Féminisme et transsexualisme : origines religieuses et mystiques
Partie I : idéologies et mouvements LGBT
Un article de Youssef Hindi en exclusivité pour le site E&R
Sommaire
– L’idéologie LGBT s’impose en Occident
– Aux origines du féminisme et du transsexualisme, le protestantisme ?
– Le féminisme juif intracommunautaire
– Féminisme juif extracommunautaire
– Homosexualisme judaïque et militantisme LGBTQ
– La théorie du genre : du XIXe au XXIe siècle
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Alors que l’affaire Brigitte Macron/Jean-Michel Trogneux s’est répandue au-delà des frontières hexagonales, et qu’Emmanuel Todd lance une charge (tardive) qui fait polémique contre le néo-féminisme et la théorie du genre, je me propose d’introduire dans le débat une dimension qui me semble centrale, mais jusqu’ici ignorée, occultée et très largement méconnue : les origines religieuses et mystiques du féminisme et du transsexualisme.
Cette première partie s’attachera à présenter la constellation des principales idéologies et mouvements LGBT, du XIXe siècle à nos jours. Il ne s’agit pas d’une étude exhaustive, mais plutôt d’un panorama idéologique et géographique du « LGBTisme » qui permettra aux lecteurs de le situer, de le visualiser.
Nous constaterons que les idéologies et mouvements LGBT sont nés et se sont développés principalement dans le monde judéo-protestant anglo-américain. Ce n’est pas là le fruit du hasard. La cause première est religieuse. Mais cette généalogie religieuse et mystique des idéologies LGBT sera traitée dans la seconde partie, qui sera publiée le mois prochain.
L’idéologie LGBT s’impose en Occident
Les idéologies LGBT sont devenus incontournables. Elles se sont imposées, par le haut, dans les manuels scolaires, au cinéma, via des icônes transgenres, etc.
Les exemples de personnalités publiques ayant opéré une transformation sexuelle se sont multipliés. L’actrice canadienne Ellen Page a annoncé être devenue un homme, et elle apparaît désormais avec une barbe. Elle s’appelle maintenant Elliot, et elle a épousé la danseuse-chorégraphe Emma Portner [1].
Les deux célèbres réalisateurs judéo-américains de Matrix, les frères Wachowski, Larry et Andy, sont devenus les sœurs Wachowski, Lana et Lilly. En 2015, les frères Machowski coproduisent et réalisent Jupiter Ascending, un film où est mis en scène notamment un humain génétiquement modifié, avec des gènes de chien…
Toujours dans le domaine du cinéma, Marvel Studios, qui a longtemps résisté aux pressions des mouvements LGBT, a fini par intégrer à ces films des personnages homosexuels, et peut-être bientôt transgenres. Marvel est en train de produire le prochain opus de la saga Thor, dans lequel Odin, le père de Thor, sera remplacé sur le trône d’Asgard par une femme métisse homosexuelle accompagnée de sa reine…
Dans une de leurs dernières productions, Les Éternels, Marvel a tenu à mettre en couple un noir et un Arabe qui ont un enfant.
Allons maintenant du côté de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). Dans l’édition 2019 de son rapport social, Panorama de la société, le sujet spécial est la question LGBT :
« Cette édition de Panorama de la société présente un éclairage sur les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) qui continuent à subir, dans l’ensemble, diverses formes de discrimination. En effet, les personnes LGBT sont encore loin d’être pleinement acceptées dans les pays de l’OCDE. Seule la moitié des pays de l’OCDE ont légalisé le mariage homosexuel sur l’ensemble de leur territoire national, et moins d’un tiers autorisent les personnes transgenres à modifier leur état civil afin de le mettre en conformité avec leur identité de genre sans les obliger à subir une stérilisation, une chirurgie de réassignation sexuelle, des traitements hormonaux ou des examens psychiatriques. Un recul des droits a également été observé. Or, la discrimination n’est pas seulement inacceptable sur le plan éthique, elle engendre aussi d’importants coûts économiques et sociaux. L’intégration des minorités sexuelles et de genre devrait par conséquent figurer au premier rang des priorités des gouvernements de l’OCDE. » [2]
Or, aux États-Unis, un des berceaux du LGBTisme, les transgenres ne représentent rien statistiquement : 89 000 personnes au maximum en 2010, c’est-à-dire 0,05 % de la population américaine de plus de 16 ans [3].
