Le Loup a frappé de nouveau

Le Loup a frappé de nouveau

Au lendemain de l’annonce de la décision du gouvernement caquiste de rejeter le projet Énergie Saguenay, nombreux sont les gens d’affaires de la région qui ont exprimé une vive déception. Il fallait s’y attendre. GNL Québec avait beaucoup insisté sur l’importance des retombées économiques qui résulteraient de l’implantation de son complexe de liquéfaction de gaz à La Baie. 

Une majorité d’élus du Saguenay-Lac-St-Jean avait eux aussi continué d’appuyer le promoteur malgré le rapport défavorable du BAPE. Les commissaires ont préféré écouter la communauté scientifique et prendre en compte l’incertitude du marché des combustibles fossiles dans un contexte d’urgence climatique. Le projet risquait même de ne pas être rentable pour l’ensemble des Québécois en raison des bas tarifs d’électricité consentis au promoteur et du coût des nouvelles infrastructures requises (barrages, éoliennes, panneaux solaires) afin de répondre à une demande croissante d’énergie propre.

Le prix goudron de la pire réaction publique au rejet du projet de GNL revient cependant à un non représentant de la région: Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal. Le professeur Pineau agit à titre de consultant auprès du gouvernement provincial et il est souvent appelé à commenter dans les médias l’évolution du marché des énergies à partir des données recueillies par son organisme. Il en tire assez souvent des conclusions et des pronostics qui vont à l’encontre des convictions des environnementalistes en matière de développement durable.

M. Pineau a blâmé le gouvernement du Québec pour avoir refusé de donner le feu vert à Énergie Saguenay en ressortant l’argument – infondé – de la perte de revenu pour l’État. Il invoque en outre la possibilité que l’Allemagne, le principal client visé, devra s’approvisionner en GNL auprès d’autres fournisseurs dont l’empreinte carbone sera supérieure à celle qu’aurait produite l’usine du Saguenay. Cela reste à démontrer.

Tout indique que, devant la multiplication des signaux de détresse climatique, l’Europe va plutôt accélérer sa transition vers les énergies renouvelables. Pour combler ses besoins énergétiques immédiats, l’Allemagne peut toujours compter sur la Russie, de préférence aux États-Unis. Il est permis de dénoncer le régime de Poutine sans renoncer à son gaz pour autant. Celui-ci a l’avantage de provenir de gisements conventionnels moins nocifs pour l’environnement que le gaz de fracturation, le seul encore disponible en Amérique et qui doit pour sa part être exporté par bateau.

Lorsque le président Biden avait décidé, au lendemain de son élection, de révoquer le permis de construction de l’oléoduc Keystone XL, destiné à importer le pétrole canadien, M. Pineau avait brandi un épouvantail similaire : malgré ses surplus en gaz de schiste, les États-Unis allaient devoir continuer à s’approvisionner en pétrole lourd plus polluant que le nôtre, livré par méthanier (tiens donc) ! Plus polluant que le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta? Mon œil !

Comment expliquer le discours paradoxal et parfois rabat-joie de Pierre-Olivier Pineau?

Il faut savoir que la Chaire de l’énergie de HEC Montréal fonctionne en partenariat avec Hydro-Québec et le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, mais aussi avec plusieurs entreprises d’importance très inégale, dédiées aux énergies renouvelables et non renouvelables. Parmi ces dernières figurent la raffinerie de pétrole Valero, Enbridge Pipeline et WSP Canada, une firme de gestion et de conseil dans le domaine de l’environnement. Celle-là même qui a préparé la volumineuse mais très lacunaire étude d’impact sur l’environnement du défunt projet Énergie Saguenay pour le compte de GNL Québec.

Cela n’empêchera pas Pierre-Olivier Pineau d’être encore et encore invité à commenter l’évolution du marché de l’énergie, sur les ondes de la Société Radio-Canada notamment. Les recherchistes et les animateurs de la Première Chaîne apprécient manifestement sa grande disponibilité et son affabilité. Il est de ceux dont Michel C. Auger aimait dire à Midi info : « C’est toujours un plaisir de vous avoir à ce micro. » Un plaisir pas forcément partagé par son auditoire bien informé, mais quelle importance?
 

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