Par Paul D. Eaton, Antonio M. Taguba et Steven M. Anderson – Le 17 décembre 2021 – Source Washington Post
À l’approche du premier anniversaire de l’insurrection meurtrière au Capitole des États-Unis, nous, tous d’anciens hauts responsables militaires, sommes de plus en plus préoccupés par les conséquences de l’élection présidentielle de 2024 et par le risque d’un chaos meurtrier au sein de notre armée, qui ferait courir de graves risques à tous les Américains.
Paul D. Eaton est major général de l’armée américaine à la retraite et conseiller principal de VoteVets. Antonio M. Taguba est major général de l’armée de terre à la retraite, avec 34 ans de service actif. Steven M. Anderson est général de brigade à la retraite ayant servi dans l’armée américaine pendant 31 ans.
En bref : nous sommes glacés jusqu’aux os à l’idée que, la prochaine fois, un coup d’État réussisse.
L’une des forces de notre armée est qu’elle puise dans la diversité de notre population. C’est une collection d’individus, tous avec des croyances et des antécédents différents. Mais sans un constante vigilance, le risque d’un effondrement militaire reflétant un effondrement sociétal ou politique est très réel.
Les signes d’une agitation potentielle dans nos forces armées sont là. Le 6 janvier, un nombre inquiétant d’anciens combattants et de militaires en service actif ont participé à l’attaque du Capitole. Plus d’une personne sur dix accusée d’avoir participé aux attaques avait des états de service. Un groupe de 124 militaires retraités, sous le nom de « Flag Officers 4 America », a publié une lettre faisant écho aux attaques erronées de Donald Trump contre la légitimité de nos élections.
Récemment, et c’est encore plus inquiétant, le général de brigade Thomas Mancino, commandant de la Garde nationale de l’Oklahoma, a refusé un ordre du président Biden exigeant que tous les membres de la Garde nationale soient vaccinés contre le coronavirus. Mancino a fait valoir que si la Garde de l’Oklahoma n’est pas mobilisée au niveau fédéral, son commandant en chef est alors le gouverneur républicain de l’État, et non le président.
Le risque d’une rupture totale de la chaîne de commandement selon des critères partisans, du sommet de la chaîne jusqu’au niveau des troupes, est important si une autre insurrection devait se produire. L’idée que des unités rebelles s’organisent entre elles pour soutenir le commandant en chef « légitime » ne peut être écartée.
Imaginez des commandants en chef concurrents – un Biden nouvellement réélu donnant des ordres, contre Trump (ou toute autre figure trumpienne) donnant des ordres à la tête d’un gouvernement fantôme. Pire encore, imaginez des politiciens au niveau de l’État et au niveau fédéral installant illégalement un candidat perdant à la présidence.
Tous les membres du service prêtent serment de protéger la Constitution des États-Unis. Mais dans une élection contestée, avec des loyautés divisées, certains pourraient suivre les ordres du commandant en chef légitime, tandis que d’autres pourraient suivre le perdant trumpien. Les armes pourraient ne pas être sécurisées selon la personne qui les surveille. Dans un tel scénario, il n’est pas exagéré de dire qu’un effondrement militaire pourrait conduire à une guerre civile.
Dans ce contexte, si notre armée était affaiblie et divisée, la sécurité des États-Unis serait paralysée. N’importe lequel de nos ennemis pourrait prendre l’avantage en lançant un assaut total contre nos actifs ou nos alliés.
Le manque de préparation militaire face aux conséquences de l’élection de 2020 était frappant et inquiétant. Le secrétaire à la défense par intérim de Trump, Christopher C. Miller, a déclaré qu’il avait délibérément refusé d’assurer la protection militaire du Capitole avant le 6 janvier. Le général Mark A. Milley, président des chefs d’état-major interarmées, aurait fait des pieds et des mains pour s’assurer que les chaînes de défense nucléaire de la nation étaient à l’abri d’ordres illégaux. Il est évident que l’ensemble de notre armée a été pris au dépourvu.
Alors que le pays est toujours aussi divisé, nous devons prendre des mesures pour nous préparer au pire.
Premièrement, tout doit être fait pour empêcher une nouvelle insurrection. Pas un seul dirigeant qui l’a inspirée n’a eu à rendre des comptes. Nos élus et ceux qui font respecter la loi – y compris le ministère de la Justice, la commission d’enquête de la Chambre des représentants et l’ensemble du Congrès – doivent faire preuve de plus de sens de l’urgence.
Mais les militaires ne peuvent pas attendre que les élus agissent. Le Pentagone devrait immédiatement ordonner un examen d’instruction civique pour tous les membres – en uniforme et civils – sur la Constitution et l’intégrité électorale. Il faut également revoir les lois de la guerre et la manière d’identifier et de traiter les ordres illégaux. Et il doit renforcer « l’unité de commandement » afin que chaque membre du département de la défense sache parfaitement à qui il doit répondre. Aucun militaire ne devrait pouvoir dire qu’il n’a pas compris de qui il devait recevoir des ordres dans le pire des scénarios.
En outre, toutes les branches militaires doivent entreprendre un travail de renseignement plus intensif dans toutes les installations. L’objectif doit être d’identifier, d’isoler et d’éliminer les mutins potentiels, de se prémunir contre les efforts des propagandistes qui utilisent la désinformation pour subvertir la chaîne de commandement et de comprendre comment cette désinformation et d’autres se propagent dans les rangs après avoir été introduites par les propagandistes.
Enfin, le ministère de la Défense devrait faire des simulations d’une prochaine tentative d’insurrection ou de coup d’État post-électoral afin d’identifier les points faibles. Il doit ensuite procéder à un débriefing de haut en bas de ses conclusions et commencer à mettre en place des garanties pour prévenir les risques, non seulement dans l’armée, mais aussi dans toute agence qui travaille main dans la main avec l’armée.
Les militaires et les législateurs ont le recul nécessaire pour empêcher qu’une autre insurrection ne se produise en 2024, mais ils ne réussiront que s’ils prennent des mesures décisives maintenant.
Paul D. Eaton, Antonio M. Taguba et Steven M. Anderson
Notes du Saker Francophone
Comme le fait remarquer Russia Today dans l’article qui nous a mené a cette lettre : « Les généraux semblent apparemment écarter la possibilité que le président américain Joe Biden ne soit pas réélu. »
Nous vous recommandons aussi de lire l’intéressante analyse de ce texte faite par DeDefensa.
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Adblock test (Why?)
Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone