La valse des nuances

La valse des nuances

La valse des nuances

14 mars 2025 (19H00) – La proposition d’un cessez-le-feu de trente jours en Ukraine, présenté à la Russie par les USA et au nom de l’Ukraine, s’est très vite trouvé enveloppé d’un nuages de contradictions et d’interprétations se référant aux habituels simulacres. Bien entendu, Poutine, qui s’est montré sous son jour de renard pour la manœuvre, n’a pas rejeté directement une proposition qu’il avait déjà repoussée et condamnée à plusieurs reprises lorsqu’elle venait d’autres sources ; c’eût été inutile…

Il l’a accueilli avec une appréciation louangeuse, essentiellement  pour le président Trump bien sûr, pour son rôle dans cette affaire et pour satisfaire son considérable ego et sa  popularité. Cella ne signifie en aucun cas une acceptation de la proposition, puisqu’il (Poutine) a aussitôt nuancé son doux propos de la phase destinée à être fameuse (voir plus loin), – “Il y a des nuances”, c’est-à-dire qu’avec la prise en compte de “nuances” la proposition pourrait être envisagée (encore) plus favorablement.

Affaire de nuances ? Ce n’est pas si simple.

En un sens, Trump entend évoluer dans cette affaire selon son habitude, comme un buffle, ou comme un bulldozer si l’on veut plus moderne et technologique. Poutine, répétons-le, c’est plutôt le renard, mais avec des armes extrêmement redoutable et une armée en pleine offensive victorieuse. Simplement, Poutine entend poursuivre parallèlement deux politiques qu’on jugerait inconciliables si on ne commençait à connaître Trump, – et l’on sait que, pour lui, l’Ukraine est un problème accessoire. Poutine, lui, entend établir de bonnes relations avec Trump et, en même temps poursuivre et atteindre ses bijectifs stratégiques et existentiels en Ukraine.

D’où, c’est vrai, une diversité de confusions… Il faudra attendre que la poussière se soit dissipée… Hier, on a vu le commentateur russe Marc Sloboda citer avec enjouement le fait que l’interprétation de nombre de journaux américanistes était que Poutine a accepté la  proposition ; et Sloboda de s’esclaffer : “C’est exactement le contraire !”

Nuance pour nuance, disent-ils

Donc, “une diversité de confusions” en attendant que la poussière soit retombée…

Larry S. Johnson, qui rentre d’un voyage assez médiatisé en Russie (avec interview en anglais de Lavrov), avec le “Juge Napolitano” (‘Judging Freedom’) et Mario Naufal, s’est concentré sur la compréhension et l’explication de la réaction russe, notamment la conférence de presse de Poutine. Il a téléphoné à son ami Andrei  Martyanov, qui a le parler rude. Martyanov lui a expliqué que la réponse se trouvait résumée dans la réponse lapidaire et d’apparence aimable de Poutine :

« “Nous sommes pour [un cessez-le-feu], mais il y a des nuances”, a ajouté Poutine lors d'une conférence de presse le 13 mars à Moscou avec le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko. »

Et Martyanov d’expliquer que tout se trouve dans le “il y a des nuances”. Dans le langage populaire, symbolique et imagé des Russes, cette phrase renvoie à une connotation extrêmement rude (du vrai Martyanov) et terriblement crue, où la sodomisation est employée comme image, la “nuance” étant entre la sensation de celui qui l’est (sodomisé) et celui qui sodomise.

« Vous avez compris ? Poutine a poliment dit à l'équipe de négociateurs de Trump qu’elle pouvait se mettre dans le cul l’accord de cessez-le-feu proposé à Riyad. La Russie ne se laissera ni intimider ni menacer. »

Johnson tire des indications de Martyanov la conclusion suivante, concernant la véritable position de Poutine :

« La veille de sa conférence de presse avec Loukachenko, Poutine a envoyé un message clair à l'Occident. Il s'est rendu, en tenue militaire, au quartier général militaire russe de Koursk, où les troupes russes ont infligé une défaite cuisante aux forces ukrainiennes. Il ne s'agissait pas d'un défilé de mode. Il a ordonné au général Guerassimov et à ses commandants de chasser toutes les forces ukrainiennes de Koursk au plus vite. Cette décision fait suite à une frappe de drone massive lancée mardi par l'Ukraine sur le territoire russe, qui n'a pas touché de cibles militaires mais a tué trois civils.

