À un moment crucial de notre histoire, où des décisions sur l’immigration et la protection du français doivent être prises pour assurer la survie de la nation, notre Premier ministre entraîne son peuple vers un autre défi, soit d’augmenter le nombre de joueurs de hockey québécois dans la Ligue nationale. Sachant qu’il ne peut pas livrer la marchandise sur les enjeux essentiels, pour préserver son image de fervent nationaliste, il tente de miser sur un enjeu moins contesté.
J’ai un garçon qui joue dans le hockey organisé depuis six ou sept ans et je m’implique à chaque année en étant gérant de son équipe. Je sais bien que le système mérite d’être revu. Cependant les commentaires de François Legault démontrent qu’il devrait laisser les experts faire leur travail. Ils reflètent aussi des valeurs qui ne sont pas particulièrement québécoises. En dehors du hockey scolaire, il serait difficile et très couteux de faire fonctionner autant d’équipes de hockey sans la contribution de parents bénévoles. Il serait peut-être nécessaire que les parents entraîneurs soient mieux encadrés par des professionnels dotés de certains pouvoirs. Les parents dirigent généralement l’équipe de leur enfant et ils sont ainsi toujours en conflits d’intérêts, notamment au moment de l’évaluation des joueurs. En raison du peu de contrôle par Hockey Québec, les beaux principes de l’organisation sont bafoués dans les arénas. Les principes sautent parce ce qui compte ce sont les victoires et les championnats, pas de participer et de s’amuser.
Le hockey est un sport d’équipe mais ce sont les performances individuelles qui sont valorisées. Patiner d’un bout à l’autre de la patinoire pour aller mettre la rondelle dans le filet, passer la rondelle seulement quand on est mal pris, c’est ce qu’on applaudit, c’est ce qui garantit une place en double lettre (AA ou BB). La sélection fonctionne, ce sont quand même les meilleurs joueurs qui se retrouvent en double lettre, mais dès leur début en hockey on les a traités comme des vedettes. La discipline, le jeu d’équipe ça vient seulement plus tard, avec les entraineurs professionnels. On commence à former des équipes doubles lettres alors que les jeunes sont encore des enfants. Le hockey adulte c’est un sport très physique et bien des jeunes classés en double lettre doivent abandonner à seize ans. De plus, les jeunes joueurs simples lettres peuvent se sentir exclus, considérés comme nuls et souvent ils abandonnent, comme plusieurs parents, alors qu’à l’adolescence une poussée de croissance aurait pu leur donner la vitesse nécessaire pour devenir compétitif. Heureusement il y a des parents entraîneurs qui réussissent à retenir beaucoup de jeunes et à faire fonctionner des équipes simples lettres. Mon fils joue dans les petites ligues comme les appelle François Legault, en opposition aux équipes doubles lettres, et pour moi le hockey à 13 ans demeure une activité importante, enseignant la discipline, le dépassement de soi et l’esprit d’équipe.
Ce sont juste mes impressions de parents, sur la réorganisation du hockey mineur je vais aussi laisser les experts faire leur travail. Ce qui me dérange, c’est l’orientation donnée à la réorganisation par François Legault. Pour trop de parents, même chez les bénévoles, c’est l’obsession de la Ligue nationale qui est la principale motivation et c’est cette obsession que le Premier ministre a décidé d’encourager.
Il n’y aurait pas assez de joueurs québécois dans la Ligue nationale. Combien est-ce qu’il en faut? Il y en a beaucoup et de très bons. À une certaine époque, une bonne formation académique n’étant pas pour tout le monde, le hockey professionnel pouvait être considéré comme une carrière de rêve pour plusieurs jeunes et leurs parents. De nos jours, abandonner le hockey intensif à seize ans pour se consacrer à ses études ce n’est certainement pas une perte pour la société. Et on s’amuse beaucoup dans les ligues de garage. S’il y avait une Équipe nationale du Québec chez les moins de 18 ans, ça pourrait sûrement motiver plusieurs jeunes à concilier les études et le hockey. Continuer à jouer sérieusement au hockey si on a un talent exceptionnel et si on peut espérer être une vedette de la LNH ça peut être tentant mais s’il faut se faire crever à l’entraînement tous les jours, et perdre toutes ses dents, à coup de deux ou trois à la fois, pour espérer devenir un Brendan Gallagher ou un Cédric Paquette, c’est moins intéressant.
Par ailleurs, des joueurs de hockey talentueux peuvent ne pas être intéressés par une carrière dans la ligue nationale, à cause des valeurs commerciales qui y prédominent. Les propriétaires encaissent les gros profits et les joueurs sont trop contents de passer à la caisse. On a l’impression qu’il n’y en a pas beaucoup qui s’amusent. Une vedette multimillionnaire, vedette depuis l’enfance, décide de se mettre à consommer de la drogue et y prend goût. Ses performances sur la glace en souffrent et s’il avait été pris il aurait été blâmé sévèrement : quel exemple à donner aux jeunes. Ses relationnistes lui proposent de se confesser publiquement avant d’être dénoncé, ça fonctionne, aucun blâme. Unanimement on salue son courage d’avoir avoué sa faute et on assimile son courage à celui bien réel des personnalités qui révèlent avoir subi des abus.
Legault est un beau parleur. Sa vision politique c’est que ce sont les entreprises qui créent la richesse et que le premier rôle du gouvernement c’est d’aider les entreprises à réussir. Les entrepreneurs savent ce qu’il faut faire, il faut les écouter. S’il y plus de richesse, il y en aura plus pour tout le monde. Le premier ministre n’est pas le seul naïf. Il y a des analystes politiques chevronnés qui croient encore que si tous les groupes se concertent et mettent de l’eau dans leur vin, surtout les syndicats, on arrivera à créer une société juste. La politique ne peut pas fonctionner comme ça. Les groupes d’intérêt doivent défendre leurs intérêts, le gouvernement doit arbitrer les conflits et convaincre la population qu’il fait les bons choix.
Pour atteindre son objectif de former un gouvernement au service des milieux d’affaires, le Premier ministre a misé sur une image très nationaliste. Il a compris que, même impuissant, le nationalisme des Québécois est toujours très fort. Ses amis entrepreneurs le laissent parler de partage de la richesse, de bons services publics et d’identité québécoise, tant qu’il ne franchit pas certaines limites. Ils veulent absolument envoyer leurs enfants perfectionner l’anglais dans des cégeps anglophones, les vraies affaires ça se passe en anglais. Ils veulent aussi plus d’immigration pour faire grossir leurs entreprises.
Le premier ministre devrait comprendre que ce sont le plus souvent des familles qui arrivent, que cela crée des pénuries de main-d’œuvre ailleurs, notamment dans les services publics, et que ce sont les Québécois qui paient par leurs impôts les services publics pour une bonne proportion de ces nouvelles familles. Le plus grave, on sait que la plupart boudent le français, une garantie de notre minorisation. Mis à part l’appel aux travailleurs temporaires, la première solution à la pénurie de main-d’œuvre c’est de cesser d’aider à survivre les entreprises qui ne peuvent pas payer des salaires suffisants. Leurs employés trouveront facilement un meilleur emploi ailleurs.
François Legault savait ce qui l’attendait sur le front identitaire, il n’avait pas trop promis. Maintenant il patine et le spectacle continue.
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