Le sociologue Pierre Bourdieu racontait cette anecdote que lui a confiée Rémi Lenoir, un de ses anciens élèves devenu professeur à l’ENA : Ségolène Royal, au sortir de l’ENA avait choisi la gauche « comme plan de carrière ».
Cela n’avait pas surpris Bourdieu qui disait : « Ségolène Royal, pour moi, instantanément, on sait qu’elle n’est pas de gauche » et « Elle a ce que j’appelle un habitus, une manière d’être, de parler qui vous dit qu’elle est de droite, même si elle tient des propos de gauche. »
Nombreux sont les sémillants énarques qui font comme elle : leur diplôme en poche, ils décident, pratiquement à pile ou face, s’ils rejoignent un parti de droite ou de gauche. Pour les ambitieux, on sait de quel côté ils vont tomber. « La pente est à droite » constatait Alain.
S’agissant de la Chine et du Xinjiang, je suis interpelé par cette engeance qui, si elle a fait Sciences po, l’ENA ou Langues orientales, se présente comme spécialiste des Ouïghours.
Il faut se garder de cette croyance en l’omniscience attestée par un parchemin. Les Résistants du Vercors, du Limousin ou d’ailleurs, ouvriers, paysans, étaient mieux informés sur l’Allemagne que l’élite civile berlinoise (enfumée par Goebbels) et que les ruraux qui vivaient dans les villages proches des camps et des fours crématoires.
Oui, il faut se garder de la glorification des diplômes qui, obtenus à 20 ans, valident toutes les déconnades à 60 ans, quand vient l’heure du besoin de reconnaissance par les puissants, le goût du confort avec l’emploi d’une domestique sri-lankaise non déclarée (mais qu’il faut bien payer un peu), le triple appel quotidien de la bedaine qui tend la chemise et exige la bonne chère avec verres en cristal et couverts d’argent. Regardez le reniement de l’ancien étudiant révolutionnaire Cohn-Bendit. Entre autres.
Ambroise Croizat, Marcel Paul, sans avoir longtemps fréquenté l’école, ont fait plus pour la France que dix promotions de l’ENA qui déversent dans le pays des têtes d’œufs qui le défont (1).
Quant à moi, je m’autorise à parler de la Chine, de l’Amérique latine, des Etats-Unis, de la Palestine, etc., de contredire mes confrères sans avoir un doctorat par pays, parce que je suis pointu en matière de repérage des mensonges médiatiques. C’est Le Grand Soir qui m’a formé. Vous mesurez-là mon niveau d’expertise.
Un ouvrage de Pierre-Antoine Donnet : « Chine, le grand prédateur »
N’écrirai-je pas un jour un petit livre sur les mensonges proférés à propos des Ouïghours et sur les tombereaux d’injures versés sur moi ? Peut-être. J’y ferai alors figurer l’extrait ci-dessous d’une interview de Pierre-Antoine Donnet. Il fait partie de ces « spécialistes » par la grâce d’un diplôme obtenu presque un demi-siècle plus tôt. On ne lui retirera pas un mérite : celui d’avoir su à côté de qui il faut s’asseoir et qui il faut canarder.
On apprend avec consternation qu’il a été correspondant de l’AFP à Pékin, puis « rédacteur en chef central de l’AFP ». L’Agence France Presse ! Une des plus importante agence de presse au monde, une agence dont les dépêches deviendront articles dans les médias mainstream, souvent par simple copié-collé.
J’écris sur Pierre-Antoine Donnet aujourd’hui parce qu’il me cite dans son livre que je n’ai pas lu et dont, contrairement à la mode chez mes confrères dans ces cas-là, je ne dirai rien (2). Mais il parle de moi dans une interview que j’ai lue et où il m’épingle durement avec ce mépris des repus habitués à mentir dans l’impunité.
Exemple de mise à nu de mensonges tranquilles
Interview de Pierre-Antoine Donnet, par Joris Zylberman
Joris Zylberman : « Brûlot ? Livre engagé contre la Chine ? L’ouvrage de Pierre-Antoine Donnet, contributeur régulier d’Asialyst, ne laissera pas indifférent. Chine, le grand prédateur, paru aux éditions de l’Aube le 19 août dernier, appelle à une prise de conscience : il faut dire clairement, selon l’auteur, le défi que le régime de Xi Jinping pose au monde sur les plans climatique, économique et politique. Le livre dénonce d’emblée la tragédie subie par les Ouïghours à l’instar des Tibétains. « Garder le silence quand on sait, n’est-ce pas un peu se rendre complice ? » lance cet amoureux de la Chine, ancien correspondant de l’AFP à Pékin. Il explique sa démarche à Asialyst ».
Amoureux de la Chine ? Voire. Il a écrit aussi : « Tibet mort ou vif » (3), « Quand la Chine achète le monde »…
Mais, apprécions son honnêteté journalistique à la lumière de son interview.
Question. Dans votre livre, vous faîtes [sic] allusion à Maxime Vivas, auteur d’un livre qui rejette les accusations de génocide des Ouïghours au Xinjiang…
Pierre-Antoine Donnet : « Son livre s’est vendu à 200 exemplaires ».
