« La meilleure manière de prédire l’avenir est de le créer. » – Abraham Lincoln
Par Matthew J.L. Ehret − Le 27 janvier 2022 − Source lewrockwell.com
Chacun doit savoir que le monde est entraîné dans une nouvelle Guerre Froide, avec, en Occident, des faucons bellicistes unipolaires traîneurs de sabres brandissant des rideaux de fer à l’ancienne, une rhétorique anti-communiste, et même des menaces nucléaires. Contrairement à la première Guerre Froide, cette nouvelle version voit la Russie et la Chine travailler étroitement de concert, ainsi qu’avec l’Iran, et un chœur croissant de nations, intégrant de plus en plus l’Initiative des Routes de la Soie.
Quel crime ces nations eurasiatiques ont-elles commis pour que le complexe industriel militaire États-Unis/OTAN les désigne comme des cibles ?
Leur seul crime est d’avoir choisi de ne pas se soumettre à une dictature unipolaire technocratique et scientifique.
Au lieu d’adhérer à une destinée dystopique enfermée dans une cage géopolitique de plus en plus étroite, comme Boris Eltsine ou Zhao Ziyang avaient été heureux de le faire il y a peu encore, l’intelligentsia eurasiatique contemporaine a reconnu que la seule solution à la crise multi-facette qui menace la civilisation est située dans l’avenir. Cela peut paraître une platitude simpliste pour certains lecteurs, mais d’un point de vue géostratégique, l’avenir est l’endroit où vit la créativité.
Lorsque les ressources sont monopolisées, et que les systèmes de règles établis par une élite sociopathe antagoniste aux droits fondamentaux de l’humanité, la seule voie de résistance viable pour s’engager dans un combat gagnable est de changer les règles du jeu truquées, et de créer de nouvelles ressources. On y parvient en augmentant les opportunités de : 1) faire de nouvelles découvertes qui 2) créent de nouvelles ressources, 3) traduisent les principes nouvellement découverts en améliorations technologiques qui 4) font monter les puissances productrices (mentales, spirituelles et physiques) de l’humanité. Si les étapes 1-4 n’existent pas dans le temps présent, où peut-on les trouver ?
Je le répète : dans l’Avenir.
Le concept d’idéaux positifs futurs amenant téléologiquement 1 la société vers l’avant a jadis été une notion puissante, qui orienta une grande partie de la civilisation occidentale. L’idée que l’homme était créé comme image vivante d’un Créateur, capable de prendre part au processus continu de la création elle-même, a été une notion puissante, qui a animé certain des plus grands à faire des bonds en matière de progrès scientifique, de liberté, de souveraineté, et a débouché sur des améliorations de la qualité de vie et des augmentations de la population jamais vues. Lorsque les États-Unis étaient jeunes, ce concept se fit connaître sous le nom de « destinée manifeste »… selon laquelle Dieu avait un projet visant à étendre le meilleur de la civilisation et à apporter les fruits du progrès à tous, afin de répondre au mandat biblique voulant que l’humanité « croisse et se multiplie » et « emplisse la terre et la soumette ».
Si cette idée a engendré de nombreux bénéfices pour l’humanité, elle a également constitué une épée à double tranchant, qui a provoqué beaucoup de dégâts lorsqu’elle a été maniée par les tyrans, les propriétaires d’esclaves, ou les impérialistes faisant fi de la réalité selon laquelle TOUTE l’humanité était dotée de droits inaliénables par le créateur, et non pas une minorité choisie s’estimant élue pour des raisons de lignée, de religion, de langue ou de race.
Une peinture populaire exaltant la vertu de la destinée manifeste, durant les jours fondateurs du XIXème siècle qui à l’époque débouchèrent sur beaucoup de bien, et en d’autres temps, justifièrent de grands maux.
Une nouvelle Destinée Manifeste s’éveille
En Russie, cette orientation future a pris la forme d’une sorte de « Destinée Manifeste russe » pour le XXIème siècle, visant à étendre la civilisation vers le Grand-Est sibérien et l’Arctique, et au-delà de l’Asie Centrale, de la Mongolie, du Japon, de la Chine, et plus loin encore. Même si nombre d’observateurs ont pour usage d’analyser les événements mondiaux en faisant preuve de myopie, suivant un mode d’analyse « du bas vers le haut », il apparaît clairement que Depuis 2018, les ambitions de développement de la Russie vers l’Est ont rejoint de plus en plus l’extension vers le Nord du projet chinois La Ceinture et la Route, appelée Route de la Soie Polaire, qui a amplifié le développement des voies ferrées, routes, nœuds de télécommunication, ports, projets énergétiques et couloirs maritimes au sein de régions jugées inhospitalières par la civilisation humaine.
