Selon les informations obtenues par Radio-Canada, le gouvernement de Justin Trudeau devrait à nouveau permettre aux migrants, d’ici la fin du mois, de passer par ce point d’entrée irrégulier pour y faire une demande d’asile.
Situé à la frontière canado-américaine, à Saint-Bernard-de-Lacolle, le chemin Roxham est fermé depuis la fin mars 2020. Concrètement, sauf pour de rares exceptions, les personnes qui tentent d’emprunter cette voie sont renvoyées aux États-Unis.
Annoncée par décret, cette mesure fédérale, qui prend officiellement fin le 21 novembre, ne devrait pas être renouvelée.
La mesure ne visait pas nommément le chemin Roxham, mais interdisait à tout étranger d’entrer au Canada, en provenance des États-Unis, pour y faire une demande d’asile hors d’un point d’entrée terrestre, soit un poste frontalier.
Or, le chemin Roxham était le point d’entrée irrégulier devenu, au fil des années, le plus populaire au pays.
Des nouveaux
chemins Roxham
Cette popularité est née en raison des contraintes, pour ces immigrants, liées à l’Entente sur les tiers pays sûrs. Entré en vigueur en 2004, cet accord, signé avec les États-Unis, oblige les migrants à présenter leur demande d’asile dans le premier pays sûr
qu’ils traversent.
Ainsi, les personnes vivant ou passant par les États-Unis n’ont, légalement, pas le droit de faire une telle demande au Canada. Mais cette entente ne vise que les postes frontaliers, ce que n’est pas le chemin Roxham.
Même si les migrants arrivant à cet endroit sont renvoyés aux États-Unis depuis la fin de l’hiver 2020, l’arrivée de personnes en situation irrégulière n’a jamais été complètement stoppée au Québec.
En moyenne, entre avril 2020 et juillet dernier, un peu moins de 25 demandeurs d’asile ont été interceptés, mensuellement, par les agents de la Gendarmerie royale canadienne (GRC
), contre près d’un millier par mois avant la pandémie.Mais, depuis cet été, on voit de plus en plus de personnes qui arrivent au Québec
, affirme Stéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI ).
À l’instar de plusieurs de ses collègues, elle tire la sonnette d’alarme. De nouveaux
chemins Roxham ont été repérés par des passeurs
et des migrants, en raison de la fermeture du passage de Saint-Bernard-de-Lacolle.
Ils trouvent un chemin sur Google Maps, ils marchent à travers les bois, puis appellent un taxi et arrivent à Montréal.
Il y a du bouche-à-oreille qui se fait. Ils ne prennent pas toujours le même chemin. C’est inquiétant
, juge-t-elle.
Officiellement, la GRCpas vraiment une recrudescence
. Mais les chiffres illustrent le contraire.
Alors que 11 personnes ont été interceptées au Québec en juin, on en dénombrait 63 en août, puis 150 en septembre. Les données pour octobre n’ont pas été rendues publiques, mais l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC
) nous a confirmé que la tendance est toujours à la hausse.Des craintes pour la sécurité
Même si l’on reste encore loin des années 2017 et 2018, où des vagues de plusieurs milliers de personnes arrivaient au pays par le chemin Roxham, cette situation inquiète.
Avant, avec Roxham, c’était parfait. C’était discipliné, sécurisé, on pouvait contrôler qui entrait, avance Chantal Ianniciello, avocate en immigration. Les agents pouvaient prendre les empreintes digitales.
Ces gens sont fatigués d’attendre aux États-Unis sans pouvoir demander l’asile au Canada. Plusieurs décident de venir, de passer par un champ ou ailleurs. Ils rentrent par n’importe quel endroit.
Le chemin Roxham, finalement, ça a fait un peu l’affaire de tout le monde, confie Stéphanie Valois. C’était sécurisé et on savait où étaient ces personnes. Maintenant, si elles ne viennent pas nous voir pour demander l’asile, on ne sait pas où elles sont.
Avec l’hiver qui arrive, on a peur de voir des gens geler, se perdre, peut-être mourir. Sans compter tous ceux qui vont passer sous notre radar, qu’on ne verra jamais
, reprend Chantal Ianniciello.
La GRCune préoccupation
, tout en assurant être équipée
pour suivre la trace de ces migrants. On a la technologie nécessaire
, glisse le caporal Charles Poirier, sans donner davantage de détails.
Il y a des passeurs qui vont faciliter la traverse des gens, en les faisant passer dans des bois ou des marais. Avec l’hiver, ça devient préoccupant.
Une abolition de l’Entente sur les tiers pays sûrs toujours réclamée
Mais la réouverture du chemin Roxham n’est pas la solution miracle. Loin de là, clame l’avocat Stéphane Handfield.
Qu’on ferme ou qu’on rouvre Roxham, on va continuer de vivre ce type de situation. C’est le résultat d’un problème qu’on dénonce depuis des années. Même si les autorités trouvent un nouveau passage et qu’on le ferme, ça recommencera. C’est la triste réalité
, souligne-t-il.
Il faut abolir l’Entente sur les tiers pays sûrs
, assure Stéphane Handfield. Si on le fait, les migrants ne se cacheraient plus et ils pourraient se présenter à point de contrôle officiel.
Fermer Roxham sans régler le problème de l’Entente, ça ne fait que déplacer un problème qui est important. On met en péril la santé et la sécurité de femmes et d’enfants.
Cette Entente a récemment fait l’objet d’une contestation judiciaire. L’an passé, la Cour fédérale l’avait jugée inconstitutionnelle mais, à la demande du gouvernement Trudeau qui avait saisi les tribunaux, la Cour d’appel a annulé ce jugement.
Alors que des avocats en immigration préparent un dossier pour saisir la Cour suprême, la plus haute instance fédérale, le Bloc québécois demande au gouvernement Trudeau d’agir dès maintenant
.
Même si c’est un problème complexe, la solution est simple, facile et elle existe
, indique le député Alexis Brunelle-Duceppe. Ottawa peut unilatéralement suspendre cette entente
, précise-t-il, en citant un article de ce document.
Saisissons l’opportunité pour régler ce problème-là une fois pour toutes. Si on rouvre le chemin Roxham, on revient au même problème qu’on avait prépandémie.
Cette suspension réglerait plusieurs problèmes
. Les gens pensent qu’on [le Bloc québécois] veut fermer le chemin Roxham parce qu’on ne veut pas voir rentrer trop de personnes, mais ce n’est pas ça du tout
, spécifie l’élu, en évoquant la sécurité
de ces migrants.
Ils n’auront plus peur. Là, des passeurs les font passer par d’autres chemins et ils le font au péril de leur vie. [Avec une suspension de l’Entente] ils arriveraient de manière sécuritaire au poste frontalier pour faire leur demande d’asile.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec