Par Hassan Hamadé
Le Liban humilié agonise à la marge des nations. Quelques membres de sa famille résistent face à la mort, tandis que la majorité a abandonné la lutte, l’équation étant : soit ils affrontent le colonialisme, soit ils se rendent et lui prêtent allégeance.
Les politiciens ont conduit le Liban vers son calvaire et maintenant qu’ils lui ont imposé un destin d’endettement permanent auprès de l’étranger, il se retrouve dans une spirale glissante rendant son salut impossible.
Quelques Libanais, en réalité très peu nombreux, ont prévenu que le $ US est une dette de feu qui brûle le vivant et l’inerte, tandis que d’autres ont fait en sorte que le Liban s’endette en $ US jusqu’à en saigner et se noyer dans son sang, indifférents devant l’effroyable hémorragie.
Suite au plus horrible vol organisé de toutes les économies des familles libanaises déposées dans les banques, par ces mêmes banques avec la procuration et en solidarité avec la gouvernance de la Banque du Liban ; puis, suite au « bombardement hiroshimien » du port de Beyrouth ; et suite au choix renouvelé par la junte politique financière de prolonger ce mécanisme de recours à l’emprunt sous le parrainage de Washington et avec la ferme détermination de ne pas incriminer les voleurs, autrement dit de ne pas s’incriminer elle-même ; la question lancinante devient : « Le salut du pays réside-t-il dans sa soumission aux exigences du Front Monétaire International [FMI] et aux désirs des Occidentaux ? »
La réponse est NON ! La spirale de la dette ajoute des ravages aux ravages. En effet, Washington qui couvre jusqu’à présent le gouverneur de la Banque du Liban et contrôle toutes les arcanes du régime libanais, ne permettra pas au Liban de se tenir debout. Et aujourd’hui, Washington gère le processus du changement démographique au Liban en application du processus de réorganisation de la région sur les décombres récemment provoquées dans les Pays du Croissant fertile.
Dans ce but, nous le voyons insister sur le non-retour des Syriens déplacés vers leur mère patrie et sur leur intégration dans le cycle de vie des Libanais, sous le lumineux slogan de l’empathie humanitaire, tout en ordonnant aux États qui lui sont inféodés de financer leur résidence forcée dans les pays d’accueil.
Des déplacés dont le nombre augmente considérablement jusqu’à atteindre les deux millions et demi selon le témoignage du général McKenzie, le chef du commandement central de l’armée américaine [Centcom]. Un nombre qui équivaut à 50% de la population du Liban, ce qui est un cas unique au monde. En effet, un pays comme la France accepterait-il d’accueillir 35 millions de réfugiés d’un seul coup sur son sol ? Et qui parmi nous aurait oublié les paroles prononcées par l’ancien Premier ministre français Michel Rocard au début des années 80 : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », en notant qu’à l’époque l’accueil en question ne portait que sur quelques centaines d’étrangers ?
Toute cette tendresse envers les Syriens déplacés fait partie intégrante de la guerre d’agression menée par les États-Unis contre la Syrie, où plus de 180 000 terroristes ont été amenés de l’étranger, « 60% d’entre eux étant passés par le territoire turc » comme l’a déclaré l’amiral James Clapper en février 2015, lorsqu’il était à la tête des services de renseignement étasuniens.
Des terroristes fabriqués par les États-Unis et des États alliés d’après le témoignage du père américain de Daech, le jeudi 2 octobre 2014, devant une assemblée d’étudiants à l’université de Harvard, alors qu’il était le vice-président de Barack Obama.
Il ne nous semble pas inutile de rappeler que ce jour là, Abou-Daech l’américain [Abou signifiant le « père de… » et Daech étant l’acronyme du prétendu État islamique ou EIIL, en arabe ; NdT] a usé de tout le stock d’énergie mensongère emmagasiné dans sa conscience en déclarant que Daech et ses sœurs avaient été organisés, financés et acheminés en Syrie par les alliés des États-Unis : l’Arabie Saoudite, la Turquie et les Emirats Arabes Unis ; le Qatar étant implicitement accusé de la même forfaiture. Cependant, il a prétendu que les États-Unis, qui pourtant occupent et dominent les trois pays arabes cités, n’avaient pas suffisamment d’influence pour les en dissuader. Il a usé d’une rhétorique semblable en ce qui concerne la Turquie, bien qu’elle soit l’un des principaux pays de l’OTAN dirigé par Washington, sans parler de la présence de plus de 8 bases militaires américaines sur son sol.
C’est là un simple exemple de mensonges proférés par Abou Daech l’américain, le maître de Abou Mohammad al-Joulani, en cours de recyclage suite à une opération de modification de son apparence et de son costume avant de le vendre comme opposant armé modéré et non tel qu’il est : un bourreau et un coupeur de têtes.
