par Mikhail Gamandiy-Egorov.
Le chef du Commandement central des États-Unis reconnait la perte de la domination des USA sur le Moyen-Orient. Il insiste également sur le rôle croissant de Moscou, Pékin et Téhéran.
Comme souvent, ce que les politiciens n’oseront dire, les militaires l’exposent ouvertement. C’était il y a quelques jours le cas pour Frank McKenzie, l’un des principaux hauts gradés de l’armée étasunienne, et chef du Commandement central des USA (Centcom) – la structure du Département de la Défense US responsable des opérations militaires des États-Unis au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud, qui a exprimé sa position auprès de la Commission des Forces armées de la Chambre des Représentants des États-Unis.
Plusieurs points méritant intérêt ont été soulevés dans ces déclarations, notamment du point de vue du rôle croissant des grandes puissances partisanes de la multipolarité – Chine, Russie, Iran, qui ont été bien évidemment citées. En ce qui concerne Pékin et Moscou, McKenzie affirme que les deux pays pourraient remplir le vide dans la région stratégique du Moyen-Orient. Évidemment dans une constatation amère de la réalité pour les USA : « Les deux pays tirent parti de leur proximité avec la région, de leurs relations historiques et d’un déclin perçu des États-Unis, afin d’établir et renforcer des relations opportunistes ».
Tout en précisant que selon lui la Russie « joue le rôle de spoiler pour les États-Unis, en utilisant des moyens militaires, des opérations d’influence et des activités de la zone grise pour saper et perturber l’influence américaine ». La Chine, en revanche, « utilise principalement des moyens économiques pour établir des routes régionales, dans le but à long terme d’étendre sa présence militaire et ainsi sécuriser les routes vitales de l’énergie et du commerce ».
Pour le général américain « le Moyen-Orient est, et a toujours été, un carrefour d’intérêts mondiaux et une arène historiquement privilégiée pour les puissances étrangères afin de rivaliser pour leur influence, leurs ressources et leur accès ».
L’Iran n’a pas été lui aussi oublié. En effet, la République islamique représente sans le moindre doute, au même titre que Pékin et Moscou, un défi de taille pour Washington dans la région. McKenzie affirme que « l’Iran représente une menace quotidienne pour les États-Unis et leurs alliés au Moyen-Orient (on peut deviner – en premier lieu pour Israël et l’Arabie Saoudite) alors que la supériorité militaire américaine dans la région diminue ».
L’autre citation très révélatrice, toujours en rapport avec Téhéran, est la suivante : « L’utilisation généralisée par l’Iran de drones de petite et moyenne taille pour la surveillance et les attaques signifie que pour la première fois depuis la guerre de Corée (1950-1953, ndlr), nous opérons sans supériorité aérienne totale ». Une constatation de la réalité qui peut sonner comme un véritable son de cloche des plus alarmants.
En termes d’analyses de ces propos du haut responsable militaire étasunien et de perspectives, il faut reconnaitre à McKenzie, malgré une hostilité non-voilée vis-à-vis des principaux adversaires sur l’arène internationale de Washington, que ses propos traduisent une réalité qu’une large partie des représentants de l’establishment politique US comme occidental de façon générale n’ose pas aborder. Ces derniers, préférant lancer constamment des accusations, le plus souvent sans présenter la moindre preuve tangible, s’obstinent par la même occasion à poursuivre la mission impossible de promotion du concept unipolaire terminé. Et ce aussi bien du côté des élites politiques que médiatiques de l’Occident.
La réalité est pourtant telle qu’elle est. Le concept multipolaire ne fera pas marche arrière pour faire plaisir aux nostalgiques d’une époque où une extrême minorité, bien souvent n’ayant même pas la légitimité de représenter ses propres peuples, dominait l’écrasante majorité planétaire. Il faudra donc accepter la libre concurrence, mais aussi les règles qui en ressortent.
Peut-être qu’à cet effet l’establishment politico-médiatique occidental devrait en effet être un peu plus à l’écoute des analyses de ses représentants militaires qui, pour certains d’entre eux, ont au moins le mérite de comprendre, et de facto – de reconnaitre, le basculement du monde contemporain. Évidemment sans en être des amis ou des partisans, mais c’est déjà mieux ainsi. Une constatation franche de la réalité dans l’adversité reste meilleure que les déclarations sans fin quant au prétendu rôle exceptionnel des USA et de ses acolytes – un discours dans lequel non seulement ne se retrouve pas la large majorité des peuples du monde, mais également une part importante des populations de pays occidentaux. Quant à la Chine, la Russie et l’Iran – les relations du triumvirat ne sont que propres au processus naturel pour trois grandes civilisations mondiales. Et cela – avec ou sans Washington sur leur chemin.
source : https://www.observateurcontinental.fr
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