Désapprendre le loyalisme servile pour marcher vers l’émancipation par Emmanuel KOSADINOS

Désapprendre le loyalisme servile pour marcher vers l’émancipation par Emmanuel KOSADINOS

Cet article explore le loyalisme servile et ses effets sur les luttes pour la libération, en liant impérialisme, spécisme et domination. Il souligne que l’émancipation totale passe par la remise en cause des structures d’injustice, en prônant solidarité, autogestion et dignité pour tous. Un appel à l’unité des forces progressistes pour transformer le monde.

1. Introduction : La nécessité de désapprendre le loyalisme servile

Le loyalisme servile, une forme insidieuse de soumission aux autorités dominantes, se manifeste sous des traits multiples dans les sociétés contemporaines. Il s’agit d’un phénomène où les individus, au lieu de remettre en question l’ordre établi, s’y conforment passivement, souvent par crainte, par habitude ou par désillusion. Cette soumission n’est pas uniquement le fruit d’une soumission personnelle ou individuelle, mais découle de rapports de pouvoir qui structurent profondément nos sociétés. Ces rapports, qu’ils soient économiques, politiques ou idéologiques, génèrent et maintiennent des systèmes de domination, parfois invisibles, mais toujours présents et pernicieux.

À travers l’analyse de penseurs comme Étienne de La Boétie, qui dénonçait déjà la « servitude volontaire » dans son ouvrage Le Discours de la servitude volontaire, et plus récemment à travers les écrits de Frantz Fanon, qui a exploré les dynamiques de soumission dans les contextes coloniaux, il devient évident que le loyalisme servile n’est pas simplement une attitude psychologique ou sociale, mais un phénomène qui doit être analysé dans le cadre de structures politiques et économiques plus larges. La soumission aveugle à l’autorité – qu’elle soit étatique, capitaliste ou impérialiste – empêche l’émancipation, et ce, non seulement des individus, mais aussi des peuples tout entiers.

Le loyalisme servile, loin d’être une simple passivité, constitue une véritable stratégie de domination qui repose sur l’aliénation des masses, l’asservissement psychologique et le contrôle social. Le phénomène devient d’autant plus complexe dans un monde où les rapports de pouvoir sont globalisés et où l’impérialisme, le capitalisme et les systèmes patriarcaux façonnent les mentalités et les comportements. Cette soumission, souvent héritée d’un passé de violences et de soumission, se perpétue dans les formes modernes de domination : l’État autoritaire, les multinationales, l’idéologie capitaliste, et l’impérialisme.

Cependant, une révolution véritable, que ce soit sur le plan politique, économique ou social, nécessite de rompre avec cette dynamique de loyalisme servile. Le processus de « désapprendre » cette soumission n’est pas uniquement un acte de rébellion contre les structures de pouvoir, mais un travail de libération mentale, d’émancipation intérieure. Ce processus passe par l’autonomie de jugement, la capacité à remettre en question non seulement l’autorité extérieure, mais aussi les constructions internes de soumission inculquées au fil des années.

Ainsi, ce travail de « désapprentissage » devient fondamental dans la lutte contre l’oppression. La vraie libération des peuples, des individus, et des sociétés ne peut être réalisée que si l’on parvient à déconstruire ce loyalisme servile, à décoloniser nos esprits et à construire de nouvelles formes de relations humaines fondées sur l’autogestion, la solidarité et la dignité humaine. Dans cet article, nous explorerons les racines du loyalisme servile, ses mécanismes, et les moyens de le désapprendre, en nous appuyant sur les théories de penseurs révolutionnaires comme Karl Marx, Ernest Mandel, Cornelius Castoriadis, Frantz Fanon, Michel Pablo et La Boétie, pour proposer des perspectives qui conduisent à une émancipation collective, anti-impérialiste et antispéciste.

2. Le loyalisme servile : un produit de l’aliénation capitaliste et impérialiste



Le loyalisme servile ne surgit pas de nulle part : il est le produit d’un système de domination profondément ancré, dont les racines se trouvent dans les structures économiques, sociales et politiques du capitalisme et de l’impérialisme. Cette soumission à l’autorité n’est pas une conséquence isolée de l’individu, mais le fruit d’une aliénation systémique qui s’installe dans les rapports sociaux et les institutions.

2.1.L’aliénation dans le capitalisme

Dans le cadre de la pensée marxiste, l’aliénation est une condition essentielle pour comprendre comment le capitalisme produit le loyalisme servile. Marx décrivait l’aliénation comme le processus par lequel les travailleurs, en étant séparés des moyens de production, deviennent étrangers à leur propre travail et à leur propre humanité. Le système capitaliste transforme l’homme en une simple marchandise, réduisant ainsi sa capacité à penser et à agir librement. Dans cette situation, l’individu se trouve soumis aux forces économiques qui le dépassent, à la recherche de la survie dans un monde où la logique du profit prime sur ses besoins fondamentaux.

Le loyalisme servile, dans ce contexte, n’est pas simplement un acte de soumission volontaire, mais un produit d’une aliénation structurelle qui prive les individus de leur autonomie et de leur pouvoir. L’homme aliéné devient ainsi un instrument au service de l’ordre établi, incapable de remettre en question la hiérarchie sociale, puisqu’il ne connaît même pas son propre pouvoir. Le capitalisme, en exploitant cette aliénation, renforce les rapports de domination : l’idéologie dominante enseigne à l’individu qu’il doit se soumettre à l’autorité pour sa propre survie, que ce soit par la recherche d’un emploi, la soumission à des normes sociales, ou l’adhésion à un ordre économique qui perpétue la classe des oppresseurs.

2.2. L’impérialisme et la reproduction du loyalisme servile

L’impérialisme joue un rôle central dans l’extension et la reproduction de cette aliénation à l’échelle mondiale. Les écrits de Frantz Fanon sur la décolonisation et l’aliénation psychologique des peuples colonisés nous offrent un éclairage précieux sur la manière dont l’impérialisme exacerbe cette dynamique de soumission. Fanon analyse comment le colonisé, en étant privé de son identité et de sa culture, est poussé à s’inféoder à la culture coloniale et à ses formes de pouvoir, non seulement dans les rapports sociaux externes, mais aussi à travers une aliénation interne. La colonisation, selon lui, ne se limite pas à une domination physique ou politique ; elle consiste également en une violence psychologique, un processus d’intériorisation des rapports de domination qui conduit à la soumission des peuples colonisés, jusqu’à l’adoption de leur propre oppression comme une réalité immuable.

Fanon va plus loin en expliquant que le loyalisme servile des colonisés vis-à-vis de l’Empire est également renforcé par un système de violence symbolique et de dévalorisation de leur propre culture et histoire. La domination impérialiste, qu’elle soit coloniale ou néocoloniale, utilise les mêmes mécanismes de contrôle psychologique pour maintenir les dominés dans un état d’aliénation. Cette soumission n’est pas un phénomène naturel, mais une construction sociale qui sert à maintenir l’ordre impérial et économique.

2.3. La dynamique de la servitude volontaire : La Boétie et l’aliénation sociale

Le concept de la « servitude volontaire », développé par Étienne de La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire, complète cette analyse. La Boétie explore comment, même sous des régimes tyranniques, les masses se soumettent volontairement à leur oppression, souvent par habitude, par peur ou par manque de conscience politique. Bien que La Boétie parle principalement des régimes monarchiques et de leur pouvoir tyrannique, ses théories sont parfaitement applicables à l’analyse du loyalisme servile dans les sociétés modernes. L’idée fondamentale de La Boétie est que l’oppression perdure uniquement parce que les opprimés acceptent leur soumission, et ce consentement n’est pas toujours explicite mais résulte souvent d’une incapacité à imaginer un autre ordre social, une autre manière d’être.

Cette acceptation de l’ordre établi, loin d’être une « volonté libre », est en réalité un reflet de l’aliénation des individus, de leur incapacité à concevoir une vie en dehors des rapports de domination. Les individus, devenus dépendants du système pour leur survie, acceptent inconsciemment ou consciemment la soumission aux structures sociales, politiques et économiques, les rendant ainsi complices de leur propre aliénation.

2.4. Une critique des rapports de pouvoir

Dans cette logique, la critique du loyalisme servile implique une remise en question des rapports de pouvoir qui génèrent l’aliénation. Le capitalisme et l’impérialisme sont des forces qui non seulement exploitent le travail humain, mais créent aussi un environnement où les individus sont dépossédés de leur capacité à agir en tant qu’agents libres et autonomes. Loin d’être une simple conséquence psychologique, le loyalisme servile est une réponse à un système d’oppression qui prive les individus et les peuples de leur autonomie et de leur dignité.

Les luttes contre l’impérialisme, le capitalisme et toutes les formes de domination ne peuvent se limiter à une simple résistance passive ou symbolique. Elles nécessitent, comme le soulignent Ernest Mandel et Cornelius Castoriadis, un processus radical de transformation des rapports sociaux. Ce processus passe par la construction de formes de vie collectives fondées sur l’autogestion, sur des relations horizontales et non hiérarchiques, et sur l’abolition des structures aliénantes qui conditionnent et reproduisent le loyalisme servile. Ce n’est qu’en déconstruisant ces rapports de domination qu’il sera possible de sortir de l’aliénation et du loyalisme servile pour construire une société véritablement libre et égalitaire.

3. Le loyalisme servile et la question de l’autogestion

Le loyalisme servile, en tant que forme de soumission aveugle et inconditionnelle à une autorité perçue comme légitime, se trouve en opposition directe avec les principes de l’autogestion. Alors que le loyalisme servile repose sur l’acceptation des hiérarchies et des rapports de domination imposés, l’autogestion incarne une forme d’organisation où les individus prennent en charge les décisions qui affectent leur vie, sans recourir à des structures autoritaires ou à des formes d’oppression. Le passage du loyalisme servile à l’autogestion nécessite non seulement une transformation des relations sociales, mais également un changement radical dans la manière dont nous concevons le pouvoir et la gouvernance.

3.1. Le loyalisme servile : une relation de soumission à l’autorité

Le loyalisme servile peut être compris comme une attitude de déférence et d’obéissance totale envers une figure d’autorité, qu’elle soit politique, sociale, ou économique. Cette soumission peut être le résultat d’une éducation, d’une culture ou d’une idéologie qui valorise l’obéissance sans remettre en question l’autorité. Dans ce cadre, l’individu se perçoit comme un simple exécutant des ordres, sans autonomie réelle pour prendre des décisions. Ce mécanisme est renforcé par des structures de pouvoir qui imposent des hiérarchies strictes et maintiennent des rapports de domination.

