par Muriel Edjo.
Le groupe de télécommunications Huawei, conjointement avec les sociétés d’État China Unicom et China Telecom, et le ministère chinois de l’Industrie et des technologies de l’information (MIIT) a déposé une nouvelle norme de protocole IP devant l’Union Internationale des télécommunications (UIT). Censé répondre à l’explosion du nombre d’utilisateurs, à l’évolution des usages et de la technologie d’ici 2030, le système est qualifié de « plus dynamique ». Mais la solution, bien qu’alléchante, suscite tout de même le rejet de plusieurs pays au regard des antécédent de la Chine en matière de contrôle des libertés en ligne.
Selon le Digital Report 2020 de « we are social » et Hootsuite, le monde enregistrait 4,54 milliards d’abonnés à Internet en janvier. Soit plus de la moitié des 7,75 milliards d’individus que comptait la planète avant le coronavirus. Huawei Technologies estime que ce volume d’internautes qui grimpera à 6 milliards en 2021 et à plus de 7,5 milliards en 2030 selon Cybersecurity Ventures, surpassera largement les capacités techniques du réseau actuel, conçu pour le mobile et l’ordinateur.
L’entreprise technologique chinoise croit dur comme fer qu’avec la multiplicités des usages de plus en plus gourmands en connectivité, notamment la réalité virtuelle, la réalité augmentée, les communications holographiques et la large gammes de technologies émergentes qui vont évoluer du vaste écosystème de l’Internet des Objets (IoT) (voiture et maison connectées, etc), il devient indispensable de penser à ce futur numérique qui se rapproche à grand pas en développant une nouvelle architecture Internet, plus sécurisée et mieux contrôlée.
Le projet « NEW IP »
En septembre prochain, à Genève, lors d’une nouvelle réunion du groupe consultatif de la normalisation des télécommunications, Huawei ; qui craint que l’ensemble hétéroclite et complexe d’usages et de technologies finissent par nuire aux capacités techniques du réseau global ; va encore défendre son projet de nouvel Internet baptisé « NEW IP¨ » devant l’Union Internationale des télécommunications (UIT).
Le « NEW IP », porté conjointement avec les sociétés d’État China Unicom et China Telecom, et le ministère chinois de l’Industrie et des technologies de l’information (MIIT), est présenté comme un « système d’adressage IP plus dynamique », qui permettra même aux appareils du même réseau de communiquer directement entre eux sans avoir à envoyer d’informations via Internet. Il intègrerait toutefois une « commande de fermeture », du réseau à partir duquel l’accès à internet pourra être restreint chez un utilisateur. Une commande centrale en quelque sorte qui va à l’encontre même de l’idée fondamentale de liberté d’Internet que de nombreux gouvernements ont toujours défendu. Pour la Grande Bretagne, les États-Unis ou encore les Pays-Bas, ce nouvel Internet made in China prend les allures d’une version à plus grande échelle de ce qui prévaut déjà dans le pays.
Un réseau sous haute surveillance, donnant aux gouvernements le pouvoir de contrôler les libertés et de taire ce qui ne leur plaît pas. Un avis que rejette Huawei qui défend mordicus que le « New IP vise à fournir de nouvelles solutions technologiques IP qui peuvent prendre en charge les applications futures telles que l’Internet of Everything, les communications holographiques et la télémédecine ». La société technologique qui veut démontrer toute sa bonne foi, souligne d’ailleurs que la « recherche et l’innovation autour du New IP sont ouvertes aux scientifiques et ingénieurs du monde entier ».
Selon les chercheurs de Huawei, le nouveau protocole ; qui aurait le soutien de certains pays comme l’Arabie Saoudite, l’Iran ou encore la Russie qui a émis l’idée de créer son propre Internet national indépendant du réseau mondial ; devrait être prêt pour les tests d’ici 2021. Hormis la crainte pour les libertés en ligne, plusieurs analystes perçoivent également derrière l’offre de Huawei une volonté d’hégémonie numérique de la Chine.
Guerre numérique
Alors que les États-Unis se désengageaient en 2016 de la gestion de la Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (ICANN), la Chine avait exprimé sa capacité à assurer la continuité.
Bien que la proposition n’ait pas été retenue, au profit d’un système multipartite, cet échec n’a toutefois pas découragé la Chine, alors engagée depuis quelques années déjà dans une véritable course technologique contre les États-Unis, au regard des enjeux de la quatrième révolution industrielle. Alors que les États-Unis ont su imposer leur vision et leur suprématie technologique à travers leur domination de l’internet et du numérique, en termes de service, de stockage, de données massives, de géolocalisation, etc, la Chine a pu jusqu’ici compenser en investissant la planète numérique de ses équipements d’informatique et de télécommunication (ordinateurs, téléphones, routeurs, infrastructure de réseau, 5G, intelligence artificielle…), ses services innovants dans l’e-commerce, le paiement en ligne, les réseaux.
L’empire du milieu qui ne veut visiblement plus dépendre des règles numériques américaines mais fixer les siennes, laisse entrevoir dans son projet de nouveau réseau Internet, le dernier maillon essentiel au succès total de cette guerre numérique. Selon Solange Ghernaouti, la directrice du Swiss Cybersecurity Advisory & Research Group, « les pratiques et la culture du numérique sont des instruments du soft power à l’origine américaine qu’ont su s’approprier les Chinois, seuls en mesure de concurrencer l’approche américaine ».
source : https://www.agenceecofin.com
Source: Lire l'article complet de Réseau International