(Version légèrement révisée, 2021-09-11)
La réalité fondamentale du Canada n’a pas changé depuis le Rapport Durham (1839) et George Brown, un des pères de la Confédération qui, à la sortie de la Conférence de Québec lors des délibérations pour une Confédération du Dominion (1867) a déclaré : French Canadianism Finally Extinguished ! (Du suprématisme blanc anglo-saxon à la lettre, s’il y en a un…)
Depuis que le premier ministre Pierre Elliott Trudeau a conçu et énoncé dans les années 1970 une politique pour gérer la diversité culturelle au Canada (appelée « multiculturalisme dans un Canada officiellement bilingue ») qui a été enchâssée en 1982 dans la Charte canadienne des droits et libertés (article 27), on réalise de plus en plus que cette politique engendre des tensions sociales et identitaires et une dynamique de fractionnement inévitable. Dans les faits, comme nous le rappelle le chroniqueur Mathieu Bock-Côté, le Canada est un pays plus anglais que jamais et qui, désormais, envie de l’assumer, comme cela a été le cas avec la querelle entourant l’ignorance du français par la nouvelle gouverneure générale.
Le multiculturalisme à outrance tel que préconisé aujourd’hui par Justin Trudeau ne permet pas l’intégration à la culture et aux valeurs dominantes du pays d’adoption ou d’accueil ( l’État canadien) alors que normalement partout sur la planète, les immigrants s’intègrent en grande partie à la société d’accueil, dès la 2e ou 3e génération. Avec le multiculturalisme, ce qui se passe est tout le contraire : les immigrants peuvent vivre à l’intérieur d’une communauté sans jamais entrer en contact avec la population d’accueil. C’est là où le bât blesse car trop peu de connaissances vitales des valeurs culturelles et patrimoniales de la population d’accueil peut engendrer des aspects de la dérive extrême-droite que l’on a de nos jours, partout en Occident, dérive qui s’interpose à la population d’accueil, qui ose même jusqu’à faire la leçon aux membres de ladite population d’accueil (ex. ayant valeurs acadiennes, québécoises, etc.) comme si les propres valeurs de celle-ci n’avaient soudainement plus de droit de cité au soleil canadien.
Autrement, y a-t-il une autre façon de concevoir le vivre-ensemble en Amérique du Nord au sein de la fédération canadienne? Devant le multiculturalisme effréné de Patrimoine canadien, plusieurs optent pour emboîter le pas à ce qui existait encore il n’y a pas si longtemps au pays, du moins avant l’ère des Trudeau, à savoir un interculturalisme de mise où les immigrants, par respect et gratitude, adoptent substantiellement des valeurs fondatrices « générales » du pays d’accueil particulièrement dans la région spécifique où ils ont élu domicile dans ledit pays d’accueil (ex. au Québec, en Acadie, en Gaspésie, etc.).
La façon du vivre-ensemble imposée subrepticement par Patrimoine canadien et ces commissaires idéologiques qui prétendent délivrer le monde de la souillure de l’homme blanc, du francophone ou du chrétien, souvent pour des raisons électoralistes auprès de leurs électeurs, constitue en soi une réalité fort honteuse et décevante quant au calibre de la classe politique.
En passant, on pourrait se demander pourquoi les 5 000 livres ciblés récemment pour un autodafé (« supplice du feu ») en Ontario ne couvraient que des livres en langue française? Est-ce que la consultante antiraciste impliquée au Parti libéral fédéral du Canada s’est justifiée au nom du multiculturalisme canadien pour relayer une représentation désobligeante vis-à-vis des Franco-Ontariens? Pourquoi ladite consultante « antiraciste » au Parti libéral n’aurait pas inspecté des livres anglophones aussi? Sur ces entrefaites, le Congo belge devrait-il faire un autodafé des livres sur Tintin…?
Le Parti libéral du Canada est imputable pour n’avoir ciblé que les Canadiens Français de l’Ontario et non ses Canadiens Anglais, dans sa chasse aux sorcières du racisme dans le sud catholique et francophone de l’Ontario. Pour mieux comprendre la problématique de l’immigrant vis-à-vis du pays d’accueil et vice-versa, ça simplifierait de visionner en ligne jusqu’à la toute fin, le lien fort élucidant intitulé la Charte des valeurs du Québec (YouTube).