Derrière ce loyalisme se cache une aliénation profonde, un mécanisme qui empêche l’individu de s’affirmer pleinement en tant qu’acteur de sa propre vie. Le loyalisme servile, dans cette logique, alimente la reproduction du système dominant, qu’il soit capitaliste, impérialiste, patriarcal ou encore raciste. Cette forme de soumission devient un obstacle majeur à la transformation sociale, car elle empêche les individus de remettre en question les fondements mêmes de l’autorité.

3.2. L’autogestion : un modèle de démocratie directe et de souveraineté populaire

L’autogestion, en revanche, se veut une alternative radicale à ce loyalisme servile. Elle repose sur la notion de souveraineté populaire, où le pouvoir n’est plus concentré entre les mains d’une élite, mais distribué de manière horizontale entre les individus ou au sein de collectivités organisées. Dans un système autogéré, les décisions sont prises collectivement, souvent à travers des assemblées, des conseils ou d’autres formes de démocratie directe, qui permettent à chacun de participer activement à la gestion de ses affaires.

L’autogestion est également un processus de réappropriation du pouvoir, non seulement sur les ressources économiques et matérielles, mais aussi sur les processus décisionnels qui structurent la société. Contrairement au loyalisme servile, où l’autorité est perçue comme un élément inaltérable, l’autogestion repose sur l’idée que le pouvoir peut et doit être exercé de manière démocratique, sans la médiation de hiérarchies centralisées.

Pour des penseurs comme Cornelius Castoriadis, l’autogestion représente un idéal d’autonomie, à la fois individuelle et collective. Elle n’est pas seulement un modèle économique, mais un principe fondamental d’organisation sociale, fondé sur la capacité des individus à se gouverner eux-mêmes. Cette approche s’oppose directement à l’idée de subordination et d’obéissance aveugle, incarnée par le loyalisme servile.

3.3. De la soumission à l’autogestion : un cheminement vers l’émancipation

La transition du loyalisme servile à l’autogestion implique un processus complexe de libération mentale et sociale. L’un des principaux défis réside dans la déconstruction des rapports de pouvoir internalisés, qui ont été inculqués tout au long de la vie à travers l’éducation, la culture et les systèmes politiques. Il s’agit de remettre en question l’idée même que l’autorité est une condition naturelle et nécessaire pour l’ordre social.

Un exemple frappant de ce processus est l’expérience des conseils ouvriers et des soviets, qui ont émergé à différentes époques et dans divers contextes historiques. Ces formes de gouvernance, bien qu’elles n’aient pas toujours duré, ont montré qu’il est possible de mettre en place des structures de gestion directe et démocratique, où les décisions sont prises collectivement, par ceux qui sont directement concernés par ces décisions. Cela représente un rejet du modèle d’autorité centralisée et la mise en place de nouvelles formes d’organisation, plus horizontales et égalitaires.

La mise en œuvre de l’autogestion, dans un contexte de résistance au loyalisme servile, nécessite de repenser la division du travail, les structures économiques et les rapports sociaux. Elle exige aussi de surmonter la tendance à déléguer le pouvoir à des élites ou à des représentants, une pratique courante dans les systèmes politiques traditionnels, où l’individu perd son autonomie au profit de la représentation.

3.4. Le lien entre autogestion et libération totale : une vision universaliste

L’autogestion ne se limite pas à une simple organisation économique ou politique ; elle touche également les aspects sociaux et culturels de la vie humaine. Comme Frantz Fanon et Ernest Mandel l’ont entendu et évoqué, l’autogestion est une condition nécessaire à l’émancipation totale des individus et des peuples, au-delà de la simple libération politique ou économique. Elle implique la transformation des rapports sociaux dans leur ensemble, en mettant fin à l’exploitation et à l’oppression, qu’elles soient économiques, raciales, de genre ou même spécistes.

L’autogestion est également indissociable de la libération collective. Elle nécessite de repenser la solidarité, la coopération et la liberté, non seulement pour les individus, mais aussi pour les groupes marginalisés et opprimés. La lutte pour l’autogestion est ainsi un processus politique, social et idéologique qui doit inclure les luttes anti-impérialistes, féministes et antispécistes, pour créer un monde où les rapports de domination sont abolis, et où la souveraineté populaire devient la norme.

Le loyalisme servile, dans ce cadre, se révèle être un instrument d’asservissement, un moyen de maintenir les individus et les peuples sous le contrôle des puissances dominantes. Le passage à l’autogestion constitue donc un défi de taille, mais aussi une promesse de libération totale. Un tel projet ne peut se réaliser sans une réflexion radicale sur la nature du pouvoir, de la soumission et de l’autonomie, mais il ouvre également la voie à un monde plus égalitaire, plus solidaire et plus libre.

3.5. Conclusion sur les rapports entre loyalisme servile et autogestion

Le loyalisme servile et l’autogestion sont deux modèles antagonistes de structuration des rapports sociaux et politiques. Tandis que le loyalisme servile repose sur l’asservissement à une autorité extérieure, l’autogestion incarne une rupture radicale avec ce modèle, en offrant une alternative basée sur la gestion collective, la démocratie directe et la souveraineté populaire. Le passage de l’un à l’autre est un processus complexe, qui exige un changement de paradigme et une transformation profonde des relations humaines. Toutefois, ce chemin vers l’autogestion, loin d’être utopique, est une voie concrète vers l’émancipation, une manière de créer une société plus juste et plus libre.

