Qui souhaite voir des animaux martyrisés ? Personne, sinon quelques psychopathes déconnectés.
Par contre, qui s’inquiète des conditions de travail des hommes et des femmes dans les abattoirs ?
En témoigne cette réflexion du ministre du Travail, Jean Boulet : « Je suis extrêmement sensible à leurs préoccupations. Je suis comme n’importe quel être humain, je ne suis pas capable de tolérer la vue de porcs qui s’entassent, qui grossissent et qui ont des problèmes de santé. »
L’a-t-on entendu se désoler de ce que vivent les travailleuses et les travailleurs dans ces abattoirs de poulets et de porcs ? Le froid. La chaleur. La chaîne de découpe. L’humidité. L’odeur. Le sang partout. Et les cris des animaux qui sentent venir la mort.
Chez Olymel, à Vallée-Jonction, les quelque 1000 travailleurs viennent de traverser une grève de quatre mois. Une entente de principe est survenue à quelques heures d’un ultimatum, pour ne pas dire un chantage, annonçant la suppression de 500 emplois.
Ce n’est pas la première fois que ces travailleurs faisaient les frais de l’arrogance de cette coopérative. En 2007, Olymel avait exigé que les salaires soient réduits de 26 $ à 19 $ l’heure. Et c’est à Lucien Bouchard qu’on avait demandé de faire cette job de bras. Et ce n’est qu’au quatrième vote que, les genoux dans la gravelle, les travailleurs avaient rendu les armes.
La CSN m’avait envoyé quelques mois plus tard, avec le photographe Michel Giroux, faire un reportage dans cette usine où, la veille, pas moins de 6698 cochons avaient été abattus et découpés.
J’avais écrit ceci : « Insoutenable, la tension. Palpable, à couper… au couteau, littéralement. Déjà qu’en temps normal, il ne doit pas être facile de respirer, de vivre, de travailler à la journée, à la semaine, au mois, à l’année dans un milieu où la mort s’impose à tous les instants, où dominent les odeurs fortes qui prennent à la gorge, les cadences de la chaîne de découpe, inévitables et obsédantes. Et le sang, les viscères, le bruit et le reste qui, en dépit de règles d’hygiène absolument rigoureuses, sont les compagnons de tous les instants des quelque mille travailleurs d’Olymel. Mais à ce quotidien déjà suffisamment lourd à supporter s’est ajouté, depuis quelques mois, le poids de conditions de travail qu’on leur a littéralement enfoncées dans la gorge. Des reculs imposés par un employeur — une coopérative ! — et, surtout, avec la complicité de la plupart des médias, qui n’ont eu de cesse de taper sur ces travailleurs, présentés sans retenue aucune comme des gras dur surpayés. »
En 1996, dans une publication de la CSN, Cœur vaillant. Corps usé, la journaliste Lucie Laurin avait rapporté ce qui se passait à Olymel. « Quand tu travailles dans l’étable, où les bêtes arrivent, tu as toute la journée dans les oreilles le cri strident des porcs. C’est épouvantable. Ça use les nerfs, ça rend fou… » Il y a aussi le saigneur. Une job qu’on ne fait pas longtemps. « Le saigneur voit arriver les porcs, un à un, sur le convoyeur. Ils hurlent avant d’être assommés mécaniquement et tomber devant lui. Ça prend un geste précis pour atteindre le vaisseau, le trancher d’un coup sec, faire jaillir le sang. Tuer 580 bêtes à l’heure, comme ça, et voir du sang toute la journée, ça finit par jouer sur le moral. »
Dans la même publication, la journaliste décrivait le quotidien des travailleuses et des travailleurs dans un abattoir de volailles. « Le pire, c’est le poste d’accrocheur. Ils sont au nombre de douze et doivent accrocher les poulets vivants par les pattes, la tête en bas. Les poulets se débattent et les travailleurs reçoivent de la merde et des plumes plein la figure. Mais le pire, c’est la cadence : chacun en accroche mille à l’heure, en moyenne. »
Les écarts de température sont aussi insupportables souvent. Il peut faire 38oC à la réception, mais 10oC à la chambre froide, et là où on pile les boîtes, c’est 0oC.
On comprend pourquoi, en 1886, c’est dans un abattoir de Chicago qu’a été amorcé le combat pour la journée de 8 heures…
Et que dire des chevreuils au parc Michel-Chartrand, à Longueuil ? Dans un espace qui ne peut en compter que quinze, ils seront bientôt 70 qui ravageront la végétation. Avec toute la délicatesse qu’on lui connaît, Me Anne-France Goldwater a menacé la ville d’une injonction et la mairesse a reçu des menaces de mort… En 2018, les chasseurs en ont abattu 53 517 au Québec…
Pour paraphraser Pierre Falardeau, ils pleurnichent sur les bébés phoques, le chevalier cuivré, la rainette faux-grillon, les bélugas ou les baleines à bosse, mais le sort des hommes et des femmes qui doivent gagner leur vie dans de telles conditions les laisse indifférents.
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal