Par Ted Rall − Le 30 avril 2021 − Source Sputnik News
Si vous restez à la surface, Joe Biden va sembler gouverner comme le président le plus libéral depuis LB Johnson. Mais que les conservateurs ne s’inquiètent pas. Joe Biden n’est pas un progressiste déguisé en centriste.
Il est vrai que le programme législatif du président – après le projet de loi sur l’aide aux victimes du coronavirus, qui était indéniablement progressiste – étend le filet de sécurité sociale, augmente l’aide directe aux citoyens en difficulté et finance cette expansion du gouvernement fédéral par des hausses d’impôts comme nous, les gauchistes, les aimons, impôts sur les sociétés et les riches particuliers ; si ce programme est adopté. Ce qui ne sera pas le cas.
Personne, et surtout pas Biden, ne s’attend à ce que le Congrès approuve ses grands programmes d’infrastructure ou d’éducation. Les Républicains récalcitrants et les Démocrates réticents des États rouges, comme le sénateur Joe Manchin de Virginie-Occidentale, dilueront probablement la proposition de loi sur les infrastructures de 2 300 milliards de dollars pour la réduire à une insignifiance virtuelle de moins de 1000 milliards de dollars. La proposition de 1 800 milliards de dollars sur l’éducation, qui serait financée par une augmentation de l’impôt sur les plus-values que le GOP déteste, a encore moins de chances d’être votée.
Ces projets de loi ne sont pas des tentatives sérieuses de légiférer. Le « Bidenisme » est une série de feintes rhétoriques, de poudre aux yeux, de théâtre kabuki conçu pour échouer, tout comme la tentative timide de Biden de faire passer le salaire minimum à 15 dollars de l’heure. Depuis que les parlementaires du Sénat se sont prononcés contre son rattachement au plan de relance, on n’a plus entendu parler de cette augmentation du salaire minimum.
Le programme du président n’est pas vraiment un nouveau New Deal à l’échelle de celui de FD Roosevelt. Son véritable objectif est de faire taire la base progressiste rétive de son parti en la faisant tellement baver qu’elle ne plus vraiment le détester.
Jusqu’à présent cela fonctionne.
Biden était aux premières loges de la scission centriste-progressiste qui a déchiré le Parti Démocrate au cours du dernier quart de siècle. Bien que la politique de triangulation corporatiste de Bill Clinton ait triomphé, des signes avant-coureurs de problèmes venant de la gauche sont apparus sous la forme du mouvement antimondialisation et de la « bataille de Seattle« de 1999 qui a perturbé une réunion de l’Organisation mondiale du commerce. Une véritable rébellion de gauche a commencé en 2011 avec le mouvement Occupy Wall Street. OWS s’en est pris à Obama et aux Démocrates néolibéraux de l’establishment, préparant le terrain pour l’insurrection surprise de Bernie Sanders en 2016. Les dommages causés par cette scission ont entravé l’enthousiasme pour Hillary Clinton, contribuant à la victoire surprise de Donald Trump cinq ans plus tard et à une liste de candidats aux primaires présidentielles contraints de pencher à gauche en 2020.
Biden [ou plutôt ceux qui tirent ses ficelles, NdT] a tiré la leçon de l’expérience d’Obama et des deux Clinton, à savoir que diviser son parti en faisant une clé de bras à la gauche ne paie pas à long terme. Donc ses orientations politiques incrémentales de centre-gauche ne diffèrent pas beaucoup de celles de ses prédécesseurs mais son style est plus amical.
Clinton n’avait qu’un seul membre progressiste dans son cabinet, le secrétaire au travail Robert Reich, pour un seul mandat. Obama n’en avait aucun. Biden en a nommé plusieurs. Il a peuplé les postes fédéraux de second rang avec des gauchistes et a consulté d’anciens collaborateurs de Sanders et Warren pendant la campagne. Maintenant, il pousse une législation qui, bien que condamnée, est une agréable surprise symbolique pour les progressistes traumatisés par des décennies de désert politique.
« L’administration Biden et le président Biden ont définitivement dépassé les attentes des progressistes », a déclaré la représentante Alexandria Ocasio-Cortez, chef du groupe socialiste démocratique « Squad » à la Chambre, lors d’une assemblée publique virtuelle. « Je pense que beaucoup d’entre nous s’attendaient à une administration beaucoup plus conservatrice ».
L’approche de Biden est intelligente. « Hé les mecs, nous demandons au Congrès une grande et audacieuse législation progressiste. Ce n’est pas notre faute s’il y a le flibustier et un Sénat à 50-50 ».
Que pourront répondre les gauchistes.
Le Président n’a peut-être pas une quinte royale en main. Mais il ne tire pas non plus le meilleur parti de la main qui lui a été donnée. De l’immigration au salaire minimum en passant par l’éducation, rien n’indique que l’administration fasse pression ni n’utilise sa position pour lancer une campagne s’adressant directement au peuple et lui demander qu’il fasse pression sur ses adversaires – une approche pourtant utilisée avec grand succès par Ronald Reagan, même si, a l’époque, les Républicains ne contrôlaient pas les deux chambres du Congrès, comme c’est le cas des Démocrates aujourd’hui.
D’autres membres du Squad sont conscient de ce que fait Biden. Les représentantes Rashida Tlaib du Michigan et Ilhan Omar du Minnesota ont écrit à Biden pour lui demander d’annuler la décision du parlementaire du Sénat qui sépare le salaire minimum de 15 dollars du projet de loi d’aide COVID-19 ; Biden a refusé. Omar a critiqué Biden à propos d’informations disant que des agents de l’immigration et des douanes prévoyaient de combler les lacunes du mur frontalier « xénophobe et raciste » de Trump à la frontière mexicaine. Silence de la Maison Blanche. La représentante Ayanna Pressley, du Massachusetts, a déploré le refus de Biden d’effacer jusqu’à 50 000 dollars de dettes de prêts étudiants. Pas de réponse là non plus.
Joe Biden joue un président étonnamment progressiste à la télévision. Mais il est peu probable qu’il laisse derrière lui un héritage à la hauteur de sa rhétorique ou de ses propositions législatives en forme de ballon d’essai – non pas parce qu’il a été battu par les méchants Républicains, mais parce qu’il n’a jamais vraiment eu l’intention d’essayer.
Ted Rall
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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