Premier mensonge. La règle veut que les droits d’auteurs soient payés à la fin de l’année qui suit la parution du livre. Dans mon cas, fin 2021. Mais j’ai perçu dès juillet des droits pour 1000 premiers exemplaires vendus en France. Puis, les droits de publication ont été vendus pour publication en 13 langues. Avec l’espéranto, il est disponible dans 120 pays. L’ancien correspondant « neutre et objectif » de l’AFP en Chine (média d’Etat) pourrait rêver du même destin pour son livre « Chine, le grand prédateur ».
Donnet : « Son audience est nulle ».
C’est sans doute la raison pour laquelle se sont jetés sur moi France Inter, Arrêt Sur Images, Radio France International, Libération, le Canard enchaîné, le Monde, l’Obs, TMC-TF1, Charlie Hebdo et… Pierre-Antoine Donnet qui me mentionne dans son livre. Deuxième mensonge, donc.
Donnet : « …il a été deux fois au Xinjiang lors de deux voyages pilotés par le gouvernement chinois. Donc c’est une escroquerie totale, il ne sait rien du tout. … »
Les attaques visent l’auteur sans contestation précise d’un seul passage de son livre. C’est le troisième mensonge.
Donnet « Mais son livre a été brandi par Wang Yi [le ministre chinois des Affaires étrangères]… ».
Quatrième mensonge. Le ministre Wang Yi n’a pas brandi mon livre. Il ne l’avait pas avec lui à la tribune lors de sa conférence de presse. (ici à 58 mn 50 s de sa conférence).
Donnet : Wang Yi a dit : « Vous avez ici la preuve que ceux qui disent qu’il y a un génocide au Xinjiang mentent effrontément… » Cinquième mensonge.
Passons sur le style de Donnet : « … que ceux qui disent qu’il… ». Le ministre Wang Yi a dit textuellement ceci (7 mars 2021) : « Maxime Vivas a écrit un livre basé sur ses deux visites au Xinjiang en 2016 et 2018, intitulé « Ouïghours, pour en finir avec les fake news ». Le livre décrit un Xinjiang prospère et stable et indique que des personnes qui ne sont jamais allées dans la région fabriquent de fausses nouvelles et répandent des rumeurs. »
Je ne sais pas ce que Pierre-Antoine Donnet dit de moi dans son livre, mais ce qu’il dit en interview laisse deviner, d’une part, le peu de vraisemblance ce qu’il y a écrit et, d’autre part, permet de présumer la sincérité des dépêches dont il a abreuvé le monde quand il était à l’AFP.
Du coup, je me félicite d’avoir éconduit (28 avril 2021) sans bonhomie Joëlle Garrus, une journaliste de l’AFP qui voulait m’interviewer pour « un papier sur les Occidentaux désormais amplement repris par les médias chinois pour leurs positions sur le Xinjiang ». J’ai imaginé illico les questions : « Ça ne vous pose pas un problème d’être cité dans les médias chinois ? Par un ministre ? Vous n’avez pas l’impression d’être manipulé ? ».
J’ai répondu ceci :
« Bonjour Mme Garrus,
J’ai décidé de ne plus accorder d’interview à des médias français.
Je sors d’en prendre.
Si vous voulez savoir qui je suis, Elhia Pascal Heilmann (Arrêt sur Images) Tristan Mendès France (France Inter), Laurence Defranoux (Libération) Yann Barthès (TMC-TF1), JC (Jérôme Canard), Sophie Malibeaux (RFI), l’ont très bien dit ou écrit : un naïf à œillères, manipulé par les Chinois, un Toulousain (vieux), un perroquet de Xi Jinping « à la botte de Pékin » et un nazi antisémite (« rouge–brun »).
Tous, savent ce que veut dire attaque ad hominem et reductio ad Hitlerum. Ils connaissent mieux le latin que la « Charte de Munich » qui leur sert à caler l’armoire.
Si (contrairement à la plupart des médias cités plus haut) vous voulez parler de mon livre APRES l’avoir lu, je suis néanmoins disposé à répondre par écrit (garder des traces) à quelques questions.
Si vous faites preuve de seulement un dixième de l’empathie larmoyante des susnommés interviewant des Ouïghours, je peux prendre ce risque fou.
Mais si vos questions sont un interrogatoire où tout ce que je dis pourra être retenu contre moi je n’y répondrai pas. Je n’ai commis aucun délit, savez-vous ?
Si vous êtes inspirée par des bobards d’Adrian Zenz, menteur, homophobe, misogyne, « guidé par Dieu » dans une croisade antichinoise et qui promet la purification des juifs dans un brasier, rompons-là.
Si vous êtes patiente, proposez-moi une autre date de rendez-vous : dans quelques mois ou quelques années. La vérité est toujours en retard sur le mensonge ; il a fallu du temps pour que les informations sur les ADM de Saddam Hussein ou la barbarie de ses troupes dans les maternités du Koweït apparaissent (l’Irak étant en ruine) comme des fake news.
Avec mes salutations ».
Je n’ai plus entendu parler de Joëlle Garrus et de l’AFP.
Maxime VIVAS
Notes.
(1) L’Association des Anciens Elèves de l’ENA compte plus de 11 500 membres. C’est un réseau, un clan.
(2). J’ai la preuve qu’au moins quatre médias ont fustigé mon livre sans l’avoir lu : Charlie Hebdo, Quotidien (de Yann Barthès), France Inter, le Canard enchaîné.
(3) Voir la recension de ce livre faite Albert Ettinger qui s’attriste « de son caractère réactionnaire, de son fanatisme partisan et de sa bêtise ».
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir