Andrei Martyanov – Le 18 septembre 2021 – Source Reminiscence of the future
Eh bien, je vais aussi en parler. Je veux dire toute cette affaire AUKUS et la perte par la France d’un énorme contrat pour fournir des sous-marins à la Royal Australian Navy. À ce stade, je ne suis pas intéressé par les détails techniques de cette histoire, car il est inutile de se concentrer sur les détails techniques de quelque chose qui peut encore changer plusieurs fois, peut-être même ne jamais se concrétiser. En revanche, je m’intéresse, comme toujours, aux facteurs fondamentaux qui définissent le cadre du problème. Le Drian et toute personne au sommet de la politique française peuvent bien exprimer leur frustration et jouer aux jeux géopolitiques qu’ils veulent :
Vendredi, la France a rappelé ses ambassadeurs à Washington et à Canberra après que l'Australie a abandonné un important programme de sous-marins avec la France en faveur de l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire avec l'aide des États-Unis et du Royaume-Uni. Paris a violemment protesté contre le nouvel accord entre l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, connu sous le nom d'AUKUS. Le Drian a qualifié l'abandon du programme franco-australien de "coup de poignard dans le dos".
Cela ne change rien au fait qu’en ces temps de crise grave et terminale de la Pax Americana et du libéralisme occidental, la France n’est plus une superpuissance mondiale et n’est importante que parce qu’elle suit le monde anglo-saxon qui mène une lutte désespérée pour sa survie en tant que puissance mondiale. C’est aussi simple que cela. La France n’est tout simplement pas vraiment importante pour cette lutte existentielle. En fin de compte, D.C. et Londres se préoccupent d’abord d’eux-mêmes, aussi déformée et illusoire que soit cette préoccupation, et Paris est considérée comme une simple « nourriture » qui sera consommée si la nécessité et l’opportunité se présentent. Vous pouvez toujours rétorquer que la France a sa propre dissuasion nucléaire, qu’elle possède Renault et le siège d’Airbus, qu’elle a son propre programme spatial, etc. C’est vrai. Tout cela est un fait, mais n’oublions pas la définition, et non la pseudo-science politique de l’Ouest, de la puissance globale. Bien, la définition est celle des 14 critères de Jeffrey Barnett (à ne pas confondre avec Corelli Barnett) et permettez-moi de vous rappeler ce qu’ils sont. Barnett les a énumérés dans le trimestriel « Paramètres de l’US Army War College », en 1994. Quelle que soit la façon dont les réalisations de la France sont considérées, dont certaines avec un respect bien mérité, la France ne correspond tout simplement à aucun de ces 14 critères.
La France ne domine pas l’accès à l’espace, les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde le font ; la France ne contrôle pas les voies de communication maritimes (SLOC), les États-Unis, la Chine et la Russie le font, la France ne fournit certainement pas la majorité des produits finis, la Chine le fait et la France ne domine certainement pas l’industrie de l’armement de haute technologie, les États-Unis et la Russie le font. Même si l’on imagine que demain la Marine Nationale ajoute deux autres porte-avions à propulsion nucléaire à sa flotte, cela ne fera toujours pas de la France une puissance mondiale. Militairement et économiquement, la France est une puissance de second rang, qui a cédé une partie de sa souveraineté à des organisations supranationales telles que l’OTAN et l’UE et qui ne remplit donc pas le critère le plus important définissant une puissance mondiale ou une superpuissance : des politiques mondiales totalement indépendantes et protégées. La France n’est pas non plus capable de créer et de maintenir une quelconque alliance significative par elle-même. Les États-Unis et la Russie le peuvent, tandis que la Chine, en raison de son énormité économique et démographique, est une alliance en soi. De plus, la Chine et la Russie ont des alliances entre elles.
Donc, dans ce cas, étant une puissance régionale de second rang, la France ne peut pas s’attendre à ce que ses intérêts soient sérieusement pris en compte lorsque l’on parle de projets aussi immenses, financièrement parlant, que l’AUKUS. Les alliances sont créées non seulement contre quelqu’un mais aussi pour un accès exclusif aux capitaux et aux marchés, en particulier les marchés d’armes, au sein de ces alliances. Dans ce cas particulier, la France est un outsider et peu importe les hyperboles utilisées par les politiciens français frustrés pour décrire la « trahison » de la France par les Anglo-Saxons, c’est une réalité. Scott Ritter a peut-être raison lorsqu’il décrit l’affaire AUKUS comme une histoire d’achats militaires géopolitiques devenus fous. Mais si l’on considère l’état économique des États-Unis qui est en bout de course, tous les moyens sont bons pour maintenir un flux de trésorerie et la France a simplement été supprimée sur la route de ce flux de trésorerie. C’est aussi simple que cela. A temps désespérés, mesures désespérées. Un truisme, vraiment.
Ainsi, quelques soient les détails techniques de tout ce cirque, certaines leçons sont déjà évidentes et je souscris ici à chaque mot de la conclusion de Ritter :
Mais le fait demeure que les États-Unis n'ont pas de riposte militaire significative face à la Chine, que le Royaume-Uni n'est pas capable de maintenir une présence militaire crédible dans le Pacifique et que l'Australie ne peut pas se permettre d'acquérir et d'exploiter une force de huit sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire. Le projet de sous-marin nucléaire australien est une plaisanterie dangereuse qui ne fait qu'exacerber la crise géopolitique existante avec la Chine en y injectant une dimension militaire qui ne servira à rien.
Toute cette histoire d’AUKUS, comme je l’ai déjà dit précédemment, est un excellent indicateur du déclin de la puissance des États-Unis, qui, dans leurs tentatives désespérées de préserver les restes de leur hégémonie mondiale autoproclamée, sont prêts à tout, sauf, espérons-le, à la guerre nucléaire, et s’il faut humilier et « sacrifier » la France, qu’il en soit ainsi. L’Europe occidentale devrait se préparer à l’être aussi, comme je l’écris depuis de nombreuses années (je cite un article d’il y a 2 ans) :
Macron fait une erreur ici. Eh même plusieurs erreurs, en fait. Pour commencer, "pousser la Russie hors d'Europe" n'était pas une "erreur stratégique" - c'était le plan et l'objectif principal de Washington, dirigé à l'époque par Obama et continuellement mis en œuvre maintenant par l'administration Trump. De plus, "chasser la Russie" ne concerne pas seulement la Russie, mais aussi l'Europe elle-même. L'Europe, telle qu'elle existe aujourd'hui, ne présente aucun intérêt pour la Russie dans un sens métaphysique, si ce n'est un intérêt purement économique en tant que marché, mais la majorité des Russes se félicitent aujourd'hui de la réussite de cette "mise à l'écart". L'Europe, pendant ce temps, est un agneau sacrifié pour les États-Unis qui, dans une tentative désespérée de sauver leur peau, vont démolir l'Europe économiquement parce que les élites européennes sont une pathétique parodie de direction politique, certaines d'entre elles sont carrément des imbéciles, sans oublier qu’un certain nombre sont effectivement des produits de la sélection américaine. Donc, non - laissez l'Europe traiter avec les États-Unis, ou vice-versa, et laissez la Russie en dehors de cela.
Alors, ne me dites pas que je ne vous ai pas prévenu. Oh, allez, les États-Unis ont besoin de manger aussi. Au moment où la France a réintégré pleinement l’OTAN en 2009, un processus défendu par le président de l’époque, Sarkozy , tout a été fini pour elle. Dommage qu’elle ne l’ait pas vu venir. Eh bien, elle le voit maintenant. Comme on dit : mieux vaut tard que jamais. Tolstoï l’avait déjà vu il y a longtemps :
Un Français est sûr de lui parce qu'il se considère personnellement, tant dans son esprit que dans son corps, comme irrésistiblement attirant pour les hommes et les femmes. Un Anglais est sûr de lui, car il est citoyen de l'État le mieux organisé du monde, et donc, en tant qu'Anglais, il sait toujours ce qu'il doit faire et sait que tout ce qu'il fait en tant qu'Anglais est indubitablement correct. Un Italien est sûr de lui parce qu'il est excitable et qu'il s'oublie facilement et oublie les autres. Le Russe est sûr de lui parce qu'il ne sait rien et ne veut rien savoir, car il ne croit pas que l'on puisse savoir quoi que ce soit. L'assurance de l'Allemand est la pire de toutes, la plus forte et la plus répugnante de toutes, car il s'imagine connaître la vérité - la science - qu'il a lui-même inventée mais qui est pour lui la vérité absolue.
Eh bien, que dire. Nous sommes au XXIe siècle et la France n’a absolument rien appris depuis le départ de son dernier Titan et Héros, parti en 1969. Ou, plutôt, chassé par ce que beaucoup considèrent encore comme une révolution de couleur organisée par les États-Unis. Il est donc temps de faire face aux conséquences.
Pendant ce temps, la Russie continue de construire ces corvettes à missiles comme s’il n’y avait pas de lendemain, la dernière en date, Grad (Grêle), a été mise à l’eau à Zelenodolsk hier (vidéo en russe).
Avec les nouveaux 3M14M d’une portée de 4 500 km, ces navires peuvent frapper n’importe quel pays d’Europe à partir d’un fleuve ou d’un lac situé au cœur du territoire russe. Au cas où. Autre nouvelle connexe :
TEHRAN (Iran News) - L'Agence fédérale russe du transport aérien (Rosaviatsia) et l'Organisation de l'aviation civile de la République islamique d'Iran ont signé le 6 septembre 2021 un protocole d'accord visant à "créer des conditions favorables à l'approbation de la conception standard des équipements de l'aviation civile russe exportés en Iran". L'accord est le résultat des négociations qui ont eu lieu entre les deux autorités aéronautiques en juin 2021, a expliqué Rosaviatsia dans un communiqué.
L’Iran recevra un grand nombre de SSJ-100R entièrement russifiés. Le MS-21 est en cours, une fois que la Russie aura satisfait ses besoins internes en matière d’aviation commerciale.
Andrei Martyanov
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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