non-reconnaissance comme russes par la communauté internationale (ce qui signifie que l’écrasante majorité des États du monde les considère toujours comme appartenant à l’Ukraine) montre de manière convaincante l’incohérence de la politique étrangère russe et le manque d’attrait de la politique intérieure.
Les tentatives d’ultimatum et de menaces de recours à la force pour que la Fédération de Russie et ses dirigeants « tombent amoureux » sont insensées et extrêmement dangereuses.
L’utilisation de la force militaire contre l’Ukraine, premièrement, remettra en question l’existence même de la Russie en tant qu’État ; deuxièmement, elle fera à jamais des Russes et des Ukrainiens des ennemis mortels. Troisièmement, il y aura des milliers (dizaines de milliers) de jeunes hommes en bonne santé tués d’un côté et de l’autre, ce qui affectera certainement la situation démographique future de nos pays mourants. Sur le champ de bataille, si cela se produit, les troupes russes devront affronter non seulement les militaires ukrainiens, parmi lesquels il y aura beaucoup de Russes, mais aussi le personnel et le matériel militaires de nombreux pays de l’OTAN, et les États membres de l’alliance seront obligés de déclarer la guerre à la Russie.
Le président de la République de Turquie, R. Erdogan, a clairement indiqué de quel côté la Turquie se battra. Et l’on peut supposer que deux armées, celle de terre et la marine turque recevront l’ordre de « libérer » la Crimée et Sébastopol et éventuellement d’envahir le Caucase.
En outre, la Russie sera définitivement incluse dans la catégorie des pays qui menacent la paix et la sécurité internationale, fera l’objet des sanctions les plus lourdes, deviendra un paria de la communauté mondiale et sera probablement privée du statut d’État indépendant. Le président et le gouvernement, le ministère de la Défense ne peuvent pas ne pas comprendre de telles conséquences, ils ne sont pas si stupides.
La question se pose : quels sont les véritables objectifs de la provocation d’une tension au bord de la guerre, et du déclenchement éventuel d’hostilités à grande échelle ? Et ce sera bien le cas, vu le nombre de soldats et la force de combat formés par les parties ; au moins cent mille soldats de chaque côté. La Russie, dénudant ses frontières orientales, déplace des formations vers les frontières de l’Ukraine.
À notre avis, les dirigeants du pays, se rendant compte qu’ils ne sont pas capables de sortir le pays de la crise systémique ont décidé, avec le soutien de l’oligarchie, des fonctionnaires corrompus, des médias appâtés et des forces de sécurité, d’activer la ligne politique pour la destruction finale de l’État russe et l’extermination de la population indigène du pays.
Et la guerre est le moyen qui permettra de résoudre ce problème afin de conserver, pour un temps, son pouvoir antinational et les richesses volées au peuple. On ne voit pas d’autre explication.
Au Président de la Fédération de Russie, nous, les officiers de Russie, demandons d’abandonner la politique criminelle consistant à provoquer une guerre dans laquelle la Fédération de Russie sera seule contre les forces unies de l’Occident, de créer les conditions pour la mise en œuvre dans la pratique de l’article 3 de la Constitution de la Fédération de Russie et de démissionner.
Nous lançons un appel à tous les militaires de réserve et retraités, citoyens de la Russie et recommandons d’être vigilants, organisés, de soutenir les demandes du Conseil de l’Assemblée panrusse des officiers, de s’opposer activement à la propagande et au déclenchement de la guerre, de prévenir les conflits civils internes avec l’utilisation de la force militaire.
Le président de l’Assemblée panrusse des officiers, le colonel-général L.G. Ivashov.
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Ensuite, ce que je vais faire, c’est rassembler toutes les parties intéressantes en un seul paragraphe.
Je l’appellerais leur « credo », le symbole de leur « foi ». Nous y voilà :
Le pays est sur le point de mettre fin à son histoire. La non-viabilité du modèle étatique, l’incapacité totale et le manque de professionnalisme du système de pouvoir et de gestion, la passivité et la désorganisation de la société. Les menaces extérieures, elles sont certainement présentes. Mais, selon notre évaluation d’experts, elles ne sont pas critiques pour le moment. Les forces de l’OTAN ne se renforcent pas et ne montrent pas d’activité menaçante. L’escalade de la situation autour de l’Ukraine est, tout d’abord, artificielle, et sert les intérêts de certaines forces internes, dont la Fédération de Russie. Le modèle de développement (russe) et le mécanisme de politique étrangère de coopération internationale repoussent presque tous les voisins, et pas seulement. L’acquisition de la Crimée et de Sébastopol par la Russie et leur non-reconnaissance comme russes par la communauté internationale montrent de manière convaincante l’incohérence de la politique étrangère russe et le manque d’attrait de la politique intérieure. Les tentatives d’ultimatum et de menaces de recours à la force pour faire « tomber amoureux » la Fédération de Russie et ses dirigeants n’ont aucun sens et sont extrêmement dangereuses. Il y aura des milliers (dizaines de milliers) de jeunes hommes en bonne santé tués d’un côté et de l’autre, ce qui affectera certainement la situation démographique future de nos pays mourants. Le personnel et les équipements militaires de nombreux pays de l’OTAN, et les États membres de l’alliance seront obligés de déclarer la guerre à la Russie. On peut supposer que deux armées [Turques, NdT], celle de terre et la marine turque recevront l’ordre de « libérer » la Crimée et Sébastopol et éventuellement d’envahir le Caucase. Une question se pose : quels sont les véritables objectifs pour provoquer une tension poussant le pays au bord de la guerre et du déclenchement éventuel d’hostilités à grande échelle ? Les dirigeants du pays, se rendant compte qu’ils ne sont pas capables de sortir le pays de la crise systémique. Cela peut conduire à un soulèvement du peuple et à un changement de pouvoir dans le pays (et) activer la ligne politique pour la destruction finale de l’État russe et l’extermination de la population indigène du pays. La guerre est le moyen qui permettra de résoudre ce problème afin de conserver, pendant un certain temps, son pouvoir anti-national et les richesses volées au peuple. Nous ne pouvons penser à aucune autre explication. Nous, les officiers de Russie, exigeons d’abandonner la politique criminelle cherchant à provoquer une guerre.
Je soutiens que ce texte est sans ambiguïté un texte défaitiste. Il dit essentiellement la même chose que ce que les Ukronazis scandaient dans les rues « Russes, rendez-vous ! Russes, rendez-vous ! ».
J’ai déclaré publiquement que la Russie est en guerre avec l’Empire depuis au moins 2013. Oui, cette guerre est à 80% informationnelle, environ 15% économique et environ 5% cinétique. Mais c’était (et c’est toujours) une guerre bien réelle : l’Empire a perdu cette guerre le 8 janvier 2020 et les États-Unis ont perdu cette guerre le 6 janvier 2021. Ce qui se passe maintenant, ce sont de véritables opérations de nettoyage, surtout après la déclaration conjointe de la Russie et de la Chine !
Objectivement, le général Ivashov, avec sa lettre ouverte, sert les intérêts des PSYOPs de la CIA/MI6, et maintenant l’ensemble des médias occidentaux peuvent dire « les généraux russes sont opposés à la campagne agressive de Poutine contre l’Ukraine ».
Le fait que ce texte ait été publié au moment où Poutine et Macron ont eu une négociation de SIX heures est également très révélateur, pour ne pas dire plus.
Et puis, il y a ceci : ce dernier texte contredit DIRECTEMENT tout ce qu’Ivashov a dit à maintes reprises au cours des dernières années. Je n’ai ni le temps ni l’énergie de vous donner toutes les citations, mais je vous recommande cette vidéo du blogueur ukrainien en exil, Anatoly Sharii, qui montre et explique tout cela en détail. La vidéo est en russe, mais je crois qu’il existe un moyen d’obtenir une traduction automatique dans les sous-titres de YouTube. Si vous le pouvez, je vous recommande vivement d’écouter ce que dit Sharii. Je résumerais cela en disant que Sharii souligne à juste titre qu’Ivashov a fait un virage à 180° et qu’il contredit même maintenant ses propres opinions passées.