» Si le président Poutine est déterminé à rétablir des relations normales avec les États-Unis, il n'acceptera pas un accord qui ne s'attaque pas à la cause profonde de cette guerre : l'expansion de l'OTAN et l'exploitation de l'Ukraine par l'Occident comme allié militaire pour attaquer la Russie. Si Donald Trump espère un accord rapide pour mettre fin à la guerre en Ukraine, il sera déçu. Les conditions de la Russie sont claires. Appelons cela une “position nuancée”. »

Répétons qu’il s’agit indirectement d’une vision toute faite de la rudesse d’un observateur russe habitué à ne pas cacher ses sentiments les plus vifs ; mais il nous apparaît, à lire divers commentaires russes, que la fermeté de cette position est très généralement partagée, tout comme bien sûr l’interprétation-Martyanov de la réponse de Poutine. Il n’est pas certain que les Américains l’aient ainsi entendu, et notamment cette gymnastique symbolique et sémantique du “Il y a des nuances”. L’Intelligence Artificielle, peut-être…

Au reste et pour nous contredire en nous confirmant, nous avons eu un rapport d’une communication directe entre Trump et Poutine, et le commentaire donnée par la partie américaine-américaniste est intéressant. Elle est de Trump lui-même (sur sa plate-forme ‘Truth Social’) qui n’hésite pas à verser dans un affectivisme, curieusement mis au service du populisme trumpiste, avec le sort supposé terrible de milliers de soldats ukrainiens encerclés dans la région de Koursk, dont très certainement un nombre important de mercenaires US.

Trump nous dévoile ainsi l’ampleur de la défaite ukrainienne du fait d’une armée russe qui a quitté la longue-vue du général Yakovlev, de LCI, et l’importance symbolique et stratégique de cette bataille de Koursk, – en même temps et surtout, qu’il (Trump) participe (involontairement ou pas) à la banalisation humanitaire et à la parcellisation de l’accord de cessez-le-feu proposé. De ce point de vue, il joue plutôt dans la main de Poutine en participant à une complication réductrice qui fait perdre de vue l’essentiel de sa proposition, – c’est-à-dire en soulevant une question de “nuance” au sens russe.

Nuance pour nuance, alors ?

« Le président américain Donald Trump a confirmé s'être entretenu jeudi avec le président russe Vladimir Poutine au sujet de la fin du conflit ukrainien. Vendredi, Trump a qualifié cette conversation de “très fructueuse et productive” sur sa plateforme Truth Social.

» Dans son message, le président américain a exprimé ses inquiétudes concernant les milliers de soldats ukrainiens bloqués par les forces russes dans la région de Koursk. Trump a déclaré avoir personnellement exhorté Poutine à leur permettre un passage sûr. Il a conclu son message par un appel à leur survie et à leurs prières.

» “Nous avons eu hier de très bonnes et productives discussions avec le président russe Vladimir Poutine, et il y a de fortes chances que cette guerre horrible et sanglante prenne enfin fin. MAIS, EN CE MOMENT PRÉCIS, DES MILLIERS DE SOLDATS UKRAINIENS SONT COMPLÈTEMENT ENCERCLÉS PAR L'ARMÉE RUSSE ET DANS UNE SITUATION TRÈS DIFFICILE ET VULNÉRABLE. J'ai fermement demandé au président Poutine de leur épargner la vie. Ce serait un massacre horrible, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Que Dieu les bénisse tous !”, a écrit Trump. »

Au moins, il semble que Trump ait commencé à réaliser que le rapport qu’il faisait de “pertes colossales” attribuées aux Russes contre des pertes beaucoup plus légères des Ukrainiens, pourrait bien devoir être inversé.

Là aussi et encore une fois mais en regrettant que Shakespeare ne soit plus des nôtres, – Nuance pour Nuance

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

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