4. Le loyalisme servile et les luttes anti-impérialistes et antispécistes

Le loyalisme servile, comme nous l’avons vu précédemment, se caractérise par une soumission aveugle à l’autorité et une acceptation des rapports de domination, qu’ils soient sociaux, politiques, ou économiques. Cette soumission peut prendre des formes diverses, et l’une des plus insidieuses réside dans l’incapacité de remettre en question les structures d’oppression, qu’elles soient liées à l’impérialisme ou au spécisme. Ces deux formes de domination sont particulièrement révélatrices du loyalisme servile, car elles impliquent des rapports de pouvoir et d’exploitation globalisés et systématiques. À travers l’anti-impérialisme et l’antispécisme, nous pouvons voir comment le loyalisme servile se manifeste et comment il doit être déconstruit pour avancer vers des sociétés plus justes et égalitaires.

4.1. Le loyalisme servile et l’impérialisme

L’impérialisme, qu’il soit économique, militaire, culturel ou idéologique, repose sur l’idée que certaines nations ou groupes humains ont le droit de dominer et d’exploiter d’autres peuples. Le loyalisme servile dans le contexte de l’impérialisme se manifeste souvent par une acceptation passive de cette domination. Loin d’être perçu comme une oppression, l’impérialisme est parfois justifié comme une « mission civilisatrice », une idée qui a traversé des siècles d’histoire coloniale, où les puissances impérialistes se sont présentées comme des bienfaitrices venues « éduquer » les peuples dits « primitifs » ou « sauvages ».

Dans ce cadre, le loyalisme servile prend la forme d’une adhésion tacite ou explicite aux rapports de pouvoir imposés par les puissances coloniales et impérialistes. Par exemple, de nombreuses sociétés colonisées ont vu leur culture, leur identité et leurs systèmes de gouvernance dévalorisés et remplacés par ceux des colonisateurs. L’acceptation de ces hiérarchies et l’intégration des idéologies impérialistes dans les mentalités locales ont contribué à la perpétuation de cette soumission. Ce loyalisme servile est renforcé par les structures économiques mondiales qui favorisent l’exploitation continue des pays du Sud global, empêchant toute forme d’émancipation véritable.

L’anti-impérialisme, au contraire, refuse cette soumission et cherche à dénoncer et à renverser les rapports de domination impérialistes. Dans cette perspective, l’anti-impérialisme est intrinsèquement lié à la lutte pour l’autodétermination des peuples et à la dénonciation des injustices historiques, comme celles infligées par la colonisation. Il s’agit de revendiquer une rupture avec ce modèle de domination et de mettre en place des formes de solidarité internationale qui ne reposent pas sur la soumission, mais sur l’égalité et l’autonomie des peuples.

4.2. Le loyalisme servile et le spécisme

Le spécisme, à l’instar de l’impérialisme, est une idéologie qui justifie la domination d’une espèce sur une autre. Dans nos sociétés contemporaines, cela se traduit par la subordination systématique des animaux non-humains, qui sont réduits à des objets d’exploitation, que ce soit pour la nourriture, les vêtements, le divertissement, ou les expérimentations scientifiques. Le loyalisme servile dans ce contexte se manifeste par l’acceptation sans critique de cette hiérarchie spéciste, où les êtres humains sont perçus comme moralement supérieurs aux autres espèces.

La plupart des individus dans les sociétés modernes vivent dans une relation de déconnexion par rapport aux réalités de l’exploitation animale. La souffrance animale, qu’elle soit liée à l’élevage industriel, à la vivisection, ou à l’exploitation dans les zoos et les cirques, est souvent invisibilisée ou rationalisée par des arguments culturels, religieux ou économiques. Ce loyalisme servile, qui accepte les pratiques spécistes sans se remettre en question, est également le produit d’un système capitaliste qui exploite les animaux pour maximiser les profits, tout en utilisant des mécanismes idéologiques pour justifier cette exploitation.

L’antispécisme, à l’inverse, cherche à remettre en question ces rapports de domination. Il s’agit de reconnaître que, tout comme l’anti-impérialisme lutte contre les rapports de domination entre peuples, l’antispécisme lutte contre la hiérarchie qui place l’homme au sommet d’une échelle d’être et d’exploitation. Dans cette lutte, l’antispécisme propose une déconstruction du loyalisme servile envers les rapports de pouvoir qui subordonnent les animaux, et appelle à une remise en cause des systèmes qui permettent de les traiter comme des moyens au service des besoins humains.

4.3. Le loyalisme servile comme obstacle à l’émancipation universelle

Le loyalisme servile, qu’il soit au service de l’impérialisme ou du spécisme, constitue un obstacle majeur à l’émancipation. En effet, il empêche les individus, les peuples et les sociétés de s’affirmer comme des sujets autonomes capables de se gouverner et de définir leurs propres destins. Ce loyalisme entretient les rapports de domination en instaurant une normalisation de l’injustice et en annihilant toute forme de résistance.

Les luttes anti-impérialistes et antispécistes, en se conjuguant, montrent qu’il est impossible de défendre une véritable libération sans remettre en cause l’ensemble des rapports de domination. L’anti-impérialisme ne peut être efficace que s’il est accompagné d’une remise en question des autres formes d’exploitation, comme celles des animaux. De même, l’antispécisme doit se lier à des luttes plus larges, telles que la lutte contre le patriarcat, le racisme, et l’exploitation capitaliste, pour réaliser une émancipation totale.