Personnellement, lorsque j’ai vu ce texte pour la première fois, j’ai dû me frotter les yeux pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une illusion d’optique ou d’une hallucination. Ma pensée suivante a été que quelqu’un devait faire chanter Ivashov. Mais c’est hautement improbable. L’homme est déjà à la retraite, je doute que quelqu’un ait des « ragots » sur lui et, franchement, je ne crois pas qu’il soit lâche au point de céder à une telle pression ou d’abandonner ses principes. Ivashov n’est pas non plus sénile, à 78 ans il a encore un esprit très alerte (comme le montrent ses interviews en direct et ses vidéos sur le RuNet ; il n’est pas un Sleepy Joe).
Ce texte est-il un faux ?
Non, Ivashov dit la même chose dans cette vidéo.
Alors que s’est-il passé ?
Avant de répondre à cette question, je veux aborder un point très important.
Dans toute PSYOP ou propagande, ce que vous voyez est beaucoup moins important que l’EFFET de ce que vous avez dit. Les PSYOPs et la propagande ne s’adressent donc pas à « tout le monde » car les gens sont différents. Je ne prendrai même pas la peine de démystifier toutes les faussetés factuelles, les sophismes logiques ou les absurdités flagrantes dont ce texte est truffé. La plupart des lecteurs du blog du Saker peuvent facilement le faire par eux-mêmes de toute façon.
Laissez-moi vous donner un exemple : ces patriotes anti-Poutine « préviennent » constamment qu’il y aura un soulèvement, une insurrection ou même un coup d’État contre Poutine. Le QUOI est donc « un avertissement sur quelque chose », mais du point de vue de l’EFFET, c’est très simple : FUD – pour essayer d’induire la peur, l’incertitude et le doute.
Dans le monde réel, il y a exactement zéro possibilité de révolte, d’insurrection ou de coup d’État contre Poutine. Si les libéraux ou les patriotes anti-Poutine tentent d’organiser un Maïdan à Moscou, ils seront écrasés non pas tant par les services de sécurité que par les forces ANTI-Maïdan de Moscou, beaucoup plus importantes (cela s’est déjà produit une fois en 2011-2013). L’argument est donc idiotement contre-factuel. Mais l’EFFET recherché est la confusion à un moment où la Russie gagne sur tous les fronts.
Ce n’est pas une coïncidence.
Ceci étant dit, qu’est-il arrivé à Ivashov ?
Je ne vois qu’une seule explication : Je l’appellerais « ivresse idéologique ». C’est lorsque les penchants idéologiques d’une personne deviennent si aigus et la réalité du monde réel si inacceptable, qu’une personne devient littéralement « ivre » de son idéologie. C’est ce que nous pouvons observer actuellement avec les néoconservateurs américains, les partisans de Trump 2024, les anti-vaccinations et les dissidents du COVID, ainsi que toutes les sectes religieuses. Remarquez que les sectes mettent toujours l’accent sur les émotions plutôt que sur l’analyse rationnelle. On pourrait dire que leur principe de fonctionnement est « ne m’embrouillez pas avec les faits, j’ai mon opinion faite ».
Et si vous insistez sur les faits, ils s’énervent très vite.
La principale raison pour laquelle les libéraux pro-occidentaux et les patriotes anti-Poutine sont si en colère et même directement en colère contre le peuple russe, est que ces deux camps n’ont pas réussi à obtenir suffisamment de traction auprès du public russe pour vraiment affaiblir Poutine ou le Kremlin. Ainsi, le « courant de conscience défaitiste » fou que l’on retrouve dans le texte d’Ivashov est le résultat de plusieurs décennies de frustration et de colère profondes. Frustration parce que le peuple russe a soutenu Poutine encore et encore et colère parce que, loin d’échouer, Poutine gagne sur tous les fronts.
Lorsqu’un esprit rationnel constate qu’une prédiction ou un effort a échoué, il cherche à corriger ses hypothèses et politiques initiales et à en élaborer de nouvelles, plus efficaces. Vous savez, la méthode scientifique et tout ça.
Lorsqu’un esprit idéologique constate qu’une prédiction ou un effort a échoué, loin d’analyser la réalité, il se réfugie dans la redondance, encore et encore, ou, si des dates sont impliquées, ces esprits idéologiques repoussent simplement la date de « l’effondrement inévitable ».