Aux origines du féminisme et du transsexualisme, le protestantisme ?
Dans son dernier ouvrage Où en sont-elles ?, l’anthropologue Emmanuel Todd avance que le féminisme moderne est une réaction au patricentrisme protestant :
« Parce que les pôles historiques du féminisme moderne se trouvent en pays protestant – en Angleterre avec les suffragettes, aux États-Unis avec la pilule, en Suède avec le premier féminisme d’identité nationale –, on a un peu de mal à percevoir la religion de Luther, Zwingli et Calvin comme défavorable aux femmes. Pourtant, elle le fut, et il n’est pas impossible qu’un protestantisme zombie toujours actif représente dans ces pays un contrepoids discret, mais puissant, à l’émancipation des femmes, après avoir été l’une des raisons de leur soulèvement…
Pour le protestantisme, une femme doit être une bonne épouse, sans échappatoire possible. Les textes de Luther, et notamment son Petit Catéchisme, donnent une place centrale au père de famille.
L’une des premières préoccupations des leaders protestants fut de supprimer les mariages secrets légitimés par l’Église médiévale. Ils permettaient, dans certains cas, on l’a vu, une liberté du choix de son conjoint par la jeune épouse.
La sortie de l’Église médiévale entraîne bien une chute d’autonomie féminine. Ajoutons, dans cet apport protestant, le retour à la lecture de la Bible, magnifique texte d’esprit patrilinéaire, avec une Ève originelle qui conduit au péché du même nom. Le recul de la Vierge au profit d’Ève dans la thématique religieuse n‘a pas été une bonne nouvelle pour les femmes. Erich Fromm (1900-1980) et, avec lui, l’école de Francfort ont clairement jugé le protestantisme patricentré : « Le protestantisme […] a accompli un travail minutieux pour expurger les traits matricentrés du christianisme. » » [4]
En résumé, d’après Todd, « le féminisme fut pour une bonne part une réaction au masculinisme protestant. Nous tenons ici une clef interprétative très importante » [5].
Emmanuel Todd voit bien également que ce patricentrisme protestant qui a produit la réaction féministe, est un retour à la Bible hébraïque au détriment de l’Évangile et de son esprit.
Il a donc bien identifié l’origine hébraïque de ce patricentrisme, pour ne pas dire abaissement du statut de la femme. Toutefois, ce que n’a pas repéré l’anthropologue, c’est l’origine juive du féminisme. Il ne voit pas non plus, et là c’est plus grave, toute la tradition féministe juive. Or, il existe une réaction féministe juive importante à la Bible hébraïque et au Talmud.
À propos du phénomène transgenre, l’anthropologue spécialiste des structures familiales affirme que ce type de débat ouvert ne peut avoir lieu que dans un pays protestant, où préexistait à la question transgenre une tradition de transformation du corps rejetée par le catholicisme. Et Todd rappelle que les « stérilisations eugénistes de l’entre-deux-guerres eurent lieu dans des pays protestants. Les stérilisations masculines par vasectomie sont aujourd’hui fréquentes dans le monde anglo-américain » [6].
Là encore, la surreprésentation des juifs dans le mouvement transgenre échappent à Emmanuel Todd. Ajoutons à cela la stérilisation de masse des femmes éthiopiennes pratiquée par Israël qui n’a pas attiré l’attention de Todd [7].
Le féminisme juif intracommunautaire
Le féminisme juif se fait connaître dans les années 1940 dans les milieux du judaïsme libéral qui s’oppose au judaïsme orthodoxe.
