Les impasses du nationalisme de gauche

L’appel de François Legault à congédier le gouvernement libéral de Justin Trudeau au profit des conservateurs d’Erin O’Toole a eu l’effet d’une véritable onde de choc chez les nationalistes et les indépendantistes québécois.  

Scandalisés que le premier ministre du Québec laisse entendre que le plan du Parti conservateur est meilleur pour l’autonomie du Québec que celui des partis progressistes canadiens, des nationalistes de gauche comme Françoise David et Gabriel Nadeau-Dubois lui ont amèrement reproché cette prise de position. Or, le dilemme que pose la présente élection fédérale les embarrasse bien davantage. 

Un progressisme centralisateur

Le fait est que tous les partis progressistes canadiens, libéraux, néodémocrates et verts, promettent des intrusions massives dans les champs de compétence québécois. La fin justifie les moyens, disent-ils essentiellement, alors qu’ils présentent leur non-respect de la Constitution canadienne comme une preuve de « leadership ». Or, c’est ne rien comprendre au fédéralisme que d’agir ainsi. 

S’il y a deux ordres de gouvernement au Canada, c’est justement parce qu’ils n’ont pas les mêmes responsabilités. Justin Trudeau et Jagmeet Singh oublient ce principe fondamental lorsqu’ils promettent des garderies et des normes pancanadiennes dans les CHSLD. Un nationaliste ne peut que dénoncer ces promesses de centralisation vers Ottawa, aussi sociales-démocrates et progressistes soient-elles. À travers cette élection fédérale se joue une confrontation directe entre progressisme et nationalisme. 

Le grand dilemme

Pour les nationalistes de gauche, le dilemme est évident : qu’est-ce qui devrait primer entre l’autonomie de l’État québécois et le progressisme des fédéraux? Entre la vision dépensière et étatiste des libéraux, qu’ils partagent largement à l’échelle québécoise, et la vision plus respectueuse des champs de compétence des conservateurs, mais également moins portée sur les programmes sociaux? 

En dénonçant les conservateurs fédéraux pour une foule de raison, et en leur préférant implicitement les libéraux de Justin Trudeau pour gouverner, Françoise David et Gabriel Nadeau-Dubois ont fait leur choix. Lorsqu’il se dit peu intéressé à « jouer à “ne touche pas à ma compétence” avec Ottawa », GND fait primer sa vision du progrès social sur l’autonomie de l’État québécois. 

Progressistes avant d’être nationalistes

Ce choix, aussi déchirant soit-il, illustre les impasses d’un certain nationalisme de gauche, qui sera toujours progressiste avant d’être nationaliste, en dernière instance. Alors que les libéraux fédéraux s’apprêtent à s’ingérer massivement dans les compétences de l’État du Québec, ceux qui placent le nationalisme avant tout se doivent de faire obstacle à cette volonté, peu importe les bonnes intentions derrière la centralisation. 

Quant aux soi-disant nationalistes qui préfèrent un chèque d’Ottawa à l’autonomie du Québec, on ne peut que leur souhaiter d’être heureux lorsque le Canada dictera au Québec quoi faire dans ses propres champs de compétence. Ce qui apparaît comme un « progrès » à leurs yeux serait en fait un recul historique pour la nation québécoise. 

Étienne-Alexandre Beauregard, Étudiant au baccalauréat en philosophie et science politique à l’Université Laval, Québec

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