Par Moon of Alabama – Le 22 octobre 2021
La semaine dernière, j’ai fait une remarque sur les négociations avec l’Iran :
Les discussions diplomatiques avec l’Iran n’échoueront que si l’administration Biden remet en question l’accord nucléaire et ne lève pas les sanctions imposées à l’Iran par l’administration Trump. Le seul problème est que Biden veut plus de concessions de la part de l’Iran que ce dernier avait accepté dans le cadre de l’accord JCPOA.
Nous apprenons maintenant que Biden ne veut pas seulement plus de concessions de la part de l’Iran mais qu’il veut aussi pouvoir réimposer des sanctions même si des concessions ont été accordées par l’Iran.
Biden veut le beurre et l’argent du beurre.
Trita Parsi, qui dispose d’excellentes sources sur les questions relatives à l’accord nucléaire (JCPOA), écrit pour Responsible Statecraft :
Un tournant crucial dans les négociations s’est produit au début du mois de mai de cette année. Les Iraniens avaient insisté sur des engagements juridiques contraignants les États-Unis à respecter leur signature et ne plus renier le JCPOA, s’il devait être relancé. Bien que l’équipe américaine ait trouvé la demande iranienne compréhensible, elle a insisté sur le fait qu’elle ne pouvait pas lier les mains de la prochaine administration, ni garantir qu’une future administration hostile au JCPOA ne l’abandonnerait pas à nouveau.
Mais selon des diplomates occidentaux et iraniens impliqués dans les négociations, les Iraniens ont ensuite revu leurs exigences à la baisse et ont demandé que M. Biden s’engage simplement à respecter l’accord jusqu’à la fin de son propre mandat, à condition que l’Iran s’y conforme également. Selon ces sources, l’équipe de négociation américaine a ramené la question à Washington mais, à la surprise de Téhéran et d’autres, la Maison Blanche n’était pas prête à prendre un tel engagement, invoquant des obstacles juridiques. Au lieu de cela, elle a proposé des modifications du texte de négociation qui n’allaient pas jusqu’à un engagement juridique.
C’est une chose que l’Iran ne peut accepter. Les États-Unis réintégreraient l’accord nucléaire et lèveraient certaines sanctions. L’Iran démantèlerait en parallèle les progrès qu’il a réalisés ces trois dernières années en matière de développement nucléaire et perdrait ainsi son pouvoir de négociation. Biden réimposerait alors les sanctions qu’il avait levées pour demander un renforcement des restrictions sur le programme iranien et soulever d’autres questions comme le programme de missiles de l’Iran et son soutien à la Syrie, au Hezbollah et au Yémen. Cela n’est évidemment pas acceptable et c’est la raison pour laquelle l’Iran ralentit actuellement son retour aux négociations :
La décision de M. Biden a amené les responsables iraniens et européens à soupçonner que les États-Unis cherchent à utiliser la menace ou la réimposition effective de sanctions comme levier dans les négociations post-JCPOA pour rendre l’accord plus contraignant. En d’autres termes, M. Biden s’inspirerait de la stratégie de M. Trump et chercherait à obtenir davantage de concessions de la part de l’Iran en menaçant de réimposer les sanctions déjà levées dans le cadre du JCPOA. Les responsables iraniens et certains responsables de l’UE soupçonnent que s’engager à respecter les termes du JCPOA priverait Biden d’un moyen de pression dans les négociations post-JCPOA.
Le piège est évident. En le voyant, l’Iran calculera qu’un retour des États-Unis à l’accord du JCPOA n’a aucune valeur pour lui mais augmenterait potentiellement le danger d’une action des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU, action que les États-Unis ne peuvent actuellement plus entreprendre car ils ne sont plus membres du JCPOA :
Téhéran pourrait donc considérer le statu quo actuel – dans lequel la plupart des sanctions restent en place mais l’Iran parvient encore à vendre du pétrole aux Chinois – comme préférable au fait de permettre aux États-Unis de revenir dans le JCPOA pour voir l’accord s’effondrer peu de temps après en raison de l’insistance de Washington sur un renforcement inacceptable des conditions les plus strictes de l’accord.
Les États-Unis avaient déjà essayé de convaincre la Chine de ne plus acheter de pétrole à l’Iran. La réponse a été un « va te faire voir » bien senti, dit en langage diplomatique.
Trita Parsi pense que Téhéran va continuer à négocier avec les États-Unis, mais qu’elle va ralentir les discussions autant que possible. Je suis d’accord.
Parsi pense également qu’il y a un risque que Biden rompe les pourparlers et adopte un plan B qui pourrait inclure une option militaire. Or, comme je l’ai déjà écrit, il n’existe aucun plan B plausible et aucune chance pour les États-Unis de gagner dans un conflit :
Il est donc amusant d’entendre Blinken parler d’ »autres options » alors que tout le monde sait que les États-Unis n’en ont aucune. Toute attaque américaine contre les installations nucléaires de l’Iran entraînera une réponse militaire forte. Une guerre avec l’Iran détruirait Israël et ce qui reste de la position américaine au Moyen-Orient. Obama l’avait reconnu. Trump l’avait reconnu. Il est grand temps que Biden le reconnaisse aussi et qu’il agisse en conséquence.
Biden aurait pu résoudre tout le problème en janvier en levant les sanctions contre l’Iran et en s’engageant à nouveau dans le JCPOA. Mais au lieu de le faire, il a attendu trois mois pour entamer des discussions sur un retour au JCPOA avec une stratégie à moitié intelligente, consistant à faire pression sur l’Iran pour qu’il prenne davantage d’engagements.
La « pression maximale » avait déjà échoué sous Trump. Six semaines avant l’investiture de Biden, j’avais déjà expliqué pourquoi la version de Biden du même plan allait également échouer :
Après quatre ans de sanctions sévères de l’administration Trump, largement soutenues par les Européens, l’Iran a modifié sa structure et son orientation économiques. Les revenus pétroliers jouent désormais un rôle beaucoup plus faible dans le budget du gouvernement qu’avant les sanctions. L’économie s’est adaptée en se concentrant sur les affaires avec les pays non occidentaux. L’Iran se tourne vers l’Est.
…
Les sanctions ne donneront pas à l’ »Occident » les résultats qu’il souhaite. La seule alternative pour parvenir à ces résultats est une guerre à grande échelle contre l’Iran dans le but de renverser son gouvernement. Mais une telle guerre ne peut être menée car elle détruirait le Moyen-Orient et plongerait l’économie mondiale dans une profonde récession. En bref – il n’y a pas d’alternative.
…
L’accord « Plus + Plus » du JCPOA n’aura pas lieu. Il n’y a aucun moyen réaliste d’y parvenir.
Bien que cela soit évident, Biden a quand même essayé d’emprunter cette voie. C’était une idée stupide dès le départ et il n’a pas réussi à obtenir quoi que ce soit.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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