En 1946, une tradition juive moderniste appelé massorti modifie le livre de prières juives (siddour) ; le passage « Merci Dieu de ne pas m’avoir fait femme » (Shelo Asani Eisha) est remplacé par « qui a fait de moi une personne libre » [8].
En 1970, Trude Weiss-Rosmarin publie un texte intitulé « The Unfreedom of Jewish Women » (« L’emprisonnement des femmes juives ») et Rachel Adler, une juive orthodoxe écrit un article titré « The Jew Who Wasn’t There : Halacha and the Jewish Woman » (Le juif qui n’était pas là : la Halacha et la femme juive).
Dans ce texte, par exemple, Rachel Adler reproche aux rabbins d’aborder la question du statut de la femme en contournant la Halacha (la loi juive), produisant des interprétations en sélectionnant des Midrashim (textes exégétiques de la Bible hébraïque) et des Agadot (enseignements traditionnels non législatifs) qui ne reflètent pas « la façon dont on doit se comporter avec une femme d’après la loi juive ».
Selon elle : « Notre ultime problème est le fait que nous (les femmes juives) sommes vues d’après la loi juive et en pratique comme étant des peripheral Jews (juifs périphériques). La catégorie dans laquelle nous sommes généralement placée inclus les femmes, les enfants, et les esclaves cananéens. Les membres de cette catégorie sont exemptés de tous les commandements positifs qui interviennent dans des délais précis (Kiddushin 29a). »
Plus loin, elle explique que les maigres mitzvot (commandements) des femmes sont étroitement connectés à des objectifs physiques. Dans le judaïsme, la femme est donc identifiée au gashmiut (le physique) et l’homme au ruchniut (spiritualité). Et elle ajoute :
« Les maîtres du Talmud voyaient l’esprit féminin comme frivole et l’appétit sexuel féminin comme insatiable (Kiddushin 80b [9]). À moins d’être strictement surveillée et chargée de travail, toute femme est potentiellement adultérine (Mishna Ketubot 5:5).
Du point de vue juif, tout objet ou expérience physique peut être infusé par un but spirituel ; également, le physique, qui n’a pas de but spirituel, est une menace. Il est ainsi aisé de comprendre pourquoi la femme est considérée comme semi-démoniaque dans le Talmud et la Kabbale. »
Nous verrons dans les lignes qui suivront que la misogynie excessive du judaïsme va donner naissance à un féminisme tout aussi excessif.
Féminisme juif extracommunautaire
Le féminisme juif, comme nombre de courants du judaïsme, est sorti de la communauté pour étendre la lutte des sexes au reste du monde. Parmi les figures du néo-féminisme, de l’homosexualisme et de la théorie du genre, on trouve nombre de juifs et de juives :
Paulina Perlmutter Steinem (1864-1940), juive née à Radziejow (dans l’actuelle Pologne). Elle est la fille d’un réformiste juif russe, Hayman Hirsch Perlmutter. Paulina était présidente de la National Woman Suffrage Association et une déléguée au Conseil international des femmes de 1908. Elle fut présidente de la Hebrew Associated Charities and Loan Association ; elle a siégé au National Council of Jewish Women.
Paulina est la grand-mère de la féministe Gloria Steinem (né en 1934), fille d’une presbytérienne d’origine écossaise et allemande, Esther, et de Léo Steinem (fils de Paulina). Gloria Steinem est une figure de la « deuxième vague féministe » ; elle s’attaque « aux rouages de la société patriarcale ». Elle milite pour le droit à l’avortement. En 1969 elle écrit un article, « After Black Power, Women’s Liberation », dans le New York Magazine. Texte qui fait d’elle une leader féministe [10].
Le président des États-Unis Jimmy Carter la nomme en 1977 pour sillonner les USA et organiser la National Women’s Conference durant laquelle étaient abordés « la contraception, l’avortement, les soins, l’aide sociale, les droits des homosexuelles, la violence conjugale, l’exclusion des employées de maisons et les lois du travail » [11].