Cette double lutte, contre l’impérialisme et contre le spécisme, fait écho à l’appel universel d’une libération globale, où toutes les formes de domination, qu’elles soient humaines ou non-humaines, sont abolies. Il s’agit d’aller au-delà de la simple contestation des systèmes dominants, pour opérer une transformation radicale des rapports sociaux, fondée sur l’autonomie, la solidarité et l’égalité.

4.4. Conclusion intermédiaire : Une lutte commune pour une libération totale

Dans la lutte contre le loyalisme servile, il est nécessaire de déconstruire les fondements idéologiques qui sous-tendent l’impérialisme et le spécisme. Ces idéologies ne sont pas seulement des justifications pratiques pour l’exploitation ; elles sont des constructions mentales qui doivent être contestées et renversées pour ouvrir la voie à une société plus juste et égalitaire. Le loyalisme servile, dans sa forme impérialiste et spéciste, continue de maintenir l’ordre des rapports et l’essence de la domination des peuples et des espèces. Il est impératif de libérer nos imaginaires et nos pratiques de ce loyalisme servile pour faire advenir un monde où l’autogestion, la solidarité et l’égalité se construisent au-delà des frontières de l’humanité. C’est dans ce cadre que l’anti-impérialisme et l’antispécisme se rejoignent dans une lutte commune, en faveur d’une libération totale, qui englobe toutes les formes d’exploitation et d’oppression.

5. Démonstration par l’exemple concret

5.1. Le loyalisme servile dans le contexte impérialiste : Le fonctionnaire d’un gouvernement corrompu

Contexte : Un fonctionnaire dans un pays du Sud, où les politiques économiques sont dictées par des puissances impérialistes, travaille pour un gouvernement qui a signé des accords avec des institutions internationales (comme le FMI ou la Banque mondiale). Ces accords impliquent des ajustements structurels qui réduisent les dépenses sociales et imposent des réformes économiques néfastes pour les populations locales.

Comportement : Bien que ce fonctionnaire connaisse les impacts destructeurs de ces politiques sur les pauvres et les classes moyennes, il justifie publiquement les réformes en invoquant le « progrès » ou la « croissance » promis par les bailleurs de fonds étrangers. Lors des réunions, il défend l’idée que son gouvernement n’a pas d’autre choix que de suivre ces politiques sous peine de s’exposer à des sanctions économiques ou de perdre des investissements étrangers cruciaux. Ce fonctionnaire devient ainsi un relais de la volonté impérialiste, adoptant un comportement typique de loyalisme servile : une soumission volontaire à des structures d’exploitation extérieures, au détriment de l’autonomie et du bien-être du peuple, et ce, même face à des preuves flagrantes de l’argumentation contraire.

5.2. Le loyalisme servile dans l’antispécisme : Le consommateur de produits d’origine animale

Contexte : Un cadre supérieur dans une entreprise de marketing, très engagé dans les préoccupations environnementales et sociales, soutient des campagnes contre le réchauffement climatique et pour les droits des travailleurs. Cependant, il continue d’acheter des produits d’origine animale, fermant les yeux sur les conditions de vie des animaux dans l’industrie agroalimentaire.

Comportement : Lors d’un dîner avec des amis, il explique les bienfaits d’un mode de vie durable tout en commandant un steak et un verre de vin provenant de vignobles où des pratiques de production intensives sont courantes. Quand ses amis abordent la question de la souffrance animale dans l’élevage industriel, il minimise la question, prétextant qu’il n’a « pas le temps » d’explorer les alternatives éthiques ou que ces questions « sont trop complexes » pour qu’il puisse agir maintenant. Par son attitude, il montre un loyalisme servile envers les industries qui exploitent les animaux, même s’il se prétend conscient des problèmes éthiques. Ce comportement reflète une soumission passive à un système de consommation qui repose sur l’exploitation des autres espèces, tout en continuant de véhiculer une image de responsabilité sociale.

5.3. Le loyalisme servile dans l’autogestion : Le membre passif d’un collectif autogestionnaire

Contexte : Dans un collectif autogestionnaire dédié à la promotion de l’écologie et de l’autonomie des communautés, les décisions sont supposées être prises de manière démocratique et collective, avec une participation égale de tous les membres. Cependant, au fil du temps, certains individus se retrouvent à occuper des positions de leadership informelles, en raison de leur charisme ou de leur expertise.

Comportement : Marc, un membre du collectif, voit les décisions de plus en plus influencées par un petit groupe d’individus, souvent ceux qui ont plus de temps ou de ressources. Lors des réunions, il observe que certaines propositions sont systématiquement écartées ou ignorées, non pas pour des raisons de fond, mais parce qu’elles vont à l’encontre des intérêts d’un groupe restreint. Marc est conscient de cette inégalité, mais choisit de rester silencieux, arguant qu’il « ne veut pas créer de conflits » et qu’il « n’a pas vraiment le temps de se battre pour ces questions ». Il justifie son attitude en se disant que l’autogestion prend du temps et que les autres semblent plus expérimentés. Ce comportement de soumission, bien qu’il fasse partie d’un mouvement autogestionnaire, constitue un loyalisme servile en ce qu’il accepte la hiérarchie informelle qui se crée à l’intérieur du groupe, sapant ainsi l’objectif de gestion démocratique égalitaire.

6. Le processus de désapprentissage : un chemin vers l’autonomie et la libération

Le loyalisme servile, en tant que mécanisme de soumission et d’aliénation, ne peut être surmonté que par un processus actif de désapprentissage, un effort conscient pour déconstruire les logiques de soumission et retrouver la capacité d’agir en tant qu’individu et en tant que collectivité autonome. Ce processus, loin d’être simple ou linéaire, nécessite un travail intellectuel, émotionnel et pratique profond qui se déploie sur plusieurs niveaux : personnel, social, politique et culturel. Il ne s’agit pas simplement de rejeter l’autorité extérieure, mais de remettre en question les mécanismes internes qui conduisent à accepter cette autorité comme légitime.

6.1. La prise de conscience de l’aliénation

Le premier pas vers la désalienation et la libération de la soumission est la prise de conscience. Comme l’ont souligné des penseurs comme Cornelius Castoriadis et Frantz Fanon, cette prise de conscience implique une réflexion critique sur les structures sociales, économiques et idéologiques qui conditionnent notre manière de penser, d’agir et de nous percevoir nous-mêmes. Castoriadis, par exemple, a insisté sur la nécessité d’une autonomie instituante : un processus par lequel les individus et les sociétés prennent conscience des structures sociales qui les gouvernent et, par conséquent, se donnent les moyens de les transformer.

Dans cette perspective, désapprendre le loyalisme servile commence par l’activation d’une pensée critique, qui remet en question les présupposés les plus fondamentaux de l’ordre social, tels que l’inévitabilité du capitalisme, l’acceptation de l’autorité étatique, ou l’injustice systémique de l’impérialisme. L’individu ou la collectivité qui prend conscience de l’aliénation subie se libère partiellement de son état de soumission et ouvre ainsi la voie à des formes de résistance plus actives et autonomes.

6.2. La rupture avec la logique de soumission : la résistance intérieure et extérieure

Une fois la prise de conscience amorcée, le processus de désapprentissage s’étend au travail de rupture avec la logique de soumission qui caractérise le loyalisme servile. Ce travail de rupture est à la fois intérieur et extérieur, psychologique et politique. Il s’agit de déconstruire l’intériorisation des rapports de domination et de se libérer de la croyance en la légitimité de l’autorité, qu’elle soit impérialiste, capitaliste ou étatique.

La résistance intérieure implique un travail sur soi-même : il s’agit de refuser d’accepter les schémas de pensée et de comportement imposés par le système. Ce travail de résistance intérieure peut prendre différentes formes : la recherche de l’autonomie intellectuelle, l’auto-organisation dans les domaines personnels et professionnels, et la remise en question des valeurs dominantes, comme l’individualisme et la compétition. Ce processus demande une remise en question des structures mentales et des conditionnements sociaux qui nous poussent à accepter la domination et à la reproduire.

La résistance extérieure se traduit par des actions concrètes contre les structures qui perpétuent le loyalisme servile. Cela peut prendre la forme d’organisations collectives (syndicats, mouvements sociaux, partis révolutionnaires), de formes d’autogestion (comme la gestion démocratique des lieux de travail ou des communautés), ou d’actions directes contre les formes d’exploitation (grèves, manifestations, boycott). La résistance extérieure, tout en étant nécessaire pour briser le système de domination, doit aussi être accompagnée d’un travail de transformation de la subjectivité individuelle et collective : il ne suffit pas de changer les structures extérieures sans un changement profond dans la manière de penser et de vivre.

6.3. L’autogestion : la construction de formes de vie alternatives

Une des voies les plus prometteuses pour désapprendre le loyalisme servile réside dans la construction de formes de vie alternatives basées sur l’autogestion. Comme l’ont développé des auteurs comme Michel Pablo et Cornelius Castoriadis, l’autogestion représente une forme d’organisation sociale où les individus prennent collectivement en charge les décisions qui les concernent, au lieu de se soumettre à des hiérarchies imposées de manière autoritaire. L’autogestion permet de sortir des rapports de domination en redonnant aux individus et aux groupes le pouvoir de décider de leur destin.

Dans ce contexte, désapprendre le loyalisme servile consiste à instaurer des rapports humains fondés sur l’égalité, la solidarité et l’autonomie. Il s’agit de créer des espaces où les individus peuvent se réapproprier leur vie, tant sur le plan matériel que symbolique, et où la prise de décision se fait de manière démocratique et horizontale. Ces formes d’autogestion, qu’elles soient expérimentées dans le cadre des luttes sociales, des lieux de travail, ou dans les communautés, doivent être accompagnées d’une rééducation permanente, d’une réflexion sur le processus de changement social, et de la volonté de ne jamais retomber dans les travers de la soumission.

Les Zones Á Défendre (ZAD) représentent une forme de résistance populaire et autogestionnaire qui incarne les principes d’autonomie, d’anti-impérialisme et de lutte contre les structures d’exploitation extérieures. Ces espaces occupés sont souvent le lieu d’une confrontation entre les projets d’aménagement ou d’exploitation capitalistes (par exemple, des infrastructures imposées par l’État ou des multinationales) et les communautés locales ou militantes qui revendiquent leur droit à la terre, à la préservation de l’environnement et à une organisation sociale alternative. À travers l’auto-organisation et la mise en pratique d’une économie solidaire et décentralisée, les ZADers cherchent à remettre en cause les rapports de domination, tant économiques que politiques, en substituant à l’ordre marchand et étatique des logiques de coopération et d’entraide. Elles incarnent ainsi un refus du loyalisme servile, rejetant les normes imposées par un système impérialiste et productiviste, tout en affirmant des pratiques alternatives à l’exploitation des humains et de la nature. Ces luttes s’inscrivent dans un cadre plus large de décolonisation des imaginaires sociaux, où les individus et les collectifs cherchent à reconstruire une société fondée sur la solidarité, l’émancipation collective et le respect des ressources naturelles.

