par Oren Ziv.
Shahar Perets, qui a été condamnée à de la prison pour avoir refusé de rejoindre l’armée israélienne, parle pour la première fois de ses rencontres avec des Palestiniens, de ses visites en Cisjordanie et de la façon dont la société israélienne réprime l’occupation.
L’objectrice de conscience israélienne Shahar Perets a été condamnée mardi à 10 jours de prison militaire après avoir fait part de son refus de rejoindre l’armée israélienne à cause de sa politique envers les Palestiniens.
Perets, 18 ans, de la ville de Kfar Yona, est l’une des 120 adolescents qui ont signé en janvier la « Shministim Letter » (initiative dotée du surnom hébraïque donné aux élèves de terminale), dans laquelle ils déclarent leur refus de servir dans l’armée pour protester contre sa politique d’occupation et d’apartheid. En juin 2020, elle a été l’une des 400 adolescents israéliens qui ont signé une lettre adressée aux dirigeants israéliens pour réclamer qu’ils mettent fin à leurs anciens projets d’annexer des parties de la Cisjordanie occupée dans le cadre du dit plan de paix de Trump.
Mardi matin, des dizaines de supporters, dont le député de la Liste Unie Ofer Cassif, ont accompagné et Perets et l’objecteur de conscience Eran Aviv – qui va faire son quatrième séjour derrière les barreaux – à la base d’intégration de Tel Hashomer au centre d’Israël, où ils ont tous les deux dit à l’armée qu’ils ne voulaient pas y servir. Aviv a passé au total 54 jours en prison militaire pour avoir refusé de servir dans l’armée. Perets et Aviv ont chacun été condamné à 10 jours derrière les barreaux. Après leur libération, ils devront retourner à la base d’intégration et recommencer le processus jusqu’à ce que l’armée décide de les libérer. La conscription militaire est une obligation pour la plupart des Juifs israéliens.
Aviv est arrivé à la base d’intégration en uniforme après avoir entamé le processus de conscription en mai, lorsque l’armée lui a promis un poste qui ne soit pas en lien avec l’occupation. Quand les responsables de l’armée sont revenus sur leur promesse, il a choisi de refuser – mais du point de vue des FDI, il est considéré comme un soldat.
Le père de Shahar, Shlomo Perets, qui a lui même été quatre fois en prison pour avoir refusé de servir au Liban et dans les territoires occupés, était là également pour soutenir sa fille. « Ce sont ses choix, elle fait ce qu’elle a décidé en conscience, par choix et désir de faire changer les choses. Je la soutiens et j’espère qu’elle réussira à ne rien faire contre ses principes et à refuser d’être ce qu’elle n’est pas ».
J’ai parlé à Perets dans les jours qui ont précédé sa condamnation sur les raisons de son refus, ses visites en territoires occupés et sur ce qu’elle prévoit d’emporter avec elle en prison.
« J’ai décidé de refuser (de servir) après avoir participé en quatrième à une réunion entre Palestiniens et Israéliens dans un camp d’été », m’a dit Perets. « J’ai rencontré des amis palestiniens, j’ai réalisé que je ne voulais pas leur faire de mal, je ne voulais pas les rencontrer en tant que soldat et devenir leur ennemie. Je ne veux pas faire partie d’un système qui les opprime quotidiennement ».
Quel processus avez-vous entrepris depuis cette première rencontre avec des Palestiniens ?
J’ai été confrontée à ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie. J’ai commencé à en apprendre davantage sur les réalités de la vie des Palestiniens et j’ai pris la décision de ne pas m’enrôler – et de le faire publiquement ».
Vos visites en Cisjordanie vous ont-elles aidée à prendre la décision de refuser ?
J’ai voyagé et j’ai également participé à toutes sortes d’activités, y compris du volontariat et de l’aide aux fermiers (palestiniens) dans les Collines au Sud d’Hébron et la cueillette des olives au nord de la Cisjordanie.
C’est une expérience difficile, j’en reviens toujours ébranlée. Quelque chose de mal se passe, et cela doit s’arrêter. La transition entre regarder des photos ou écouter des témoignages et visiter la zone est incroyable. Voir les colonies où les enfants sont attaqués alors qu’ils vont à pied à l’école. Voir les endroits que les Palestiniens ne peuvent atteindre, par exemple dans les Collines du Sud d’Hébron dans la Zone C [sous régime militaire total].
J’ai pris ma décision avant d’être jamais allée en Cisjordanie, mais il est clair que voir les soldats et les colons se dresser devant les Palestiniens m’a fait voir clairement que je ne voulais pas être l’un de ces soldats, que je ne voulais pas porter cet uniforme, qui symbolise la violence et la souffrance que subissent les Palestiniens.
Au cours de l’année dernière, vous avez parlé à beaucoup d’adolescents alors que vous vous prépariez à publier la Shministim Letter. Quelles furent leurs réactions ?
La première réaction est toujours un peu craintive, puisqu’il n’existe pas de discussion critique sur l’armée, le recrutement et l’occupation dans la plupart des cercles d’adolescents, garçons et filles, dans les mouvements de jeunesse et à l’école.
Et mes amis proches et ceux de mon entourage plus large ont été surpris. Les gens ne savaient pas qu’existait la possibilité de ne pas s’enrôler. En même temps, beaucoup d’adolescents, garçons et filles, pouvaient soudain s’accrocher à quelque chose, signer la lettre. Je veux croire que ces réunions sont importantes. Elles donnent [aux gens] beaucoup de force et une réelle alternative.
Espérez-vous que votre refus permettra à des adolescents de voir une autre option ?
Les adolescents rencontrent pour la première fois des Palestiniens en tant que soldats quand ils sont en uniforme et portent des armes. Il est clair que s’il y avait eu des rencontres avec des Palestiniens à l’école ou des conversations à propos du récit palestinien, les choses auraient été différentes.
Il est évident que ceci fait partie de la politique du régime, du même désir de séparer, de créer une réalité « d’ennemis » et de « terroristes », au lieu de regarder tous ceux qui vivent ici – Palestiniens et Israéliens – et de dire vivons et créons de la sécurité pour tout le monde. Ne nous faisons pas de mal les uns aux autres, cessons de tuer et d’être tués.
Comment votre famille a-t-elle réagi ?
Dans l’ensemble, et mes amis et ma famille me soutiennent réellement. Bien sûr, tout le monde n’est pas heureux que j’aille en prison. C’est étrange de répondre à la question « Qu’allez-vous faire ensuite ? » Je vais en prison dans une semaine. Je pense que les membres de mon cercle le plus proche ont été capables de comprendre mon refus.
Y a-t-il un désir de transmettre un message également aux Palestiniens ?
[Le message c’est que], bien que le mouvement du refus soit dans la minorité, il existe et a de l’influence. Certaines personnes ne veulent pas prêter main forte à ce qui se passe, elles résistent et font en sorte que d’autres sachent [ce qui se passe].
Au cours des 50 dernières années, des adolescents ont publié de nombreuses lettres dans lesquelles ils annonçaient leur refus de participer au service militaire, soit dans les territoires occupés, soit en général. La première Shministim Letter a été publiée en 1970 au milieu de la Guerre d’Usure entre Israël et l’Égypte. La Shministim Letter publiée cette année a été signée par des adolescents qui, soit s’attendent à aller derrière les barreaux, soit ont été par ailleurs exemptés.
Perets avait entamé un processus de conscription, mais l’a arrêté à mi-chemin et a choisi de ne pas faire une demande d’exemption à l’armée.
« J’ai décidé de ne pas me présenter au comité des objecteurs de conscience, à un comité médical, ou à l’officier de santé mentale des FDI », dit Perets, « parce qu’il est important pour moi de me tenir à mes principes et de ne pas donner l’impression que c’est moi le problème et qu’on devrait m’exempter [du service]. J’ai choisi d’aller en prison et de prendre part à une campagne parce que j’espère que cela touchera plus de gens. J’espère que, grâce à mon refus, des gens réfléchiront à leur place dans cette réalité ».
Pensez vous qu’aujourd’hui des gens, surtout des adolescents, ne savent pas ce qui se passe dans les territoires occupés ? Ou bien savent-ils et choisissent-ils de le refouler ?
Il y a une très grande part de refoulement ; les gens ne savent pas, ou ils savent et ne veulent pas savoir. Le refoulement n’est pas toujours de notre faute, c’est celle du Ministère de l’Éducation, du gouvernement, de toutes sortes d’autres organisations qui ne parlent pas de [l’occupation]. Les cours d’Histoire ne parlent pas du récit palestinien. Bien sûr, ceci dissuade les gens. Il se mettent sur la défensive quand je leur raconte que je n’ai pas l’intention de m’enrôler. Ils le prennent personnellement et se mettent en colère. Cela vient clairement d’une réticence à faire face ».
Comment vous préparez-vous à la prison ?
Pendant ces trois dernières années, j’ai fait partie d’un réseau de femmes qui refusent de servir. J’ai eu la possibilité de parler et de réfléchir à ce qui se passe en prison. Avant mon emprisonnement, j’ai parlé avec des objecteurs de conscience qui étaient en prison. Ils m’ont aidée à faire une liste des choses à emporter. J’emporterai beaucoup de livres, des sudokus et des livres de coloriage. J’ai commencé à apprendre l’Arabe et je vais donc emporter quelques carnets pour continuer à pratiquer, s’ils me laissent entrer avec.
Comment fonctionne en pratique le processus de refus ? Qu’arrive-t-il le jour du recrutement ?
J’arriverai à la base d’intégration et refuserai de passer par la file de conscription. C’est la première confrontation avec le système. À partir de là, je serai dirigée vers toutes sortes de responsables pour toutes sortes de conversations et tentatives de persuasion jusqu’à ce’ qu’il comprennent [ma position]. Il y aura un jugement dans la base elle-même, où ils décideront de ma condamnation (généralement entre 10 et 15 jours]. Après le jugement, je serai mise en détention jusqu’à ce je sois transférée en prison.
Après ma libération, je refuserai à nouveau et subirai alors un autre jugement et serai renvoyée en prison. Je sais que c’est ce que je vais faire dans les mois à venir. Je fêterai mon 19ème anniversaire en prison.
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MISE A JOUR : La version originale de cet article déclarait que 60 adolescents avaient signé la « Shministim Letter » en 2021. En réalité la lettre a été signée par 120 adolescents.
source : https://www.972mag.com
traduit par J. Ch. pour l’Agence média Palestine
via https://agencemediapalestine.fr
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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