Ruth Bader Ginsburg (1933-2020), fille d’immigrants juifs russes, qui deviendra juge à la Cour suprême des États-Unis (de 1993 à 2020). Elle a cofondé en 1970 le Women’s Rights Law Reporter [12], la première revue juridique américaine qui traite exclusivement des droits des femmes. En 1972, elle cofonde le Women’s Rights Project dans les locaux de l’importante association Union américaine pour les libertés civiles.
Ruth Bader Ginsburg a également défendu la cause homosexuelle [13].
Judith Butler, féministe lesbienne juive qui a reçu une éducation religieuse et dont les travaux portent sur la théorie du genre et l’homoparentalité. Elle vit à Berkeley avec sa compagne Wendy Brown et leur fils, Isaac [14].
Homosexualisme judaïque et militantisme LGBTQ
Dans une étude consacrée à l’homosexualité juive de la France de l’entre-deux-guerres, Jérémy Guedj écrit :
« De ce phénomène, l’entre-deux-guerres constitue à maints égards une séquence d’observation privilégiée car, tout en portant l’héritage du passé, ces années posent les jalons d’une évolution à venir. Période de libération des mœurs après le traumatisme de la Grande Guerre, c’est également celle d’une intense ré-exploration identitaire juive dans le cadre du « Réveil » amorcé dès la fin du XIXe siècle, avant que les années 1930 ne viennent troubler Israël par un antisémitisme qui fait d’ailleurs de l’ »homosexualité juive » l’un de ses thèmes de combat. »
Ce qui nous intéresse ici n’est pas de comptabiliser le nombre de juifs homosexuels, mais plutôt l’homosexualisme comme mouvement faisant la promotion de l’homosexualité. Les juifs de France ont vraisemblablement été influencé par le féminisme et l’homosexualisme judéo-américains (nous avons vu qu’ils allaient de pair, puisque les grandes féministes sont quasi-systématiquement pro-gay, voire homosexuelles elles-mêmes).
Au lendemain de Mai 68 – la dissolution des mœurs et la destruction du monde traditionnel –, l’homosexualité est passé du privé au public. Des juifs homosexuels ont également fait leur coming-out et ont créé une association :
« En 1977, le paysage communautaire juif français s’enrichit d’une nouvelle association, le Beit Haverim (« Maison des amis » en hébreu), qui s’intitule « groupe juif gay et lesbien de France ». L’événement est de taille. Pour la première fois, entrent en symbiose dans l’espace public judaïsme et homosexualité, renvoyant jusqu’alors à deux appartenances, à deux identités – le terme peut être prononcé –, qui paraissaient inconciliables aux yeux d’une importante frange de l’opinion, juive ou non, comme à ceux de certains Juifs homosexuels eux-mêmes. » [15]
Cette association, comme nombre d’organisations juives et LGBT, incarne le communautarisme dans le communautarisme. Elle organise différents rituels d’affirmation de la double identité, juive et homosexuelle : des « Tea Dance » calées sur le calendrier des fêtes juives « jusqu’aux cérémonies d’union modelées sur le rituel du mariage juif traditionnel » [16].
Plus récemment, le mouvement LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans) – auxquels s’ajoutent QIA+ (queers, intersexes, asexuelles) – a été porté en bonne partie par des personnalités juives, tout comme le mouvement féministe et homosexuel. Nous verrons dans la seconde partie pourquoi le transgenre est particulièrement connecté au judaïsme américain.
Le journal en ligne The Times of Israel a consacré un article intitulé « Neuf militants juifs LGBTQ à connaître – De Stonewall à la Cour suprême, les Juifs américains sont en première ligne pour défendre les droits LGBTQ » [17].
Jazz Jennings est un garçon que ses parents ont fait vivre sous identité féminine depuis l’âge de 3 ans. À l’adolescence il commence son traitement hormonal.
« Née avec un nom de famille plus long et « très juif », selon ses propres mots – a accompli beaucoup de choses pour une adolescente de 15 ans : elle est une star de la téléréalité, une auteure publiée et une égérie de la campagne Clear & Clear de Johnson & Johnson. (Elle était également la plus jeune maîtresse de cérémonie lors de la marche des fiertés de New York, dimanche).