Une tendresse américaine croissante à l’égard des Syriens déplacés au Liban en totale concordance avec les crimes indescriptibles de ses forces d’occupation en Syrie, dont les incendies d’un maximum de récoltes et de terres agricoles, afin que le peuple syrien meure de famine quand ce n’est pas de soif, le tout évidemment couvert par l’exportation de la démocratie et le respect des droits de l’homme.
Des crimes soutenus par certains gouvernements européens, alors que la Syrie n’en a jamais attaqué aucun ni par le passé ni au présent. Ce sont plutôt les Européens qui ont mené leurs guerres contre ce pays tout au long de l’histoire ancienne et moderne.
Et aujourd’hui leur obéissance servile aux ordres venus des États-Unis est écœurante au point qu’elle nous rappelle les paroles du célèbre écrivain français, feu Louis Pauwels, dans un éditorial du Figaro Magazine en 1991, quant au fait que certains gouvernements européens ressemblaient davantage à Rantaplan, tel qu’il figure dans la bande dessinée des aventures de « Lucky Luke ».
La réalité flagrante de notre vécu est telle qu’elle impose à toute personne sensée de se méfier des plans infernaux mis à exécution par Washington dans nos pays, de manière agressive, raciste, sanguinaire, mystificatrice, au-delà de toute description.
En effet, comment se pourrait-il que Washington se soucie du salut du Liban alors que ses pressions de plus en plus fortes reviennent à mener une campagne de destruction globale et systématique dont le but est de gommer notre existence, comme cela se passe pour la Palestine, tandis que le plus grand canular de l’Histoire est le mensonge de son prétendu combat contre le terrorisme ?
Car, aujourd’hui, c’est de nos propres yeux que nous le voyons engager son aviation militaire pour sauver les dirigeants de Daech en Syrie et en Irak en héliportant des groupes de terroristes d’un point à un autre, afin qu’ils perpétuent leurs crimes et achèvent la politique de la terre brûlée dictée par Washington, y compris ses habitants, ses cultures, ses monuments et son patrimoine détruit à jamais. Et le voici qui couvre la campagne de turquification menée dans le nord de la Syrie, en privant notamment les élèves des écoles de parler en arabe, dans l’intention d’effacer leur mémoire.
Autant de crimes qui constituent une destruction de l’humanité en l’humain, tandis que les démoncraties européennes en demandent encore plus à leur allié américain.
Comment pourrais-je en tant que personne humaine libanaise ayant subi le vol des économies de toute une vie de labeur par des banques criminelles, me fier aux propos de responsables américains, français, allemands et britanniques qui visent, au nom de la privatisation, des exigences du FMI et de la lutte contre la corruption à se saisir des actifs de l’État libanais, tels que le port, les aéroports, l’électricité, l’eau, le gaz, le pétrole et le reste des infrastructures, le tout appartenant au peuple libanais ?
Dr Hassan Hamadé
Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Intichar (Liban)
Vidéo : Vice President Biden Delivered Remarks on Foreign Policy | Institute of Politics
Extrait à la 53ème minute 26 secondes :
« Nos alliés dans la région ont été notre plus grand problème en Syrie : les Turcs, nos grands amis…j’ai moi-même de bonnes relations avec Erdogan avec lequel j’ai passé beaucoup de temps…les Saoudiens…les Émiratis, etc. Que faisaient-ils ? Ils étaient tellement déterminés à renverser Bachar al-Assad qu’ils ont fomenté une guerre par procuration entre sunnites et chiites. Comment ont-ils procédé ? Ils ont fait pleuvoir des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armements, sur n’importe qui voudrait se battre contre Assad, sauf que ceux qui en ont bénéficiés étaient Al-Nosra, Al-Qaida et des éléments extrémistes de djihadistes venus d’autres parties du monde. Pensez-vous que j’exagère ? Regardez jusqu’où tout cela est allé… ».
Mais quatre jours plus tard, la journaliste Carol Giacomo faisait savoir dans un article du The New York Times que Joe Biden avait dû s’excuser pour avoir dit la vérité ; son porte-parole ayant déclaré : « Le vice-président a présenté ses excuses pour avoir laissé entendre que la Turquie ou d’autres alliés et partenaires dans la région avaient intentionnellement fourni ou facilité le développement de l’EIIL ou d’autres extrémistes violents en Syrie » : Joe Biden Apologizes for Telling the Truth.
Hassan Hamadé : Écrivain et journaliste libanais – Membre du Conseil national de l’audiovisuel (CNA) – Il vit à Beyrouth.
Source: Lire l'article complet de Réseau International