par Olivier Renault.
L’UE prévoit de créer ses propres forces armées d’ici 2022. Un tel besoin est particulièrement apparu à l’occasion du retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Cet événement a mis en évidence la grave dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Mais, l’OTAN estime que la création d’une telle armée sapera les relations de l’UE avec l’OTAN et les États-Unis.
L’OTAN opposé
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’est opposé à la création d’une force militaire unifiée de l’UE. Pourtant, les États-Unis ont abandonné tout le monde dans ce retrait rapide et désordonné d’Afghanistan. L’OTAN a critiqué la proposition de créer des forces armées communes par l’UE.
« Les appels à une nouvelle force militaire européenne après le retrait d’Afghanistan ne doivent pas saper les structures de commandement de l’OTAN ni détourner les ressources de l’Alliance », a averti le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, dans un entretien publié dans The Telegraph.
« Toute tentative d’établir des structures parallèles, de dupliquer la structure de commandement, cela affaiblira notre capacité conjointe à travailler ensemble, car avec des ressources limitées, nous devons éviter les doubles emplois et les chevauchements d’efforts », a-t-il mis en garde.
Charles Michel a annoncé une « autonomie stratégique »
L’UE est sur le point de proposer un document stratégique plus tard cette année qui abordera une proposition d’une force d’entrée rapide de plusieurs milliers de soldats. Les appels à une capacité militaire européenne autonome se sont multipliés ces dernières semaines après que la décision des États-Unis de se retirer d’Afghanistan a conduit les talibans à reprendre le contrôle du pays.
« Je dirais qu’il va y avoir encore d’autres leçons à tirer de ce qui s’est passé en Afghanistan », a déclaré le 24 août dernier le président du Conseil européen Charles Michel à l’issue d’une visioconférence d’urgence des dirigeants du G7 sur l’Afghanistan. Il a souligné que « ces événements montrent qu’il est de la plus haute importance, pour l’avenir de l’Europe, que nous développions notre autonomie stratégique tout en maintenant nos alliances plus fortes que jamais » et annoncé qu’ « en temps utile, je proposerai une discussion sur cette question à mes collègues dirigeants au Conseil européen ».
Pourquoi l’UE a-t-elle besoin de sa propre armée ?
La formation d’une armée européenne unifiée n’est pas une idée nouvelle. Dans les années 90, dans le contexte de la guerre dans les Balkans et de l’effondrement de la Yougoslavie, le bloc s’est fixé pour tâche de créer une armée d’environ 50 000 soldats, mais l’UE n’a constitué qu’un groupe de réaction rapide d’environ 1 500 personnes.
Le projet European Battle Groups (EUBG ) s’est achevé en 2007, mais l’UE ne l’a jamais utilisé lors de crises majeures dans la région ni déployé ses missions dans des zones de conflit actif. Maintenant, selon les circonstances, l’UE crée un contingent mixte distinct pour ses missions humanitaires, mais, en particulier, l’Allemagne et la France ont insisté à plusieurs reprises sur la création d’une armée de l’UE.
L’EUBG, comme l’indique son site qui a son quartier général à Strasbourg, doit être déployé à une distance de 6 000 km de Bruxelles. Il doit être capable d’atteindre la capacité opérationnelle initiale sur le théâtre dans les 10 jours suivant la décision du Conseil européen de lancer l’opération. Il faut signaler que le mardi 29 juin, plus de 80 officiers, en formation ou diplômés, se sont retrouvés pour le premier séminaire du programme d’échange franco-allemand à l’Eurocorps.
L’armée UE un concurrent sérieux de l’OTAN
Le choix de l’Eurocorps pour accueillir ce premier séminaire n’est pas un hasard, indique le site éponyme :
« En effet, l’Eurocorps, qui est en garnison dans la capitale européenne de Strasbourg depuis sa création, est aussi le fruit d’une coopération franco-allemande dans le domaine de la défense. En 1992, l’Eurocorps est créé à l’initiative de la France et de l’Allemagne. Dès ses débuts, elle a été envisagée comme une structure ouverte à d’autres pays. Entre 1993 et 1996, elle a été successivement rejointe par trois autres pays : la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg. Depuis 2002, la Turquie, la Grèce, la Pologne, l’Italie et la Roumanie ont rejoint le siège de Strasbourg en tant que Nations associées ».
Le quartier général de l’Eurocorps rajoute : « par son caractère multinational, l’Eurocorps est l’un des cadres d’emploi possibles pour les officiers issus du programme d’échange ». L’armée de l’UE forme un concurrent sérieux contre l’OTAN.
Un manque de clarté de l’UE
Cependant, les responsables politiques de l’UE manquent de clarté et ne semblent pas vouloir affirmer totalement leur position contre l’OTAN. Le journal Politico fait remarquer, qu’alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se trouvait debout à côté de Charles Michel quand un journaliste lui demandait ce qu’il en était de de la proposition du plus haut diplomate de l’UE de développer une force de réaction rapide de 50 000 soldats européens ? Celle-ci semblait désemparée, ne sachant pas quoi ou comment répondre en se tournant vers le président du Conseil européen, en déclarant :
« Nous vous avons compris, mais je ne suis pas au courant de ce commentaire » ; « Vraiment ? ». « Il n’y eut pas de réponse », fait signifier Politico. Cela signifie que les décisions au sommet de l’UE se précipitent en fonction de l’actualité récente.
UE confirme l’emploi d’une force d’entrée [initiale]
Le retrait chaotique du contingent militaire américain d’Afghanistan est devenu un signe alarmant pour l’UE et une sorte de catalyseur des discussions sur la nécessité d’un regroupement opérationnel permanent et bien coordonné du bloc. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, en a parlé durant la réunion informelle des ministres de la défense du 2 septembre.
« J’ai dit que nous discutions des leçons que nous pouvons tirer de ce qui s’est passé [retrait américain d’Afghanistan]. Et je pense que la première est que l’Afghanistan a montré que les lacunes de notre autonomie stratégique ont un prix et que la seule voie à suivre est de combiner nos forces [armée européenne] et de renforcer non seulement nos capacités, mais aussi notre volonté d’agir », a-t-il déclaré dans une conférence de presse, précisant :
« Cela signifie élever le niveau de préparation par le biais d’entraînements et d’exercices militaires conjoints, en établissant de nouveaux outils comme cette force d’entrée [initiale] [force de réaction rapide de 50 000 soldats européens] qui sera discutée sur la boussole stratégique qui sera présentée au Conseil des ministres de la défense de novembre ».
Déjà, le 6 mai dernier, l’UE avait annoncé vouloir développer une défense européenne commune.
source : http://www.observateurcontinental.fr
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