La Chine a vu la naissance de sa propre version de « Destinée Manifeste » sous la forme de l’initiative de la Ceinture et la Route, dévoilée en 2013, qui affiche une puissance de transformation, d’interconnexion, et de coopération gagnant-gagnant qui dépasse tout ce que ses plus fervents admirateurs avaient imaginé il y a huit ans. Sur une courte période de temps, plus de 3000 milliards de dollars ont été dépensés dans des projets d’infrastructure de toutes tailles, et qui impliquent désormais 140 nations (avec des degrés divers de participation.)
Si l’on parcourt du regard les milliers de projets de nouvelles routes de la soie qui éclosent à travers le monde, on découvre le plus vaste réseau de voies ferrées (y compris à grande vitesse : à sustentation magnétique et conventionnelles également), des couloirs de développement intégrés, de nouvelles villes intelligentes, de nouveaux nœuds industriels, des oléoducs et des projets scientifiques avancés ayant trait à l’exploration spatiale, à la puissance de l’atome, à la recherche sur la fusion, à l’informatique quantique, et beaucoup d’autres choses.
Ces couloirs de développement se sont développés vers le Nord avec la Russie, ainsi qu’avec les États d’Asie centrale qui comprennent le « Couloir central de l’initiative de la ceinture et la route« . Plus récemment, nous avons vu la floraison d’une route du Sud depuis la Chine vers le Pakistan, l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban qui prend forme, avec la Syrie qui a fini par rallier le projet le 12 janvier 2022. Les nations africaines ont également rallié le projet avec enthousiasme avec plus de 48 pays africains sur 54 impliqués. En l’état actuel, 18 États ibéro-américains et 20 États arabes ont également rallié le programme.
La diversité doit-elle être sacrifiée au bénéfice de l’unité ?
La Chine comme la Russie ont des nations extrêmement vastes, avec un vaste potentiel en matière de ressources non-développées, de force de travail, et de besoins technologiques, mais elles contiennent également un réseau chamarré de petits groupes culturels, religieux, linguistiques et ethniques de toutes sortes.
L’écrasante majorité des 146 millions de citoyens russes vit dans le 1/5ème du pays le plus à l’Ouest, avec 80 % de la population établie dans les zones urbaines, ou aux abords de celles-ci, entre la Mer Baltique et la Mer Caspienne. Dans les vastes régions du Nord-Est de la Sibérie (qui s’étendent sur un territoire représentant 1,3 fois la taille du Canada), seuls 24 millions de citoyens sont éparpillés sur cette terre sous-peuplée.
La Chine est confrontée à des problèmes similaires avec sa densité de population, et ses zones développées non pas à l’Ouest, mais suivant une bande de terrain étroite suivant sa côte de l’Est, sur le Pacifique. C’est presque 94 % de la population chinoise qui vit à l’Est de la Ligne Heihe-Tengchong, les vastes étendues du reste du pays n’hébergeant que 6 % de la population chinoise.
La Russie compte 193 groupes ethniques, comprenant presque 20 % de sa population, et bien que la population Han de la Chine soit de loin son groupe démographique dominant (représentant 91 % de la population), on compte 56 groupes ethniques représentant 113 millions de personnes, dont nombre vivent éparpillés au Tibet, dans le Xinjiang, et en Mongolie Intérieure.
Le dilemme pressant auquel sont confrontés les dirigeants eurasiatiques, dans la préparation de leurs programmes d’expansion vers l’extérieur, peut s’exprimer de la manière suivante : Comment est-il possible d’étendre le développement scientifique et industriel sur des territoires multi-ethniques et multi-linguistiques, à la fois sur le plan intérieur et international, sans, ce faisant, détruire l’héritage culturel des centaines, voire des milliers de petits groupes culturels ? Le développement doit-il toujours se dérouler au détriment de la diversité culturelle de plus petits groupes ethniques, comme tel a trop souvent été le cas dans l’histoire du monde, OU BIEN existe-t-il une méthode organique permettant d’équilibrer ces deux facteurs ?
Comment NE PAS réaliser sa Destinée Manifeste
L’ironie réside en ce que, jusqu’il y a peu, le concept de Destinée Manifeste s’est vu traditionnellement associé avec les États-Unis, qui partagent de nombreux traits démographiques avec la Chine et la Russie, la vaste majorité de leur population étant concentrée sur la moitié Est du continent.
Tristement, les forces qui ont façonné l’expansion étasunienne — surtout au cours des 125 premières années, lorsque la Destinée Manifeste eut son influence la plus grande, ont trop souvent échoué pitoyablement face à ce critère. Au cours de leurs 12 premières décennies de vie, les États-Unis ont connu une croissance en partant de 13 colonies sous-développées en 1776, jusque 45 États industriellement avancés en 1900. Au fil de ces années, les voix sages et opposées à l’esclavage de Benjamin Franklin, John Jay, John Quincy Adams, Abraham Lincoln, Charles Sumner, William Seward, et William Gilpin furent trop souvent contournées par une classe parasite d’un État profond anglophile, contrôlant à la fois Wall Street au Nord et la puissance esclavagiste du Sud.
Cette hydre à plusieurs têtes, tapie en cœur des États-Unis, maintenant ses propres idées perverses quant à la « Destinée Manifeste », en opposition totale avec les ambitions des grands hommes d’État listés ci-avant.
Lorsque les personnages à la tête de l’abolitionnisme, comme Benjamin Franklin et Alexander Hamilton, ont encouragé le partage des connaissances, des capacités techniques, de la science et des fruits des progrès technologiques aussi bien pour les Noirs que pour les Indigènes, sans les contraindre à des conversions religieuses ni écraser leurs traditions locales, l’État profond des zones d’influence du Nord comme du Sud n’a poursuivi que l’extension de son pouvoir, en usant du fouet du conquérant.
La perversion au Sud de la Destinée Manifeste promue par Andrew Jackson, Jefferson Davis et Albert Pike projetait un accroissement de l’esclavage noir, et l’écrasement des populations indigènes sous le talon de la race blanche « supérieure », cantonnés dans des plantations ou des réserves organisées comme des cages, sans avoir jamais rien à dire quant à leur propre destinée. En 1830, l’Indian Removal Act de Jackson vida de précieux territoires, rapidement repris par les planteurs de coton du Sud, qui augmentèrent rapidement l’afflux d’esclaves noirs en provenance d’Afrique, ce qui augmenta fortement les tensions entre les États libres et esclavagistes, et déboucha sur l’inévitable Guerre Civile de 1861-1865.
On oublie souvent que sous la présidence de Franklin Pierce (1853-1857), fortement liée à la franc-maçonnerie de Mazzini, Jefferson Davis, alors Secrétaire à la Guerre (qui devint par la suite président des Confédérés) et le général Albert Pike avaient pour tâche de faire progresser une « alternative au Sud » à la voie ferrée trans-continentale, au travers des États esclavagistes. Contrairement à la ligne du Nord (commencée par Lincoln en 1863), conçue pour étendre la croissance industrielle et ultimement assurer une liaison avec la Chine, 2 la version du Sud ne servait que de cage de fer pour maintenir les esclaves sous contrôle de leurs maîtres. Ainsi, la « Destinée Manifeste » des confédérés n’était guère différente de la vision raciste de Cecil Rhodes de la voie ferrée du Cap au Caire, visant à maintenir le continent sous le joug britannique, ou du projet actuel de l’UE et de Londres, le projet de « Green Belt Initiative”/OSOWOG, pour contraindre les réseaux d’énergie verte de l’Afrique à l’Inde.
Durant la Guerre Civile, les Britanniques furent plus que ravis de fournir des armes, des navires de guerre, un soutien logistique, des réseaux de renseignements au Canada, et de financer les rebelles, ce qui faillit contraindre Lincoln à mener une guerre sur deux fronts dès le début (un front contre le Sud, et l’autre contre l’Empire britannique) 3.