Elle a connu la célébrité dès ses sept ans, quand elle est devenue l’une des plus jeunes personnes diagnostiquée d’une dysphorie de genre – une condition dans laquelle une personne expérimente une détresse clinique envers le genre qui lui a été assigné à la naissance (dans le cas de Jennings, le genre masculin). Le livre de Jennings et son show sur TLC, « Je suis Jazz », qui se concentre sur sa vie et ses obstacles en tant qu’adolescente transgenre, ont fait d’elle le visage officieux de la jeunesse transgenre américaine. »
L’homme politique américain Barney Frank, marié à un homme.
Tony Kushner, dramaturge, auteur d’une pièce de théâtre Angels in America : A Gay Fantasia on National Themes (Des anges en Amériques : une fantaisie gay sur des thèmes nationaux). Œuvre pour laquelle il a reçu le prix Pulitzer.
Abby Stein qui « descend d’une longue lignée de rabbins hassidiques influents. Cela a rendu sa décision de quitter la communauté orthodoxe haredi encore plus choquante. Les deux transitions de Stein – du monde hassidique vers le monde séculier, puis d’homme à femme – ont fait les gros titres, du New York Post au Daily Mail. »
L’écrivain Larry Kramer. « Son roman, Pédés (Faggots), publié en 1978, sur le mode de vie hédoniste de nombreux hommes gays de New York à l’époque, lui a attiré des ennemis, gays comme hétérosexuels. Sa pièce semi-autobiographique Un cœur normal (A normal heart), en 1985, et inspirée par une visite du camp de concentration de Dachau, mettait en scène un militant gay en colère contre les stratégies plus polies adoptées par ses collègues. Kramer est le cofondateur de Gay Men’s Health Crisis, une organisation très influente qui est maintenant l’une des plus investies dans la lutte contre le sida, mais a dû la quitter à cause de son tempérament belliqueux. Il a finalement fondé la Coalition du sida, ACT UP.
On se souviendra de Kramer comme l’une des figures les plus importantes de l’histoire du militantisme LGBTQ. Et sa vue du monde était, indubitablement, modelée par son identité juive. »
« Dans un sens, comme beaucoup d’hommes juifs de la génération de Larry, la Shoah est un moment historique déterminant, et ce qui s’est passé au début des années 80 avec le sida était comme une seconde Shoah pour Larry », avait déclaré Tony Kushner en 2005.
La femme lesbienne et rabbin Denise Eger, présidente de la Conférence centrale des rabbins américains du mouvement réformiste. « Le mouvement réformiste est de loin le courant juif le plus populaire aux États-Unis, et la Conférence centrale des rabbins américains la plus grande et la plus vieille organisation rabbinique d’Amérique du Nord. Le parcours professionnel et militant d’Eger – de son coming out dans un article du Los Angeles Times en 1990 à la création de la synagogue LGBTQ-friendly Kol Ami en 1992, à Los Angeles – ressemble fortement à l’évolution des droits LGBTQ aux États-Unis. »
- Le rabbin Denise Eger, au centre, lit la Torah pendant son intronisation comme présidente de la Conférence centrale des rabbins américains, le 16 mars 2015.
(Crédits : David A.M. Wilensky)
La femme rabbin Toba Spitzer, devenue présidente de l’association rabbinique reconstructionniste en 2007, est la première personne ouvertement lesbienne ou gay choisie pour diriger une association rabbinique aux États-Unis.
Evan Wolfson, « avocat juif, l’homme reconnu comme architecte » du mouvement pour le mariage homosexuel.
« Étudiant en droit à Harvard en 1983, Wolfson a écrit une thèse sur les bases légales pour le mariage entre personnes du même sexe, bien avant que le sujet ne soit sérieusement considéré dans n’importe quel pays du monde. Son livre Pourquoi le mariage importe : l’Amérique, l’égalité et le droit des gays au mariage, l’a fait entrer dans la liste du Time des 100 personnes les plus influentes, en 2004. L’association à but non lucratif Freedoom to Marry (liberté de se marier), qu’il a fondée en 2003, a été créditée comme agent d’influence de la décision de la Cour suprême en 2015 de protéger le mariage gay dans chaque État.
La brillante stratégie de Wolfson était de changer la façon dont les gens considèrent le mariage pour tous – de les convaincre qu’il s’agit d’une liberté qui doit être protégée constitutionnellement. »
Le rabbin Steven Greenberg, de Boston, a été « le premier rabbin orthodoxe ouvertement gay, ayant fait son coming out en 1999. Ce n’était pas une tâche aisée, car être gay et membre de la communauté orthodoxe n’était pas, et n’est toujours pas, entièrement accepté… C’était donc un événement très important – et peut-être une validation de son travail pour la communauté – quand un groupe de rabbins orthodoxes a participé, en 2015, à une discussion sur le traitement des juifs orthodoxes LGBTQ. Greenberg, qui a été ordonné par le séminaire rabbinique orthodoxe de la Yeshiva University, a aidé à la fondation d’Eshel, une organisation nationale de soutien et d’éducation pour orthodoxes LGBT. »
Greenberg a initié la conversation sur « l’acceptation des LGBTQ dans la communauté orthodoxe ». Son livre, Lutter avec Dieu et les Hommes : l’homosexualité dans la tradition juive, a gagné le prix du livre juif de la Fondation Koret en 2005.
Edith Windsor (née Schlain le 20 juin 1929 et morte le 12 septembre 2017). Née dans une famille d’immigrants juifs, cette militante des droits LGBT était la principale plaignante dans l’affaire United States versus Windsor (les États-Unis contre Windsor) qui a annulé en 2013 l’article 3 de la loi Defense of Marriage Act qui limitait le mariage aux personnes de deux sexes différents. Cette décision a contribué à étendre « les droits, privilèges et avantages aux couples mariés de même sexe » [18].
Edith Windsor était membre de la synagogue non confessionnelle de Congrégation Beit Simchat Torah qui s’est décrite comme la plus grande synagogue LGBT du monde [19].
Par ailleurs, la première femme à se déclarer imam en France, Kahina Bahloul, laquelle promeut un islam libéral, est française, algérienne et sa grand-mère maternelle est juive ashkénaze polonaise (du point de vue du judaïsme, elle est juive, puisque la judéité se transmet par la mère).
La théorie du genre : du XIXe au XXIe siècle
Tentons maintenant de retracer les différentes étapes de l’évolution de la théorie du genre qui est désormais enseignée aux enfants dans nombre de pays occidentaux.
Celui qui est considéré comme le précurseur de la théorie du genre est un universitaire homosexuel allemand du XIXe siècle, Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895). Ulrichs était le fils d’un pasteur luthérien, il a étudié la théologie et la jurisprudence à l’université de Göttingen.
Ulrichs développe le concept de « troisième sexe ». Il explique et résume la nature d’une relation amoureuse entre deux hommes par cette expression en latin « anima muliebris virili corpore inclusa » (une âme de femme dans un corps d’homme). On ne parle pas encore d’homosexualité à l’époque, mais Ulrichs utilise les termes d’uranien/ne et dionysien/ne, en référence aux divinités grecques Aphrodite (née d’un homme, le dieu Uranus) et une autre Aphrodite (née d’une femme, la déesse Dioné).
En son hommage, l’International Lesbian and Gay Association a créé le prix Karl Heinrich Ulrichs.
Le psychologue et sexologue néozélandais John Money (1921-2006) – issu d’une famille appartenant à une secte dite chrétienne, les Frères de Plymouth – introduit la notion de « rôle de genre » d’après laquelle les rôles de l’homme et de la femme ne seraient pas prédéterminés par le biologique mais par les attentes sociales.
