par Alexandre Lemoine.
L’intervention des États-Unis en Afghanistan a commencé en octobre 2001 pour s’étaler sur presque deux décennies. L’opération militaire russe en Syrie a débuté en septembre 2015, cela fait donc six ans. Les deux puissances justifiaient leur présence par la nécessité de lutter contre le terrorisme international : les États-Unis face à Al-Qaïda et aux Taliban, et la Russie face à Daech et aux groupes radicaux affiliés de l’opposition syrienne.
Alors pourquoi, en fin de compte, Washington a-t-il échoué, contrairement à Moscou ?
Premièrement, bien que les deux pays aient dit lutter contre le terrorisme international, les objectifs de ces deux opérations étaient très différents.
En 2015, la Russie sauvait l’État syrien en la personne du président Bachar al-Assad et de son entourage proche, prônant de facto le maintien du statu quo politique en Syrie.
En 2001, les États-Unis ont voulu changer radicalement le statu quo en Afghanistan, créant un nouveau régime politique et réalisant un plan ambitieux de construction d’un État laïque moderne. Il est clair que la seconde tâche est bien plus difficile que la première, notamment si les prémices objectives d’une construction étatique réussie sont absentes dans le pays.
Deuxièmement, les partenaires de la Russie en Syrie étaient des puissances régionales telles que l’Iran et la Turquie. Tous les deux possédaient et possèdent des intérêts vitaux en Syrie. Et bien que ces intérêts ne coïncident pas toujours avec les russes, le format trilatéral d’Astana a montré son efficacité et sa durabilité. Mêmes les graves crises telles que l’escalade dans la province d’Idlib début 2020 n’ont pas réussi à le détruire.
Parmi une cinquantaine de partenaires américains en Afghanistan se trouvaient essentiellement des membres actuels et potentiels de l’OTAN : de la Grande-Bretagne à la Turquie en passant par la Géorgie et l’Ukraine. La plupart de ces pays n’avaient aucun intérêt vital en Afghanistan, leur implication reflétait principalement leur volonté d’afficher leur loyauté envers les États-Unis et les soutenir dans cette noble initiative. D’autant que les projets américains, contrairement à l’invasion de l’Irak en 2003, ont été entièrement approuvés par le Conseil de Sécurité des Nations unies. Mais il s’est avéré que la solidarité basée sur les valeurs et non sur les intérêts n’était pas une base très fiable pour mener une longue opération.
Troisièmement, en Syrie la Russie faisait essentiellement face aux groupes terroristes internationaux, qui considéraient le territoire syrien, en fin de compte, uniquement comme un avant-poste éventuel pour planifier et mener leurs opérations. Ils font la guerre en Syrie aujourd’hui, mais demain ils peuvent partir en Irak voisin, puis en Libye, dans les pays du Saleh ou ailleurs où la situation sera favorable pour eux.
Alors que les Taliban sont un mouvement purement afghan. Ces combattants n’ont nulle part où aller, ils ont combattu et combattent pour leur pays. Même quand, au début des années 2000, la coalition internationale a repoussé les Taliban sur le territoire pakistanais, ils cherchaient tout de même de toutes leurs forces à revenir tôt ou tard chez eux. La motivation des « mondialistes » et des « nationalistes » islamiques est différente, d’une manière imagée on pourrait dire que les premiers ont des jambes et les seconds ont des racines.
Enfin, quatrièmement, de toute évidence, l’opération russe en Syrie était tout simplement bien mieux préparée par rapport à l’opération américaine en Afghanistan. Et ce grâce aux experts arabisants, aux diplomates et aux militaires russes qui avaient une bonne vision de la situation en Syrie et dans les pays voisins.
Tandis que l’opération américaine en Afghanistan ressemblait à une mauvaise improvisation. La vision américaine de ce pays datant de la confrontation avec l’Union soviétique dans les années 1980 s’est avérée très éloignée de la réalité.
La Russie est parvenue à rendre sa présence limitée en Syrie durable, à la hauteur des moyens du budget russe et dans l’ensemble acceptable pour la société russe. Ce qui n’a pas été le cas de la Maison Blanche dans le cas de l’Afghanistan.
source : https://www.observateurcontinental.fr
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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