Pendant que les défenseurs légitimes de la Destinée Manifeste étasunienne essayaient d’empêcher la guerre, en s’appuyant sur la diplomatie pour assurer la croissance de leurs territoires (voir : l’achat de la Louisiane en 1804, le territoire de l’Oregon en 1848, ou l’achat de l’Alaska en 1867), l’« Amérique » de Wall Street et de la puissance esclavagiste de Virginie était toujours encline à aller se battre contre un voisin pour répandre ses ambitions impériales (voir la guerre mexicaine de 1846-1848, ou le renversement de la monarchie de Hawaï en 1893).
Malheureusement, ces traditions étasuniennes qui résistèrent jadis à l’impérialisme ont dépéri, ne représentant aujourd’hui plus que l’ombre de ce qu’elles furent, vidées de leurs véritables patriotes disposant de postes au niveau fédéral. Aujourd’hui, les États-Unis sont vidés de leur base industrielle, ont détruit leurs liens culturels avec les valeurs chrétiennes et leur foi dans le progrès scientifique, ce qui a débouché sur une nation aliénée, composée de consommateurs nihilistes n’entretenant aucune vision de l’avenir.
La croissance de l’éco-colonialisme du XXème siècle
Le programme raciste de ghettoïsation des indigènes sous la forme de réserves tribales, a isolé les tribus de la Première Nation du reste de la société pour des générations, en les maintenant enfermés dans des cycles de dépendance, de pauvreté, de toxicomanie, et de taux de mortalité infantile et de suicide nettement plus élevés que la moyenne nationale.
Cette manipulation des Indigènes américains a également vu ces peuples maltraités utilisés par les maîtres du jeu pour essayer de bloquer des projets de développement continental plus large, suivant une politique de « gestion des écosystèmes humains ». Depuis la fin des années 1960, il est devenu de plus en plus tendance de traiter les populations natives comme de simples extensions de leurs écosystèmes locaux — étant supposés exister dans un équilibre statique, suivant des modèles informatiques utilisés pour définir des régions de conservation et des taux de croissance optimum de la population pour des décennies.
Quiconque essayant de comprendre pourquoi la politique de croissance économique à vaste échelle avancée par des hommes comme Franklin Roosevelt et JFK a déraillé à la fin des années 1960 avec le début de la guerre du Vietnam, il est vital de comprendre l’utilisation raciste qui a été faite de ces réserves indigènes et cette gestion de l’écosystème. La vaste croissance des parcs de conservation et des terres fédérales qui a établi des limites à tous les investissements d’infrastructure, n’a pas résulté des actions d’amoureux de la nature au grand cœur, comme on a laissé de nombreux observateurs le penser, mais des effets d’une politique froidement calculée par les maîtres du jeu géopolitique, visant à maintenir la société verrouillée dans un petit monde contrôlé, fait de « ressources limitées ».
Pendant que les impérialistes libéraux versaient des larmes de crocodile sur la détresse des indigènes longtemps maltraités par les colons blancs égoïstes, ils furent trop heureux de soutenir la stérilisation de masse des femmes indigènes durant les années 1970, et de maintenir les indigènes sans eau potable, sans réseau électrique fiable, sans système de santé ni même d’accès aux emplois qualifiés.
L’un des promoteurs les plus fervents de la voie ferrée transcontinentale (allant jusqu’à l’Eurasie) fut William Gilpin, un allié de Lincoln, et gouverneur du Colorado durant la Guerre Civile, qui décrivit fort judicieusement les réserves « comme des blocs de pierre dans le mur d’une prison nous séparant de la frontière ».
Sous le voile de ce nouveau type de colonialisme moderne, de l’argent fut souvent injecté dans les caisses de dirigeants de tribus, corrompus, qui avaient eu le bonheur de laisser les cartels pétroliers exploiter leurs ressources tout en maintenant leur peuple enfermé dans des cycles de dépendance et sans la moindre croissance technologique.
De ce point de vue, on peut nettement distinguer un parallèle dans l’application d’une politique néo-coloniale similaire appliquée à l’Afrique.
La Chine : Une Destinée Manifeste pétrie de dignité
Malgré les fortes dénonciations émises par la classe politique des Five Eyes occidentaux, l’approche de la Chine envers ses partenaires africains des routes de la soie, ainsi qu’envers ses propres groupes minoritaires, est totalement opposée à cette tradition abominable d’exploitation et de génocide culturel, déployée par l’oligarchie occidentale depuis des générations.
Ce que nous avons vu en des lieux comme le Tibet ou le Xinjiang, ce sont des centres d’héritage culturel, des taux d’alphabétisation qui explosent, la célébration et l’enseignement des langues traditionnelles, des chants, des récits et des danses, réalisées avec le plein soutien du gouvernement.
Les éléments montrant cette croissance culturelle ont cru au sein des zones ethniques minoritaires, cependant que l’on observe une croissance spectaculaire de la longévité, de la densification de population, de la qualité de vie, de la réduction de la pauvreté, une réduction de la mortalité infantile, et l’ouverture d’accès aux métiers industriels avancés, à l’internet ainsi qu’à une électricité abondante.
Sur un plan religieux, plus de 24 400 mosquées existent actuellement dans le Xinjiang, sans parler des 59 temples bouddhistes et 253 églises. En seulement huit années, le fléau du terrorisme saoudien-étasunien en Chine a été traité, sans qu’un seul État arabe n’ait été ramené à l’âge de pierre sous un tapis de bombes, ce qui n’est pas rien.
Au Tibet, des voies ferrées à grande vitesse et conventionnelles ont relié les communautés locales qui ont longtemps vécu dans la pauvreté aux marchés globaux, et la jeune génération bénéficie de talents techniques durables.
Les temples bouddhistes prospèrent également avec le plein soutien du gouvernement. Les organes de propagande contrôlés par la NED, installés dans ces régions, font tout pour vous maintenir dans l’ignorance de ces faits relatifs à la vie en Chine.
Alors que des concessions bénéficiant aux sociétés chinoises sont bel et bien établies avec la plupart des projets en lien avec les nouvelles routes de la soie, en Asie du Sud-Ouest, en Afrique, et ailleurs, le fait est que les infrastructures (lourdes et plus légères), les nouveaux nœuds industriels et les opportunités éducatives éclosent à la vie à vitesse rapide.
En Afrique, on observe des traditions culturelles locales qui prospèrent en tandem avec la même politique que nous avons constatée au Tibet et dans le Xinjiang. Si cela vous surprend, essayez d’arrêter de lire le Monde, et regardez une télévision africaine, ou les chaînes africaines de CGTN.
L’approche de la Chine est totalement opposée à ces programmes du FMI, de la Banque mondiale, ou de l’USAID, qui ont systématiquement maintenu les nations pauvres dans un esclavage de dette usurier, pour des décennies, apportant de l’argent pour acheter un peu de poisson, mais ne permettant jamais aux populations de pratiquer la pêche d’elles-mêmes. La Chine, face à cela, a encouragé la croissance de grands projets de construction, de centres manufacturiers, et peut-être la chose la plus importante, de compétences avancées en ingénierie.
Dépasser les obstacles monétaires de la Russie
En Russie, un système bancaire central privatisé, encore sous forte influence des protocoles monétaires établis par le FMI, a rendu bien plus difficile la vision de Poutine pour le Grand Est, par rapport à la Chine, où un système bancaire appartenant à l’État fournit un inestimable instrument de croissance à long terme. La banque centrale privée de Russie, établie (sous sa forme actuelle) en 1990, continue de souffrir de liens structurels profondément ancrés avec le FMI, l’Organisation Mondiale du Travail et les idéologues libéraux qui essaiment le paysage bureaucratique pour s’assurer qu’une doctrine de « budgets équilibrés » et de marchés libres a bien la priorité sur l’émission d’un crédit productif.
Malgré ces blocages, la version russe unique de la Destinée Manifeste a commencé à prendre vie avec le « grand schéma directeur pour la Sibérie« de Sergei Shoigu, qui commence avec la construction de cinq nouvelles villes hébergeant 500 000 à un million de citoyens.
En outre, les projets d’expansion et d’amélioration de la voie ferrée trans-sibérienne longue de 9 300 km; ainsi que de sa voie du Sud de Baikur-Amal, permettent leur modernisation, le passage en double voie, et une intégration encore plus profonde entre la Mongolie, la Chine et même le Japon. Ce projet coïncide avec le Couloir de Transport International Nord-Sud de Moscou vers l’Inde, traversant l’Asie Centrale et l’Iran, qui devrait désormais être considéré comme une nouvelle dimension des deux projets : les routes de la Soie et Far East Vision [voir la carte ci-après]. Au fil de l’avancement du projet, le trafic de fret sur ces voies ferrées va croître de 120 millions de tonnes par an à 180 millions de tonnes par an en 2024.
Cette expansion des voies ferrées est étroitement liée au Plan de développement de la Russie pour la Route Maritime du Nord, adopté en 2019, et qui vise à accroître les livraisons annuelles à 80 millions de tonnes en 2024. Au-dessus des ports et des nouveaux nœuds miniers de l’Arctique, ce projet intègre la construction de 40 nouveaux navires (parmi lesquels de nouveaux brise-glace nucléaires), de voies ferrées, et de ports dans le Nord, qui réduiront de 10 jours la durée d’expédition des marchandises entre la Chine et l’Europe.
Si cela ne suffisait pas en soi, le 15 janvier 2022, Poutine a annoncé que les propositions de construire une voie ferrée arctique, attendue de longue date, jusque la Mer de Barents doivent être soumises pour le 10 mai 2022. Cette voie ferrée s’étendra jusqu’au port d’Indiga, dans la région de Nenets, qui hébergera un port arctique ouvert toute l’année disposant d’une capacité de traitement de 80-200 millions de tonnes de marchandises par an.
La Chine et la Russie ont convenu de construire des centres de recherche en science en Arctique en 2019, afin de « promouvoir la construction de ‘la route de la Soie de la glace’ », cependant que de nouveaux projets pour une base de recherche internationale, à Yamal, du nom de Snezhinka (c’est-à-dire, « flocon de neige ») seront ouverts en 2022. Dans les deux cas, de la pure recherche scientifique sur l’astro-climatologie (l’Arctique est le point d’entrée le plus dense pour les radiations cosmiques interstellaires qui jouent un rôle déterminant dans le changement climatique), sur l’évolution des espèces et la chimie, seront menées dans ces nouveaux centres. Le champ de recherche qui est peut-être le plus exaltant impliquera les tests de nouveaux concepts d’écosystèmes artificiels, nécessaires pour permettre à l’homme de vivre confortablement non seulement en Arctique, mais également sur d’autres corps célestes, comme la Lune ou Mars. Les deux nations ont, après tout, convenu de co-développer une base lunaire permanente qui sera dévoilée au cours de la décennie à venir.
Si nous parvenons à éviter les pièges d’une guerre nucléaire, les découvertes qui seront réalisées grâce à ce nouveau chapitre exaltant de développement co-civilisationnel dépassent les capacités de prédiction de tout modèle informatique, mais elles se produiront néanmoins. La libération de découvertes créatives par des esprits humains formés, inspirés et orientés vers un but, vont éveiller de plus en plus de nouvelles technologies, et redéfinir les relations de l’humanité avec la table périodique des éléments, au fur et à mesure que de nouveaux usages seront découverts pour l’atome, avec un accès plus large aux milliers d’isotopes qui ont encore un rôle à trouver dans nos systèmes économiques. De cette manière, l’espace et le temps lui-même seront condensés alors que le train à lévitation magnétique, les systèmes de propulsion nucléaire et de nouvelles sources d’énergie seront mis en fonction, révolutionnant nos idées de « proximité », « distance », « lenteur », « rapidité » de manière stupéfiante.
Pensez simplement aux nombreux mois qui étaient nécessaires pour travailler entre l’ancien et le nouveau monde à l’époque coloniale, aux quelques heures que cela prend de nos jours à bord d’un avion hypersonique. Il s’agit de la sorte de saut quantique à laquelle il faut s’attendre, qui verra le voyage de 300 jours actuellement nécessaire pour rallier Mars se réduire à quelques semaines avec la propulsion nucléaire.
Peut-être que l’on voudra m’accuser d’abuser d’idéalisme, et alors ?
Ce processus est déjà lancé sous nos yeux, alors que les réalités politiques et scientifiques que nombre d’observateurs jugeaient impossibles il y a encore dix ans ont déjà commencé à modifier la trajectoire de notre avenir collectif. Si le changement de phase de l’humanité vers une espèce consciente d’elle-même se retrouve miné une fois de plus… à une heure où les armes thermonucléaires jalonnent le globe, nous n’avons pas de garantie de disposer d’une nouvelle opportunité après cela.
Matthew J.L. Ehret
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
Notes
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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