À l’université Johns Hopkins (Baltimore, États-Unis) où John Money était professeur de pédiatrie, il participe au département sur les comportements sexuels (Sexual Behaviors Unit), qui lança des études sur la chirurgie de réattribution sexuelle. Ce qui l’a amené à pratiquer, dans les années 1960, une opération chirurgicale de « réattribution sexuelle » sur un bébé de 22 mois, David Reimer. L’enfant en question ne s’est jamais considéré comme une fille. À quinze ans il voulut reprendre son identité masculine, et par la suite il publia son histoire pour décourager les réassignations sexuelles. Il s’est suicidé à 38 ans [20].
La Société allemande pour la recherche socio-scientifique sur la sexualité décerne à John Money la médaille Magnus Hirschfeld en 2002.
Robert Stoller (1925-1991), né à New York de parents immigrés juifs russes, est un psychiatre et psychanalyste. Il créa en 1954 un centre sur l’étude de l’identité sexuelle, la Gender Identity Research Clinic. « C’est là qu’il conceptualisa pour la première fois la notion de gender (genre) pour désigner le sentiment de l’identité sexuelle, par opposition au sexe, qui définit l’organisation anatomique de la différence entre le masculin et le féminin. De là naîtront les études contemporaines sur le genre (gender studies). » [21]
En 1968, il publie un ouvrage devenue une référence, Recherches sur l’identité sexuelle à partir du transsexualisme (Gallimard, 1978), « dans lequel, à travers de très nombreux récits de cas, il revisitait toute la théorie freudienne de la sexualité pour désigner clairement le transsexualisme comme un trouble de l’identité sexuelle caractérisé par la conviction inébranlable d’un sujet d’appartenir au sexe opposé. Tout en montrant que ce trouble était purement psychique, Stoller ne s’opposait pas à l’idée du recours à la chirurgie. Mais surtout, au lieu de juger ou de classer, avec la froide objectivité d’un prétendu idéal de la science, il parlait de la souffrance des transsexuels, de leur vécu, de leur subjectivité. Aussi bien inversait-il radicalement le regard que la clinique avait porté sur eux depuis des lustres. »
En 1974 il publie The Transsexual Experiment (L’expérience transsexuelle). « Comment se construit l’identité des personnes, notamment leur identité masculine et féminine ? Quelle est la part du biologique et du psychique dans ce processus ? Qu’est-ce qui serait donné au départ aux individus et qu’est-ce qui se construirait au cours de leur existence ? À plusieurs reprises, Stoller souligne le caractère novateur mais également inachevé de ses recherches. » [22]
Si Stoller reconnaît la perversion, il ne la considère pas comme néfaste, parce que les pervers peuvent, selon lui, par la sublimation, se découvrir autres que ce qu’ils croyaient être, ou encore devenir de grands créateurs. Il condamne par contre avec virulence la psychanalyse qui considérait, depuis Freud, l’homosexualité comme une perversion :
« Le psychanalyste s’adonne au discours sur la morale comme l’ivrogne à la boisson. Je n’ai nullement l’intention de me joindre à ces augustes censeurs du comportement sexuel qui se chargent de dire si la liberté sexuelle est bonne ou mauvaise pour la société ou qui se prononcent sur les lois et la façon dont elles devraient être appliquées pour garantir notre ordre moral. » [23]
Les théoriciens iront toujours plus loin dans l’indistinction des sexes et le découplage du biologique et la psyché.