Quant à cette Charte des valeurs de l’État du Québec, je m’inspire de Richard Martineau qui nous dit que pour ce qui est des pays à forte diversité, seul le concept de laïcité peut les régir (ex. en France). Il n’y a pas véritablement d’autre choix, car la laïcité étatique est le garant de la neutralité des institutions tout comme elle garantit la liberté de culte pour toutes les religions.
Quant à la question sempiternelle d’une « réconciliation » avec les Premières Nations, faudrait y entrevoir anguille sous roche de la part du Fédéral pour réaliser que tout ce bon parler larmoyant trudeauesque de « réconciliation » rime « censure » car une fois réconciliation avouée on cesse d’évoquer toute la crasse vérité. Faudrait rappeler au premier ministre canadien que la Loi sur les Indiens relève du racisme de l’État canadien et n’est rien d’autre qu’une traduction politique de la vision qu’a entretenue l’Empire britannique à l’endroit des populations qu’il colonisait à travers le monde et qui s’est institutionnalisée dans l’État fédéral canadien?
Inversement, quant à l’État québécois, qui représente primordialement la continuité historique et politique de l’Amérique française au fil des siècles, comme le précise le chroniqueur Bock-Côté, le Québec a toujours entretenu une politique fondamentalement différente à l’endroit des Autochtones. Le Québec s’en targue fièrement et avec raison. C’est un simple rappel de bon sens que la responsabilité collective québécoise, comme peuple, se situe à l’échelle québécoise et non pas à l’échelle pancanadienne et fédérale. Bock-Côté écrit : De Champlain à Bernard Landry, en passant par Honoré Mercier et René Lévesque, l’histoire de nos rapports avec eux s’inscrit dans une toute autre logique. Il faudra toujours rappeler qu’au moment où MacDonald persécutait les Métis dans l’Ouest canadien, Honoré Mercier se solidarisait avec eux et parlait de son frère Riel. Cela ne veut pas dire que nos rapports avec les Autochtones sont immaculés… Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’améliorer de mille manières. Cela veut dire que nous ne sommes pas coupables des crimes des Britanniques et de ceux qui ont poursuivi leur histoire du Canada. Il y a des limites à assumer les crimes des autres.
Si on regarde en face l’histoire du Canada anglais par rapport au Canada français, il ne faut pas un expert dans la lecture des feuilles de thé pour conclure que le statu quo raciste et suprématiste du Canada anglais s’est constamment profilé à l’horizon canadien depuis les incursions initiales des Britanniques.
Passons en revue le legs du nettoyage linguistique fomenté par Lord Durham, George Brown et Sir John A. Macdonald. Lord Durham donne le ton en 1839 dans son infâme Rapport pour assimiler les Canadiens du Bas-Canada auxquels il affiche une haine indestructible les affublant d’être une race « sans culture et sans littérature » donc inférieurs d’accéder à la supériorité de la race anglaise. Selon Durham, une fois placés en minorités, lesdits Canadiens abandonneraient leurs vaines espérances de nationalité.
Et bien aujourd’hui, 182 ans plus tard, la plus populeuse ethnie historique du Canada, soit la française, est divisée en 13 minorités grâce à Pierre Elliott Trudeau ce auquel Elizabeth II, à titre de reine du Canada, a apposé sa signature (en latin comme il se doit) à l’Acte constitutionnel de 1982, une toute nouvelle Constitution « rapatriée » comprenant, par ricochet, le renforcement radical de ses charges royales au Canada (cf. Partie V, acte 41a ). Pas étonnant que Sa Majesté canadienne y soit venue en personne en pleine période froide, le 17 avril 1982.Voilà enchâssée par Trudeau père, la destinée fatidique de la race française au Canada. Ce qui suit l’est dans la mire de ce que Lord Durham avait concocté et ciblé pour l’Amérique du Nord britannique. Mission accomplie dont voici quelques bribes :
1. La répression des Patriotes 1837-1838 : Compatriotes infortunés, les Patriotes sont tombés victimes innocentes de la haine et des plus mauvaises passions. Le vieux brûlot britannique Colborne n’a épargné personne. (Source : Album de la Fête du 150e anniversaire des Patriotes)