Et si cela signifie qu’un général 3 étoiles doit écrire des choses qu’il DOIT savoir (en raison de son excellente éducation) être fausses et complètement absurdes afin de faire avancer son agenda idéologique, alors nous voyons que c’est vraiment un effort désespéré.
Au fait, laissez-moi rassurer tout le monde, cette lettre ira également dans les poubelles de l’histoire même si elle est utilisée pendant un certain temps à l’unisson du chœur de la machine de propagande occidentale. De toute façon, les gens en Occident croient surtout à « Poutine, le dictateur maléfique du Mordor ». Quant à la Russie, ceux qui étaient déjà des patriotes anti-Poutine n’ont pas beaucoup d’importance, dans ce cas Ivashov prêche sa chorale. Quant au reste des Russes, ils vont « tortiller le doigt sur leur tempe » (geste russe pour dire « fou ») et rejeter rapidement tout cela.
Mais pour notre propos, cette lettre ouverte est vraiment précieuse, inestimable même.
En français, on pourrait dire « Navalnyi ou Ivashov – même combat ».
Remarquez – Ivashov est tellement aveuglé par sa haine du « régime » (comme il dirait « la famille ») qu’il est probablement totalement inconscient de la façon dont il est perçu et des intérêts qu’il sert de facto.
C’est très triste, et à titre personnel aussi, j’aime toujours beaucoup l’homme. Navalnyi est une triste ordure immorale. Mais pas Ivashov : je suis certain que c’est une personne bonne, honorable et sincère. Mais comme un alcoolique, il a trop bu de son propre cool-aid. Ses actions ne sont pas une expression de sa personnalité, mais de sa pathologie (idéologique).
Les idéologies sont probablement les toxines (mentales) les plus dangereuses qui soient.
Mon seul espoir est que le contenu ridiculement exagéré de cette lettre profondément délirante ouvre les yeux de ceux qui hésitent (en Russie et à l’étranger) à propos de Poutine et des patriotes anti-Poutine. S’ils sont suffisamment sobres sur le plan idéologique, ils se souviendront peut-être des paroles du Christ « vous les reconnaîtrez à leurs fruits » (Matthieu 7:16) et réaliseront que les patriotes russes anti-Poutine sont de facto des collaborateurs des ennemis occidentaux de la Russie.
Quant à Poutine, bien sûr, il a ses défauts. Et oui, il y a encore beaucoup d’intégrationnistes atlantiques dans les cercles de pouvoir russes (médias, administration présidentielle, gouvernement, banque centrale, etc. etc. etc.). En médecine, il est important de prendre note de deux choses : l’état du patient et l’évolution de la maladie. Je dirais que toute évaluation honnête des actions de Poutine au cours des 20 dernières années montre deux choses :
Il n’a pas réussi à résoudre tous les problèmes de la Russie (j’ai écrit à ce sujet il y a longtemps, en 2016 !).
Mais l’évolution de la Russie depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir s’est améliorée, passant du mauvais au meilleur et parfois même au très bon. Oui, il a fallu beaucoup de reculs et de compromis pour arriver à la situation actuelle, mais on ne peut nier qu’en 1999, la Russie était en train de se désagréger alors qu’en 2022, il est clair que la Russie a prévalu à la fois sur l’Empire et sur sa principale composante, les États-Unis.
Les vrais patriotes, sobres, comprennent que, malgré toutes ses fautes, ce n’est PAS le moment de subvertir ou de saper Poutine. Laissons-le poursuivre la guerre jusqu’à la victoire totale de la Russie, puis exerçons une pression maximale sur lui pour qu’il élabore enfin une politique intérieure et même un régime politique russes véritablement souverains.
Je m’attends à ce que la plupart des patriotes anti-Poutine n’admettent JAMAIS cela. Cela invaliderait pas moins de deux décennies d’efforts (malavisés) pour se débarrasser de Poutine, qui ont été vains, et signifierait qu’ils ne parviendront jamais au pouvoir eux-mêmes.
Mon plus grand espoir personnel est que vous, lecteurs, deveniez maintenant pleinement conscients de ce que j’appelle la 6e colonne en Russie, par opposition à la 5e colonne traditionnelle : la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un nier l’existence des intégrationnistes atlantiques, de la 5e colonne libérale russe ou de la 6e colonne des allislosters, posez-vous la question suivante : cui bono – à qui profite ce déni ?
