Entrevue avec le professeur Nicolas Klein
François Meylan : L’Occitane française est considérée par les séparatistes catalans espagnols comme la « Catalogne Nord ». Qu’en est-il ?
Nicolas Klein : Il existe plusieurs courants à ce sujet parmi les séparatistes catalans. La plupart revendiquent l’intégration à d’hypothétiques « pays catalans » (invention récente qui repose sur une base historique plus que douteuse) de la Communauté de Valence, des îles Baléares, de quelques zones du Nord de la Région de Murcie, de la « Frange du Ponant » (Est de l’Aragon) et des Pyrénées-Orientales. C’est l’opinion la plus répandue et celle qui est officiellement défendue par les responsables indépendantistes.
Les plus radicaux des indépendantistes vont jusqu’à réclamer l’annexion des régions bien plus larges dans une sorte de confédération occitane qui irait d’Elche (dans le Sud de la Communauté de Valence) à Limoges et de Bordeaux à Marseille. Les défenseurs d’un tel projet sont minoritaires au sein de la mouvance sécessionniste mais n’en sont pas résiduels pour autant.
En réalité, sans même parler du fait que toutes ces thèses politiques sont fumeuses (pour ne pas dire délirantes), elles révèlent que les séparatistes catalans, qui accusent l’Espagne d’avoir fait preuve d’impérialisme à l’égard de leur région en l’« annexant » au début du XVIIIe siècle, ont recours à cet impérialisme qu’ils dénoncent. Mais la cohérence n’a jamais été leur fort…
FM : Pour autant, on ne relève pas une volonté de sécession d’avec la République française de ce côté de la frontière. Alors pourquoi les séparatistes y trouvent-ils un sanctuaire comme jadis l’ETA au Pays basque français ?
Nicolas Klein : Il existe quelques groupes sécessionnistes minoritaires dans les Pyrénées-Orientales mais la France a une tradition centraliste qui l’a préservée de tendances centrifuges trop marquées jusqu’à présent.
Les évolutions les plus récentes dans notre pays, toutefois, laissent entrevoir un essor de tels mouvements et il existe, de la part de certains citoyens et certains élus, une connivence réelle avec les sécessionnistes de la « Catalogne espagnole ». Les populations locales sont susceptibles d’être séduites par la propagande venue de Barcelone, par les slogans censés émouvoir et révolter (mais jamais susciter la réflexion réelle ou s’adresser à la raison), etc.
Même si un tel courant d’opinion est loin d’être majoritaire dans le département, on a vu des maires des Pyrénées-Orientales afficher des banderoles sur le fronton de leur mairie afin de soutenir les prétendus « prisonniers politiques » catalans, par exemple. Je crois que la France devrait observer de près ce qui se passe dans ce département historiquement pauvre et excentré. Barcelone y arrose les associations et fondations séparatistes depuis des années maintenant et les choses pourraient évoluer plus vite qu’on ne le pense.
FM : Qu’en est-il de la position du gouvernement de Emmanuel Macron sur la question ?
Nicolas Klein : Officiellement, Emmanuel Macron et son gouvernement (tout comme les autorités européennes et les dirigeants d’autres pays du continent) sont favorables à un règlement de la question catalane par Madrid et dans le cadre de la légalité espagnole. C’est d’ailleurs le grand échec (et le grand mensonge) des responsables séparatistes : avoir affirmé (et continuer de le faire, dans certains cas) qu’une partie des capitales européennes et mondiales se positionnerait en faveur d’une sécession de la Catalogne, de l’organisation d’un référendum régional ou, à défaut, d’une médiation extérieure.
FM : Peut-on supputer que d’autres liens qu’idéologiques (tels qu’économiques) voire des affinités et des intérêts particuliers lient les Catalans radicaux des deux côtés des Pyrénées ?
Nicolas Klein : En effet, c’est ce que je commençais à développer plus haut. Il existe de toute façon toute une constellation européenne qui a soutenu et continue de soutenir les séparatistes catalans, au moins d’un point de vue moral.
L’on retrouve dans cette nébuleuse d’autres partis sécessionnistes en Europe (ce qui est somme toute logique) : les indépendantistes écossais, corses, flamands, etc.
Notons aussi que Carles Puigdemont, Quim Torra et les leurs aiment aussi s’afficher avec des soutiens d’extrême droite de plusieurs pays (ou ne protestent pas quand ils reçoivent des appuis de leur part) : Vlaams Belang, certains éléments très réactionnaires de la Ligue italienne, Parti libéral-démocrate de Russie, etc. Rien de très étonnant à tout cela au vu des déclarations xénophobes de nombreux responsables catalans, depuis Quim Torra jusqu’à Artur Mas en passant par Jordi Pujol, Oriol Junqueras et même certains éléments de la Candidature d’Unité populaire (CUP).
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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