6.4. L’anti-impérialisme, l’antispécisme et l’universalité des luttes

La désalienation et la désapprentissage du loyalisme servile ne peuvent se limiter à une simple transformation de l’individu ou de la société. Ces luttes doivent être inscrites dans une perspective globale, car l’oppression n’est jamais isolée. Elle est toujours liée à un ensemble de rapports de domination : économique, racial, sexuel, impérialiste et même spéciste. Ainsi, un véritable processus de libération ne peut ignorer les liens entre les différentes formes de domination, et doit s’orienter vers une lutte anti-impérialiste et antispéciste.

L’anti-impérialisme vise à mettre fin à l’exploitation des peuples, à la domination impérialiste et à l’injustice mondiale. Il s’agit de rejeter la logique de subordination des nations et des peuples aux puissances impérialistes, tout en luttant contre les effets délétères du néocolonialisme économique et culturel. L’antispécisme, de son côté, propose de déconstruire les hiérarchies basées sur l’exploitation des animaux, remettant en cause l’une des formes les plus invisibles et enracinées de domination. Ces deux luttes sont indissociables d’une vision universaliste, qui cherche à émanciper tous les êtres vivants de l’exploitation, de l’oppression et de la soumission.

Dans ce cadre, le désapprentissage du loyalisme servile prend tout son sens, car il exige une transformation radicale des rapports de pouvoir à l’échelle mondiale, un renversement des structures de domination qui gouvernent nos vies. La lutte contre le loyalisme servile est donc également une lutte pour un monde plus juste, plus égalitaire et plus solidaire.

6.5. Résumé du processus de désapprentissage

Désapprendre le loyalisme servile, c’est d’abord prendre conscience des structures qui nous aliènent, puis entreprendre un travail de rupture avec elles, tant au niveau personnel que collectif. C’est créer de nouvelles formes de relations sociales, fondées sur l’égalité, l’autogestion et la solidarité, et c’est enfin lutter contre l’ensemble des rapports de domination, qu’ils soient liés au capitalisme, à l’impérialisme, au patriarcat ou au spécisme. La désalienation est un projet de transformation radicale, et le processus de désapprentissage, bien qu’il soit long et complexe, est la clé pour bâtir un monde réellement libre et égalitaire.

7. Conclusions : Unir nos forces pour une émancipation totale

La notion de libération totale que nous défendons ici dépasse les cadres traditionnels de lutte et de résistance que l’on trouve souvent dans des contextes strictement humains. Elle embrasse une vision universelle de l’émancipation, où la libération ne se limite pas aux rapports sociaux humains, mais s’étend à toutes les formes de domination, y compris celles qui affectent les autres espèces, les peuples colonisés, les classes sociales opprimées et les environnements eux-mêmes. Dans cette perspective, la libération totale est inextricablement liée à la déconstruction du loyalisme servile, que ce soit sous la forme de soumission à l’impérialisme, au capitalisme, ou au spécisme.

7.1. Unité des luttes : L’anti-impérialisme et l’antispécisme comme dimensions complémentaires

L’anti-impérialisme et l’antispécisme, bien qu’ils s’attaquent à des formes de domination différentes, convergent dans leurs objectifs de justice sociale et de rétablissement de l’égalité. Le loyalisme servile, qui alimente les structures de pouvoir impérialistes et spécistes, fonctionne comme un mécanisme de maintien de ces rapports inégalitaires. C’est en prenant conscience de cette dynamique que les luttes contre l’impérialisme et le spécisme deviennent non seulement des combats éthiques, mais également des combats politiques.

L’anti-impérialisme lutte pour la libération des peuples et des nations sous domination. Cependant, cette lutte ne peut être pleinement efficace que si elle remet en question la hiérarchie qui place certaines formes de vie humaine au-dessus d’autres, en érigeant les colonisateurs et les puissances impérialistes en groupes privilégiés. C’est dans ce cadre que l’antispécisme prend toute son importance. Il complète cette vision en condamnant toute hiérarchie fondée sur l’espèce et en s’opposant à l’exploitation systématique des animaux, une forme de domination souvent ignorée ou invisibilisée dans nos sociétés modernes.

Ainsi, la lutte contre l’impérialisme et le spécisme ne sont pas des combats isolés, mais des facettes d’une même bataille contre toutes les formes d’oppression. Ces luttes partagent des objectifs communs : la justice, l’égalité, l’autonomie, et la liberté. Elles exigent une remise en question profonde de toutes les structures qui soutiennent l’inégalité et l’exploitation, et ce, non seulement à travers des discours politiques et des réformes institutionnelles, mais aussi par une transformation radicale des pratiques quotidiennes et des représentations sociales.