Gayle S. Rubin (né en 1949), féministe américaine, née dans une famille juive, est la première anthropologue à utiliser le terme de « genre ». Elle élabore la notion de « système de sexe/genre », qu’elle définit ainsi :
« L’ensemble des dispositions par lesquelles une société transforme la sexualité biologique en produits de l’activité humaine et dans lesquelles ces besoins sexuels transformés sont satisfaits…
Le genre est une division des sexes socialement imposée. Il est le produit des rapports sociaux de sexualité. Les systèmes de parenté reposent sur le mariage. Ils transforment donc des mâles et des femelles en « hommes » et en « femmes », chaque catégorie étant une moitié incomplète qui ne peut trouver la plénitude que dans l’union avec l’autre. Hommes et femmes sont, bien sûr, différents. Mais ils ne sont pas aussi différents que le jour et la nuit, la terre et le ciel, le yin et le yang, la vie et la mort. En fait, si l’on s’en tient à la nature, les hommes et les femmes sont plus proches entre eux que les uns ou les autres ne le sont de quoi que ce soit d’autre – par exemple les montagnes, les kangourous ou les cocotiers. L’idée que les hommes et les femmes sont plus différents qu’ils ou elles ne le sont de toute chose autre doit provenir d’un lieu qui n’est pas la nature. […] Loin d’être l’expression de différences naturelles, l’identité de genre exclusive est la suppression de similitudes naturelles. Et ceci exige la répression : chez les hommes, de ce qui est la version locale (quelle qu’elle soit) des traits « féminins », chez les femmes, de ce qui est la définition locale des traits « masculins ». »
Le néo-féminisme est directement lié au transsexualisme, puisqu’il mène à l’indifférenciation radicale : « Le mouvement féministe doit rêver à bien plus encore qu’à l’élimination de l’oppression des femmes. Il doit rêver à l’élimination des sexualités obligatoires et des rôles de sexe. Le rêve qui me semble le plus attachant est celui d’une société androgyne et sans genre (mais pas sans sexe) où l’anatomie sexuelle n’aurait rien à voir avec qui l’on est, ce que l’on fait, ni avec qui on fait l’amour. » [24]
Gayle S. Rubin fonde avec Patrick Califia [25] (une femme lesbienne devenue un homme trans bi-sexuel), Samois, le premier groupe de lesbienne sadomasochiste connu [26].
La sociologue féministe Ann Oakley, affirmera quant à elle que « le genre n’a pas d’origine biologique, […] les connexions entre sexe et genre n’ont rien de vraiment « naturel » » [27].
Pour Judith Butler, la féministe judéo-américaine que nous avons mentionné plus haut, c’est le genre qui construit le sexe, les différences biologiques ont une importance mineures. Le genre est une construction culturelle selon elle : « Une série d’actes répétés […] qui se figent avec le temps de telle sorte qu’ils finissent par produire l’apparence de la substance, un genre naturel de l’être. » [28]
Ces théories sont aussi défendues par la neurobiologiste juive française Catherine Vidal, qui affirme qu’« à la naissance, le bébé humain ne connaît pas son sexe » et si les femmes et les hommes adoptent des comportements de genre stéréotypés, « la raison tient d’abord à une empreinte culturelle rendue possible grâce aux propriétés de plasticité du cerveau humain » [29].
Des études scientifiques ont invalidé ces théories. D’après la neuro-scientifique Sandra Witelson, les scanners IRM montrent qu’« il y a des centaines de différences anatomiques et chimiques entre les cerveaux masculins et féminins » ; elle ajoute que, dès la cinquième semaine de gestation, la testostérone change à jamais les embryons mâles ainsi que leur cerveau. Selon Apostolos Georgopoulos, professeur de neuroscience, « les cerveaux des femmes sont définitivement différents de ceux des hommes » [30].
En 2017, la plus grande étude sur le sujet, réalisée sur 2 750 femmes et 2 466 hommes et publiée dans Science [31], a mis en évidence que si les cerveaux masculins et féminins sont en majeure partie similaires, il existe des différences physiques importantes. Le cortex des cerveaux féminins est ainsi plus épais, tandis que le volume cérébral des cerveaux masculins est plus important.
Les sciences dures, l’anthropologie et la sociologie peuvent et doivent être utilisées dans la lutte contre ces théories qui s’attaquent aux enfants et pourraient donc détruire à terme les sociétés. Il me semble également fondamental dans ce combat de remonter jusqu’à la genèse des idéologies LGBT pour identifier les causes, comprendre les mécanismes et les finalités de ces mouvements ; et c’est ce que je tenterai de faire dans la seconde partie à venir.
Youssef Hindi
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