L’impasse actuelle entre la Russie et l’Occident a déjà donné de nombreux résultats très positifs. Pour utiliser une métaphore, Poutine a planté un bâton dans la « fourmilière occidentale » et toutes les fourmis (les politiciens occidentaux) courent maintenant comme des folles. Le succès de Poutine a également planté un autre bâton dans la fourmilière « allislosters » et toutes ces fourmis (les patriotes anti-Poutine) courent maintenant aussi comme des folles.
Quel réconfort les dirigeants occidentaux peuvent-ils tirer de tout ce qui précède ?
Pas beaucoup.
Il est assez clair que les PSYOP de la 5e et de la 6e colonne ont lamentablement échoué. En fait, la 5e et la 6e colonne ne peuvent que prêcher à leur chorale, la plupart des Russes détestent absolument les libéraux et une majorité d’entre eux n’est pas d’accord avec le défaitisme de la 6e colonne. La récente série de succès majeurs de Poutine (politiquement, militairement, économiquement) ne laisse vraiment aucun espoir à la 6ème colonne de l’emporter. Tout au plus, ils se déchaîneront et continueront à prédire une insurrection ou un coup d’État, mais ce bateau a pris la mer depuis longtemps.
Cela ne veut pas dire que nous devons ignorer ce trio toxique et maléfique : les intégrationnistes atlantiques, la 5ème colonne et la 6ème colonne. Tout d’abord, il y a encore des intégrationnistes atlantiques partout, de RT à la Banque centrale russe, en passant par l’administration présidentielle, le Kremlin, le gouvernement et de nombreux médias, y compris dans le domaine du divertissement. Poutine les a repoussés dans une certaine mesure, la situation actuelle est BIEN meilleure que, disons, en 2017, mais l’ennemi est toujours là. Et l’histoire de la Russie montre clairement que l’ennemi intérieur est bien plus dangereux que l’ennemi extérieur.
En outre, la Russie est toujours un « one man show » : si l’on retire Poutine, la Russie connaîtra immédiatement une crise majeure, interne et externe, ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas de successeur crédible, loin s’en faut. Je peux citer beaucoup de gens très bien dans l’entourage de Poutine, ses alliés souverainistes eurasiens, mais aucun d’entre eux n’a sa stature.
Et il n’a toujours pas trouvé l’occasion de se débarrasser de certains serpents dangereux qui se trouvent également dans son entourage proche. Je pense que Poutine est beaucoup plus menacé par les financiers russes que par l’OTAN ou les États-Unis. Et, gardez toujours cela à l’esprit, Poutine n’est pas Staline. Il ne peut pas licencier, expulser, arrêter ou exécuter quelqu’un sans raison : il doit respecter la loi, qui limite considérablement son pouvoir. Je ne pense pas non plus qu’une majorité de Russes approuverait le fait que Poutine commence à agir comme un dictateur : nous l’avons déjà fait, nous l’avons payé très cher et nous ne le referons plus jamais.
Néanmoins, si quelque chose devait arriver à Poutine (maladie, décès, incapacité, etc.), nous pouvons être sûrs que les intégrationnistes atlantiques, les 5ème et 6ème colonnes et l’ensemble de l’Occident uni se jetteront sur la Russie, ce qui entraînera une crise majeure qui pourrait réellement menacer l’avenir de la Russie.
La vérité est que tant que la Russie sera encore en train de se redéfinir au jour le jour, elle sera instable et vulnérable. Mais c’est un sujet pour une future analyse.
Andrei
MISE À JOUR : dès que j’ai posté cet article, plusieurs commentateurs ont presque immédiatement réagi en disant « Ivashov a raison », « je suis d’accord avec lui », etc. etc. etc. Tous des commentateurs occidentaux, d’ailleurs. Compte tenu de la façon dont mon analyse perturbe les PSYOP occidentales, je m’attends à un déluge de trolls essayant de « reprendre le contrôle du récit » dans la section des commentaires. Inutile de dire que je les éjecterai tous sans la moindre hésitation. Après 15 ans de gestion de blog, je peux facilement distinguer un commentaire critique sincère d’une production typique d’un troll (payé ou non).
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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