7.2. Le loyalisme servile : un obstacle à la transformation sociale et éthique

Le loyalisme servile, qui consiste à accepter passivement les rapports de domination, constitue un obstacle majeur à cette transformation. Dans chaque sphère de domination – qu’elle soit impérialiste ou spéciste – ce loyalisme nourrit l’acceptation des injustices et crée un climat où la résistance se trouve étouffée, soit par l’idéologie, soit par la répression directe. Que ce soit par l’adhésion aux normes impérialistes de civilisation ou par la justification des pratiques de violence systématique contre l’humain et le vivant non humain, le loyalisme servile maintient les structures existantes et rend leur contestation difficile.

Pour briser ce cercle vicieux, il est essentiel de déconstruire les fondements idéologiques qui soutiennent ces rapports de domination. La révolte contre le loyalisme servile, qu’il soit lié à l’impérialisme ou au spécisme, exige une rupture radicale avec les idées dominantes, ainsi qu’une construction de nouvelles formes de solidarité, d’entraide et de justice sociale universelle. Cela implique un processus de conscientisation, où les individus et les groupes opprimés prennent conscience de leur exploitation et refusent de la légitimer par des préjugés culturels ou économiques. Cela nécessite aussi la mise en place de pratiques alternatives, comme l’autogestion, notamment dans le cadre des ZAD et des territoires libérés, qui permettent aux peuples et aux individus de s’émanciper de la tutelle des structures dominantes.

7.3. Une vision universaliste de la libération : Au-delà de l’humanité

La libération totale va au-delà de l’autonomisation de l’individu humain dans un cadre social donné. Elle postule que l’émancipation de l’humanité ne peut être atteinte tant que d’autres peuples et d’autres formes de vie subissent des formes de domination, d’exploitation et d’oppression. C’est une vision universaliste où chaque être vivant, qu’il soit humain ou non-humain, a droit à la reconnaissance de son existence et de ses droits fondamentaux. Cette approche, qui remet en cause la hiérarchie des espèces, établit un lien direct entre l’émancipation humaine et l’émancipation des autres formes de vie. C’est dans cette logique que les luttes contre l’impérialisme et le spécisme se rejoignent dans un combat commun pour la justice et la dignité de toutes les créatures vivantes.

Pour que cette libération soit réalisée, il est impératif de fonder une éthique qui dépasse les frontières nationales, culturelles et d’espèce. Une telle éthique repose sur le principe de l’égalité fondamentale de tous les êtres vivants et sur la solidarité active entre les peuples, les individus et les espèces. Elle appelle à l’abolition des systèmes de domination qui perpétuent l’exploitation des ressources humaines et naturelles, et qui exploitent la force de travail et les vies d’êtres non-humains pour des intérêts économiques ou idéologiques d’une minorité de nantis.

7.4. Autogestion et solidarité universelle : Un chemin vers la libération totale

La mise en place de l’autogestion et d’une solidarité universelle est au cœur de cette lutte pour la libération totale. L’autogestion, à la fois comme pratique et comme principe, constitue une réponse directe aux rapports hiérarchiques et autoritaires imposés par l’impérialisme et le spécisme. Elle permet aux peuples et aux communautés de s’organiser de manière démocratique, sans la tutelle des pouvoirs centraux ou des logiques de domination. Elle offre un modèle alternatif d’organisation sociale où les décisions sont prises collectivement, et où chacun a une voix égale dans les processus politiques et économiques.

Cette organisation doit également inclure une vision de solidarité universelle qui dépasse les frontières humaines et prend en compte les besoins et les droits des autres formes de vie. Dans ce cadre, la solidarité internationale et inter-espèces se constitue comme une pratique politique et éthique fondamentale, pour soutenir et renforcer les luttes locales et globales contre l’oppression sous toutes ses formes.

Elle a le devoir de se faire accoucheuse de nouvelles formes institutionnelles.

7.5. Le mot de la fin : L’émancipation face au loyalisme servile

L’émancipation universelle, en perpétuel progrès, est un projet politique, éthique et social qui lie les luttes contre l’impérialisme, le spécisme et le loyalisme servile à une transformation radicale de l’ordre mondial. Ce projet appelle à l’unité des forces progressistes et révolutionnaires pour une justice, une égalité et une dignité pour tous les êtres vivants.

Le loyalisme servile, qui nourrit la soumission aux structures d’exploitation, est un obstacle majeur à l’émancipation. Il doit être dépassé pour permettre une véritable libération, fondée sur l’autonomie et la solidarité entre peuples, espèces et nature. Ce projet transcende les frontières géopolitiques et culturelles et appelle à réviser radicalement nos rapports pour construire un monde où solidarité, égalité et autogestion sont les principes directeurs.

Lutter contre toutes les formes de domination – impérialiste, spéciste ou autre – est essentiel pour une libération totale, qui dépasse les oppressions sociales et transforme nos valeurs et modes de vie. L’émancipation est un projet collectif et global, un appel à un monde fondé sur la justice, la dignité et le respect mutuel, où chaque vie est célébrée dans sa capacité à porter l’espoir, la sagesse et la créativité.

8. Lectures ad hoc proposées

Castoriadis, Cornelius. La société industrielle et son avenir. Éditions du Seuil, 1975.

Fanon, Frantz. Les Damnés de la Terre. Éditions Maspero, 1961.

Jeangène Vilmer, Jean-Baptiste. L’Antispécisme. Presses Universitaires de France, 2018.

Mandel, Ernest. Théorie économique marxiste. Éditions Sociales, 1962.

Pablo, Michel. Le capitalisme ou le socialisme ? L’affrontement mondial à venir. Éditions Sociales, 1952.

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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