2. La révolte de Caraquet de 1875 : L’infâme School Act du gouvernement néo-brunswickois de George King qui rendait les écoles non confessionnelles, les catholiques pouvaient établir leurs écoles à leurs frais mais devaient aussi payer pour les écoles neutres. Cette double taxation était énorme. Les citoyens de Caraquet manifestent leur refus de se soumettre à la loi. Le jeune Acadien Louis Mailloux est atteint d’une balle, laissé agonisant, les assaillants ne s’en occupent pas. D’autres Acadiens sont ligotés, roués de coups, injuriés et emmenés prisonniers. Le juge Allen suspend le verdict car il refuse d’accepter les preuves de la défense des accusés et se dit soucieux de certaines irrégularités et s’en remet à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick dont il est le même juge qui siège. Il décide qu’il y eut des erreurs majeures dans l’enquête et le procès. Le verdict est annulé. Après 18 mois de prison, les derniers neuf Acadiens sont relâchés. De mise que la polyvalente de Caraquet prend son nom de Louis-Mailloux. (Source : Raymond Arsenault, Veritas Acadie 8, 2019, p. 80 à 83)
3. Les écoles du Nouveau-Brunswick et ailleurs, aujourd’hui : « Là où le nombre le justifie » — disposition discriminatoire systémique à même la charte canadienne des droits et libertés quant à l’assujetissement à la justification par le nombre. (Source : Normand Lester Veritas, Acadie 8, p. 85-86)
4. Le Règlement 17 (Ontario) : « English will be the langage of instruction in all of the French schools in Ontario (Source : Linda Drouin, Veritas Acadie 7, p. 96-98 / Me Christian Néron, Veritas Acadie 8, p. 90-92 et ibid. Normand Lester p. 93-95)
5. Les écoles du Manitoba, 1890 : Abolition de l’usage du français à la législature et dans les tribunaux du Nord-Ouest et du Manitoba. (Source : Normand Lester, Veritas Acadie 8. p. 97-99)
6. Les écoles de Île-du-Prince-Édouard : Malgré des protestations adressées au Bureau d’Éducation, les manuels scolaires à contenu religieux sont tolérés dans les écoles acadiennes jusqu’en 1877, simplement parce qu’au Canada des manuels français appropriés sans contenu religieux n’existent pas. La loi scolaire de 1877 stipule que les écoles publiques doivent être non confessionnelles et les manuels scolaires uniformes. Les livres français utilisés dans les écoles dites acadiennes sont donc retirés. (Source : Georges Arsenault, Les Acadiens de l’Île, 1984, p. 114)
N’eût été les politiques anti-francophones du Canada…
Après la pendaison le Louis Riel et le génocide des Métis. le gouvernement canadien appliqua une politique de colonisation dans l’Ouest canadien en y distribuant des subventions et en y donnant des terres. Il y eut une vaste campagne de promotion en Europe. Il est important de noter que ces privilèges n’étaient pas disponibles pour les Québécois qui manquaient des terres à cultiver. C’est ce qui explique leur exil aux États-Unis, plutôt que vers l’Ouest canadien.
Il y a environ 7 millions + de francophones au Québec et un million + de francophones hors Québec. Si le Canada avait permis aux Québécois de coloniser l’Ouest canadien plutôt que de s’exiler aux États-Unis, on peut supposer qu’il y aurait 21 millions de Canadiens dont la langue maternelle serait le français. La population totale du Canada est aujourd’hui d’environ 40 millions. Les francophones seraient, et de loin , le groupe majoritaire dans ce beau Canada, n’eût été des lois du gouvernement d’Ottawa. Est-ce que la politique d’exclusion des Québécois tout comme celle de rendre le français illégal dans tous les autres provinces à la même époque, était préméditée ou un pur hasard??? (Source : commentaire partiel de Laurent Desbois, dans la Tribune libre de Vigile, le 13 mars 2016.)
D’un génocide à l’autre : une valeur distinctive du Canada anglais…
Que de se poser la question, c’est d’y répondre. Mais de quelle réconciliation devrait-on vraiment parler, Monsieur Justin Trudeau? Serait-ce possiblement cette « Grande Réconciliation » du Canada anglais vis-à-vis du Canada français?
Amérindiens, Québécois, Acadiens, c’est à NOUS de nous définir, pas au Canada anglais!
David Le Gallant, Acadien de nationalité
Boursier France-Acadie, Diplômé en droit, Université de Moncton (1990)
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec