par Mohamed El Bachir.
Mike Pompéo sous les applaudissements et les cris « Allah Akbar »
Le 29 février 2020, l’accord négocié durant un an et demi au Qatar a été paraphé par les négociateurs des deux parties ennemies, le représentant américain, Zalmay Khalilzad, et le responsable politique des Taliban, Abdul Ghani Baradar, en présence du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo. MM. Khalilzad et Baradar se sont serré la main sous les applaudissements et les cris « Allah Akbar ».
Cet accord fixe un calendrier pour le retrait définitif des États-Unis de l’Afghanistan. En contrepartie, les Taliban se sont engagés pour interdire toute planification d’actions susceptibles de menacer la sécurité des États-Unis.
Sur ce point, deux questions s’imposent :
a) la sécurité des autres pays a-t-elle été prise en compte dans cet accord ?
b) l’accord signé entre les Taliban et les États-Unis se limite-t-il à la seule question de la sécurité ? Pour rappel, le chef d’El Quaïda, M. Ayman El Zawahiri a fait allégeance au chef des Taliban en tant que commandeur des croyants. Quant au groupe État islamique au Khorasan (EI-K), les Taliban la considérant comme organisation ennemie, sa présence en Afghanistan suppose donc l’existence d’une aide logistique extérieure.
Ce qui implique la 3° question.
c) quelle est l’identité du ou des États qui ont organisé et assurent leur acheminement en Afghanistan ?
Enfin l’abandon de Kaboul ne signifie nullement l’abandon de cette région géostratégique.
Bref, après le chaos, une nouvelle stratégie se met en place.
La route de la soie du XXIe siècle
Ces questions sont d’autant plus légitimes que l’Afghanistan au centre de l’Eurasie, enclavé entre la Chine, l’Iran et le Pakistan est riche en ressources minières, pétrole et gaz. Un Afghanistan devenu lieu stratégique à partir duquel les États-unis, par l’intermédiaire du Pakistan et de l’Arabie Saoudite joua le rôle de base de lancement de l’offensive contre l’empire des « impies », à savoir l’URSS et ses alliés politiques arabes de l’époque avec comme arme idéologique le Djihad d’inspiration salafiste et wahhabite. Sous la supervision du chef d’orchestre américain. Ainsi l’effondrement de l’Union soviétique et de l’Irak a ouvert les portes de l’Eurasie sur son flanc est avec la volonté de soumettre le Moyen-Orient. Contenir la Chine, la Russie et l’Iran tel est l’objectif stratégique de l’impérialisme.
En résumé, deux partitions se jouent dans cette région.
La première se joue sous la direction du chef suprême de l’OTAN.
L’autre partition échappe à ces derniers.
S’il faut qualifier de façon succincte les deux partitions, celle de l’Arabie Saoudite, de la Turquie et du Pakistan serait qualifiée de partition des vassaux au sens large. L’autre, celle des souverains.
Et c’est Z.Brzezinski, ancien conseiller du président états-unien, Jimmy Carter, qui, dans son ouvrage « Le grand échiquier » paru en 1997, donne un éclairage sur les enjeux géostratégiques dans l’Eurasie. Un éclairage toujours d’actualité où l’Afghanistan n’est qu’une pièce, parmi d’autres, posée sur l’échiquier.
Pour clore ce paragraphe et appuyer les propos ci-dessus, citer Z.Brzezinski facilite la tâche :
« Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées… L’Eurasie demeure, en conséquence, l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale… Les conséquences géostratégiques de cette situation pour les États-unis sont claires : l’Amérique est bien trop éloignée pour occuper une position dominante dans cette partie de l’Eurasie, mais trop puissante pour ne pas s’y engager… Les États qui méritent tous les soutiens possibles de la part des États-unis sont l’Azerbaïdjan, l’Ouzbèkistan et l’Ukraine car ce sont tous les trois des pivots géopolitiques ».[1]
Autrement dit, les interventions politiques et militaires directes ou indirectes dans le monde arabe et en particulier, au Moyen-Orient, obéissent à cet impératif souligné par l’ancien conseiller. La maîtrise de la route de la soie du XXIe siècle est une condition nécessaire pour dominer le monde. Et c’est l’objectif de l’impérialisme israélo-occidental. Pour atteindre cet objectif dans la partie moyen-orientale, le haut fonctionnaire des Affaires étrangères israélien Oded Yinon conseillait, en 1982 dans « Stratégie pour Israël dans les années 80 », le morcellement des États arabes sur des bases religieuses et ethniques de l’Irak jusqu’au Maghreb.
Cela aurait été le cas de l’Irak, de la Syrie et du Liban sans l’aide politique et militaire de l’Iran, de la résistance libanaise dont le Hezbollah et irakienne sans oublier l’intervention militaire de la Russie. Ce morcellement est toujours d’actualité… Un exemple ? … La Libye, le Soudan… Quant au Maghreb, l’actualité géopolitique est en harmonie avec la Stratégie de l’État d’Israël.
Enfin pour clore ce paragraphe et afin de s’adapter au langage du XXIe siècle, il suffit de traduire « route » par « pipelines » ou « gazoduc » et « soie » par « pétrole et gaz ».
… Bref … Laissons le soin aux historiens dignes de ce titre d’écrire l’histoire de l’Afghanistan où le présent est toujours le passé.
Mais retenons trois dates,
- 17 juillet 1973, renversement du roi Zaher et de l’ordre féodal par des forces progressistes afghanes et proclamation de la première République afghane.
- 27 septembre 1996, le président M. Najibullah réfugié dans les locaux de l’ONU à Kaboul, prise par les Taliban, fut pris par ces derniers, fusillé et pendu à un réverbère. À quoi sert ce « machin » ?(surnom donné à ONU par C. de Gaulle).
- Enfin la date que l’homme civilisé retient, le 11 septembre 2001, attentats des tours jumelles du World Trade Center, suivi de l’intervention de l’OTAN en Afghanistan.
On peut faire l’économie des détails entre ce 17 juillet et ce 11 septembre puisque les propos ci-dessous de l’ancien conseiller états-unien Z. Brzezinski nous le permet.
En effet, à une question du Nouvel Observateur daté du 15 janvier 1998, la réponse du conseiller est sans équivoque.
Question du Nouvel observateur :
• Lorsque les Soviétiques ont justifié leur intervention [24/12/1979] en affirmant qu’ils entendaient lutter contre une ingérence secrète des États-Unis en Afghanistan personne ne les a crus. Pourtant il y avait un fond de vérité. Vous ne regrettez rien aujourd’hui ?
Réponse de Brzezinski
– Regretter quoi ? Elle a eu pour effet d’attirer les russes dans le piège afghan.
Une réponse qui suggère au journaliste une autre question.
• Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ?
Réponse du joueur d’échec Brzezinski
– Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les Taliban ou la chute de l’Union soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la fin de la Guerre froide ?
Et du côté de l’État d’Israël ?
C’est l’ancien ministre de l’Éducation israélien Neftali Bennet, actuel premier ministre qui répond :
« Daech est un gros problème mais d’ordre tactique. Nous ne sommes pas prêts à sacrifier un intérêt stratégique consistant à interdire la création d’un empire iranien s’étendant de Téhéran à la mer méditerranéenne, pour un problème tactique ». Du Brzezinski sur mesure !
On ne peut que remercier les journalistes Denis Souchon, Alain Gresh et l’ancien directeur du monde diplomatique, Ignacio Ramonet (1990-2008) qui, chacun, à sa manière, avait analysé l’imposture de l’impérialisme soutenu par des intellectuels français, des révolutionnaires sans révolution.
Quand Bernard Kouchner défend « les barbares afghans ». Quand les djihadistes étaient nos amis. L’adversaire
Un seul mot permet de qualifier l’état d’esprit passé et présent : Cynisme…
Autre définition de la perversion : l’immoralisme du moralisme
Enfin, pour conclure, on ne peut pas omettre de souligner l’éclair de lucidité qui a ébranlé le cerveau de Hubert Védrine le 13 août 2021… Nous avons menti à ces peuples… L’Afghanistan est le tombeau du droit d’ingérence… Je trouve indigne d’avoir fait miroiter à ces populations nos valeurs droit-de-l’hommiste[8]… Prise de conscience ou délire ?
Mais pour les Tutsi, peu importe la réponse, car, victime du génocide au Rwanda, ils auraient préféré que cet éclair de lucidité traversa le cerveau du ministre des Affaires étrangères français en 1994…
Pendant ce temps, l’État d’Israël…
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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